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28 février 2026 COLLOQUE UNIVERSITAIRE INTERNATIONAL

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Le Procès du (xxe) siècle », le procès Scopes en 1925 à Dayton, Tennessee

Par Owen Hugh

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« Le Procès du (XXe) siècle », le procès Scopes en 1925 à Dayton, Tennessee1.

Hugh Owen2

Présentation : Le célèbre « procès du singe », en 1925, fut – comme le procès Roe versus Wade pour l’avortement –, un cas fabriqué en vue de « faire avancer » la société, en créant une jurisprudence favorable à l’introduction de la théorie de l’évolution dans les écoles. Comme l’enseignant qui s’était prêté à ce jeu, John Thomas Scopes, fut condamné à payer 100 dollars, ce procès est donné comme un exemple d’obscurantisme dans les États du Sud-Est, surnommés la « ceinture de la Bible » Bible belt. On en découvrira ici un aspect méconnu mais très actuel : l’enjeu eugéniste. Aujourd’hui où l’ingénierie sociale à l’échelle mondiale s’attaque à la régulation quantitative et à la reproduction individuelle des êtres humains, il importe de savoir que les idées et les actes qui ont été reprochés au national-socialisme étaient en réalité portés, à l’époque, par nombre d’États européens et américains3.

Les médias internationaux ont généralement présenté ce procès comme un combat entre les forces des Lumières, adeptes de l’Évolution, représentées par le super avocat Clarence Darrow, et les forces de l’obscurantisme conduites par l’ignare maniaque de la Bible, William Jennings Bryan. En outre, le procès Scopes tournait autour d’un manuel qui enseignait l’évolution humaine et les attraits de l’eugénisme imposé par l’État, en application de la théorie de l’évolution. Dans un livre que nous publierons prochainement, l’auteur montre que la foi aveugle dans l’évolution « du microbe à l’homme » conduit directement à l’imposition par la loi aux États-Unis de la science de l’eugénisme et à la stérilisation, ordonnée par les tribunaux, de dizaines de milliers d’êtres humains considérés « inaptes » à se reproduire. Suivront des extraits de ce livre.

La triste histoire commence avec Francis Galton, le cousin de Charles Darwin. C’est à Galton que revient le plus grand mérite de propagation de la théorie de l’eugénisme comme conclusion scientifique absolue.

Clarence Darrow et William Jennings Bryan au procès Scopes.

Fig. 1.Clarence Darrow et William Jennings Bryan au procès Scopes.

Galton a publié ses articles sur l’eugénisme exactement six ans après De l’Origine des espèces de Darwin. Le principe de la théorie est que la race humaine peut être progressivement améliorée et les maux sociaux simultanément éliminés par un programme de procréation sélective.

La science eugénique promet une amélioration de la société en encourageant la procréation des « aptes » au détriment des « inaptes » et en empêchant, par la force, les indésirables de jamais donner naissance à un « inapte ». Galton introduisit la technique d’inclure dans un Bottin les hauts niveaux d’aptitude, ce qu’il comparaît aux méthodes d’élevage des animaux. Ce modèle fut utilisé par la recherche scientifique pendant près d’un siècle.

Les marchands d’eugénisme poussaient le gouvernement à ne permettre la procréation qu’aux seuls possesseurs des qualités désirables de corps et d’esprit, en soulignant que cela donnerait de meilleurs spécimens et des sujets plus productifs à l’État.

Par exemple, Galton soutenait que si des hommes doués étaient accouplés à des femmes douées ayant les mêmes traits mentaux et physiques qu’eux-mêmes, génération après génération, nous pourrions produire une race humaine de haut lignage, sans tendance à revenir à des spécimens ancestraux de moindre qualité, comme le montrent nos élevages de chevaux de course ou de ces fameux chiens anglais appelés les foxhounds.

Pour réellement purifier la race des gènes indésirables et ainsi éliminer les défectueux socialement inadaptés, il faut recourir à la stérilisation forcée. L’objectif était de débarrasser la société de l’idiotie, de l’imbécillité, de la faiblesse d’esprit et de l’épilepsie. Les docteurs, bien entendu, constituent par excellence les membres les plus respectés de la science. Les médecins qui acceptaient l’eugénisme le qualifiaient de science de la génétique. Ces médecins, à leur tour, convainquirent le législateur que l’eugénique était bien plus que de la simple science, et que de mettre en place les buts de l’eugénisme était capital pour le bien de l’État et la santé publique. Ils stimulèrent l’enthousiasme des législateurs pour réduire les procréations incontrôlées chez les socialement inadaptés. La théorie eugénique de Galton fit rage, ainsi que les théories de Lyell et de Darwin pendant la plus grande partie du XXe siècle.

Le fameux Procès Scopes, le procès du singe, illustra la bataille de la science contre le « créationnisme » et elle fut livrée dans l’arène du droit. Bien que la nation fût captivée par ce combat, peu de gens savaient qu’il impliquait aussi l’enseignement de l’eugénisme. Ce que le Tennessee voulait interdire d’enseigner à John Scopes était le manuel de biologie de George Hunter, une Biologie Civique, promouvant explicitement l’eugénisme4.

Un passage de cet ouvrage concernait les socialement indésirables, c’est-à-dire ceux que visaient les eugénistes, et enseignait aux élèves du Tennessee que si ces gens étaient des animaux inférieurs nous les tuerions probablement pour empêcher leur propagation. L’humanité ne permet pas cela, mais nous avons le moyen de séparer les sexes dans des asiles ou autres endroits et d’empêcher par divers moyens les intermariages et la perpétuation de cette race inérieure de dégénérés. Des remèdes de ce genre ont été essayés avec succès en Europe et ils obtiennent maintenant de bons résultats dans ce pays [les É-U. de l’époque].

Le procès Scopes se tint en 1925, mais dès 1907, l’Indiana avait déjà adopté des lois eugénistes. Ce fut le premier État à le faire. Le préambule à la loi de l’Indiana décrétait que l’hérédité joue un rôle très important dans la transmission du crime, de l’idiotie et de l’imbécillité. Finalement, beaucoup d’autres États suivirent l’exemple de l’Indiana. Et ces États, par leurs lois eugénistes, ont imposé la stérilisation forcée à des personnes que les médecins de l’État diagnostiquaient comme indésirables, ont interdit à ces personnes de se marier, les ont confinées dans des institutions d’État ou les ont expulsées du pays. Le Président Theodore Roosevelt déclara : ce n’est pas le rôle de la société de permettre à des dégénérés de se reproduire. Le futur président Woodrow Wilson, alors gouverneur du New Jersey, signa sa loi de stérilisation obligatoire. La Virginie rejoignit le lot lorsqu’elle passa son « Acte d’intégrité raciale » en 1924, lequel déclarait que la santé du patient et le bien-être de la société pouvaient être améliorés… par la stérilisation des déficients mentaux.

La loi permettait aux médecins de stériliser toute personne diagnostiquée déficiente ou que l’État qualifiait d’indésirable. Selon la loi, le patient pouvait faire appel de la décision du médecin auprès d’un tribunal itinérant [Circuit Court].

Albert Priddy, un médecin attaché à un centre public de soins, le Virginia State Colony pour épileptiques et déficients mentaux, fut particulièrement zélé pour l’application des lois eugéniques de l’État. Avant même le passage de la loi sur l’intégrité raciale, il avait effectué des centaines de stérilisations forcées. Priddy le fit en interprétant de façon créative les lois autorisant la chirurgie améliorant la condition physique, mentale ou morale des patients. Et, lorsqu’il opérait des femmes pour soigner un désordre pelvien chronique, il les stérilisait chirurgicalement. Priddy se justifiait en expliquant que les femmes qu’il stérilisait étaient immorales à cause de leurs penchants affectueux pour les hommes, ou encore qu’elles avaient manifesté de la promiscuité. Il stérilisa une jeune fille de 16 ans simplement parce qu’elle avait parlé aux petits garçons à plusieurs reprises. Carrie Buck fut une de ces malheureuses patientes confiée aux « soins » du Dr Priddy dans cet établissement de Virginie. Parmi les signalements sur Carrie, il y avait le fait qu’au lycée elle avait écrit des messages à certains des garçons de sa classe. Pour Priddy c’était une cause suffisante de stérilisation, mais néanmoins il trouva important de faire remarquer que son visage était plutôt mal fait.

Carrie Buck

Fig. 2. Carrie Buck

Il la diagnostiqua donc comme faible d’esprit et ordonna qu’elle soit stérilisée de force.

Carrie Buck fit appel. La question présentée à la Cour était formulée comme relevant seulement de la science et non de la loi naturelle. Aubrey Strobe fut l’avocat représentant à la fois l’établissement public de Virginie et le Dr Priddy. Strobe était aussi un fervent croyant en la science eugénique. Les témoins hautement qualifiés de Strobe comprenaient des professeurs autres que ceux de Carrie, qui avaient observé la famille Buck à l’école. Strobe présenta aussi des travailleurs sociaux des agences d’assistance sociale pour témoigner sur des familles de la communauté à problème similaire et aussi quelques voisins de la famille Buck, pour montrer comment les gens simples voyaient les Bucks.

Mais les professeurs de Carrie ne furent pas appelés comme témoins. On dit qu’ils auraient témoigné, preuves à l’appui, que Carrie était très bonne quant à sa tenue et ses cours. Naturellement, de tous les témoins de Strobe, de loin les plus importants étaient les experts scientifiques, tous avec le titre de Docteur, et versés dans la théorie eugénique. Au bout de 5 heures, temps du déjeuner compris, le procès était clos. Carrie fut condamnée à être stérilisée. Cependant ceci n’était pas encore suffisant. Les scientifiques eugénistes et Strobe saisirent l’occasion du procès de Carrie pour promouvoir et valider la théorie eugénique sans grand risque de contestation. L’avocat recruté pour représenter Carrie était Irving Whitehead. Ce dernier, censé être l’avocat de Carrie, déclara à Strobe que ce cas se présentait au mieux pour aller jusqu’à la Cour suprême des États-Unis.

Il s’avère que Whitehead avait bien des facettes. Outre qu’il était l’avocat de Carrie, c’était le meilleur ami de Strobe ; il était aussi membre fondateur du conseil d’administration du Virginia State Colony, l’institution qui avait demandé la stérilisation de Carrie. La science a parfois besoin d’un petit coup de main de ses amis. Bref, la scène était prête pour que l’eugénisme obtînt la plus haute reconnaissance judiciaire possible.

L’affaire de Carrie fit d’abord l’objet d’un appel auprès de la Cour suprême de Virginie qui confirma. Ensuite, la Cour suprême des États-Unis accepta le cas.

Oliver Wendell Holmes (1841-1935)

Fig.3. Oliver Wendell Holmes (1841-1935)

Oliver Wendell Holmes, ce pionnier de la science contre la théologie médiévale, rédigea le jugement (pris par la Cour à une majorité de 8 contre 1) pour ce qui devint le cas Buck vs Bell, 274 U.S. 200 (1927). Le jugement de Holmes énonce froidement : Carrie Buck est une femme blanche faible d’esprit qui fut confiée au State Colony selon les règles. Elle est la fille d’une mère faible d’esprit dans la même institution et la mère d’un enfant illégitime faible d’esprit…Cinq mois après la décision Buck vs Bell, Carrie fut stérilisée de force. Avant sa stérilisation, cependant, Carrie avait donné naissance à une fille qu’elle nomma Vivian.

Quelques mois après la stérilisation de Carrie, juste avant Noël 1927, la Virginie ordonna aussi que la sœur de Carrie, Doris, fût stérilisée. Pour Holmes, la brutalité de son jugement n’était ni nouvelle ni difficile. Six ans avant Buck vs Bell, il confia à Felix Frankfurter qu’il n’hésiterait aucunement à restreindre la propagation de ces indésirables, même si cela signifiait de mettre à mort des enfants échouant au test. Le jugement de Holmes dans Buck vs Bell fut appelée l’une des déclarations les plus dépourvues de cœur et élitistes de l’histoire de la Cour suprême. Dans ce jugement, Holmes analysait la science soutenant l’eugénisme, justifiant la décision de la Cour sur ce fondement scientifique que l’hérédité joue un rôle important dans la transmission de l’aliénation mentale et de l’imbécillité. Le jugement de Holmes dans Buck déclare plus loin qu’il vaut mieux pour le monde entier, au lieu d’attendre l’exécution capitale de dégénérés pour crime ou de les laisser mourir de faim à cause de leur imbécillité, que la société puisse empêcher ceux qui sont manifestement inaptes [unfit] de perpétuer leur espèce. Par analogie, Holmes soulignait que le principe justifiant la vaccination obligatoire est assez large pour permettre l’ablation des trompes de Fallope. Peut-être la phrase la plus frappante dans le jugement fut sa déclaration tristement célèbre : trois générations d’imbéciles, ça suffit ! La troisième imbécile à laquelle Holmes faisait référence était la fille de Carrie âgée de 8 mois, Vivian.

La science possédait aussi un test mental bien rodé pour diagnostiquer l’imbécillité chez le jeune enfant : agitez simplement une pièce de monnaie devant lui et voyez si les yeux de l’enfant la suivent avec une attention suffisante.

Holmes garantit devant la postérité que, grâce à la certitude de la science s’étant prononcée avec le pouvoir de la Cour, la petite Vivian avait échoué au test. Mais la fillette allait prouver la faillibilité de Holmes, de sa Cour et de la science eugénique à laquelle il se dévouait. Car, dans les années suivantes, Vivian figura sur les listes d’honneur dans son école de Charlottesville.

Néanmoins, après que la Cour Suprême eut approuvé la science eugénique dans l’affaire Buck, plus de trente États passèrent des lois de stérilisation. Heureusement, le Kentucky n’en faisait pas partie. Environ 60 000 personnes furent stérilisées par ces lois aux États-Unis. En janvier 1938, leur nombre atteignit près de 28 000. Mais pour les savants généticiens d’Amérique du Nord, ce n’était pas suffisant. Ils se montrèrent jaloux de l’Allemagne nazie, soulignant qu’elle avait stérilisé 80 000 de ses indésirables alors que sa population était seulement la moitié de celle des États-Unis. Les eugénistes américains tentaient desespérément de les rattraper. En 1947 cependant, leur ambition s’avéra embarrassante à cause des activités du Tribunal de Nuremberg poursuivant les crimes de guerre. Des juges allemands figuraient parmi les accusés pour avoir autorisé la stérilisation, l’emprisonnement et l’euthanasie selon les lois eugénistes. L’avocat défendant ces juges fit référence à Holmes et à la décision de la Cour suprême dans Buck vs Bell. Il lut les mots mêmes de Holmes, verbatim, en réponse aux accusations du procureur américain. Ce dernier, incidemment, était Robert H. Jackson, juge à la Cour suprême des États-Unis. Nous pouvons être certains que l’ironie de la situation ne lui a pas échappé et nous pouvons seulement espérer qu’il en ira de même pour la postérité. Holmes n’exprima aucun regret, jamais. Au contraire, il se vanta, disant que Buck vs Bell fut l’un de ses plus grands succès, sans doute à cause de son amour de la « Science ». Il dit que ce fut une décision qui… me donna du plaisir, établissant la constitutionnalité d’une loi permettant la stérilisation des imbéciles. Mais avant cela, G.K. Chesterton avait tout vu venir. Évidemment, cela arriva plus rapidement en Europe. En 1922, Chesterton mit en garde contre la déférence abusive envers les prétentions de la science.

Il écrivit : La chose qui essaie réellement de tyranniser par le gouvernement est la Science. La chose qui utilise réellement le bras séculier, c’est la Science.

Et le credo qui réellement lève des dîmes et s’empare des écoles, le credo qui est réellement imposé par amendes et emprisonnement, le credo qui est réellement proclamé non dans les sermons mais dans les lois, et propagé non par des pèlerins mais par des policiers, ce credo est le système de pensée, grand mais contesté, qui commenca avec l’Évolution et s’achève dans l’Eugénisme.


1 Source : Kolbe Report du 8 avril 2023. Traduction Claude Eon.

2 Directeur du Kolbe Center for the Study of Creation.

3 Se rapporter à J.-L. LHIOREAU, « Du racisme à l’eugénisme », in Le Cep n°56, juillet 2011, p. 67.

4 A Civic Biology : Presented in Problems (1914).

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