L’œil est fait pour voir (2e partie)

Par Louis Drs et Paul Murat

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L’œil est fait pour voir (2e partie)1

Regard sur la création :

« Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu quand on Le considère dans ses ouvrages. » (Romains 1, 20)

Résumé : Après avoir décrit les merveilles d’optique déployées par la cornée (cf. Le Cep n° 47), les auteurs vont maintenant développer l’analogie entre l’œil et un appareil photo en ce qui concerne la captation chimique de l’image lumineuse. La rétine, où s’opère cette transformation, est d’une grande complexité, composée qu’elle est de dix couches superposées entre lesquelles se répartissent un très grand nombre de cellules de nature, de formes et de fonctions différentes. Les substances photochimiques de la rétine sont équivalentes aux sels d’argent qui captent la lumière sur une pellicule photographique. Mais l’érythropsine du pourpre rétinien se régénère constamment ce qui permet à l’œil de prendre dix « clichés » par seconde ! Comme l’humeur vitreuse du globe oculaire qui transmet la lumière à la rétine, cette substance ne se rencontre nulle part ailleurs dans l’organisme.
7 millions de « cônes » et 130 millions de « bâtonnets », formés chacun d’un empilement de 60 à 100 disques, captent la lumière et la transforment en signaux nerveux transmis au cerveau.
Si l’on y ajoute l’agencement des muscles qui permettent les réflexes et la mobilité volontaire de l’œil, on ne peut qu’admirer plus encore l’Intelligence supérieure qui se rend ainsi manifeste.

Il nous reste à examiner dans un appareil photographique la  surface qui est impressionnée. C’est une plaque de verre recouverte d’une substance sensible à la lumière : gélatino-bromure ou lactate d’argent, etc. Elle est tenue à l’abri de la lumière au fond de la chambre noire dans un châssis à rideau ou à volet.

Les plaques sensibles ne peuvent être utilisées qu’une fois, et, par suite de leur poids, on ne peut prendre, en dehors de l’atelier, qu’un nombre très limité d’épreuves. Un perfectionnement notable à ce point de vue est constitué par les pellicules photographiques en bobines qui se déroulent par degrés dans la chambre noire, au fur et à mesure des besoins, avec « réembobinement automatique » à l’aide d’un adaptateur de films. Mais les défauts assez nombreux de ces systèmes font le plus souvent préférer encore la plaque de verre.

Dans le globe oculaire, la rétine fait fonction de la plaque sensible dont nous venons de parler.

La rétine est un épanouissement du nerf optique qui pénètre par le fond de l’œil. Sa trame, éventail formé de myriades de fibrilles nerveuses juxtaposées, dessine une membrane continue. Viedersheim a défini la rétine « une partie du cerveau qui s’est avancée vers la périphérie. »

La rétine tapisse tout le fond de l’œil et ses parois latérales presque jusqu’au voisinage de la périphérie du cristallin. Sa sensibilité est au maximum au niveau de la tache jaune qui occupe exactement le pôle postérieur de l’œil.

Cette tache a un millimètre de diamètre ; elle constitue un appareil spécial de précision en ce point où les images viennent de préférence se former et où, en tous cas, elles sont toujours amenées pour un examen attentif des détails. C’est le véritable centre physiologique de l’œil. C’est en fixant avec la tache jaune qu’on lit et qu’on écrit.

Une plus grande étendue de cette tache eût été inutile pratiquement, comme l’expérience le prouve. D’ailleurs notre esprit n’eût pu s’attacher à la fois à la vision attentive d’une grande surface et d’une multitude d’objets simultanément perçus.

Il existe sur la rétine un point insensible, dit punctum cœcum, placé à trois millimètres de la tache jaune. Ce point est constitué par l’endroit où les fibres du nerf optique pénètrent dans le globe oculaire. L’habitude suffit pour que le point aveugle n’apparaisse nullement sur les images.

La rétine est formée de dix couches superposées dans lesquelles se trouvent des organes cellulaires et fibrillaires très complexes : une trame de fibres optiques, des colonnettes de soutien (fibres de soutènement, fibres radiées de Muller), des disques et des fuseaux (cellules unipolaires ou amacrines, cellules visuelles bipolaires), des cellules araignées (cellules ganglionnaires), des cellules étoilées (cellules basales), des bâtonnets, des cônes striés, des corps sphériques ou elliptiques brillants (grains de bâtonnets, à bandes transversales), des massues (massues de Landolt), etc.

Enfin, d’après les belles figures des nouveaux traités d’histologie et d’anatomie (Cajal, Poirier, etc.), il existe, à cinq étages différents de la rétine (Branca,  Précis d’histologie, 1910), de richissimes chevelus et buissons de stries fibrillaires d’une indicible finesse, sur les limites de visibilité du microscope. Ils forment cinq assises contenant des amas, des réseaux ou des fouillis de filaments, ces derniers en nombre prodigieux et se dirigeant à peu près en ligne droite ou s’incurvant et s’entre-croisant en tous sens.

La rétine, située dans la profondeur du globe oculaire, lequel est lui-même protégé par la cavité de l’orbite, est presque entièrement soustraite à l’influence de tous les autres agents externes, tandis que les rayons lumineux peuvent lui arriver sans obstacle.

La rétine est, de jour, sans cesse exposée aux impressions de la lumière. Elle prend successivement, et avec la rapidité d’un cinématographe déroulant ses interminables bobines de films, des milliers de clichés.

Ces paysages ou portraits s’impriment sur la rétine de la même façon que sur la plaque sensible et l’on est allé jusqu’à prétendre qu’en examinant la rétine de personnes assassinées il ne serait pas impossible d’y reconnaître encore parfois le dernier cliché pris par l’œil mourant, la photographie même de l’assassin2.

Malheureusement, les substances photo-chimiques de la rétine s’altèrent très rapidement et, d’autre part, le dernier regard d’un mourant assassiné fixe très exceptionnellement le visage même de son meurtrier.

Cette impression photographique se produit dans une substance sensible toute spéciale qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans l’organisme, une fuchsine dite pourpre rétinien ou érythropsine.

Le pourpre rétinien qui colore vivement les segments externes des bâtonnets a les mêmes propriétés que les sels d’argent à l’égard de la lumière, avec cette supériorité de se régénérer continuellement aux dépens du protoplasma cellulaire.

Ce pouvoir photo-chimique de la rétine est mis en évidence par l’expérience suivante : on place un lapin dans une chambre noire, on lui fait regarder une fenêtre vivement éclairée. En sacrifiant alors aussitôt cet animal et en immergeant le globe oculaire dans une solution d’alun à 40 % qui « fixe » le pourpre rétinien, on obtient sur la rétine une véritable épreuve photographique, en « négatif », évidemment non coloriée, de l’image de la fenêtre avec des barreaux très distincts, des rectangles éclairés, etc. On donne à ces images le nom d’opto-grammes.

Le pourpre rétinien se décompose ainsi depuis l’origine du monde, et l’œil eût pu servir à découvrir le procédé photographique type si, guidés par des convictions finalistes, les chercheurs eussent mieux analysé le mécanisme de la vision, comme ils le font enfin actuellement pour la théorie géométrique et mécanique si complexe du vol plané, ramé, etc., des oiseaux et des aéroplanes modèles3.

Un dixième de seconde suffit à l’œil pour prendre son cliché. L’excitation lumineuse se produit instantanément ou à peu près sur la rétine ; la transmission à l’écorce des lobes occipitaux, qui a lieu à une vitesse de soixante mètres par seconde, ne demande également qu’un temps très bref ; par contre la persistance de l’impression lumineuse se prolonge 1/50, 1/30 ou au maximum 1/10 de seconde. C’est probablement le temps qui est nécessaire au pourpre rétinien décoloré par la lumière pour se régénérer. Au-dessous de 1/10 à 1/50 de seconde comme intervalle dans la succession des objets apparaît l’illusion cinématographique.

Ainsi la rétine, tour à tour blanchit et rougit. Elle peut de la sorte prendre 10 épreuves, d’un fini irréprochable et d’une exactitude idéale de détails et de teintes, à la seconde, 600 à la minute, 36 000 à l’heure, 432 000 dans les douze heures et 864 000 par jour en admettant qu’il n’y ait pas de repos et en supposant une perpétuelle mobilité du regard.

On voit la perfection de l’œil qui peut prendre en un jour, théoriquement au moins, sur la surface merveilleusement sensible de la rétine autant de clichés qu’un photographe sur 864 000 soit près d’un million de plaques photographiques.

Et quand on songe que cet appareil ne sert pas un jour, mais indéfectiblement et incessamment durant de nombreuses années et parfois un siècle entier, on ne peut qu’admirer sa solidité de structure et avouer ses incomparables et inimitables qualités pratiques.

Ajoutons que ces paysages et portraits, ces clichés pris par l’œil, qui se succèdent avec une vertigineuse rapidité et sans fatigue pour l’opérateur, sont tous réussis. Il n’y a pas ici un déchet de cinquante pour cent, ni besoin de longues manipulations. En outre, la pratique de l’art photographique nécessite toujours un matériel assez important : appareil, plaques et papiers, accessoires nombreux, bains chimiques variés, etc.

On constate toute l’infériorité pratique, en regard de l’organe photographique oculaire, des appareils similaires de l’industrie que pourtant nous admirons à bon droit. Dans un volume à peine supérieur à celui d’une noisette, le premier contient un ravissant et idéal appareil bijou, doté de tous les perfectionnements imaginables et un laboratoire complet4.

Les fibres formant le nerf optique percent la sclérotique en arrière, se dépouillent de leur myéline et, s’épanouissant en éventail, constituent les couches antérieures de la rétine, puis font un crochet, traversent les diverses couches de la rétine, chacune en un point différent et se terminent près de sa surface postérieure par des appendices spéciaux : cônes et bâtonnets.

Ceux-ci forment la neuvième couche de la rétine. Ils ont leur extrémité braquée sur la choroïde voisine et dirigée vers le fond de l’œil, à l’opposé de l’entrée des rayons lumineux.

La face postérieure de la rétine laisse donc entrevoir, sous le revêtement et le châssis que lui forme la couche pigmentaire, la forêt innombrable des cônes et des bâtonnets régulièrement répartis et entremêlés. Sur une coupe microscopique, on dirait d’innombrables tuyaux d’orgue juxtaposés, ou, suivant la comparaison d’Helmholtz, les pieux d’une palissade pressé les uns à  côté des autres.

Ils ne sont pas sans similitude avec certains modèles de téléphotes ou de télautographes de l’industrie présentant une surface couverte de pointes pouvant dessiner une image par de fins pointillés télégraphiques5.

Le nombre des cônes et des bâtonnets de l’œil humain est très élevé. Selon les calculs de Salzer le nombre des cônes serait de 3 360 000. « D’après une évaluation modérée, nous dit Lubbock, il n’existerait pas moins de trois millions de cônes et de trente millions de bâtonnets » (Lubbock, Les sens et l’instinct, p.116, in Bibliothèque Scient. internat., 1898). Divers traités d’histologie, d’anatomie, etc., nous fournissent, d’après les recherches et les estimations de Krause, les chiffres de sept millions pour le nombre des cônes et cent trente millions pour celui des bâtonnets (Testut, Waller, etc.).

Les bâtonnets sont des corps cylindriques coupés carrément à leur extrémité et mesurant 40 microns de longueur. Les cônes, plus gros et plus courts, ont la forme de quilles ou de carafes. Leur extrémité est presque pointue.

Cônes et bâtonnets sont parfaitement transparents. Les cônes sont en général incolores, les bâtonnets sont colorés en rose par l’érythropsine.

Les uns et les autres sont formés de deux articles : interne et externe.

L’article interne auquel vient aboutir l’extrémité d’une fibre du nerf optique paraît homogène. Il est entouré par un « panier de fils », appareil protecteur.

L’article externe ou terminal est fortement réfringent. Par des réactifs, tels que l’iodo-sérum, on le désagrège en une série de disques empilés les uns sur les autres, qui se détachent au niveau des stries transversales que montre ce segment. (W. Krause, Die Retina, 1889).

L’article externe présente aussi des stries longitudinales régulières qui sont des cannelures sculptées dans l’organe et dont la raison d’être, optique sans doute, reste ignorée.

Ce segment terminal est formé d’une enveloppe de neurokératine diaphane servant d’étui à la pile des disques séparés les uns des autres par une substance intermédiaire, également transparente.

Il y a une pile de 60 à 100 disques sur chaque bâtonnet ou cône, chez l’homme. Ce nombre n’est que de 33 chez le cobaye et de 16 chez la grenouille. (Monthus et Opin, Précis de technique microscopique de l’œil, 1910).

Quand un pinceau lumineux frappe la rétine, on constate, dans les neuvième et dixième couches, deux sortes de mouvements : 1) une descente de pigment le long des cônes et des bâtonnets ; 2) un raccourcissement des cônes et des bâtonnets avec augmentation de volume de leur noyau, modifiant sans doute leur pouvoir réfringent ; 3) enfin, il se produirait en même temps une diminution de colorabilité de ces organes.

Les disques très réfringents, limpides et brillants, forment autant de prismes vivants, de lentilles microscopiques, dans lesquels sont captés les rayons lumineux.

Les cônes et les bâtonnets ont leur axe perpendiculaire au plan de la choroïde.

Le disque le plus élevé terminant chaque cône ou bâtonnet présente sa surface à la choroïde d’où les rayons lumineux lui sont renvoyés.

« Brucke a fait observer que la lumière qui  pénètre dans un bâtonnet doit le traverser dans toute sa longueur grâce au fort pouvoir réfringent de ces éléments anatomiques. Elle ne peut, par suite, arriver dans un bâtonnet voisin. » (Frédéricq et Nuel, Éléments de physiologie, p. 285, 6e édit., 1910).

D’ailleurs, l’étui opaque de pigment noir, qui vient engainer chaque cône ou bâtonnet lorsqu’il est frappé par la lumière, empêcherait, si besoin était, la diffusion des rayons une fois captés, et constitue une cloison entièrement isolante. « Le manteau de pigment dont s’entourent les cônes et les bâtonnets éclairés isole ceux-ci » (Frédéricq et Nuel).

La colonne de disques formée d’environ quatre-vingt disques retient désormais le rayon lumineux dans son intérieur, le réfracte et l’oriente, et le conduit ainsi jusqu’à sa base dans l’article interne.

Les disques réfringents agissent donc suivant le principe des fontaines lumineuses, dans lesquelles la lumière est captée dans une colonne ou un filet d’eau où elle se réfracte et se réfléchit diversement sans pouvoir en sortir par suite de sa direction première, des angles d’incidence consécutifs, de l’indice de réfraction, etc.

Nous avons ainsi dans la rétine plusieurs milliards de disques transparents, prismes ou lentilles, formant par leurs groupements d’ingénieux appareils dioptriques – 2640 millions en moyenne pour les 33 millions d’appareils dans la membrane de Jacob.

« Le centre optique coïncidant sensiblement avec le centre de courbure de la rétine, la réflexion des rayons sur la choroïde a lieu sensiblement dans la direction de l’axe des bâtonnets et des cônes » (Duval). Les rayons sont isolés, réfractés, captés par les articles externes de ces derniers, et c’est vraisemblablement au niveau de leurs articles internes qu’ils subissent une transformation en vibrations plus lentes, nerveuses, aptes à se propager par le nerf optique.

L’acte chimique de la décomposition du pourpre rétinien paraît lié aux phénomènes inconnus par lesquels s’accomplit cette transformation. Il en est de même des variations photo-électriques.

Les disques superposés, séparés par une substance intermédiaire d’une autre nature, ne constitueraient-ils point, d’autre part, comme des myriades de piles de Volta microscopiques et n’auraient-ils pas eux-mêmes par là, une fonction électriques (piles photo-électriques, transformateurs, accumulateurs, etc.) recélant peut-être le secret de la transformation pratique de la lumière en électricité, principe de machines à venir ? Ici, il s’agit de la transformation des vibrations lumineuses en électricité organique ou influx nerveux.

Si hypothétique que puisse paraître l’exactitude de telles interprétations, en tout cas, nous ne devons pas oublier que le génie de la nature a déjà réalisé de semblables et plus grandes merveilles, telle la fonction thermodynamique de la cellule du foie.

Les cônes, ainsi que nous le verrons plus loin, sont sensibles à l’amplitude des vibrations (couleurs) et les bâtonnets à leur abondance (degré d’éclairage).

Complétons la description de l’organe de la vue par l’étude des voies conductrices au moyen desquelles les centres nerveux commandent et règlent les fonctions de ses diverses parties et reçoivent les impressions de l’appareil télé photographique qui leur transmet les éléments physiques détaillés, analysés et triés des perceptions lumineuses.

Cette étude nous montrera jusqu’à quel degré est poussée la division finaliste du travail dans chaque département organique.

On trouve dans les hémisphères cérébraux, ou dans le bulbe, l’origine des voies nerveuses, qui président aux mouvements volontaires ou réflexes des divers organes du mécanisme oculaire, ainsi que les centres suivants destinés aux fonctions visuelles :

1 – Appareil sensori-moteur de direction du regard : Nerfs directeurs latéraux à droite et à gauche (hémioculomoteurs dextrogyres et lévogyres et nerfs céphalogyres). D’autre part, nerfs directeurs en haut et en bas : suspiciens et despiciens, pour les mouvements verticaux.

2 – Appareil sensitivo-moteur de direction du regard.

3 – Appareil nerveux de protection de l’œil : Autre centre cortical du nerf d’ouverture et du nerf de fermeture. Centres des mouvements réflexes, automatiques et volontaires des   paupières :

  • 1) réflexes palpébraux sensoriels et réflexes sensitifs ;
  • 2) mouvements automatiques (occlusion des yeux pendant le sommeil) ;
  • 3) mouvements volontaires unilatéraux et bilatéraux.

4 – Appareil nerveux :

  • 1) de la pupille ;
  • 2) de l’accommodation ;
  • 3) de la convergence.

Les réflexes d’ouverture et de fermeture de la pupille sont de plusieurs ordres : réflexes périphériques (ciliaires), non visuels (médullaires), visuels ou lumineux (basilaires), de l’accommodation ou supérieurs (corticaux).

Les conducteurs isolés et indépendants, provenant des divers centres concourant à la vision, sont multiples, l’appareil oculaire étant fort compliqué.

Ces conducteurs sont : le nerf optique, le nerf moteur oculaire commun, le nerf pathétique, le nerf trijumeau –par la branche ophtalmique de Willis directe et par les filets issus du ganglion ophtalmique, transformateur mystérieux où entrent en contact les courants venus de plusieurs nerfs différents : moteur, sensitif, sympathique, etc. –  le nerf moteur oculaire externe, le nerf facial et le nerf grand sympathique.

Pour montrer ici l’utilité, dans l’harmonie générale de la fonction visuelle, d’un des nerfs de l’œil pris en exemple, mentionnons le nerf moteur oculaire commun.

Des filets distincts de ce nerf vont aux organes ci-après qu’ils sont chargés de mettre en mouvement : muscle droit supérieur, muscle interne, muscle inférieur et muscle petit oblique de l’œil, et, d’autre part, sphincter de la pupille et muscle ciliaire. En cas de paralysie de ce tronc nerveux ou de section de ses branches par un traumatisme, les conséquences sont multiples :

Chute de la paupière supérieure qui reste pendante et ferme l’œil, strabisme externe (déviation de l’œil en dehors), abolition de la rotation de l’œil quand le regard se porte en haut et en dehors, vue double des objets en diplopie croisée, dilatation de la pupille, abolition de l’accommodation.

Les voies centripètes des nerfs rétiniens (fibres optiques) sont formées de deux nerfs hémioptiques : un droit (champ visuel droit), qui part de la demi-rétine gauche des deux yeux et va à l’hémisphère gauche ; un gauche (champ visuel gauche), qui, parti de l’hémirétine droite, va à l’hémisphère droit. Ainsi « chaque hémisphère voit et regarde, avec les deux yeux, du côté opposé » (Grasset).

On a appelé le nerf trijumeau le « gardien de l’œil » parce que ses fibres centripètes excitent les mouvements du réflexe palpébral.

Le circuit du réflexe irien (réflexe photo-moteur de la pupille) est le suivant :

La voie centripète est formée par les fibres du nerf optique se rendant au cerveau et que nous venons d’étudier au point de vue de leur fonction principale et immédiate : la perception des images lumineuses ; là, les centres visuels communiquent avec le centre du réflexe qui se trouve dans la moelle à la hauteur de la sixième vertèbre cervicale et de la deuxième dorsale.

Quant à la voie centrifuge, elle est constituée par les connexions de la moelle avec le grand sympathique. Les fibres de ce dernier remontent avec le moteur oculaire commun et le trijumeau et parviennent ainsi à l’iris. Les fibres d’une branche du grand sympathique et d’une division du trijumeau mettent en mouvement les fibres radiées de l’iris (dilatation), tandis que les filaments du moteur oculaire commun commandent aux fibres circulaires (contractions). Tel est le parfait régulateur des variations pupillaires.

Les conducteurs du réflexe pupillaire de convergence sont mal connus.

Le réflexe cristallinien a pour point de départ la rétine, pour centre les tubercules quadrijumeaux, par-delà le relais du ganglion ophtalmique, et pour point d’arrivée le muscle ciliaire qui agit sur la zone de Zinn et le cristallin par un double mécanisme, grâce à ses fibres radiées et à ses fibres circulaires.

Le muscle ciliaire est commandé par deux nerfs différents : la troisième paire crânienne (moteur oculaire commun) et le grand sympathique. Le premier contracte le muscle ciliaire et fait bomber le cristallin ; le second agit par inhibition, par un phénomène d’arrêt, en paralysant et annihilant à certains moments la puissance du premier, et aplatit de la sorte la lentille, vu les dispositions préétablies de la cristalloïde et de la zone de Zinn.

Les deux nerfs sont réciproquement antagonistes. Le premier est « le nerf accommodateur pour la vision des objets rapprochés » ; le deuxième est « le nerf accommodateur pour la vision des objets éloignés » (Duval).

On voit toute la complexité du fonctionnement de l’œil, toutes les difficultés de la mise en marche des diverses parties de ce mécanisme compliqué. Peut-on nier ici la finalité intentionnelle ?

Que pourrait importer, dans l’hypothèse matérialiste, au réflexe irien, substance aveugle, le judicieux et parfait éclairage de l’image rétinienne, et au réflexe cristallin, physico-chimiquement parlant, que cette image soit ou non amenée à telle ou telle distance favorable à sa netteté, soit mise au point avec précision, etc. ?

(à suivre)


1 Extrait des Merveilles de l’œil, Paris, Blond et Cie, 1911, pp. 22-35.

2 Ndlr. Jules Verne s’est emparé de ce phénomène pour dénouer le suspens final dans l’un de ses romans, et l’on sait aussi que le buste de Juan Diego, l’Indien témoin de l’apparition de Notre Dame de Guadalupe en 1531 à Mexico, est visible en agrandissant l’œil de l’image étonnante portée sur sa tilma, ou manteau d’agave.

3 Ndlr. Même si la « bionique », science des procédés techniques mis en œuvre par les êtres vivants, progresse, nombre de phénomènes restent mystérieux. Ainsi le bourdon, compte tenu de son poids, de la taille de ses ailes et de la fréquence de ses battements d’ailes, ne devrait pas pouvoir voler. Or il butine tout comme l’abeille !

4 Ndlr. La simplicité d’usage apportée aujourd’hui par la photographie numérique ne détruit nullement cette conclusion que les Drs Murat portaient en 1911.

5 Ndlr. Ce procédé a toujours cours pour la réalisation du grisé ou des nuances de teintes dans nos imprimantes.

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