Max Thürkauf : le cri d’alarme d’un physicien

Par Jean de Pontcharra

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Max Thürkauf : le cri d’alarme d’un physicien1

Jean de Pontcharra2

Résumé : Physicien converti, Max Thürkauf (1925-1983) eut la ténacité, le courage et le talent de faire de cette conversion un témoignage intellectuel de grande valeur. Non content de retrouver la foi à titre personnel, à travers de dures épreuves mais avec la lumière et la paix intérieures qui se répandent, une fois le but atteint, il comprit que la formation scientifique reçue (il enseignait la chimie-physique à l’université de Bâle), avec la vision matérialiste du monde qu’elle induit, était en cela erronée et qu’il fallait remettre en cause un grand nombre des croyances modernes, notamment l’évolutionnisme. Ce travail « prophylactique » est désormais en partie accessible en français. Il montre notamment quels « idiots utiles » font tous les théologiens qui se rallient sans réfléchir à l’idée que la science se contente de répondre à la question « comment? » et leur laisse une tour d’ivoire pour y traiter tranquillement de la question « pourquoi? ». On aimerait qu’il y ait de moins en moins de tels « idiots utiles » et de plus en plus de « serviteurs inutiles » comme le fut éminemment Max Thürkauf. Car il lui a été donné de débusquer le grand sophisme: la confusion entre ce qui devrait être (la science consciente de ses limites) avec ce qui est (la science arrogante, sûre de ses résultats et prétendant décrire la totalité du réel objectif). Loin d’être neutre ou athée par souci d’objectivité, la science matérialiste moderne est en réalité, très activement et très scrupuleusement, « théophobe ».

Ce titre peut surprendre dans un colloque consacré à la libération de l’emprise du darwinisme, et plus généralement, à l’emprise des théories de l’évolution issues de la pensée de Darwin. Cela s’explique par le terreau dans lequel le darwinisme a prospéré : le matérialisme athée s’appuyant sur la science. Darwin avait confessé, dans son autobiographie de 1876, avoir perdu la foi dès 1851. Cette information est une donnée importante du problème qui nous occupe.

Max Thürkauf, né en 1925, décédé en 1993, chercheur et professeur de chimie-physique à l’université de Bâle, en Suisse, matérialiste convaincu dans sa jeunesse, s’est converti en 1981, après avoir constaté les dérives de plus en plus inquiétantes de cette science qu’il admirait. S’il a lancé un cri d’alarme, c’est parce qu’il a identifié les bases profondément erronées de la science moderne. Ces erreurs impactent les sciences elles-mêmes, mais aussi tous les domaines de la pensée et de la connaissance humaines.

Citons Arthur Koestler, écrivain athée britannique d’origine hongroise (1905-1983): « La société et la science ont tellement baigné dans les idées du mécanisme, de l’utilitarisme et de la libre concurrence économique, que la sélection a remplacé Dieu comme ultime réalité.»

Et comme Max Thürkauf le dit lui-même avec humilité :

« J’ai considéré mon ignorance en matière religieuse comme une preuve de la non-existence de Dieu. »

Observant les effets pervers de la science matérialiste (bombe atomique, poisons chimiques, manipulations du vivant) dès 1960, Max Thürkauf étudia l’histoire des sciences et se forma en philosophie. Il se lança ouvertement dans la critique des sciences, au prix de sa carrière professionnelle. Son athéisme du début se mua en théisme. Cette recherche obstinée de la Vérité aboutit à son retour à l’Église catholique en 1981. L’aspect spirituel et surnaturel (et non uniquement naturel et philosophique) du problème qui le préoccupait s’était peu à peu imposé à son esprit. Ses recherches l’ont amené à approfondir les rapports entre science et foi et à s’intéresser, avec son épouse Inge, protestante allemande convertie au catholicisme en même temps que lui, à des sujets que la science avait pollués de son matérialisme : sciences du vivant, médecine et respect de la vie, culture de mort et visées hégémoniques mondiales, mouvements gnostiques…

Avant de pouvoir se libérer d’un mensonge, il faut premièrement connaître la vérité pour ensuite remonter aux sources du mensonge et finalement comprendre comment il a pu être imposé à la multitude. Ensuite, les remèdes apparaîtront clairement.

Cela représente un travail de toute une vie et il serait dommage de ne pas profiter nous-mêmes du chemin ainsi débroussaillé par des hommes comme Max Thürkauf.

Les erreurs issues du refus de Dieu par les matérialistes sont innombrables : dialectique hégélienne de l’idéalisme allemand, théories de l’évolution, positivisme, relativisme, communisme, américanisme, nazisme , modernisme, féminisme (théorie du gender), freudisme, théories pasteuriennes, New Age, eugénisme et culture de mort, et cetera, et cetera. Les exemples sont légion.

Dans le cadre de cet exposé nous nous limiterons à la critique des théories de l’évolution dans leur principe fondateur : le vivant provient de la matière inerte, qui est une extension de l’hypothèse darwinienne de la genèse d’une espèce à partir d’une espèce antérieure, par de faibles variations dues au hasard et sur de très longues durées.

Un humoriste avait fixé ces invraisemblances par la phrase : «L’hydrogène est un gaz incolore et inodore qui a la propriété, si on lui laisse suffisamment de temps, de se transformer en un être humain.»

Malgré sa grande connaissance des sciences, Max Thürkauf ne nous ensevelit pas sous une montagne d’équations et de formules. Son langage simple et clair revient à nous montrer l’importance du retour à la hiérarchie traditionnelle des connaissances : théologie basée sur la Révélation, philosophie soumise à la théologie, et en dernier lieu sciences de la nature. La séparation artificielle entre ces trois formes de connaissance est une invention des matérialistes athées qui refusent à l’homme toute possibilité d’accès à la Vérité transcendante. Au point d’inverser la hiérarchie et de mettre au-dessus de tout la connaissance scientifique, connaissance basée sur des « vérités » fluctuantes et changeantes au fil des « découvertes » humaines.

Ayant constaté que le scientifique moderne ne s’attachait qu’à répondre à la question COMMENT? (en allemand WIE?) Max Thürkauf s’intéressa aux précurseurs et à leurs idées : par exemple les approches mécanistes d’un Francis Bacon, expérimentales d’un Galilée ou d’un Descartes, tendant à disjoindre le sujet de l’objet.

L’observation supposée objective devient intellectuelle et manuelle. La sacralisation de la méthode expérimentale entraîne le refus de tout phénomène non reproductible ou non explicable par la raison.

« Ainsi les scientifiques savent-ils, de jour en jour, mieux comment faire, et quotidiennement de moins en moins ce qu’ils font .»3

« Descartes (1596-1650) et sa raison, vainqueurs de Pascal (1623-1662) et de sa logique du cœur. Les fabricateurs ont vaincu les penseurs. »

Il y a confusion entre savoir faire et savoir, et une séparation entre savoir et sagesse.

Les instruments de mesure, aussi puissants soient-ils, ne sont qu’une extension de nos sens. Ils n’apportent pas une compréhension supplémentaire à l’essence des choses, mais uniquement une précision supérieure dans l’observation des détails. Or, le calcul différentiel, si puissant pour la matière inanimée, est inapplicable au vivant. À partir de quantités infiniment petites d’un organisme vivant on ne peut pas, par simple intégration, déduire le tout. En réalité, l’induction, qui va du particulier au général, n’est pas applicable aux organismes vivants. Or les biologistes matérialistes le croient: telle est leur erreur fondamentale.

Eddington (astronome et physicien britannique, 1882-1944) nous confirme cette interprétation : «La grandeur physique ainsi découverte est tout d’abord le résultat de nos opérations et de nos calculs ; elle est, pour ainsi dire, un article manufacturé –  manufacturé par nos opérations.»

Dans les argumentations matérialistes, la matière est à la fois hypothèse et conclusion, et dans ce double rôle elle se tend la main à elle-même et ferme ainsi le circulus vitiosus. Par suite de leur incapacité à distinguer l’objet de l’hypothèse, les darwinistes se fatiguent à vouloir rattraper ce qui est inabordable.

Pour clarifier le débat Max Thürkauf émet un souhait :

« Il serait souhaitable que les savants qui défendent l’une ou l’autre des nombreuses théories de l’évolution (plus ou moins contradictoires entre elles) s’attachent à souligner clairement que ces considérations sont des spéculations non vérifiables à l’aide des méthodes chimiques et physiques, c’est-à-dire par des mesures faites au cours d’expériences de laboratoire systématiquement reproductibles. Ces théories de l’évolution n’appartiennent pas à la science pure mais sont des spéculations relevant du domaine de l’imagination ; elles ne sont pas un savoir mais une croyance… Certes les spéculations ne sont pas interdites en science expérimentale, mais il faut clairement le faire savoir.»

C’est le contraire qui se réalise : « Les tenants des diverses théories de l’évolution agissent comme si on avait affaire à des faits scientifiquement démontrés. »

Les chercheurs contemporains se vantent de vivre à une époque qui comporte le plus grand nombre de scientifiques de tous les temps. Mais ils ne se sont pas posé la question de savoir si tous ces scientifiques étaient dans le vrai, s’ils avaient, dans leurs travaux, le souci de la Vérité. Dans l’atmosphère de relativisme prégnant qui caractérise notre époque, poser cette question est un scandale, puisque la Vérité transcendante n’existe plus pour nos contemporains. Seule la « vérité » dite scientifique (ou encore fruit de la raison)  est  prise en considération, malgré les fluctuations et variations intrinsèques à sa nature de montage intellectuel humain. La réalité est très différente : notre époque voit un nombre incroyable de membres de l’élite intellectuelle professer des erreurs inouïes.

Toute erreur à un coût pour l’humanité.

Max Thürkauf pose la question du coût d’un système erroné :

« Les journalistes scientifiques réussiront-ils encore longtemps à rendre ces élucubrations attrayantes pour le contribuable? On le verra bien avec le temps. Il s’agit d’une croyance à laquelle sont suspendus les moyens d’existence de cette science.

Les instituts de recherche pour l’explication de l’univers coûtent de nos jours des milliards, et chaque année davantage. »

Ouvrons ici une parenthèse pour abonder dans ce sens : non seulement ces recherches sont ruineuses, mais elles ont empêché des progrès par les préjugés évolutionnistes implicites. Hugh Owen4 a montré l’impact négatif de cette croyance qui voit dans les organes vestigiaux du corps humain (coccyx, appendice, amygdales, etc.), ou dans un ADN « poubelle », d’inutiles reliquats  supposés abandonnés en route par l’évolution.

Alors que seule l’ignorance des évolutionnistes sur la véritable fonction de ces organes ou molécules explique leur attitude, imposée à toute la communauté scientifique.

Max Thürkauf compare la conquête spatiale à une nouvelle Tour de Babel, signe de l’orgueil humain. On pourrait en dire autant des gouffres financiers constitués par les grands instruments scientifiques : accélérateurs et collisionneurs du CERN, interféromètres géants pour mesurer les ondes gravitationnelles, installations de fusion nucléaire, décodage des génomes, recherches pharmaceutiques…5

« Comme, à l’aide des seules lois physico-chimiques, il n’est possible d’expliquer que le fonctionnement d’une machine, mais non sa genèse, le matérialiste se trouve contraint de noyer dans le brouillard la genèse des êtres animés –  que le matérialiste considère comme des mécanismes.

Ce brouillard est fait des milliards d’années de l’évolution, selon les spéculations de ses historiens, et du maniement en amateur de la notion de hasard. Il ne s’agit pas du hasard dont parle la statistique mathématique, mais d’une notion de hasard comprise dans un sens téléologique. Les tenants de l’auto-organisation de la matière imaginent ce qui devra se produire par hasard ; autrement dit, ils pensent téléologiquement. »

Ils projettent leur pensée sur l’objet futur, leur pensée est la finalité de cet objet. D’où les milliards engloutis dans les « soupes primordiales », dans les mutations sur la drosophile ou les bactéries. L’accélération de l’évolution avec le progrès technique étant devenu un dogme, on aurait dû pouvoir montrer des changements en élevant et faisant muter des organismes vivants se reproduisant très rapidement. Or, toutes les mutations obtenues étaient soit non létales (j’évite le qualificatif de « neutre » car aucune manipulation sur le vivant n’est neutre), soit létales et se produisant strictement à l’intérieur de l’espèce. Aucune nouvelle apparition ni d’organe, ni de fonction, encore moins d’espèce.

« Le mécanisme darwinien est si primaire que des millions de gens peuvent le comprendre (d’où les best-sellers en ce domaine). La seule certitude du darwinisme, c’est qu’il est scientifiquement indémontrable. Il s’agit d’une foi : la foi de n’avoir pas foi en Dieu. »

« Lorsqu’un savant utilise des formes vivantes pour, à l’aide du darwinisme, nier Dieu, cela passe de nos jours pour scientifique ; mais s’il veut, à l’aide des merveilles de la Création et des sciences expérimentales, rendre témoignage à Dieu, on dit qu’il quitte le terrain de la science. Qu’est ce que cette science, qu’est ce que ce terrain ? C’est la science matérialiste, et son terrain le sable des idéologies. Si le sable ne convient pas à l’édification des fondements, on peut toujours le jeter aux yeux des hommes. »

Max Thürkauf fait ici allusion à la propagande scandaleuse en faveur des sciences matérialistes, considérées comme inerrantes. Voyez le bombardement médiatique mondial durant l’année 2009, année Darwin.

Il ne reste pas un pouce de terrain indemne des missiles « sélection naturelle » et « survie du plus apte ». Cette dernière locution n’a aucun sens précis et les idéologies de tout acabit en ont tiré le plus grand parti possible pour définir qui était le « plus apte » et pour donner une touche « scientifique » à leurs folies.

Donnons un clair exemple de cette propagande en citant une phrase de l’éditorial non signé du numéro hors-série du journal Le Monde d’avril-mai 2009, titré  L’Évolution sans fin6 : « Une minorité d’intégristes religieux continue, en Occident, à contester la théorie de Darwin, à laquelle l’immense majorité des scientifiques du monde adhère sans réserve. » Il est dommage pour ce journaliste que dans les contestataires nous trouvions aussi des athées et des agnostiques. Et l’unanimité annoncée en faveur des théories de l’évolution est inexistante.

Mais vous trouverez la même chose dans Scientific American, La Recherche, Sciences et Avenir, Nature, Sciences et Vie, Pour la Science, etc., revues qui ne vulgarisent que les théories à la mode. Et remarquons ici l’aveuglement inexplicable des hommes d’Église qui refusent de reconnaître ce fait : la science matérialiste bénéficie d’une propagande incessante avec étouffement de toute critique, contestation ou controverse. Cette unanimité de façade devrait rendre méfiant à l’égard de telles sciences.

Ces clercs (hommes d’Église) sont enrôlés dans les rangs scientistes pour faire la chasse aux opposants, sans montrer grand enthousiasme pour la controverse et la discussion argument contre argument. C’est presque toujours par l’intermédiaire de médias qui ne laissent quasi jamais la parole à l’autre camp.

L’affaire Galilée :

Max Thürkauf reproduit l’intéressante citation de Manfred Eigen, prix Nobel de chimie 1967, membre de l’Académie Pontificale des Sciences depuis 1981, qui écrivait dans la préface du livre de Jacques Monod, prix Nobel de médecine 1965, Le Hasard et la nécessité  (1970):

« La biologie moléculaire a mis fin au mysticisme de la création, maintenu à travers les siècles: elle a achevé ce que Galilée avait commencé. »

Il y a donc un fil conducteur évident qui mène de Galilée à la théorie de l’évolution et les théologiens contemporains (du moins je veux parler de ceux qui ont le droit à la parole dans les médias) sont tombés dans le panneau, comme l’explique le livre du père André Boulet Création et Rédemption réédité en 2009 chez Téqui.

Galilée soutenait que ce qu’il appelait le  « livre de la nature » était écrit en langage mathématique, si bien que pour pouvoir le lire, il suffisait de maîtriser les mathématiques. Il ramenait ainsi toute la question de la connaissance humaine à un simple problème scientifique.

Pour l’affaire Galilée, ajoutons, en complément d’information, que ni l’hypothèse héliocentrique, ni l’hypothèse géocentrique ne sont démontrables scientifiquement; et la situation n’a pas changé depuis le XVIIème siècle. Galilée a prétendu que l’hypothèse de Copernic n’était pas une hypothèse mais la réalité. Il a voulu réduire les qualités aux quantités et, s’aidant de constatations partielles, il a décidé qu’il s’agissait de la vérité. C’est tout le contraire d’une démarche scientifique. Le cardinal Bellarmin, sommité de connaissances de l’époque, a eu raison d’exiger la rétractation de Galilée devant pareille absurdité. Mais, de nos jours, les hommes d’Église sont encore paralysés par le « syndrome de Galilée», que Max Thürkauf appelle le « traumatisme de Galilée ».

Conséquences en théologie :

Au sommet de l’orgueil  on en arrive à déclarer que l’esprit provient uniquement de la matière inerte, non vivante. Mais Max Thürkauf nous fait remarquer que cet esprit est capable de construire des machines et des instruments de mesure qui ne peuvent ni détecter, ni fabriquer, ni mesurer l’esprit. L’esprit nie l’esprit. Ce paradoxe est insoutenable. Il implique de surcroît que la matière est immortelle, ayant toujours existé, alors que l’esprit est supposé disparaître avec la mort. La mort est la fin de tout.

C’est l’explication des tendances suicidaires et criminelles dans les sociétés fondées sur le matérialisme, qui conduit inexorablement au désespoir. Max Thürkauf ajoutait :

« L’Église enseigne qu’en vertu du Mystère d’Iniquité, gage de notre liberté, Satan peut influencer la Création déchue. Dans les sciences de la nature sans prière, Satan a pu inspirer aux scientifiques le chemin vers les noyaux des fruits de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal. »

(Max Thürkauf, ici, par ce jeu de mots, fait allusion au noyau atomique et à celui de la cellule, car ‘noyau’ en allemand se dit Kern).

Max Thürkauf s’est mis à la portée de ses contemporains en recherche de la Vérité et répond ainsi à leurs angoisses. Il a fait exactement le chemin inverse des théologiens modernistes, qui, abandonnant la théologie basée sur la Révélation, se sont d’abord fourvoyés dans les philosophies existentielles pour finir par idolâtrer les sciences matérialistes. Abandonnant le Qui?, négligeant le Quoi?, ils se polarisèrent sur le Comment? D’où la mise en doute systématique de toutes les données de la Révélation. La plupart de ces théologiens n’étaient pas des hommes de prière et cela peinait beaucoup Max Thürkauf.

Max Thürkauf, dans l’enthousiasme de sa conversion, s’était heurté à la crédulité des théologiens face à la science matérialiste. Il disait souvent: « Il est facile pour un scientifique de s’éloigner de Dieu dans une science sans prière, mais pour un théologien cet éloignement est encore plus rapide dans une théologie non fondée sur la prière. »

Ou encore : « Pour un scientifique croyant, il n’y a rien de moins digne de foi qu’un théologien idolâtrant les sciences matérialistes. » Et encore: « Les théologiens parlent de Dieu, mais ne parlent pas avec Dieu ». Certains théologiens lui ont affirmé que la prière n’était « qu’une auto-suggestion fruit de l’atavisme ou de l’éducation.»

Le médecin Johannes Hufschmidt, s’interrogeant sur cette capitulation des théologiens devant un fantôme, se demande « s’il n’est pas né, sous la pression des calomnies, un christianisme démoralisé, brouillé avec lui-même, qui n’accorde de crédibilité qu’à ses propres tourmenteurs. Mais la démoralisation est un péché contre le Saint-Esprit.»

Hélas, la situation ne s’est guère améliorée. En 2009, année Darwin, les prestigieuses universités catholiques à Rome et dans le monde n’ont pas eu le courage d’ouvrir le débat sur la validité scientifique des théories évolutionnistes et ont rejoint le troupeau bêlant des adulateurs de la plus grande imposture de tous les temps. Les enseignements évolutionnistes, même qualifiés de « mitigés » dans les séminaires et universités catholiques dès les années 1920 (par exemple Louvain en Belgique, Laval au Québec) par des prêtres de formation scientifique (ainsi le chanoine de Dorlodot à Louvain, le Père Messenger aux É.-U.), ont provoqué de graves dégâts dans les élites. Ces connaissances fausses ont été transmises aux générations suivantes, générations de moins en moins bien structurées intellectuellement et de plus en plus mal informées.

Conséquences pour les valeurs morales :

Le credo évolutionniste mène à des absurdités du genre: « Puisque l’humanité est en évolution de plus en plus rapide grâce à la technique, toutes les valeurs traditionnelles n’étaient que passagères et il est urgent de s’en débarrasser au plus vite, pour « accélérer» cette même évolution. »

Les chercheurs athées modernes vous diront que le progrès ne peut être obtenu qu’en transgressant les tabous de la morale judéo-chrétienne, vestige d’une incomplétude explicable par le niveau scientifique trop faible des époques passées. Morale accusée d’être dépassée et de faire obstacle au progrès de l’humanité.

Le biologiste sir Julian Huxley (1887-1975) proposait son « humanisme évolutif » qui rejette tout absolu, toute vérité absolue, la morale absolue, la perfection et la beauté absolues, l’autorité absolue… Il écrivait: « est juste tout ce qui permet ou stimule l’évolution, et injuste tout ce qui gêne ou fait avorter l’évolution.» Inutile de dire que cette phrase servit de caution à des menées totalitaires dans le monde entier. Une telle idéologie règne en maîtresse dans les organisations de l’ONU, dans un monde en marche vers la dictature universelle de l’Antéchrist.

Cet affranchissement des valeurs morales est gravissime en matière de sciences du vivant et de respect de la vie.

Les remèdes :

Se libérer du darwinisme, oui, mais en se libérant du matérialisme. Max Thürkauf a mis le doigt sur la nécessité absolue de réformer toute connaissance en revenant à sa source qui est Dieu. Tout progrès basé orgueilleusement sur les techniques matérialistes est voué à l’échec. Les ennemis de Dieu le savent bien, seul le progrès spirituel est véritable et autorise un progrès technique sans effets pervers, sans esprit de domination, sans esprit de révolte. La subversion satanique est de proposer le progrès technique sans amélioration spirituelle de l’homme et, pire,  en rabaissant l’homme, dominé par ses passions, au niveau des animaux.

Max Thürkauf pensait que le matérialisme entraînerait à brève échéance la ruine des sociétés occidentales. En effet, le gaspillage effréné de la société matérialiste, les atteintes permanentes à la vie et à la nature en général, ne peuvent durer sans conséquences dramatiques. La misère et la pauvreté résultantes induiront un enrichissement spirituel et une floraison des vertus chrétiennes.

« Le temps est venu pour les hommes de rendre compte à Dieu du matérialisme. Mais les hommes n’ont pas le temps de payer leur dette à Dieu; le temps c’est de l’argent. Le Prince de ce monde leur chuchote: «Time is money». Mais, par miséricorde, Dieu privera les hommes de leurs richesses, ils auront alors tout le temps, au milieu des afflictions, de se tourner vers la prière. »

« Comme les hommes ne peuvent pas vivre sans croire, ils croient qu’ils ne croient pas et croient en la science.»

À rapprocher de l’aphorisme de Chesterton: « Le problème avec les athées, ce n’est pas qu’ils ne croient en rien, c’est qu’ils croient en n’importe quoi.»

Ou de la phrase de Jean Rostand: « On ne peut jamais que croire, et toute la différence est entre les téméraires qui croient qu’ils savent et les sages qui savent qu’ils croient. »

 « La Vérité vous rendra libres », voilà le remède. Et pour cela Max Thürkauf préconisait la prière, le ora et labora des bénédictins, pas seulement chez soi, pas seulement à l’église, mais aussi dans les laboratoires et les lieux de travail.

Max Thürkauf entrevoyait une nouvelle génération de moines savants, de théologiens savants, de scientifiques savants, allant chercher la Vérité là où elle se trouve, c’est-à-dire dans le Logos, le Verbe de Dieu, et non pas là où les hommes croient qu’elle se trouve, c’est-à-dire dans leurs propres jugements.

La prière de tout maître, de tout professeur devrait être : « Mon Dieu, ne permettez pas que j’enseigne des erreurs à mes disciples », prononcée en tremblant, tellement la responsabilité est grande.

Comment est accueillie la pensée de Max Thürkauf ?

Bien entendu, les arguments de Max Thürkauf dérangent et se heurtent inexorablement à la loi psychologique du gratissimus mentis error, l’erreur agréable à l’esprit. Nous croyons ce qui nous plaît, conséquence de l’esprit subversif du « libre-arbitre » et de l’abus de liberté de l’homme.

Remarquons ici la redoutable efficacité des solides formations intellectuelles (jésuite, dominicaine, bénédictine) lorsqu’elles se mettent au service d’idées erronées qui s’opposent à la Vérité. Et ces errements ont leur source dans l’orgueil, dans le manque de courage de l’humilité.

Les matérialistes redoutent ces convertis, sortis de leurs rangs et qui débusquent méticuleusement toutes les contradictions de leur système de pensée. Il ne leur reste plus qu’à les accuser d’être retombés dans l’obscurantisme, sans pouvoir réfuter leurs analyses. Mais sont-ils crédibles, vu la compétence d’un Max Thürkauf en science, philosophie et théologie ?

Disons plutôt que l’obscurantisme est du côté de ces scientifiques qui ne croient pas à la vérité, mais qui veulent imposer au monde entier leur vision du monde en détruisant toute vision concurrente. La presse mondiale est inondée de ces lamentations hystériques contre les attaques de « pervers ignares » qui osent, crime horrible, critiquer une théorie aussi parfaite ! Ne nous laissons pas abattre par les vociférations des évolutionnistes et continuons ce travail de salubrité publique que Max Thürkauf nous propose : aimer les évolutionnistes et prier pour eux, sans renoncer à réfuter leurs erreurs. Ces deux actions étant le meilleur service à leur rendre.

Cette peur de la confrontation des idées dans un débat dépassionné, montre bien que les enjeux du combat sont de nature eschatologique. Si le hasard ou le caprice des hommes avait  été le seul moteur dans la genèse des idées matérialistes, le débat aurait été possible, et non seulement possible, mais courtois et constructif. En réalité les idées matérialistes sont professées par des théophobes et non pas par de simples athées.

Influence en littérature, dans les arts :

En 2008, à une réunion de travail avec des littéraires à l’université Stendhal de Grenoble – où j’étais le seul scientifique – ayant pour sujet : « L’incidence idéologique et épistémologique de la pensée de Darwin au sein du discours littéraire à la fin du XIXème siècle : triomphes et contestations » et dirigée par le docteur ès lettres Sandrine Schiano-Bennis,  la question fut posée de savoir si l’influence de Darwin avait été positive en littérature et dans les arts. La réponse fut non, en constatant que le darwinisme eut toutes les caractéristiques d’une idéologie, avec des conséquences sur la mentalité des élites : angoisses, pessimisme, disparition des valeurs, l’homme orphelin de père. Gilles Bonnet en 2004 parlait de « décadence pessimiesque7 ». Les artistes fluctuaient entre romantisme darwinien et fatalisme implacable. Les participants avaient vaguement entendu parler d’une contestation par des scientifiques, ce que je pus confirmer en soulignant l’absence de débat sur la question.

L’évolutionnisme théiste, qu’en est-il ? :

Il se heurte aux mêmes obstacles que l’évolutionnisme athée, en particulier à :

  • la science, puisque l’évolution n’a jamais été démontrée scientifiquement.
  • la théologie, principalement avec le dogme du Péché originel. Les athées se moquent de ce dernier obstacle mais, pour des croyants, il devrait être pris en toute première considération. Et aussi à la perfection de la Création avant la Chute, la réalité d’Adam et Ève, l’Incarnation… etc.

La confiance aveugle dans les prétentions de la science matérialiste amène inexorablement à la contestation puis à l’abandon des dogmes chrétiens.

On prête à Dieu des actions stupides ou inconvenantes, fruits de l’imagination humaine. Ce n’est imaginable que dans une cervelle d’athée (ou plutôt de théophobe), non  pour un chrétien.

Conclusions :

Pour que nous puissions nous libérer du darwinisme, il faut avant tout nous libérer de toutes les idées erronées qui lui ont donné naissance. En résumé, nous avons besoin d’une cure de nettoyage des toxines intellectuelles qui encombrent la pensée moderne et peut-être aussi notre esprit :

  • Contestation de l’inerrance biblique et de la Tradition, donc de la Révélation ;
  • Croyance dans l’exégèse de Galilée8, (le « traumatisme de Galilée », le « syndrome de Galilée »).

Et en général nous devons perdre tout complexe d’infériorité et passer les arguments humains au crible de la Révélation. Dans le domaine des sciences naturelles il faut systématiquement demander raison aux scientifiques de leurs hypothèses.

Se passionner pour la Vérité; prier pour être éclairé ; étudier avec passion ; développer l’esprit critique en vue de réfuter les erreurs : la réfutation fait partie du raisonnement logique.

Toutes les autres conséquences : racisme, eugénisme et darwinisme social, sciences affranchies des valeurs, destruction de l’ordre de la Création, s’évanouiront comme par enchantement.

Cet exposé ne pouvant pas être exhaustif, je conseille de lire l’excellente synthèse du problème science/foi dans les ouvrages de Max Thürkauf9, du père André Boulet10 et de Dominique Tassot11, parus aux Éditions Téqui. Jamais un éditeur n’aura fait autant en faveur du retour à une science véritable !

Et terminons par le philosophe Pierre Thuillier (1927-1998), connaisseur lucide de la science contemporaine12 qui a écrit en 1982 : « Les chercheurs obtiennent des résultats dont  l’intérêt et la valeur sont indéniables. Mais ce n’est pas une raison pour considérer les sciences comme une source de vérités absolues. Il serait dommage que l’enseignement scientifique favorise une nouvelle forme de superstition.»


1 Conférence donnée au colloque du CEP à Nevers, le 3 octobre 2009. Les formules et citations en caractères gras sont tirées des œuvres traduites en français de Max Thürkauf.

2 Docteur en Physique, Chef d’un groupe de recherches au CEA-LETI (Commissariat à l’énergie atomique) et professeur de nanoélectronique à l’Université de Grenoble.

3 Max Thürkauf,  Le Christ et la science expérimentale moderne, Éd. Téqui, 2008, p.55.

4 Hugh Owen, « The negative impact of the evolutionary hypothesis on scientific research: A retrospective assessment », in Evoluzionismo, il tramonto di una ipótesi, a cura di Roberto de Mattei, Siena, Cantagalli, 2009.

5 La quête d’eau sur Mars, la recherche de planètes hors du système solaire, sont des tentatives désespérées pour « rajeunir » les théories de l’évolution.

6 Surtout ne pas comprendre « sans faim ». On vous en fait avaler quel que soit votre appétit !

7 Contraction de pessimisme et de simiesque.

8 Cf. D. Tassot, »Galilée dans la sacristie », Le Cep n°35, p.63 squ.

9 Max Thürkauf, Le Christ et la science expérimentale moderne, op.cit.; Cosmos et Création. La mante religieuse. Deux savants à la recherche de Dieu, Téqui, 1989.

10 André Boulet, Création et Rédemption, Téqui, 2009.

11 D. Tassot, L’évolution. Une difficulté pour la science, un danger pour la foi, Téqui, 2009.

12 Ndlr. Historien des sciences à l’Université Paris VII, P. Thuillier a collaboré durant 30 ans à La Recherche, se signalant par une rubrique de grande valeur, certes fermée à toute religion et un temps influencée par le marxisme, mais toutefois ouverte à la démystification de la science. Le titre de son dernier livre le montre assez bien: La revanche des sorcières. L’irrationnel et la pensée scientifique, Belin, 1997.  On lira aussi avec intérêt: Aimé Richardt, La vérité sur l’affaire Galilée, F.-X. de Guibert, 2007.

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