La logique contre le mensonge Dominique Tassot
Présentation : On voit aujourd’hui une lutte permanente pour l’occupation et le contrôle des esprits. Aux antiques combats territoriaux se sont substitués de multiples combats idéologiques dont l’objectif est de s’emparer de nos opérations mentales, de nos idées et, par là, de notre volonté. La publicité est la forme la plus visible de ce combat ; l’on sait aujourd’hui que ses méthodes se sont imposées même en politique.
Se développe ainsi la forme la plus subtile du mensonge, celle qui consiste à induire en erreur en ne disant que des choses vraies. Nous pouvons nous défendre dans ce combat spirituel, et parmi les armes nécessaires la simple logique vient au premier rang si nous savons l’appliquer dès le début, dès l’énoncé des mots, en vérifiant leur pertinence, leur clarté et l’usage qui en est fait. Mais il faut encore savoir s’agripper aux vérités sues comme aux branches salutaires au-dessus des flots d’informations incontrôlables qui nous emportent.
Au début des années 1980, un mathématicien russe déporté en Sibérie donna une belle démonstration du mensonge régnant dans l’empire bolchevique. Il se fit photographier tenant un écriteau sur lequel était inscrite cette phrase soigneusement composée : « Je demande un visa pour sortir du paradis soviétique et me rendre dans l’enfer capitaliste. » On ne put alourdir sa peine et prolonger sa détention car il avait mis à nu l’hypocrisie du système communiste d’une manière imparable. Le contredire eut été démentir la propagande officielle du paradis des travailleurs.
Aujourd’hui le mensonge institutionnel a toujours cours, mais la « camisole idéologique[1] » a démontré une efficacité supérieure. Georges Lukaks, l’intellectuel du parti communiste hongrois, l’avait pressenti lorsqu’il écrivait :
« Au fond, il n’y a que deux manières : la manipulation brutale, c’est le stalinisme ; la manipulation subtile, c’est l’american way of life »[2]. Et ce « mode de vie américain », la société de consommation, a l’avantage de dénaturer l’homme plus profondément encore, si bien qu’elle ne court guère le risque d’une révolte libératrice.
Soljenitsyne a qualifié l’Union soviétique de « société du mensonge » et donné à sa résistance le slogan jit nié po ljy (vivre, mais pas selon le mensonge). Ne pas vivre à tout prix, c’est le premier acte de résistance : affronter le risque d’une condamnation au Goulag. Mais aussi vivre en faisant l’effort quotidien d’évacuer le mensonge déversé en permanence par la propagande.
Le second aspect de ce combat nous concerne tout autant que les dissidents soviétiques. Plus encore même peut-être, car une propagande plus subtile et plus insidieuse (plus « invasive ») sera plus difficile à déceler et à contrer. S’il y a deux formes de manipulation, il existe trois grandes manières de mentir. Dire le faux, c’est la plus flagrante (mais encore doit-on disposer d’autres sources d’information pour s’y opposer) ; produire des statistiques, c’était naguère une boutade de le dire ! mais c’est bien aujourd’hui un outil permanent pour influencer les esprits et les comportements (en particulier grâce aux sondages) ; enfin induire en erreur en ne disant que des choses vraies.
Cette troisième forme de mensonge acquit ses lettres de noblesse dès le quatrième siècle avant Jésus-Christ avec le stratège chinois Sun Tzeu : c’est l’art – ici légitime – de faire parvenir à l’ennemi des informations vérifiables (donc « vraies ») mais si partielles ou si tendancieuses qu’elles finissent par le tromper. La forme vile de cet art, elle, rejoint souvent la « désinformation », selon la définition qu’en donnait Vladimir Volkoff : énoncer 80 % de vrai pour faire passer 20 % de faux. Le célèbre livre de Darwin sur l’Origine des Espèces (1859) en constitue un très bon exemple.
Ce gros ouvrage compile de nombreuses observations faites chez les éleveurs ou dans la nature, en exposant comment des variations apparaissent au sein des espèces : la production des races de chiens, par exemple, ou encore la forme du bec des pinsons dans les îles Galápagos. Ce sont autant de faits intéressants qui montrent en Darwin un naturaliste érudit et passionné. Mais tous ces faits concernent la transformation d’espèces existantes, leur adaptation, jamais leur origine proprement dite, jamais l’apparition d’un organe nouveau justifiant d’introduire dans la classification une espèce véritablement nouvelle. Seuls le titre de l’ouvrage et l’intention de l’auteur ont à voir avec l’origine des espèces.
D’ailleurs, aux yeux de Darwin, les espèces n’ont pas d’existence réelle ; les êtres vivants sont tous autant d’individus singuliers, en transit entre un type ancien inconnu et le type indéfini à venir qui va s’imposer momentanément par un quelconque avantage sélectif.
On comprend que les naturalistes de l’époque aient résisté facilement à l’attaque de Darwin. Il s’en plaint à son ami Asa Gray, un botaniste américain auquel il écrit, en désespoir de cause : « Il est très important que mes idées soient lues par des hommes intelligents accoutumés aux arguments scientifiques tout en n’étant pas naturalistes. Cela peut paraître absurde, mais je m’imagine que de pareils hommes entraîneront à leur suite les naturalistes qui s’entêtent à croire qu’une espèce est une entité.[3]»
On voit bien ici la manœuvre : il faut d’abord isoler une cible facile à convaincre, les gens cultivés mais qui ne sont pas entraînés à décrire et à classer logiquement les plantes ou les animaux. La cible n’a qu’une idée vague de la taxonomie et ne comprend pas à quel point la notion d’espèce est rigoureuse, pertinente et si durablement fonctionnelle que même les évolutionnistes sont encore et toujours contraints de s’en servir comme si chaque espèce était bien une entité. On va donc convaincre ceux qui ne savent pas ce que c’est et qui ne s’en servent pas, que la notion d’espèce est une fiction arbitraire.
Ce fut d’autant plus facile que le philosophe Spencer avait déjà popularisé l’idée d’une « évolution » cosmique allant de l’inerte au vivant et débouchant sur la conscience humaine. La philosophie du progrès, l’idée que les êtres se complexifient avec le temps pour aboutir à des formes supérieures, cette idée si flatteuse qu’on ne lui demandait pas ses preuves, allait d’elle-même donner raison à Darwin, d’autant plus vite qu’il apportait un argument décisif au mode de colonisation pratiqué par l’Angleterre victorienne. En déclarant que la survie du seul plus apte était une loi de la nature, et la loi y opérant le progrès, Darwin justifiait le génocide des Indiens d’Amérique du Nord comme la chasse aux aborigènes d’Australie. Quand le gouverneur Arthur, en 1885, eut l’idée de réclamer des missionnaires pour évangéliser les natifs de la Tasmanie, on lui fit répondre que c’était sans objet.
Et dans les statistiques officielles, les aborigènes d’Australie furent dénombrés dans la catégorie du cheptel animal (comme les moutons) jusqu’en 1965 ! On le voit, le flou introduit dans la notion d’espèce portait à conséquences…On crut Darwin parce qu’on souhaitait qu’il eût raison. Mais une simple analyse logique, axée sur la définition du mot « espèce », aurait permis de détecter la désinformation.
Aujourd’hui la même confusion se poursuit, cette fois sur le mot « évolution », puisqu’on lui fait désigner à la fois les phénomènes constatés de mutations au sein de l’espèce, et la mythique évolution transpécifique qui est d’une autre nature et demanderait des preuves adéquates.
Cet art de modifier subtilement le sens des mots est à l’œuvre dans tous les domaines. Nancy Pearcey en donne un exemple significatif avec l’emploi du mot « personne » dans la dernière campagne présidentielle américaine. Depuis des années, les associations pro-vie américaines luttaient pour faire admettre que le fœtus est un être humain et non un simple amas de cellules produites par le corps maternel. Leur idée est qu’un homme politique acceptant cet argument devra refuser l’avortement, dès lors considéré comme un infanticide. Mais les sophistes ne chôment pas.
Le candidat démocrate Kerry, admet désormais que « la vie humaine commence à la conception » mais demeure favorable à l’avortement : il explique dans un entretien avec Peter Jennings que le fœtus est bien physiologiquement humain, mais qu’il « n’a pas la forme de vie qui est celle de la personnalité (personhood) », car il n’a ni autonomie ni pouvoir de choix.
En revenir à la définition des mots, et s’y cramponner ; n’employer le mot qu’à bon escient, est donc le premier et peut-être le seul moyen nécessaire pour résister à la propagande. Le raisonnement logique est de construction facile, mais il lui faut pour s’élever le socle solide du sens propre des mots. Il lui faut aussi la volonté de s’y tenir comme de se tenir aux faits bien établis. Dans le roman d’anticipation « 1984 » de George Orwell, le héros se souvient que l’hélicoptère avait été inventé avant la prise du pouvoir par le Parti. La propagande a beau répéter que le Parti a tout inventé, il réagit intérieurement contre ce matraquage mental (c’est l’age contra du combat spirituel) et cette résistance devient le point de départ d’une libération qui le conduit à retrouver la pleine condition humaine.
En se cramponnant aux vérités entrevues, ainsi le constat qu’on n’a jamais vu apparaître un organe nouveau, ou que les chats donnent toujours des chatons, nous pouvons aussi soulever la chape du conditionnement idéocratique. Car si la propagande cherche à nous tromper sur un point aussi facilement vérifiable, c’est l’indice que tout ce qui vient de la même source doit être reçu avec circonspection. Alors le sens critique retrouve sa destination première, qui est de nous forger une vision du monde cohérente avec les faits réels et non contradictoire.
Ce souci de logique, cette réaction salutaire contre l’absurde, n’est peutêtre qu’un aspect du combat que nous avons à mener ici-bas, mais c’est un aspect décisif. Nous savons de l’Adversaire qu’il est « homicide et menteur dès le commencement ».
Tout ce qui va contre la vie humaine (sous toutes ses formes, la survie biologique n’étant que la première) est donc signé ; et tout ce qui adopte le mensonge comme moyen nécessaire l’est aussi bien. C’est pourquoi, dans tous les sens du terme[4], la vérité nous libèrera (Jn 8,32). Et nous savons pouvoir mettre notre confiance en Celui qui a fait cette promesse.
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Si vous souhaitez entendre (ou réentendre) les conférences de la Journée Régionale d’Ile de France (samedi 31 mars 2007)
Dieu a-t-il voulu l’Evolution ?
Les CD sont disponibles :
CD 0107 Les impossibilités du transformisme Pr Pierre Rabischong CD 0207 Les leçons de l’Intelligent Design Claude Eon CD 0307 La théologie après Darwin P. André Boulet CD 0407 La fausse solution teilhardienne Dominique Tassot |
Le CD 7,50 € Franco ; le CD MP3 des quatre conférences 18 € A commander auprès du Secrétariat du CEP.
SCIENCE ET TECHNIQUE
« Les rationalistes fuient le mystère pour se précipiter dans l’incohérence » (Bossuet)
Le Hasard et l’anti-hasard Pr Hubert Saget
Présentation : En 1970, Jacques Monod, tout auréolé du Prix Nobel qu’il venait de recevoir avec François Jacob, publia Le Hasard et la Nécessité. Il y faisait du hasard une sorte de cause explicative et le Pr. Hubert Saget fut chargé par des membres de l’Institut de répondre à cette idée absurde, mais si utile – et même nécessaire – à la croyance évolutionniste. Il y a hasard lorsque deux séries indépendantes d’événements se rencontrent (Cournot). Mais dans l’univers harmonieux et cohérent qui est le nôtre, comment être sûr qu’un lien caché n’introduit pas quelque unité entre deux phénomènes ? En médecine, la perte d’unité, le chaos, c’est la maladie. Elle n’explique pas la vie ; elle la suppose. C’est l’anti-hasard (ou la finalité) et non le hasard qui permet d’expliquer et de comprendre.
« A celui qui refuse la vérité, Dieu fera accepter le mensonge ». Le livre de Jacques Monod qui a eu tant de succès dans les « campagnes », Le Hasard et la Nécessité, n’avait pas d’autre raison d’être que le refus d’une causalité intelligente et transcendante, dont la vérité s’impose si fortement, que seule une mauvaise foi d’une force égale pouvait conduire l’auteur à proposer du monde une explication aussi faible et fallacieuse. Encore Monod avait-il l’excuse de n’être pas philosophe de profession.
Mais qu’il ait pu trouver des thuriféraires parmi les éminents professeurs de philosophie de l’époque, montre à quelles aberrations peut mener le refus de Dieu, car le contresens philosophique sur la « nécessité », entre autres, était tellement énorme, qu’on s’étonne que les critiques aient d’abord porté sur le « hasard », tout aussi faussement invoqué, bien sûr, alors que l’une et l’autre notion étaient également d’une fausseté infernale (false as Hell dit Shakespeare dans Othello).
« Le besoin de vérité est plus sacré qu’aucun autre », écrit Simone Weil dans L’Enracinement. Il n’en est pourtant jamais fait mention. « On a peur de lire, une fois qu’on s’est rendu compte de l’énormité et de la quantité des faussetés matérielles qui s’étalent sans honte, même dans les livres des auteurs les plus réputés. On lit alors comme on boirait l’eau d’un puits douteux ».
Lorsque parut en 1970 Le Hasard et la Nécessité, j’avais été mandaté par quelques membres de l’Institut, dont mon maître René Poirier, pour lui répondre, étant alors le seul parmi les philosophes, à avoir suivi de près les travaux réalisés à l’Institut Pasteur par l’équipe « Jacob, Monod et Lwoff » si justement récompensée par le prix Nobel. C’est à cette fin que j’avais écrit une thèse Ontologie et biologie, pour laquelle me fut attribué le prix « Louis Liard », par l’Académie des sciences morales et politiques, et dans un second temps Le Hasard et l’anti-hasard, sur lequel je vais présenter quelques aperçus.
La théorie synthétique de l’Evolution, qui prétend expliquer la vie par des causes naturelles, et qui est aujourd’hui encore admise à peu près comme un dogme, repose sur trois axiomes :
- le hasard
- la continuité des formes naturelles ¾ la nécessité.
Le hasard. Pourquoi le hasard comme principe d’explication ? A celui qui refuse une causalité intelligente et transcendante, il ne reste pas d’autre alternative pour expliquer le monde, qu’une causalité aveugle et immanente, autrement dit, le seul « Hasard ».
A celui qui refuse la causalité de l’Etre, il ne reste que celle du Néant. Que le hasard soit cette causalité du non-être et de l’absence, c’est ce qui résulte de la définition de Cournot, aujourd’hui universellement admise comme un concept interdisciplinaire : « Rencontre de séries causales indépendantes ».
La rencontre de deux voitures qui se télescopent au coin d’une rue n’est un hasard que si aucun des deux conducteurs n’a voulu tuer l’autre, ou se suicider.
Sinon, ce n’est pas un hasard, c’est la réalisation d’une intention, ou d’un projet prémédité.
Pour qu’il y ait vraiment hasard, il faut que rien ne vienne atténuer la pure extériorité, la pure altérité, l’ignorance réciproque des deux séries qui interfèrent, en l’espèce celle des deux véhicules, le vide et le blanc de l’absence qui les sépare, de l’espace qui les distingue.
Dès que leur dualité se trouve survolée par une puissance d’intégration, le hasard diminue ou disparaît pour faire place à la finalité. Il suffit que l’esprit s’avance pour que le hasard recule.
Mais il faut tout de suite observer que cette puissance d’intégration, par laquelle les deux séries vont devenir dépendantes l’une de l’autre, ne peut être conçue que comme transcendante à la pure extériorité de l’espace, et que comme « spirituelle » au sens large, car c’est par elle que les deux séries (les deux véhicules dans notre exemple) indépendantes spatialement, matériellement, vont devenir dépendantes spirituellement.
Elles deviennent dépendantes lorsque l’un des deux conducteurs, celui qui veut tuer l’autre, ou se suicider, règle la conduite de son véhicule sur celle de l’autre, pour qu’elles puissent se rencontrer.
Indépendantes spatialement, dépendantes spirituellement, c’est une performance qui n’est accessible qu’à l’esprit, ou à une puissance de liaison analogue à l’esprit ; c’est pourquoi j’ai dit force de liaison spirituelle « au sens large » – au sens très large -puisque toute puissance de synthèse, par laquelle est niée la pure négativité de l’espace, est susceptible de jouer un rôle homogène à celui de l’esprit, hétérogène à celui de l’espace. Toutes ? Oui, toutes, et y compris la gravitation, comme Newton, et son vulgarisateur Voltaire, en étaient parfaitement conscients.
Dans l’une de ses lettres à Bentley, Newton, qui était un mystique, dit de la gravitation : « Force hyperphysique, agissant selon une loi mathématique précise.»
Et Voltaire, dans le même esprit, quand on lui demandait quelle était la cause de la cohésion du système solaire, répondait que cette cause était l’attraction, qui est une chose réelle, « puisqu’on en démontre les effets et qu’on en calcule les proportions. La cause de cette cause est dans le sein de Dieu.» Ceci dans la XIVe Lettre philosophique. On ne saurait mieux dire !
Car l’attraction est une « action sans agent », qui agit à toute distance, sans intermédiaire matériel, bien qu’elle diminue comme le carré de la distance, et c’est d’ailleurs la seule chose compréhensible, encore que négative, de la fameuse formule F=KMM’/ D2 car c’est la loi de croissance des surfaces sphériques, en fonction de la distance radiale.
Mais en tant que telle l’attraction à distance est et demeure à jamais incompréhensible, et c’est ce qui fait dire à Alexandre Koyré, dans les Etudes newtoniennes (p.36) : « Les corps s’attirent les uns les autres, agissent les uns sur les autres – ou du moins se comportent comme s’ils le faisaient. Mais comment arrivent-ils à accomplir cette action, à franchir l’abîme du vide qui si radicalement les sépare et les isole les uns des autres ? Nous devons avouer que personne, pas même Newton, n’a pu (et ne peut) expliquer ou comprendre ce « comment.»
Pas même Newton ? Pas même Einstein, car parler de « courbure d’espace » est une image, ce n’est pas une explication !
Le grand Maxwell, au milieu du XIXe siècle, disait qu’on admirerait à l’égal de Newton, celui qui donnerait une explication de sa loi. Mach, au début du XXe siècle, que l’ « incompréhensibilité extraordinaire de la gravitation était devenue avec l’habitude une incompréhensibilité ordinaire ; qu’on s’était habitué à utiliser l’attraction comme principe d’explication, alors que le stimulant à s’enquérir de son origine avait peu à peu disparu.»
Voyez le paradoxe de tout cela : on utilise comme moyen
d’explication une loi qui mériterait d’être traitée comme fin d’une tentative d’explication. Dès lors, qu’est-ce donc que la gravitation ? Que représente donc l’attraction ? C’est l’ANTI-HASARD dans toute sa splendeur !
L’anti-hasard, sans lequel les planètes, les satellites, suivraient un chemin inertial, rectiligne, sans accélération, ni décélération, ni changement de direction, le seul mouvement « dont il n’y a pas lieu de poser à la nature la question de son origine » (Prigogine), le seul immédiatement compréhensible : bref sans lequel les éléments du système solaire, planètes, satellites et le Soleil lui-même, seraient abandonnés au HASARD, autrement dit sans lequel il n’y aurait aucun SYSTEME, aucune UNITE qui vînt compenser leur dispersion, et sans lequel nous ne serions pas là pour en parler !
N’oublions pas que le problème auquel s’était attaqué Newton est celui de la cohésion du système solaire. Comment le système solaire constitue-t-il une UNITE, en dépit de la PLURALITE, de la dispersion des corps qui le constituent, planètes, satellites, et le soleil lui-même ?
L’anti-hasard, à tous ses niveaux, est donc inconnaissable, bien qu’essentiel au monde. Il faut se faire à l’idée que l’essentiel est invisible. L’unité n’est pas de ce monde, tout en existant dans ce monde, comme ce qui lui donne vie et valeur.
Par exemple, ce qu’on appelle la santé, est l’unité sans défauts de l’organisme jeune, qui échappe à toute définition. Et c’est pourquoi l’histoire de la médecine fourmille de multiples maladies, mais c’est très tardivement qu’on s’est préoccupé de définir la santé (remarque déjà faite par Kant). Encore n’a-t-on trouvé pour la définir, que la formule très belle, mais toute négative de Leriche : « La vie dans le silence des organes ». On ne définit pas un silence, on ne détermine pas une transparence. Or la santé, c’est l’unité de silence et de transparence du corps qui est dans le monde comme n’y étant pas (on rejoint la formule de saint Paul), l’organisme écrasé sur soi, aussi peu que possible compromis avec les puissances de division de l’espace et du temps, c’est-à-dire « de ce monde » auquel il appartient sur le mode du refus et du repli.
Ensuite vient la maladie qui isole, disloque, analyse, désorganise, et préfigure la désunion finale de la mort (« ce qui n’a plus aucun nom dans aucune langue », comme dit Tertullien, et après lui Bossuet). La maladie est analytique, la santé est synthétique.
La maladie est avant tout perte d’unité (c’est un médecin qui vous parle), perte physique et métaphysique à la fois. Et au-delà de la mort, il y a encore la « dispersion », comme disent les notaires, des objets qui avaient appartenu à un vivant, une fois que la « force de possession » de la vie est partie.
De l’Un au multiple, c’est le destin de toute structure, y compris de l’univers, des galaxies, des astres rayonnants qui perdent leur pouvoir de donner la vie, c’est-à-dire l’unité qui les constitue eux-mêmes. De l’AntiHasard au Hasard, voilà la destinée de l’être, plongé dans l’espace, venu de la transcendance, compromis avec l’immanence de l’extériorité.
Si je mets en marche mon véhicule, que j’enclenche une vitesse et que je me retire, et s’il parcourt 100 m sur la route sans tomber dans le fossé, j’admettrai que ce soit par hasard. S’il va tout seul de Dunkerque à Bayonne, jamais je ne croirai qu’il ait pu le faire sans être guidé.
Ces exemples triviaux pour rappeler que notre esprit ne saurait admettre que l’ordre sorte sans raison du désordre, ou le plus du moins, ou l’être du néant, car cela revient au même, et ce n’est pas seulement une vérité que je découvre, c’est un principe qui se rattache aux plus hautes exigences de la raison, c’est la raison elle-même dans son rapport avec le monde.
C’est de ce principe que procède le fameux Discours d’Octavius, prononcé en l’an 211, et qui suffit à convertir son ami africain, qui devint saint Cécilius, preuve qu’un esprit humain pas encore encombré de notions « scientifiques », était déjà armé pour découvrir la vérité :
« Je suppose, dit Octavius, que vous entriez dans une maison dont les appartements sont magnifiquement meublés, et où tout se trouve dans l’ordre le plus parfait. Vous ne pouvez douter, à ce spectacle :
- – qu’il y a un maître qui veille à tout
- – que ce maître soit d’une nature très supérieure à tout ce que vous admirez.
De même si vous considérez le Ciel et la Terre, et l’arrangement et l’harmonie de tous les êtres qui les composent, et qui forment un ensemble admirable, vous ne pourrez révoquer en doute l’existence d’un seigneur suprême, qui par ses perfections efface l’éclat des astres, et qui soit infiniment plus digne de vénération que tout ce qui est sorti de ses mains.»
Pour être à la portée des esprits les plus ordinaires (car Dieu est juste et il faut que la Vérité soit accessible à tous), cet argument n’en a pas moins une force et une évidence que toute la subtilité du monde ne saurait affaiblir.
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Nos membres publient :
André Boulet et Elisabeth Voinier. Petite Catéchèse sur Marie. Mère du Christ et Mère de l’Eglise.
Ce qui se présente sous un nom bien modeste est en fait une véritable somme mariale. Ecrit par un prêtre et une laïque, tous deux trempés dans une spiritualité marianiste solide et éclairée, ce livre apporte enfin ce que nous attendions depuis longtemps de la théologie française : un livre sur Marie qui nous donne l’ensemble du message sur la personne et l’œuvre de la Mère de Dieu.
Nourri des Ecritures, cet ouvrage est un rappel clair et fouillé de la réflexion théologique de l’Eglise sur la Sainte Vierge à travers les siècles. Jamais abstraite ou purement apologétique, cette somme mariale conduit le lecteur de l’Ecriture au dogme et du dogme à la spiritualité. En effet, cette Petite catéchèse sur Marie ne s’arrête pas à un savoir désincarné et étroitement scolaire, elle fait honneur par son langage simple et sa présentation agréable aux exigences d’une pédagogie active rarement rencontrée dans les livres de théologie et de spiritualité. Un livre à lire, mais plus encore à consulter régulièrement.
HISTOIRE
« Si l’homme est libre de choisir ses idées,
il n’est pas libre d’échapper aux conséquences des idées qu’il a choisies. » (Marcel François)
Jeanne d’Arc en Vendée ?[5]
Paul-Henri Foucaud
Résumé : Si Jeanne d’Arc n’est jamais venue à Luçon, un épisode relie cependant cette ville de Vendée à la jeune lorraine. Fin mai 1429, après la prise d’Orléans, un grand cercle blanc entourant une cavalière parut dans le ciel du soir et se déplaça lentement de la direction d’Orléans vers le Nord, c’est-à-dire vers la Bretagne.
Il semble que ce fait décida le Duc de Bretagne à s’allier avec le roi de France, si bien que ses 700 cavaliers se trouvèrent aux côtés de Charles VII lors de la bataille décisive de Patay.
Dans l’histoire de Luçon, le nom de Jehanne de Domrémy, n’apparaît jamais ; de même dans l’histoire de Jehanne, le nom de Luçon n’est jamais mentionné. Et pourtant, cela devrait être et voici pourquoi :
Il y a bien longtemps de cela, au mois de mai 1429, une jeune fille de 17 ans, venue de Lorraine, livrait bataille aux Anglais devant Orléans et libérait la ville : c’est Jehanne d’Arc qui avait prédit la veille : « On en gardera perpétuelle mémoire.»
La nouvelle de la délivrance d’Orléans se répandit à travers tout le royaume comme une traînée de poudre, et un beau soir de fin mai 1429, les bonnes gens de Talmont (entre les Sables d’Olonne et Luçon) prenaient le frais après une journée chaude.
Et voici que dans le ciel du soir apparut, dans la direction d’Orléans, un grand cercle blanc dans lequel on voyait l’image d’une jeune cavalière blanche sur un cheval blanc. L’ensemble se déplaçait lentement, sans se déformer, en direction du nord, c’est-à-dire de la Bretagne. La nouvelle se répandit en Bretagne où elle suscita beaucoup d’inquiétude, notamment dans l’entourage du Duc de Bretagne.
Dans une direction différente, la nouvelle parvint à la cour du Dauphin Charles VII qui se trouvait alors en son logis royal de Loches en Touraine. Le futur roi fit écrire à l’évêque de Luçon, qui était alors le Révérend Père en Dieu (on ne disait point monseigneur à cette époque-là) Guillaume Goyon, pour savoir la vérité, lequel fit interroger le curé de la paroisse de Talmont en Bas-Poitou, qui appartenait à son diocèse. Le curé confirma l’apparition vue dans le ciel talmondais par environ 300 personnes (comme le rapportent les vieilles chroniques poitevines), et proposa d’envoyer à l’évêque deux gentilshommes connus pour leur sérieux et leur probité afin de déposer devant l’évêque tout le détail de l’affaire.
L’évêque approuva et, deux jours plus tard, les deux gentilshommes talmondais étaient reçus avec égards et curiosité à l’évêché de Luçon, et Guillaume Goyon eut confirmation de l’affaire de vive voix. A son tour, il dépêcha les deux gentilshommes pour aller faire rapport à Charles VII. Nantis d’une bourse due à la libéralité de l’évêque de Luçon, les deux cavaliers quittent Luçon et, après quatre jours de chevauchée, arrivent à Loches, franchissent les trois enceintes fortifiées (qui existent encore en partie de nos jours) et sont reçus au logis royal encore intact aujourd’hui dans sa splendeur médiévale, par Charles VII et son conseil.
Pendant ce temps, le Duc de Bretagne prenait conseil lui aussi au sujet de l’affaire dont tout le monde parlait. Hésitant entre l’alliance avec le roi d’Angleterre et l’alliance avec le roi de France, il opta pour cette dernière et envoya sont plus grand capitaine, le Connétable de Richemont qui, à la tête de 700 cavaliers, vint rejoindre la Pucelle à la veille de la bataille de Patay (au nord d’Orléans).
Jehanne accepta ce renfort avec joie et, le lendemain, à la tête de toute la cavalerie royale, soit 3 200 chevaux, elle remporta l’éclatante victoire de Patay, le samedi 18 juin 1429, qui fit du 18 juin la date la plus mémorable de toute l’histoire de France. De mémoire d’homme, on n’avait pas souvenance qu’une fille de 17 ans eut livré 18 batailles et assauts et remporté 15 victoires.
« On en gardera perpétuelle mémoire », avait prédit la jeune fille. Quelques rares Vendéens ont conservé le souvenir de l’affaire Talmont.
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Nos lecteurs publient :
L’Anatolie par Madame G.J. Morfin
A l’heure ou la Turquie frappe à la porte de l’Europe, et où la « question turque » se révèle d’une grande importance, Madame Morfin poursuit ses publications sur les peuples des mégalithes avec ce fascicule V de la série Ibéria, concernant l’Anatolie. Cette terre fut un centre de migrations humaines dès avant l’empire hittite et la ville de Troie. Et sa conquête par les Turco-mongols à partir du 12ème siècle (avant donc la chute de la ville de Byzance) fait que la Turquie ethnique s’étend vers l’Asie loin au-delà de la République fondée par Atatürk en 1923. Ce fascicule de 125 pages, dont la moitié d’illustrations, donne le recul nécessaire pour prendre une mesure exacte de cette histoire millénaire et de la société qui en découle.
A commander chez l’auteur Mme G. MORFIN – 120, les Crouzettes – 34730 Saint-Vincent de Barbeyrargues
(16 € + port 4 €).
Le Rapport de la Montagne de fer, clef de la politique américaine et de la guerre en Irak[6]
(1ère partie) Claude Timmerman
Présentation : Le rapport dit « de la Montagne de Fer » (Iron Mountain) est un étrange document publié en 1967 aux Etats-Unis, puis traduit en 1968 chez Calmann-Lévy sous un titre qui en fixe bien le contenu : La paix indésirable ? Rapport sur l’utilité des guerres. Il s’agit en effet d’une synthèse, réalisée par quinze experts américains, pour répondre à la question : l’humanité peut-elle vivre sans la perspective d’une guerre. Loin d’une hypothèse farfelue, il s’agit d’une question vitale pour ceux qui ont en vue l’instauration d’un gouvernement mondial. Or la possibilité de la guerre a des conséquences multiples : économiques (le budget militaire), scientifiques (la recherche avec ses retombées civiles), sociales (les emplois pour « têtes brûlées »), politiques (l’autorité de celui qui peut déclencher une frappe nucléaire), etc. Dans cette première partie, Claude Timmerman fait l’historique du rapport et analyse les fonctions de la guerre.
Introduction[7]
Le rapport dit « de la Montagne de fer » est paru en 1967 aux Etats Unis chez Dial Press sous le titre original de: Report from the Iron Mountain on the possibility and the desirability of peace, sans nom d’auteur, mais avec une introduction de Leonard C. Lewin.
Lewin y explique comment ce document lui est parvenu dans les mains et pourquoi il se devait de le faire connaître en le publiant, même sans autorisation.
Le document était accompagné d’une préface d’un dénommé
Herschel Mac Landress – que personne ne connaissait physiquement, mais dont le nom s’était signalé par des articles économiques paraissant dans la revue « Esquire », certains d’ailleurs cosignés au début des années 60 par un certain John Fitzgerald Kennedy – qui attestait de la véracité et de la réalité des travaux dont ce rapport était à l’origine.
Compte tenu des conclusions de ce rapport, il créa une polémique importante lors de sa parution. Une controverse s’en suivit, étouffée à la demande de la Maison Blanche qui refusa toujours de reconnaître la moindre implication gouvernementale dans cette affaire.
Nous sommes alors en pleine guerre du Vietnam et Lyndon Johnson peut aisément agir sur la presse pour calmer le jeu…
Le Rapport de la Montagne de Fer allait sombrer dans les oubliettes de l’Histoire, devant les impératifs médiatiques de la guerre froide et du désengagement vietnamien…
Quel est le thème de ce rapport?
Rien moins que l’étude des bouleversements de la civilisation provoqués par l’éventualité d’un régime de paix perpétuelle et des substituts à trouver aux fonctions de la guerre pour maintenir, en régime de paix, la cohésion des sociétés.
A cette époque, aux Etats Unis, plusieurs études de ce genre, d’origines diverses, virent le jour.
Nous ne citerons que le livre de Hermann Kahn : Thinking about the unthinkable, ce que nous traduirons par « Penser l’impensable », destiné à sensibiliser l’opinion américaine sur la nouvelle façon de penser la guerre et la paix à l’ère nucléaire.
Le Rapport de la Montagne de Fer, comme il fut dénommé, se retrouva donc relégué sur les rayons des bibliothèques universitaires comme n’importe quelle étude de sociologie politique.
Il fut pourtant traduit en français par Jean Bloch-Michel et publié en 1968 chez Calmann – Lévy sous le titre: « La paix indésirable? Rapport sur l’utilité des guerres » avec une préface du grand économiste américain J.K.Galbraith qui y déclare deux choses:
- Il reconnaît être Herschel MacLandress, pseudonyme qu’il utilisait couramment dans ses écrits, notamment ceux cosignés par Kennedy qui était alors son élève!
- Il déclare avoir été convié « par un ami fort connu, astronome, physicien et spécialiste des communications »(p.xxii) à une réunion à Iron Mountain au cours de l’été 1963, invitation qu’il avait déclinée, devant participer à un important séminaire sur la psychométrie en Italie pour lequel il s’était engagé à cette date. On verra cet ami » fort connu » en annexe…
Quoiqu’il en soit, Galbraith reconnaît sans aucune équivoque l’existence des réunions d’Iron Mountain et la véracité du rapport qui en découla…Il tenait visiblement à épauler Léonard C.Lewin devant les difficultés d’édition de ce rapport.
Il conclut ainsi sa préface:
« De même que je prends personnellement la responsabilité de l’authenticité de ce document, je puis témoigner en faveur de la justesse de ses conclusions. Mes réserves ne concernent que l’imprudence avec laquelle il a été mis à la disposition d’un public qui n’était évidemment pas prêt à le comprendre.» (p.xxvii)
Ceci se passe de commentaires!
Paru en France au sortir des « évènements » de mai 68 et entouré d’une discrétion médiatique exemplaire, le rapport sombra dans l’oubli bien que l’édition en fut rapidement épuisée.
Il fut réédité en 1984.
I – Historique
Comment Léonard C. Lewin s’est-il trouvé en possession d’un exemplaire de ce rapport?
Il l’explique très clairement dans l’introduction qu’il a rédigée pour l’édition originale.
Il fut contacté l’hiver 1966 / 67 par un dénommé John Doe, c’est du moins le pseudonyme qu’il lui a conservé, « professeur dans une grande université du Middle West. Sa spécialité est une des sciences de l’homme, mais je ne le caractériserai pas avec plus de précision. »(p. 09)
John Doe lui expliqua qu’il avait été contacté téléphoniquement de Washington, l’été 1963, par une certaine Mrs. Potts qui lui indiqua qu’il devrait appeler une tierce personne au Département d’Etat, ce qu’il fit.
Cette personne annonça alors à John Doe qu’il avait été choisi pour faire partie d’une commission de la plus haute importance « dont les travaux étaient de déterminer, avec précision et réalisme, la nature des problèmes que devraient affronter les Etats-Unis dans le cas où les conditions nécessaires à l’établissement d’une paix permanente seraient réunies, et d’établir un programme en vue de faire face à cette éventualité. » (p. 10)
A cet effet il devrait se rendre à Iron Mountain, localité du nord de l’Etat de New York, où il retrouverait les autres membres de la commission, sélectionnés comme lui pour participer à ce « groupe d’étude spéciale ».
Iron Moutain est connu pour l’existence d’un gigantesque abri antiatomique qui sert à stocker des archives pour les plus importantes sociétés qui y tiennent parfois des réunions très confidentielles, notamment des sociétés pétrolières comme la Shell et la Standard Oil.
John Doe va y retrouver quatorze personnalités du monde universitaire, politique et économique (voir en annexe) avec lesquelles, durant trois ans, il va participer à l’élaboration de ce fameux « rapport du groupe d’étude spéciale ».
Effaré par les conclusions de ce rapport, John Doe crut nécessaire de le faire connaître au grand public par l’intermédiaire d’un ami sur lequel il savait pouvoir compter, même si la commission interministérielle, qui était à l’origine de ce rapport, avait tenu à le conserver secret : Leonard C. Lewin allait s’en charger.
La ligne générale du rapport est pour le moins inquiétante. Les questions initiales n’ayant pu trouver de réponses à travers les multiples analyses et synthèses qui avaient été effectuées, les membres du groupe d’étude spéciale étaient parvenus à la conclusion suivante:
« La paix durable, bien que n’étant pas théoriquement impossible, est probablement inaccessible; même dans le cas où il serait possible de l’établir, il ne serait certainement pas dans l’intérêt le mieux compris d’une société stable de parvenir à la faire régner. …/…
La guerre remplit certaines fonctions essentielles à la stabilité de notre société; jusqu’au moment où d’autres procédés susceptibles de remplir les mêmes fonctions n’auront pas été découverts, le système qui repose sur la guerre devra être maintenu – et amélioré quant à son efficacité. (p. 14) On comprend qu’une telle analyse ait pu poser des problèmes moraux à « notre ami » John Doe et qu’il ait tenu, ayant participé à la rédaction dudit rapport, à soulager sa conscience en donnant les moyens de faire connaître ces travaux au grand public.
En fait l’initiative de ce « groupe d’étude spéciale » remonte à l’hiver 1961 et fut mise en place par l’administration Kennedy sous l’égide de MacNamara et des deux conseillers Bush et Rusk.
Le Département d’Etat mettra deux ans à sélectionner les quinze protagonistes de ce groupe. C’est aussi l’époque de la crise des missiles soviétiques installés à Cuba.
L’idée primitive était d’étudier les conséquences à long terme de la planification d’une paix perpétuelle. Le choix de ses membres prit plus de deux ans et les convocations furent adressées à l’été 1963. Vu les liens qui unissaient Galbraith et Kennedy, on comprend que le premier ait été pressenti pour faire partie de ce groupe !
Les membres eurent pour seule instruction de poursuivre leurs travaux selon trois critères:
- une objectivité de style militaire,
- le refus de toute idée ou idéologie préconçue,
- la prise en considération, dans tous les domaines, des théories ou des faits en rapport avec le problème. (p. 57)
Les réunions ne se tinrent pas toujours au « bunker » d’Iron Hill, mais souvent dans des hôtels un peu partout dans l’État de New York.
Paradoxalement, Kennedy ayant été assassiné le 22 octobre 1963, époque du tout début des réflexions du groupe, c’est l’administration Johnson qui poursuivit ces travaux au commencement de la guerre du Vietnam.
II – Démarche de recherche des « fonctions de la guerre ».
Joseph de Maistre dans Les soirées de Saint Pétersbourg faisait déjà dire à l’un de ses personnages dans la conversation consacrée à la guerre au chapitre VII : « La guerre est un mal nécessaire. »
Plus proches de nous, divers analystes réfléchissant sur la nature de la violence sociale et son expression opposent:
- La guerre, expression de la violence organisée et maîtrisée par une société stable, et
- Les désordres de rue qualifiés aujourd’hui pudiquement
« d’incivilités », fruits de l’expression de la violence individuelle ou de petits groupes d’individus plus ou moins organisés en marge de la société où ils se trouvent mal insérés.
Ces désordres, s’ils dégénèrent en troubles graves, traduisent l’incapacité de leur société d’origine à contrôler leurs excès et contribuent à son instabilité (insécurité, pillages, émeutes, coups d’ État, etc..)
Force nous est de constater que dans toutes les civilisations connues à ce jour, l’idée de paix ne se définit jamais autrement que par rapport à la guerre. Les définitions des dictionnaires français eux-mêmes en disent long sur la conception que s’en est faite notre civilisation.
On lit classiquement en effet deux définitions de la paix:
Paix : « Intervalle de temps séparant deux guerres », Paix : « Etat de non-belligérance »,
On n’est pas plus explicite!
On peut aussi se rappeler la maxime de Clémenceau :
« La paix n’est que la continuation de la guerre par d’autres moyens. »
Nul doute que les membres du « groupe d’étude spéciale » n’aient eu présents à l’esprit ces concepts, lorsqu’ils cherchèrent dans un premier temps à définir et à classer les diverses fonctions de la guerre dans notre civilisation.
Leur travail s’axe d’emblée sur deux questions:
« A quoi faut-il s’attendre dans le cas où la paix surviendrait?
A quoi devons-nous nous préparer pour faire face à une telle éventualité?
» (p.53)
Le groupe part en effet de cette constatation:
« Il n’y a certainement aucune exagération à dire qu’un état de paix générale dans le monde conduira à des changements dans les structures sociales de toutes les nations du monde, changements qui seraient d’une ampleur sans équivalent dans l’histoire, et révolutionnaires.
Les conséquences économiques d’un désarmement général, pour ne parler que de la conséquence la plus évidente de la paix, obligeraient à reconsidérer toutes les modalités de la production et de la distribution dans le monde, dans une mesure qui ferait paraître insignifiants les changements survenus au cours des cinquante dernières années.
Des changements gros de conséquences se produiraient également dans les domaines politique, sociologique, culturel et écologique. » (p.52)
Pour avoir un maximum d’indépendance d’esprit, le groupe avait décidé de s’affranchir dans ses recherches de tout jugement de valeur morale ou religieuse, de bannir toute idée de « bien », de « bon » ou de « mal » et de s’attacher aux seuls concepts globaux nominatifs liés à la société.
« Nous avons essayé d’appliquer à notre manière de penser les critères de la physique, dont les caractéristiques ne sont pas, comme on le croit, d’être exclusivement quantitatifs mais comme le dit Whitehead : »d’ignorer tout jugement de valeur; et, par exemple, tout jugement esthétique ou moral. »
…/…
[Le choix que nous avons retenu] dans le cas qui nous concerne, cela a été simplement la survie de la société humaine en général, et de la société américaine en particulier, et, ceci étant le corollaire de la survie, la stabilité de la société.» (p. 61)
Sur les rapports entre la guerre et la société, le groupe de recherche spéciale affirme:
« L’erreur fondamentale consiste à affirmer de façon inexacte que la guerre, en temps qu’institution, est subordonnée au système social qu’elle est censée défendre. » (p. 84)
Et de conclure son analyse sur la guerre de cette façon:
« La capacité d’une nation à faire la guerre constitue l’exercice de son plus grand pouvoir social; la guerre, faite ou prévue, est une question de vie ou de mort, dans les proportions les plus importantes, pour le contrôle de la société.
Il ne faut donc pas s’étonner si les institutions militaires, dans chaque société, réclament de passer les premières dans tous les domaines.» (p.88)
III – Les fonctions de la guerre
a) Une fonction économique
A propos de la production et de l’économie de guerre, le groupe constate:
«…dans le cas du « gaspillage » militaire, il est évident que l’utilité sociale est manifeste.
Cela provient du fait que le « gaspillage » de la production de guerre s’accomplit complètement en dehors des cadres de l’économie de l’offre et de la demande. En tant que tel, ce « gaspillage » constitue le seul secteur important de l’économie globale qui soit sujet à un contrôle complet et discrétionnaire de la part de l’autorité centrale. » (p. 93)
Et le groupe d’ajouter que si la guerre est le moyen d’écouler les stocks, ce qui est un raisonnement trop « simpliste » (sic), l’économie de guerre d’une manière générale contribue à la stabilisation des progrès des économies…« …du fait que ce secteur n’est pas sensible aux contractions qui peuvent se produire dans le secteur privé, et qu’il a fourni une sorte de pare-chocs ou de balancier à l’économie. » (p.95)
Et de constater que durant la seconde guerre mondiale le niveau de vie américain avait augmenté!
« Le fait que la guerre soit un »gaspillage » est précisément ce qui la rend susceptible de remplir ses propres fonctions. Et plus vite l’économie accomplit des progrès, plus lourd doit être ce volant de secours. » (p.94)
Ce qui avait déjà été souligné, en 1957, par un ancien secrétaire à la Défense, Frank Pace, par cette formule:
« S’il existe, comme je le suppose, une relation directe entre le pouvoir stimulant que comportent de grandes dépenses d’armement et une augmentation substantielle du taux d’accroissement du produit national brut, cela provient simplement du fait que les dépenses militaires, per se, peuvent être favorisées exclusivement pour des motifs économiques en tant que stimulant du métabolisme national. »
b) Une fonction politique
La fonction essentielle de la guerre sur le plan politique concerne la stabilité sociale et la reconnaissance d’un État en tant que nation de par la puissance qu’il est susceptible d’imposer aux autres s’il en a les moyens techniques.
« La guerre, en tant que système social, a non seulement constitué un élément essentiel de l’existence des nations en tant qu’entités politiques indépendantes, mais elle a également été indispensable à la stabilité intérieure de leurs structures politiques. Sans elle, aucun gouvernement n’a jamais été capable de faire reconnaître sa « légitimité », ou son droit à diriger la société. La possibilité d’une guerre crée le sentiment de contrainte extérieure sans lequel aucun gouvernement ne peut conserver longtemps le pouvoir.» (p.100)
C’est donc par la menace que l’on maintient la cohésion politique d’une société.
Tout le travail du « groupe d’étude spéciale » sera, nous allons le voir, de définir et d’exploiter la meilleure menace possible. Pour lui, la guerre est garante de la légitimité politique de l’État!
c) Une fonction sociologique
La fonction sociologique essentielle observée est d’utiliser les éléments asociaux ou de conserver un rôle nécessaire aux éléments antisociaux dans la société.
« Les mouvements sociaux, facteurs de désintégration et d’instabilité, décrits en gros comme « fascistes », ont traditionnellement pris naissance dans des sociétés à qui manquaient des soupapes de sûreté, militaires ou paramilitaires, susceptibles de satisfaire les besoins de ces éléments.» (p.104)
«Les euphémismes courants – « délinquance juvénile » et
« aliénation » – ont connu des équivalents à toutes les époques. Autrefois de tels problèmes étaient réglés par les militaires sans complications judiciaires, par le moyen des bandes armées et de l’asservissement pur et simple.
Mais il n’est pas difficile d’imaginer, par exemple , le degré de désintégration sociale jusqu’où auraient pu aller les Etats-Unis au cours des deux dernières décennies, si le problème des rebelles sociaux, nés de la Deuxième Guerre Mondiale, n’avait pas été prévu et réglé de manière efficace. Les plus jeunes de ces rebelles, et les plus dangereux, ont été pris en main par le système du service militaire sélectif (Selective Service System ).» (p.104)
La seconde fonction observée est celle d’utiliser les personnes inaptes à tout type d’emploi dans l’administration, le commerce, l’industrie ou l’agriculture, ce que l’on a pu appeler autrefois « la chair à canons » et plus récemment de façon moins péjorative « les chiens de guerre », pour lesquelles l’armée et les activités guerrières demeuraient les seules possibles.
En matière de cohésion sociale, le rapport insiste sur l’analyse des sociétés anciennes pour souligner le rôle des meurtres rituels et des sacrifices humains, par exemple dans les sociétés précolombiennes.
« Dans ces sociétés, le sacrifice humain avait pour but de maintenir le vestige d’un « gage » de l’aptitude que conservait la société à faire la guerre et de sa volonté de la faire – autrement dit de tuer et d’être tué – dans le cas où quelque circonstance mystérieuse – c’est à dire imprévue – rendrait cette éventualité possible. …. / …
C’était avant tout, sinon exclusivement, une façon symbolique de rappeler que la guerre avait été autrefois la force centrale organisatrice de la société, et que les conditions de sa réapparition pouvaient revenir.» (p.112)
Sans préjuger de la remise en place d’une forme « moins barbare » lors de la transition vers des régimes de paix, le groupe retient que: «L’existence d’une menace extérieure à laquelle il est ajouté foi est, par conséquent, essentielle à la cohésion sociale aussi bien qu’à l’acceptation d’une autorité politique.» (p.113)
d) Une fonction écologique
La fonction essentielle observée sur le plan écologique est celle d’une régulation des populations.
Mais le groupe constate que la guerre a un effet sélectif (on pourrait presque dire une « pression de sélection » au sens darwinien) négatif. En effet, dans la plupart des sociétés, ce sont les éléments les plus doués et les plus forts qui historiquement embrassaient la carrière militaire et se trouvaient de ce fait les plus exposés.
« Dans les sociétés humaines, ceux qui se battent et qui meurent dans des guerres nécessaires à la survie de l’espèce sont en général les plus forts de ses membres sur le plan biologique. Il s’agit là donc d’une sélection naturelle à l’envers. » (p.115)
Le rapport évoque les autres moyens classiquement utilisés dans les sociétés anciennes pour réguler les populations : – l’infanticide (Chine, Amérique précolombienne)
- la vie monastique (Tibet, Europe chrétienne)
- l’émigration forcée
- l’application étendue de la peine de mort (Chine Impériale)
On peut également songer à la pratique de la capture d’esclaves comme en Afrique Noire ou dans les Balkans (Janissaires, femmes circassiennes, etc.)
Le rapport souligne enfin l’intérêt des nouvelles armes de destruction massives[8] qui n’éliminent plus préférentiellement les militaires mais massivement les populations civiles dans leur globalité.
« Le second facteur, encore actuel, est l’efficacité des méthodes modernes de destruction de masse. Même s’il n’était pas nécessaire de recourir à leur usage pour lutter contre une crise de surpopulation mondiale, elles offrent peut-être paradoxalement, la première possibilité, dans l’histoire de l’humanité, de mettre fin aux effets régressifs de la guerre sur la sélection naturelle. Les armes nucléaires ne choisissent pas. Leur usage mettrait fin à la destruction disproportionnée des membres les plus forts de l’espèce…» (p. 117 / 118)
Enfin le rapport souligne que la régression des maladies, l’accroissement de la longévité et la très forte régression des maladies infantiles autrefois fatales conduisent à laisser se développer des mutations indésirables pour l’espèce.
« Il semble clair qu’une nouvelle fonction quasi-eugénique de la guerre est en train de se développer, dont il faudra tenir compte dans tout plan de transition vers la paix.» (p.119)
e) Une fonction scientifique et culturelle
Le rapport constate que la guerre et les activités militaires constituent le moteur essentiel de la recherche scientifique et que celle-ci a largement influencé le développement de l’art surtout en matière de peinture, sculpture, littérature et musique.
« La guerre est la principale force qui soit à l’origine du développement de la science, à tous les niveaux, depuis la conception abstraite jusqu’à l’application technique.
La société moderne accorde une grande valeur à la science « pure », mais il est historiquement indiscutable que toutes les découvertes d’importance majeure qui ont été faites dans les sciences naturelles ont été inspirées par les nécessités, réelles ou imaginaires, de leur époque. Les conséquences de ces découvertes se sont étendues beaucoup plus loin, mais la guerre a toujours fourni le stimulant qui a été à leur origine. » (p.122)
On ne peut que songer en lisant ces lignes au nombre colossal de publications sur l’acétylcholinestérase…première enzyme « travaillée » par la biologie moléculaire des laboratoires militaires, car elle intervient dans les mécanismes physiologiques de paralysie respiratoire liés aux gaz de combat, notamment les gaz asphyxiants!
D’autres fonctions mineures de la guerre sont également évoquées:
- Un « facteur de libération sociale », facteur psychologique de dispersion des tensions
- Un facteur de stabilisation des conflits entre générations, permettant «… aux générations les plus âgées et par conséquent physiquement diminuées, de rester aptes à maintenir leur contrôle sur les générations les plus jeunes, en les détruisant au besoin.» (p. 125)
- Un facteur de contrôle du chômage, en permettant bien évidemment de recréer des emplois par l’économie de guerre et en éliminant certains de ceux qui se seraient engagés, ou plutôt de ceux qui auraient été enrôlés…
(Suite au prochain numéro)
*
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LES DESSOUS DE LA PREHISTOIRE
Les évolutionnistes sur
les dents : bientôt la
zizanie ?
Dr Pierre-Florent
Hauvilliers

Présentation : La théorie de l’Evolution est un artefact des sciences biologiques que l’on a hissé au niveau d’une vérité scientifique au prix d’un bon nombre de contorsions intellectuelles et au détriment de la réalité.
Mais les faits sont têtus. Les recherches et les découvertes montrent de plus en plus l’incongruité de cette théorie. Dans cet article, il est rendu compte d’une étude sérieuse réalisée tout récemment sur les agénésies dentaires (absence naturelle de dents dans les mâchoires), phénomène qui a toujours été présenté comme une preuve scientifique de l’évolution des espèces et en particulier de l’espèces humaine (qui aurait vu son nombre de dents diminuer par rapport à ses supposés ancêtres).
Bien qu’évolutionnistes, les auteurs de cette étude se sont trouvés dans l’obligation de conclure que les agénésies dentaires ne peuvent en aucun cas être considérées comme une preuve génétique de l’Evolution des espèces. Il y a fort à parier que cette communication, la première effectuée sur ce thème avec des bases solides, ne sera pas prise en considération par les autres chercheurs évolutionnistes ; sinon nous risquerions d’assister à une belle zizanie !
Le fait est rare ; il mérite donc d’être souligné : trois spécialistes
viennent de publier une communication intitulée : « A propos des agénésies dentaires, origine et évolution »[9].
Ils sont évolutionnistes, plus par formation (ou plutôt
déformation) que par idéologie, aussi font-ils preuve d’un pragmatisme objectif en examinant si la réduction de la formule dentaire humaine (actuellement de 32 dents) qui devrait affecter nos futurs descendants, est bien un devenir incontournable s’inscrivant dans le contexte évolutionniste de l’espèce humaine.
Las ! Après un résumé en 8 pages de leur enquête, et au vu des
résultats de leurs recherches, ils se trouvent dans l’obligation d’affirmer le contraire et d’en prévenir la communauté scientifique.
Ainsi, un des arguments retenu comme « preuve » de
l’évolutionnisme vient encore de s’effondrer !
Après avoir résumé ici cette intéressante communication, un
prochain article en fera l’analyse critique.
But des recherches : vérifier si les agénésies dentaires entrent
bien dans le cadre de l’évolution des espèces avec, notamment, la disparition de la dent de sagesse.
A- Phénotypes d’agénésies
1- Les Prévalences
Selon les études sur la fréquence des agénésies dentaires, il
existe une très grande variabilité des résultats (de 0,3% à 36,5% d’agénésies hors dents de sagesse), ce qui montre leur manque de crédibilité. On estime depuis 1956 que peut-être 20% de la population seraient atteints par le manque d’une dent de sagesse (il y a 4 dents de sagesse dans la bouche), chiffre qui semble fort exagéré.
L’équipe de Polder, en 2004, publia une « méta-analyse
rigoureuse »4 qui retint 28 études considérées comme sérieuses, avec critères d’inclusion et d’exclusion, concernant les europoïdes d’Amérique du nord, d’Australie et d’Europe.
Les cinq études concernant des populations afro-américaines,
saoudiennes et chinoises ne seront pas retenues, considérées comme étant trop limitées5.
de Chirurgie dentaire de Paris V. Ces auteurs ont à plusieurs reprises publié des articles sur le même sujet.
- Selon les critères de l’Evidence-Based-Medecine, les méta-analyses fournissent le niveau de preuve le plus élevé.
- N’ont donc été retenues que des études concernant des individus d’origine européenne.
5,5 à 7,6% de la population étudiée se trouvent concernés par un
problème d’agénésie dentaire, lequel est plus élevé chez les femmes (avec un risque relatif RR= 1,37), et la prévalence d’agénésie est plus faible chez les europoïdes américains qu’européens ou australiens (p<0,0007).
Il manque autant de dents au maxillaire supérieur qu’au
maxillaire inférieur, et il y a presque autant d’agénésies unilatérales que bilatérales ; mais on note des différences dans la répartition : les « fin de séries » (dernières molaires ou 3ièmes molaires, les 2ièmes prémolaires et les incisives latérales) sont le plus fréquemment touchées.
Les agénésies de 1 ou 2 dents représentent 83% des cas et
l’absence de 6 dents ou plus : 2,6% des cas.
2-Agénésies associées à des fentes maxillaires[10] ou à des syndromes
Les agénésies sont souvent intégrées dans un syndrome malformatif comme les fentes labiales ou palatine (bec de lièvre) ou la trisomie 21. Plus le syndrome est sévère, plus les agénésies sont importantes.
Conclusion
« Les agénésies dentaires sont souvent isolées mais parfois
associées à diverses anomalies dentaires ou intégrées dans un système malformatif. L’analyse de ces différents phénotypes permet d’étayer l’hypothèse d’anomalies génétiques à l’origine de ces symptômes. Il convient donc de replacer les agénésies dans un contexte plurifactoriel ».
B- Les étiologies
L’étude évoque ensuite la découverte d’une mutation touchant les chromosomes MSX1 et PAX9 comme pouvant intervenir dans ces phénomènes[11]. Cependant, les auteurs soulignent que « le dogme du tout génétique est dépassé » car de très nombreux cas ne présentent aucune étiologie génétique. « Désormais, on admet que les agénésies dépendent probablement de facteurs environnementaux, bien qu’ils ne soient pas encore clairement identifiés ».
Puis, les auteurs, forts de leurs conclusions, entrent dans une
démarche évolutionniste pour analyser les arguments évolutionnistes en faveur de la réduction du nombre de dents, pour finir par démontrer que l’être humain ne chemine pas vers une réduction de sa formule dentaire, en particulier par la perte de ses dents de sagesse :
Les agénésies dentaires dans le cadre de l’Évolution
1- L’origine de notre formule dentaire
Rappel de la formule dentaire avec de nombreux dessins couplés avec le schéma du phylum évolutionniste des premiers reptiles primitifs, des mammaliens, puis des premiers mammifères (52 dents), des primates (36 dents) et des grands singes anthropoïdes (32 dents, nombre identique à celui de l’Homme).
2- Les agénésies s’inscrivent-elles dans l’Évolution ?
Le constat : il n’existe que peu de fossiles de nos ancêtres, peu d’études sur le sujet, et pas de recensement d’agénésies.
Il ne peut donc rien se déduire ni s’affirmer sur la fréquence des agénésies en préhistoire.
Ainsi, aucun argument scientifique n’a été trouvé en faveur
d’une réduction de la formule dentaire s’inscrivant dans le cadre de l’Evolution. Puis, l’étude analyse un à un les arguments évolutionnistes étayant cette réduction :
- Argument 1 : la réduction de notre système dentaire du fait
que les dents ne servent plus comme arme ni comme outils : les dents devenues moins utiles se réduisent en taille jusqu’à provoquer des agénésies. Cette argumentation se trouve étayée par le fait que l’Australopithèque possède des dents ayant une taille de 50% supérieure aux nôtres.
- Argument 2 : la taille de la mandibule s’est fort réduite au
cours de l’évolution. Cela serait dû au passage à une alimentation plus molle : les bases osseuses devenant alors progressivement plus petites. De plus il est constaté que les hommes préhistoriques possédaient une position des incisives en « bout à bout » (occlusion en labidodontie) tandis que l’homme moderne possède un articulé avec recouvrement partiel des incisives de plusieurs millimètres (psalidodontie) accompagné d’un surplomb et d’un recul du bloc alvéolo-dentaire inférieur donnant moins de place aux dents de sagesse. La morphogenèse de certaines dents peut alors échouer, provoquant de plus en plus d’agénésies.
- Argument 3 : les agénésies des dents de sagesse sont un
avantage adaptif : l’infection des dents de sagesse lors de leur éruption pouvait conduire au décès ; la sélection naturelle aurait alors avantagé les individus présentant une agénésie des dents de sagesse.
3- Réfutation des arguments
- L’argument 1 affirmant une diminution de la taille de nos dents de 50% par comparaison avec celles de l’australopithèque n’est pas fondé, car il est admis (par les évolutionnistes) depuis trente ans que nous n’en descendons pas. De plus, si le plus ancien Homo habilis découvert (homme de Dmanisi) possède des dents d’environ 15% plus grosses que celles de l’homme moderne, cela peut s’inscrire dans le cadre de la variabilité interne à l’espèce.
D’autre part, on a toujours observé des dents de dimensions réduites tout au long de l’évolution des hominidés.
- L’argument 2 affirmant une réduction de la taille des mâchoires, en particulier de la mandibule ne se trouve confirmé par aucune étude. Les maxillaires de nos ancêtres s’inscrivent dans les mêmes marges de variabilité que celles que nous connaissons sur l’homme moderne. Aucun lien n’a été trouvé entre la taille des bases osseuses et la fréquence des agénésies. Si les arguments avancés sur la fréquence des agénésies comme corollaires de la diminution de la taille des mâchoires étaient justes, on devrait trouver de nos jours moins d’encombrements dentaires et donc moins de traitements orthodontiques, ce qui est loin d’être le cas !
- L’argument 3 avançant que la réduction de la formule dentaire est un réel avantage adaptif, ne trouve aucune confirmation : les individus ayant 28 dents auraient dû supplanter progressivement les individus de 32 dents, ce qui n’est pas arrivé.
De plus on peut observer les faits suivants :
- au cours de l’évolution des espèces, la réduction du nombre de dents avait toujours touché sélectivement les dents de début de séries (exemple : 1ère molaire) alors que dans les agénésies ce sont les dents de fin de séries qui sont absentes (3ème molaire par exemple).
- les disparitions de dents constatées au cours de l’évolution sont toujours symétriques, or les agénésies sont préférentiellement dissymétriques.
- les agénésies se retrouvent tout au cours de l’histoire humaine : la première a été retrouvée sur l’homme de Lantian estimé âgé de 500.000 ans.
- La formule dentaire à 32 dents semble stable depuis 35 millions d’années, puisque les singes anthropoïdes ont toujours conservé cette formule dentaire à 32 dents.
4- L’homme de demain peut-il avoir moins de 32 dents ?
« Il faudrait que la présence de 32 dents soit un inconvénient
pour la survie de l’homme ». Tel n’est pas le cas avec les moyens thérapeutiques modernes.
Puisque 32 dents est la caractéristique de l’espèce humaine, il
faudrait donc l’apparition d’une autre race avec 28 dents, qu’elle ne soit pas interféconde avec la nôtre, et qu’elle puisse s’isoler un temps assez long pour pouvoir évoluer, conditions qui ne sont pas envisageables.
Conclusion
« Dans l’état actuel de nos connaissances sur les mécanismes
de l’évolution, il est probable que les agénésies ne s’inscrivent pas dans l’évolution »
Malgré la prudence de cette phrase circonstanciée, le verdict de nos chercheurs reste donc sans appel : la réduction de la formule dentaire que l’on peut constater ne constitue pas une preuve de l’évolution des espèces et ne peut pas être un argument en sa faveur. Elle entre même en contradiction avec l’hypothèse admise de la réduction de la taille des dents humaines au cours de l’Évolution. Cette réduction de la formule dentaire reste de l’ordre de l’accident s’inscrivant la plupart du temps dans un accident génétique associé à des pathologies diverses.
Les preuves de l’évolution des espèces sont absentes du palmarès des certitudes biologiques. Elles font même cruellement défaut.
Après avoir fabriqué les fausses preuves des chaînons manquants entre l’homme et le soi-disant ancêtre commun avec le singe, après les avoir vainement cherchées dans les jungles asiatiques, les paléontologues évolutionnistes avaient cru pouvoir s’appuyer sur une soi-disant évolution des dents humaines depuis l’Homo erectus[12].
Cette étude est donc un pavé dans la mare, mais nul doute qu’elle ne fera pas de remous dans le milieu de la préhistoire humaine dont la liberté de penser se trouve bien verrouillée. Comme d’habitude, elle circulera d’une manière confidentielle, sous le manteau et, bien vite, elle sera reléguée aux oubliettes de façon à ce que ce milieu puisse continuer à ronronner dans son auto satisfecit habituel appuyé sur des convictions évolutionnistes dogmatiques qu’il n’est pas question de remettre en cause.
Il n’y a donc pas de zizanie à prévoir.
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Pour les internautes :
Deux sites à consulter et à recommander :
On y lit (et on peut télécharger) en français ou en anglais le film L’Evolution Science ou Croyance ? dans lequel cinq spécialistes sont interrogés sur les raisons qui les ont amené à récuser l’évolutionnisme.
A ce classique s’ajoute un « bonus » avec le Pr Joseph Seifert, philosophe et Président de l’Académie du Lichtenstein.
C’est le site de notre vice-Président M. Guy Berthault. On y trouve la présentation générale de ses travaux, des animations montrant le processus de la sédimentation réelle (portée par des courants horizontaux), ses publications et de nombreuses références. *******************************
SOCIETE
« Il a plu à Dieu qu’on ne pût faire aucun bien aux hommes qu’en les aimant. »
(P. Le Prévost)
Toujours du nouveau à l’Est
Résumé : Trois récents communiqués de presse devraient intéresser les lecteurs du Cep. Le 29 janvier, le Patriarche Alexis II prenait position publiquement, lors d’une conférence sur l’éducation donnée au Kremlin, pour l’enseignement biblique de la Création dans les écoles publiques de Russie, se fondant sur les droits de la majorité orthodoxe dans la population. Le lendemain, l’Archiprêtre Vsiévolod Tchapline (du Département pour les Relations Extérieures de l’Eglise Russe moscovite) a défendu le droit des familles à choisir l’explication de l’origine de l’homme devant être enseignée à l’école. Il s’est opposé au monopole actuel du darwinisme, présenté comme une « vérité scientifique indiscutable » alors qu’il s’agit d’une « hypothèse », d’une « théorie qui offre peu de preuves ».
Enfin le 1er mars, l’Eglise Orthodoxe Russe, soutenue par les catholiques et les protestants, a demandé « une réécriture de la Déclaration universelle des droits de l’homme ». En effet ces droits et libertés servent à « insérer progressivement des idées contraires aux traditions chrétiennes et aussi à celle de la morale traditionnelle sur l’homme ». Il s’agit d’une réaction contre l’individualisme, considéré par ces chrétiens russes comme une régression sociale autant que morale.
Le Patriarche russe orthodoxe attaque l’enseignement de Darwin dans les écoles.
Moscou, le 29 janvier 2007 (RIA Novosti)
Imposer aux écoliers la théorie que les hommes descendent du singe est inacceptable, a déclaré lundi le chef de l’Église orthodoxe russe. Depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, l’Église a fait campagne pour le droit d’enseigner les bases de la foi orthodoxe dans les écoles publiques, en défi à la théorie darwinienne de l’évolution qui était le dogme officiel du temps des soviets.
La question a acquis une célébrité particulière depuis que l’élève Maria Schraiber et son père ont intenté un procès demandant que le darwinisme soit privé de sa position dominante dans le cursus scolaire russe, qualifiant son enseignement à l’exclusion des autres théories de violation grave de la liberté de choix.
» L’enseignement de la théorie biblique de la création du monde ne nuira pas aux élèves. Si les gens veulent croire qu’ils descendent du singe, très bien ; mais qu’ils n’imposent pas leur opinion aux autres, » déclara le Patriarche Alexis II de Moscou et de toute la Russie lors d’une conférence sur l’éducation au Kremlin, à laquelle assistaient des officiels du gouvernement et des militaires, des personnalités publiques et de la culture et des leaders spirituels de Russie et d’anciennes républiques soviétiques.
Alexis II dit qu’il était important non seulement de respecter les droits des minorités, mais aussi ceux de la majorité orthodoxe que l’Église estime constituer 90% de la population russe totale et dont les enfants « devraient connaître les bases de leur religion. »
« S’il est adopté, le sujet ne constituera pas une violation du principe de laïcisme inscrit dans la Constitution », dit-il, ajoutant que l’enseignement des fondements de l’orthodoxie empêchera les idées de nationalisme et d’extrémisme de prendre racine à l’école.
La demande des dirigeants orthodoxes d’un cours sur l’histoire du christianisme, optionnel ou obligatoire, à inclure dans le cursus scolaire, a rencontré l’opposition des leaders des autres croyances pratiquées en Russie, qui disent qu’un cours sur l’histoire de toutes les religions devrait être introduit.
Les avocats d’une société laïque ont protesté contre toute introduction d’un tel cours à l’école, disant que même si les élèves sont intéressés et qu’il soit introduit, il devrait être enseigné par des professeurs laïcs et qu’il devrait être facultatif.
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La prescription stricte du darwinisme imposée aux écoles doit céder la place au droit pour l’élève de choisir sa vision du monde en matière de sciences, déclare un représentant de l’Église Orthodoxe Russe.
Moscou, le 30 janvier, Interfax.
Le vice-président du Département pour les Relations Extérieures de l’Église du Patriarcat de Moscou, l’archiprêtre Vsiévolod Tchapline, a défendu le droit des enfants et de leurs parents à choisir l’explication de l’origine de l’homme et de la vie sur terre à étudier à l’école.
« Jusqu’à maintenant il y a le monopole et la stricte prescription du darwinisme, lequel, bien qu’il ne soit qu’une hypothèse, une théorie sur l’origine de l’homme et du monde, est présenté aujourd’hui comme une vérité scientifique indiscutable », a déclaré le P. Vsiévolod lors de son entretien à la radio Echos de Moscou.
Beaucoup de scientifiques pensent que dans la théorie de Darwin » il y a pas mal d’argumentation abusive » et des faits archéologiques, présentés comme « indiscutables » dans les manuels soviétiques, mais qui sont en réalité « très fragmentaires » et « ne peuvent jamais fournir une base solide pour prouver qu’une espèce biologique peut évoluer en une autre. » « En tout cas, cette théorie offre peu de preuves. Alors, prétendre qu’elle est une vérité scientifique prouvée est au moins imprudent », déclare le représentant du Patriarcat de Moscou qui a signalé aussi que la théorie de Darwin contient beaucoup d’idéologie.
Les élèves et leurs parents devraient « bénéficier du droit d’avoir leur vision du monde enseignée dans les écoles, » dit-il.
Il fait partie du droit international que le programme scolaire corresponde à la vision du monde des familles réelles, observa encore le P. Vsiévolod.
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Les droits de l’homme ne font pas recette auprès des chrétiens
(Kommersant)
Moscou, 1er mars 2007 – RIA Novosti.
L’idée de l’Eglise orthodoxe russe (EOR) de reconsidérer les valeurs libérales bénéficie de l’appui des catholiques et des protestants. Une réunion des dirigeants des confessions chrétiennes des pays de la CEI et de la Baltique (Estonie, Lettonie et Lituanie) s’est achevée mercredi à Moscou. L’un de ses thèmes principaux a été l’initiative de l’EOR de réviser la conception des droits de l’homme qui s’est formée dans le monde laïque. La position de l’EOR a été soutenue par les catholiques et les protestants, qui se prononcent désormais en faveur d’une réécriture de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
L’Eglise orthodoxe russe, qui à plusieurs reprises déjà avait tenté de conférer une connotation religieuse au thème des droits de l’homme, avait initié cette rencontre dans le cadre de la préparation de la IIIe Assemblée oecuménique européenne.
L’idée de réexaminer la conception des droits de l’homme adoptée dans la société laïque avait été évoquée la première fois il y a un an au Congrès mondial du peuple russe. « Nous voyons comment le concept des droits de l’homme est utilisé pour masquer le mensonge et l’insulte aux valeurs religieuses et nationales, avait dit alors le coprésident du Congrès, le métropolite de Smolensk et de Kaliningrad Kirill. D’autre part, dans l’ensemble des droits et des libertés de l’homme on insère progressivement des idées contraires aux traditions chrétiennes et aussi à celles de la morale traditionnelle sur l’homme ». Selon le métropolite Kirill, « la propagande de l’individualisme conduit tout droit à la régression démographique, au comportement asocial et amoral ».
« Nous soutenons l’initiative de l’EOR parce que la mentalité laïciste (secular, en anglais) viole les droits des croyants », a déclaré à Kommersant le pasteur de l’Eglise luthérienne de Lituanie, Darius Petkunas, qui a pris part à la rencontre.
« Cela ne semblera peut-être pas démocratique, mais la restriction des libertés est un bien qui permettra de préserver la morale et la civilisation », a dit comme pour l’appuyer le président de l’Union russe des chrétiens de foi évangélique, Sergueï Riakhovski.
Les protestants sont allés plus loin que les autres dans cette offensive contre les droits de l’homme laïques. « Nous sommes contre la démocratie qui est à l’origine de la décomposition de la société, a déclaré au quotidien Kommersant le président de l’Union russe des chrétiens de foi évangélique (pentecôtistes), Pavel Okara. Il nous faut une démocratie évangélique avec une morale évangélique, où l’on appelle un chat un chat et un péché un péché. »
Le secrétaire général de la Conférence des églises européennes, Colin Williams, a promis aux orthodoxes qu’ils pourraient se prononcer sur cette question lors de l’Assemblée Oecuménique européenne qui se tiendra au mois de septembre en Roumanie.
Cette manifestation adoptera très probablement un appel spécial de personnalités religieuses à l’Union européenne. « Nous nous prononçons pour un changement réel de la situation en ce qui concerne les droits de l’homme, jusques et y compris pour une réécriture de la Déclaration universelle des droits de l’homme, a déclaré à Kommersant l’administrateur de l’Union russe des chrétiens de foi évangélique le pasteur Konstantin Benas. Parce qu’il ne peut pas y avoir de droits universels de l’homme ».
La Vérité n’est plus ce qu’elle était ![13]
Nancy Pearcey [14]
Résumé : La coupure qui s’était faite entre le savoir « scientifique » et les autres formes de connaissance s’est élargie avec le darwinisme.
Les croyances et les valeurs sont présentées comme subjectives, la vérité objective étant réservée aux faits empiriques. Ainsi la religion est-elle écartée poliment de la sphère publique : elle concernerait la vie privée, et les lois et les décisions du gouvernement ne devraient se fonder que sur le fait scientifique : l’homme est une machine complexe munie d’un cerveau et triant ses idées en fonction de leur utilité pour sa survie.
Cette vision de l’homme est éminemment contestable. D’une part le darwinisme n’est pas un fait objectif mais un présupposé philosophique. D’autre part la notion de « personne », essentielle à la compréhension réelle du comportement humain (avec ses sentiments, ses affections et ses intuitions), n’y trouve aucune place et y reste indéfinissable. Ainsi seule la vision chrétienne, qui part d’un Dieu lui-même Personne, est à même d’expliquer à la fois le réel objectif et la valeur des composantes subjectives chez l’homme.
L’impact le plus important de l’évolutionnisme naturaliste, a noté Phillip Johnson, ne se situe pas dans les détails des mutations et de la sélection naturelle, mais dans un changement de la définition de la vérité, un changement épistémologique. Il renforce la césure fait / valeur qui divise l’expérience humaine en deux domaines séparés et incompatibles.
D’un côté la connaissance fiable serait une affaire de « faits » scientifiques objectifs, rationnels et indépendants de toute valeur. Mais que cela signifie-t-il pour les « valeurs »? Elles ont été reléguées dans le domaine de la subjectivité humaine où, techniquement parlant, qu’elles soient vraies ou fausses n’a pas de sens. Les valeurs peuvent être personnellement importantes, elles peuvent faire partie de notre tradition culturelle, mais finalement n’expriment que quelque chose de nous-mêmes et non une réalité objective. Ce changement dans la définition classique de la vérité explique pourquoi l’évolutionnisme naturaliste a permis une révolution culturelle de grande ampleur qui continue, indomptée, jusqu’à ce jour.
Lors d’une conférence, j’eus l’occasion de montrer comment le darwinisme donna naissance au postmodernisme. Nous nous sommes accoutumés à l’idée que le monde académique est divisé entre ce que C.P. Snow appelle les « deux cultures »[15] où les humanités sont strictement séparées des sciences. Aujourd’hui cette bifurcation descend jusqu’aux classes élémentaires, si bien que dans les matières relevant des humanités, les professeurs ont jeté leurs crayons rouges et agissent comme si l’orthographe ou la grammaire étaient des formes d’oppression imposées par les détenteurs du pouvoir. Ironiquement, cependant, dans la classe de science, un seul point de vue est toléré. Par exemple, l’évolution darwinienne n’est pas discutable; les étudiants n’ont pas accès aux preuves contre elle et ils ne sont pas invités à juger par eux-mêmes si elle est vraie ou non.
La science est traitée comme vérité publique que tous doivent accepter, quelles que soient leurs convictions privées.
« Deux cultures » expriment la division fait / valeur :
Humanités : = valeurs humaines (subjectives)
—————————————————- Science : = faits objectifs
En résumé, les sciences conservent encore l’idéal de la vérité objective, tandis que les humanités traitent la vérité comme une affaire de valeur personnelle, subjective et relative. Ma thèse est que ces deux approches, apparemment très divergentes, sont en fait logiquement liées: c’est parce que la science a largement accepté le naturalisme darwinien que les humanités sont dans une telle confusion de subjectivisme et de postmodernisme.
Dans nombre de ses écrits, Richard Rorty a affirmé que le darwinisme est la base du postmodernisme. Comme il le dit dans la New Republic, quelques philosophes continuent à chercher une Vérité, avec un grand V, transcendante et universelle et qui « ne dépende pas du hasard ». D’autres philosophes, cependant, ont trouvé le moyen de « garder foi en Darwin » (expression intéressante) en reconnaissant que toutes prétentions à la vérité « sont des produits du hasard tout comme les plaques tectoniques et les virus mutés. » Il poursuit: « l’idée qu’une espèce d’organisme est, à la différence de toutes les autres, orientée non vers le simple accroissement de sa propre prospérité mais vers la Vérité, est…non darwinienne. »[16][17]
En d’autres termes, si nous sommes des organismes issus d’une adaptation à l’environnement, alors nos cerveaux sont les produits des forces de l’évolution. Les idées jaillissent par variations aléatoires dans le cerveau, exactement comme les variations aléatoires de Darwin dans la nature.
Ainsi Rorty traite toutes les grandes idées constitutives de la culture occidentale comme des accidents de l’évolution: « De même que les rayons cosmiques brouillent les atomes dans une molécule d’ADN » pour produire une mutation, de même les idées d’Aristote, de saint Paul ou de Newton pourraient être » les résultats de rayons cosmiques brouillant la délicate structure de quelques neurones décisifs dans leurs cerveaux respectifs. » Leurs idées ont eu une grande influence non pas parce qu’elles reflètent la réalité, mais seulement parce qu’elles sont utiles. Elles aident les gens à organiser leur vie et à avancer dans la lutte pour l’existence[18].
Bref, les concepts ne sont ni vrais ni faux; ils ne sont que des outils au service des buts et intentions des gens. Rorty se considère lui-même comme un disciple de John Dewey, qui fit une analogie avec l’argenterie: vous ne vous demandez pas si une cuiller ou une fourchette est vraie ; ce serait faire une erreur de catégorie. Vous vous demandez seulement laquelle convient pour manger la soupe. Les idées sont simplement des outils mentaux; on les juge en fonction de leur utilité à obtenir ce que l’on veut. Ainsi « en gardant foi en Darwin », conclut Rorty, nous aboutissons à une forme de postmodernisme très semblable à celui de Heidegger, de Derrida et de Foucault.
La dichotomie fait / valeur.
Il y a une certaine ironie dans la position de Rorty: bien que le postmodernisme rejette le concept même de vérité objective, il y a une idée qu’il continue de traiter comme vérité indiscutable : le darwinisme luimême. L’évolution est considérée comme un fait objectif et pas simplement comme une construction humaine, parce que si elle est fausse, il n’y a aucune raison d’accepter le postmodernisme. Il y a ainsi une relation symbiotique entre les deux. On pourrait dire que de nos jours les « deux cultures » ressemblent à ceci:
Humanités : relativisme postmoderne
(les idées sont des outils pour l’homme)
——————————————————
Science : évolution naturaliste
(le cerveau a évolué par sélection naturelle)
Aujourd’hui la plupart des occidentaux ont absorbé cette épistémologie à double voie. Alan Bloom, l’auteur du livre bien connu The Closing of the American Mind, a écrit dans un autre essai : « Chaque écolier sait que les valeurs sont relatives; qu’elles ne sont pas fondées sur des faits mais qu’elles sont de pures préférences individuelles subjectives.[19]« En d’autres termes, la dichotomie fait / valeur est devenue tellement incrustée dans l’esprit américain que c’est quelque chose que « chaque écolier sait. »
Chaque étudiant également le sait. Peter Kreeft, professeur de philosophie au Boston College, dit que les étudiants entrant dans sa classe « croient volontiers à la vérité objective de la science, parfois même de l’histoire, mais certainement pas de l’éthique ou de la moralité. » Remarquez le clivage de mentalité: les étudiants arrivent sur le campus déjà convaincus que la science s’occupe de faits objectifs, mais que la moralité concerne des valeurs subjectives. En outre, ce qu’ils apprennent dans leurs cours renforce cette dichotomie. Par exemple, un manuel d’économie présente la scission fait / valeur comme un dogme indiscutable:
« Les faits sont objectifs, c’est-à-dire qu’ils peuvent être mesurés et leur vérité testée…Les jugements de valeur, par contre, sont subjectifs, étant des questions de préférence personnelle…Ces préférences sont basées sur des attirances personnelles et des sentiments plutôt que sur des faits et des raisons. »
Francis Schaeffer a mis cette épistémologie à double voie au cœur de son analyse de la pensée occidentale. Il utilise l’image d’un immeuble à deux étages.
À l’étage inférieur se trouvent la science et la raison, censées fournir la « vérité publique » obligatoire pour chacun. Au dessus, il y a l’étage de la religion et de la moralité, des arts et des humanités, considérés comme le royaume de la « vérité privée » tirée de l’expérience personnelle. Lorsque les gens disent » c’est peut-être vrai pour vous, mais ce ne l’est pas pour moi », ils expriment la définition de la vérité de l’étage supérieur.
Valeurs : préférences subjectives
—————————————- Faits : vérités objectives vérifiables
Aucune grande civilisation, en aucune période de l’histoire, n’a jamais adopté une telle conception divisée de la vérité. Jusqu’à l’avènement de la culture moderne occidentale, pratiquement toute culture a admis que l’univers possède à la fois un ordre physique et un ordre moral / spirituel. Les individus avaient l’obligation de conduire leur vie en harmonie avec cet ordre objectif.
Comment cette vue unifiée de la réalité s’est-elle dissoute? De nombreux historiens situent le tournant crucial au moment de l’essor du darwinisme. Comme le dit un manuel de philosophie: « Jusqu’en 1859 (publication de L’Origine des Espèces de Darwin) l’unité fondamentale de la connaissance était admise par pratiquement tous les auteurs sérieux en Amérique. » On était convaincu qu’il existait un unique ordre universel établi par Dieu, embrassant à la fois l’ordre naturel et l’ordre moral. « Ce que fit la controverse sur l’évolution fut de briser cette unité de la connaissance réduisant la religion et la moralité à « des sujets dépourvus de connaissance. » Pour prendre l’image de Schaeffer, elles furent reléguées à l’étage du haut.
Un historien du Droit a dit encore que le darwinisme conduisit à une conception naturaliste du savoir, provoquant une mutation de « la religion comme connaissance à la religion comme foi. » Parce que « Dieu n’avait plus aucune fonction à exercer dans le monde, Il était, au mieux, un concept philosophique gratuit provenant d’un besoin personnel. »
Les individus sont libres de continuer à s’accrocher à une forme quelconque de religion, du moment qu’ils reconnaissent qu’elle est devenue « privée, subjective et artificielle. » Si l’existence de Dieu n’exerce aucune fonction cognitive pour expliquer le monde, alors, la seule fonction restante est celle de l’émotion. La religion devient quelque chose de tolérable chez les gens qui ont besoin de ce genre de béquille ou de tranquillisant.
Aujourd’hui les esprits un peu brutaux mettent la religion dans le même sac que les contes de fées. Écrivant dans le New York Times, le philosophe darwiniste Daniel Dennett déclare: « Nous ne croyons pas aux fantômes, ni aux lutins ni à Jeannot Lapin – ni à Dieu. » Ceci explique pourquoi les controverses sur le darwinisme continuent de bouillonner dans les associations scolaires. Le public sent intuitivement que lorsqu’on enseigne l’évolution naturaliste dans les classes de sciences, alors sera enseignée une vue naturaliste de la religion et de la morale en histoire, dans les sciences sociales, en anglais et dans tout le cursus.
La division public / privé.
Parce que les idées influent nécessairement sur la réalité sociale, il n’est pas surprenant que la dichotomie fait / valeur trouve sa contrepartie dans l’organisation des sociétés modernes. La culture occidentale est devenue très divisée entre les sphères publique et privée.
« La modernisation apporte une nouvelle disjonction de la vie sociale », explique le sociologue Peter Berger. « La dichotomie sépare les immenses institutions formidablement puissantes de la sphère publique, » entendant par là l’État, les grandes sociétés, le monde académique, etc., « et la sphère privée », domaine de la famille, de l’ Église et des relations personnelles. On peut représenter cela ainsi:
Sphère privée : famille, Église, relations personnelles
——————————————————————-
Sphère publique : État, Sociétés, Universités
Notez comment cette dichotomie sociale est corrélée à la division dans le domaine des idées.
La sphère publique est le lieu de la vérité publique, car les faits peuvent être vérifiés scientifiquement. Et les valeurs ? Elles ont été reléguées dans le domaine privé de la famille et de la vie personnelle.
Cette corrélation fut particulièrement frappante durant la campagne présidentielle [américaine] de 2004. La caractéristique de l’élection de 2004 fut « le fossé moral », dit Thomas Byrne Edsall dans l’Atlantic Monthly. Dans le passé, la division entre droite et gauche en politique américaine était fondée sur des questions économiques. L’axiome alors admis était que les gens votaient avec leur portefeuille. Mais aujourd’hui le clivage concerne le sexe et la reproduction: avortement, mariage homosexuel, recherche sur les cellules souche, etc. « Alors qu’autrefois les élections opposaient le parti des travailleurs au parti de Wall Street, conclut Edsall, elles opposent maintenant les électeurs qui croient en une morale fixe et universelle, à ceux qui considèrent les questions morales, spécialement concernant le sexe, comme étant élastiques et affaires de choix personnel. »[20] En résumé, la question concerne moins le contenu de la morale (i.e. quelles actions sont bonnes ou mauvaises) que le statut de vérité des déclarations morales. La morale est-elle une norme standard universelle ou bien simplement une affaire de préférence subjective ? La question qui est au cœur du conflit culturel en Amérique est épistémologique: la nature de la vérité.
Par exemple, à la Convention Démocrate Nationale de 2004, Ron Reagan, fils de l’ancien président, fit une remarque largement diffusée à propos des opposants à la recherche sur les cellules souches d’embryons. « Leur croyance n’est que cela – un article de foi – et ils ont le droit de l’avoir« , dit-il. « Mais il ne s’ensuit pas que la théologie de quelques uns soit autorisée à contrarier la santé et le bien-être du grand nombre. »
Quelle théorie morale s’exprime donc ici? De quel côté du « fossé » se situe Reagan ? Remarquez que les gens sont invités à croire tout ce qu’ils veulent; ils y ont même « droit », du moment qu’ils acceptent de tenir cette croyance pour un « article de foi » subjectif, et non pour quelque chose d’objectivement vrai qui devrait guider la recherche scientifique. Le postulat est que morale et religion ne sont pas des vérités universelles, comme on le pensait traditionnellement, mais seulement des « valeurs » personnelles, qui, comme telles, relèvent strictement de la sphère privée.
L’épistémologie dominante, par sa définition de la vérité, décide quelles idées sont prises au sérieux dans la sphère publique et lesquelles seront rejetées d’un revers de main. Ainsi la grille fait / valeur constitue aujourd’hui la plus puissante des barrière : elle retire la religion et la morale du royaume de l’objectivité et les relègue dans le royaume des valeurs subjectives.
Cela fait, les arguments détaillés n’ont plus aucune portée. Par principe les valeurs privées n’ont plus rien à faire à la table où se discutent les orientations de la société. C’est ainsi que feu Christopher Reeve pouvait dire : « Lorsque les questions de politique publique sont débattues, aucune religion ne devrait avoir son siège à la table ronde.« Il ne cherchait pas à savoir si les points de vue inspirés par la religion sont vrais ou faux, mais il soutenait qu’ils n’avaient même pas à participer au débat. Et pourquoi ? Parce que les préférences privées ne doivent pas influer sur la politique publique.
Bien sûr, la plupart des politiciens ne sont pas si abrupts. Ils comprennent qu’il peut être politiquement dangereux d’attaquer la religion directement ou de la déclarer fausse. C’est là où le langage des « valeurs » se montre si utile, parce qu’il élimine la religion du domaine du vrai et du faux. De cette façon les politiciens peuvent assurer leurs électeurs qu’ils « respectent » évidemment les convictions religieuses de chacun, tout en leur déniant toute pertinence dans le domaine public où nous décidons de ce qui sera vraiment fait dans la société. Pour citer Phillip Johnson, la dichotomie fait / valeur « permet au métaphysicien naturaliste d’apaiser les esprits religieux potentiellement gênants en leur assurant que la science n’exclut pas la croyance religieuse (tant qu’elle ne prétend pas être une connaissance)[21].
Au cours des débats pour la présidentielle de 2004, John Kerry a maintes fois utilisé cette stratégie. À propos de la recherche sur les cellules souches d’embryons: « Je respecte vraiment le sentiment que comporte votre question ». Sur l’avortement: « Je ne puis vous dire à quel point je respecte la croyance sur la vie et sur son commencement. » Il rendit parfaitement clair, cependant, qu’il ne permettrait pas à de telles considérations d’affecter sa façon de voter. La stratégie est d’apaiser d’abord les esprits religieux en leur disant à quel point vous respectez leurs « croyances » et leurs « sentiments », mais ensuite de leur rappeler que les sentiments privés ne peuvent pas être imposés aux autres dans une politique publique.
Pour comprendre cela, imaginez-vous présentant votre position sur quelque sujet, et que votre interlocuteur réponde : « Oh! C’est juste de la science, c’est seulement des faits ; ne me les imposez pas ! » Évidemment personne ne dira cela. Mais on dit : »C’est juste votre religion, ne me l’imposez pas ! » Quelle est la différence? La science est considérée comme vérité publique, s’imposant à tous, tandis que la religion est définie comme sentiment privé, applicable seulement à ceux qui y croient.
L’affaire du Téléthon en France apporte une illustration flagrante de cette attitude. Le président du comité national d’éthique, Didier Sicard, a déclaré: « L’intervention de l’Église catholique me paraît à la fois malencontreuse et extraordinairement malvenue. Elle a bien évidemment le droit de porter un jugement. Pour autant, elle n’a pas vocation à l’imposer dans l’espace public, ce qu’elle fait aujourd’hui.« (Novembre 2006).
Évidemment, les étiquettes telles que science ou raison sont souvent utilisées pour masquer ce qui, en réalité, est une position philosophique. Autre exemple durant la campagne de 2004 : la journaliste Eleanor Clift de Newsweek a critiqué le Président Bush parce qu’il laissait la religion influencer la politique sur des sujets tels que l’avortement, alors qu’elle louait Kerry d’avoir maintenu la foi en dehors de la politique.
« Les électeurs ont le choix, conclut-elle, entre un président qui gouverne par croyance et un challenger qui met sa foi dans une décision rationnelle. »
Quelle est l’implication ici ? Manifestement, que le christianisme n’est pas rationnel. Mais remarquez que Clift présente la position libérale comme si ce n’était pas une idéologie particulière, mais seulement une évaluation rationnelle des faits. L’article était intitulé « Foi contre Raison » comme si les vues libérales étaient un pur produit de la raison. C’est une astuce rhétorique fréquente: le point de vue chrétien est rejeté parce que tendancieux et irrationnel, alors que le point de vue séculier est présenté comme impartial et objectif, tiré des faits et déduit de la raison. Mais ce n’est que pur bluff. En réalité, la position libérale sur l’avortement et la bioéthique est l’expression du pragmatisme et de l’utilitarisme, fondée sur une analyse du rapport coût – bénéfice.
La leçon est que les visions du monde n’apparaissent pas avec une belle étiquette. Personne ne dira que le conflit oppose une morale utilitariste, pragmatique, et une morale normative et transcendante. Tout au plus, la rhétorique dira que le conflit se situe entre la science et la religion, entre les faits et la foi. Ce genre de langage nous invite à examiner les visions du monde implicites. Le conflit sous-jacent gît entre deux systèmes de croyance, deux philosophies, deux visions du monde. En démasquant les visions cachées nous pouvons clarifier le débat et discréditer le double standard qui permet aux seules vues laïcistes (mais pas aux religieuses) de prendre place dans le discours public.
Ces exemples montrent à l’évidence que le défi au christianisme est beaucoup plus radical qu’il ne l’était par le passé. Les laïcistes se contentaient de dire que la religion était fausse, laissant du moins aux chrétiens la possibilité de discuter avec eux de raison, de logique et de preuve. Mais aujourd’hui les laïcistes prétendent plutôt que la religion n’a pas du tout le statut d’une vérité vérifiable, qu’il n’y a donc rien à discuter. La dichotomie « fait / valeur » disqualifie le christianisme, l’empêchant de figurer comme interlocuteur potentiel dans le débat public.
Le corps machine.
Après avoir noté comment la dichotomie « fait / valeur » se répercute dans la société selon l’opposition « public / privé », voyons comment cette même division a été appliquée à la personne humaine. René Descartes, souvent considéré comme le premier philosophe moderne, a divisé la personne humaine selon un dualisme radical. Il traita le corps humain comme une vulgaire machine fonctionnant selon des lois scientifiques. Mais il considéra l’esprit humain comme un pouvoir autonome capable de faire des choix et qui, en un sens, utilise le corps comme un instrument, à la manière dont vous utilisez votre voiture pour aller où bon vous semble.
Dualisme radical de Descartes
Esprit : libre, autonome, s’autodétermine
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Corps : mécanique, déterminé, instrumental
Pour Descartes, la religion et la morale relèvent du domaine de la liberté, situé à l’étage supérieur, tandis que la science nous donne la connaissance à l’étage inférieur. Au cours des siècles, la science devenant de plus en plus empreinte de matérialisme et de déterminisme, une tension apparut entre les deux étages, voire même une contradiction. De nos jours, ces étages représentent deux images de l’univers « réellement en guerre » l’une contre l’autre, selon le mot du philosophe John Searle.
Prenez par exemple Steven Pinker, autorité dans le domaine de la science de la connaissance et auteur du livre à succès How the Mind Works [Comment fonctionne le cerveau]. Sa vision du monde pourrait être qualifiée de naturalisme évolutionniste: il n’existe rien d’autre que la nature. Les choses traditionnellement considérées comme transcendantes, telles que l’esprit ou l’âme, sont des illusions. Pour Pinker, notre cerveau n’est rien d’autre qu’un ordinateur, une machine complexe destinée à traiter des données.
D’un autre côté il reconnaît que la morale dépend de l’idée que les hommes sont plus que des machines, qu’ils sont libres de faire des choix[22]. Voici le dilemme : lorsqu’il travaille dans son laboratoire, Pinker adopte ce qu’il appelle sa « position mécaniste », traitant les humains comme des mécanismes complexes. Mais, « quand ces discussions tirent à leur fin pour la journée, écrit-il, nous parlons des uns et des autres comme d’êtres humains libres et dignes. »
En d’autres termes, lorsqu’il rentre chez lui, en famille et entre amis, son naturalisme scientifique n’est plus une philosophie pertinente. On ne peut traiter sa femme comme une machine de traitement de données, ni programmer ses enfants comme de petits ordinateurs. Ainsi, dans la vie ordinaire, Pinker admet qu’il doit passer à un paradigme complètement opposé. Voici l’explication qu’il en donne : « Un être humain est simultanément une machine et un agent sensible libre, selon l’objet en discussion. » Fatale contradiction interne que Schaeffer appelle un saut de foi laïciste. Pinker voit là du « mysticisme »! « La conscience et la volonté libre paraissent envahir les phénomènes neurobiologiques à tous les niveaux. Les penseurs semblent condamnés soit à nier leur existence, soit à se vautrer dans le mysticisme. »[23] Par conséquent, ou bien vous essayez d’être cohérent avec le naturalisme évolutionniste de l’étage du bas, et alors vous devez nier l’existence de choses telles que la conscience et la libre volonté ; ou bien vous pouvez affirmer leur existence, bien qu’elles n’aient aucun fondement dans votre système intellectuel, mais c’est alors pur mysticisme. Un saut irrationnel.
Marvin Minsky, du MIT, est célèbre pour sa formule disant que le cerveau humain n’est rien d’autre « qu’un ordinateur de trois livres fait de viande. » Mais lui aussi fait un saut de foi. Dans The Society of Mind il écrit: « Le monde physique n’accorde aucune place à la liberté de la volonté. » Et pourtant, « ce concept est essentiel dans nos modèles du domaine mental. Dès lors nous sommes virtuellement forcés de conserver cette croyance, bien que nous la sachions fausse. »[24]
Cette déclaration est vraiment étonnante. Suite à leur banale expérience quotidienne, des penseurs se sentent forcés d’affirmer certaines choses, telles que la liberté morale, alors même qu’ils disent « savoir » que, selon leur philosophie naturaliste, ces idées sont fausses. Voilà bien la tragédie de l’âge postmoderne ! Les choses qui importent le plus dans la vie, celles qui font de nous de vrais humains, ont été réduites à des fictions utiles, soit à presque rien. Des fictions commodes. Ces penseurs sont forcés d’accrocher tous leurs espoirs de dignité et de sens au domaine de l’étage supérieur qu’eux-mêmes tiennent pour dépourvu de toute connaissance et finalement de toute réalité.
Évidemment, le fait même que ces scientifiques aient à faire un tel saut de foi devrait les alerter: il signifie que la vision du monde induite par leur naturalisme évolutionniste n’est pas adéquate. Après tout, l’objet d’une vision du monde est d’expliquer le monde. Et si elle échoue à en expliquer quelque partie, c’est qu’il y a du faux dans cette vision du monde. La seule façon pour ces scientifiques de rendre compte de la nature humaine, telle qu’eux-mêmes la vivent, est d’accepter une totale contradiction.
Les critiques rejettent souvent le christianisme comme irrationnel, mais c’est tout le contraire ! Le christianisme ne requiert pas ce genre de saut de foi contradictoire. Comme système de pensée, il commence avec un Dieu personnel, un Dieu qui est un agent personnel. Alors le fait que les humains soient des agents personnels trouve tout son sens. Toute vision du monde est limitée aux catégories permises par ses hypothèses de départ. Si vous commencez par la matière agissant au moyen de forces mécaniques aveugles, alors, logiquement les humains ne seront rien d’autre que des machines, des mécanismes complexes.
Mais si vous commencez avec un agent personnel transcendant, cela vous donne une base rationnelle cohérente pour expliquer la totalité de l’expérience humaine. Ces réalités qui sont si problématiques pour le naturalisme darwinien, comme la libre volonté et la responsabilité morale, s’expliquent simplement et élégamment dans une vision chrétienne. Nul besoin de recourir à un saut sur l’étage de l’irrationnel pour les expliquer.
Traiter le corps comme une machine.
Voyons maintenant comment ce même dualisme cartésien affecte les questions morales. Dans les années 1970, le moraliste Paul Ramsey nota que le dualisme était devenu la vision sous-jacente dans l’avortement, l’ingénierie génétique et toutes les autres questions sur la vie. Les groupes pro-vie pensaient que la bataille serait terminée lorsque les gens admettraient que le fœtus est un être humain: certainement, pensait-on, ils comprendraient que l’avortement est moralement mal. Mais aujourd’hui les avocats de l’avortement admettent très volontiers que le fœtus est physiologiquement humain. Cependant, ce fait est tenu pour étranger à son statut moral, et ne justifie nullement une protection légale. La « personnalité » (personhood)[25], définie en termes d’autonomie ou de pouvoir de choix, constituerait le critère décisif.
Les deux étages pour les problèmes de la vie
« Personnalité » : justifie protection légale
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Physiologiquement humain : étranger au statut moral
Par exemple, durant la campagne présidentielle de 2004, John Kerry surprit beaucoup de monde en reconnaissant que « la vie humaine commence à la conception. » Comment alors pouvait-il encore accepter l’avortement ?
Parce que, expliqua-t-il dans un entretien avec Peter Jennings, le fœtus « n’a pas la forme de vie qui est celle de la personnalité« telle que définie plus haut. Pour la théorie de la personnalité, en l’absence de pouvoir de choix, ou de moi autonome, alors il ne s’agit pas d’une « personne » et le corps est une simple machine que l’on peut traiter de manière utilitaire, dont on peut se débarrasser ou que l’on peut utiliser pour la recherche et l’expérimentation.
Telle est la logique utilisée pour justifier l’euthanasie. Le débat le plus significatif dans le cas de Terri Schiavo[26] (en termes de visions contraires du monde) est resté ignoré par la plupart des médias. Sur Court TV on posa cette question à Bill Allen, un bioéthicien de l’université de Floride : « Pensez-vous que Terri soit une personne? » Il répondit: « Non, je ne le pense pas. Je pense qu’avoir conscience de soi est un critère essentiel de la personnalité.«
Les moralistes chrétiens admettent qu’il n’y a pas d’obligation morale à prolonger la vie d’un mourant, mais Terri n’était pas mourante. Ainsi le cœur du problème est une conception de la « personnalité » pour laquelle le simple fait d’être membre de la race humaine n’est pas suffisant pour accorder quelque valeur morale intrinsèque. Il faudrait en plus un ensemble de critères, un certain niveau d’autonomie, la capacité de faire des choix, etc. Quiconque est dépourvu de toutes ses facultés de connaissance sera considéré comme une non-personne, catégorie qui comprend le fœtus, le nouveau-né et les déficients mentaux.
Beaucoup d’éthiciens déclarent maintenant que des « non-personnes » peuvent être utilisées pour fournir des organes ou dans d’autres buts utilitaires. Parmi ceux qui étaient partisans de laisser mourir Terri, il s’en trouva quelques uns, comme le Dr Ronald Cranford, pour accepter ouvertement de refuser de la nourriture et de l’eau même à des infirmes encore conscients et partiellement mobiles ( tel cet homme de Washington qui pouvait faire marcher son fauteuil roulant électrique).
Or il n’existe aucun moyen de donner une définition normative de la « personnalité. » Le critère traditionnel était basé sur la biologie: quiconque était biologiquement un être humain avait droit au statut moral et à la protection légale dus à une personne humaine. Les êtres humains sont évidemment bien plus que de la biologie, mais le critère fournissait un indicateur objectif et empiriquement décelable. Une fois détaché de la biologie, le concept de personnalité devient non empirique, non scientifique et finalement subjectif.
Ceci suggère une manière d’inverser les rôles dans le débat sur l’avortement. Souvent les critiques de la position pro-vie accusent celle-ci d’être religieuse et subjective, d’être basée sur la pure foi que la vie humaine commence à la conception. Cependant le commencement de la vie est bien un fait biologique. Biologiquement parlant, une vie individuelle unique commence dès que les composants génétiques se rencontrent. Ainsi la position pro-vie est-elle fondée sur des faits scientifiques, empiriquement connaissables. Par contre, les arguments pour l’avortement reposent sur le concept de « personnalité », un concept philosophique non empirique, non scientifique, qui finalement est privé et subjectif.
Sexualité postmoderne.
La même vue dualiste de l’être humain sous-tend l’approche libérale de la sexualité. Le corps est traité comme un simple instrument utilisé par le moi autonome en vue de ses propres fins. Une vidéo d’éducation sexuelle largement utilisée dans les écoles publiques définit l’acte sexuel comme « quelque chose que font deux adultes pour se donner mutuellement du plaisir. »
Aucune allusion au fait que le corps a sa propre finalité et sa propre dignité morale appelant le respect.
L’idée dominante aujourd’hui veut que le « genre » (gender) soit une construction sociale et donc qu’il puisse être déconstruit. Les gens « ne veulent pas correspondre à une quelconque étiquette: homosexuels, hétérosexuels, lesbiennes, bisexuels…Ils veulent être libres de changer d’avis » dit un magazine pour homosexuels. C’est comme si était lancé un défi à l’ancienne façon moderne de penser: <voici ce que je suis. Point>, avec un mouvement vers la version postmoderne : <voici ce que je suis en ce moment> . L’identité sexuelle est redéfinie comme étant fluide et variable.
« Ceci est perçu comme une libération, une façon de prendre le contrôle de sa propre identité plutôt que d’accepter celle qui a été culturellement <assignée> », écrit Gene Edward Veith.
Dans certains collèges les étudiants n’ont plus à cocher « M » ou « F » sur leurs fiches de santé. À la place on leur demande de « décrire l’histoire de (leur) genre. » Le corps est devenu un instrument qui peut être utilisé par le moi autonome comme bon lui semble, selon un calcul de plaisir personnel purement utilitaire.
Sexualité postmoderne
Moi autonome : utilise son corps comme bon lui semble
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Corps physique : mécanisme moralement neutre pour la peine ou le plaisir.
Comble d’ironie : le christianisme est souvent critiqué pour avoir une vue pessimiste du corps, à cause de la morale sexuelle biblique. Mais en réalité il a une vue beaucoup plus élevée que celle de l’utilitarisme d’aujourd’hui. La doctrine de l’Incarnation – Dieu Lui-même a pris un corps humain – met le christianisme à part de toutes les philosophies anciennes niant le monde (comme le gnosticisme), fait toujours vrai aujourd’hui.
Seul le christianisme donne une base pour accorder une dignité éminente à l’existence incarnée.
Retour à la vérité.
Après avoir suivi la dichotomie de la pensée occidentale à travers plusieurs contextes, revenons à la question d’épistémologie par laquelle nous avions commencé. Comme nous l’avons vu, R. Rorty a tout à fait raison de prétendre que le postmodernisme est une conséquence du darwinisme. Si vous mettez l’évolution darwinienne à l’étage du bas, dans le royaume des « faits », alors vous aboutirez au relativisme postmoderne à l’étage du haut, celui des « valeurs ».
Évidemment il y a un illogisme fatal dans cette formulation. Car si le darwinisme signifie que nos idées ne sont pas vraies mais seulement « utiles », alors le même principe s’applique à l’idée du darwinisme luimême. Pourquoi donc devrions-nous lui accorder la moindre créance ? Le naturalisme darwinien se réfute lui-même. Darwin en personne écrivit plusieurs fois à propos de cette énigme, l’appelant son « horrible doute ». Par exemple : « En moi il y a toujours l’horrible doute de savoir si les convictions de l’esprit humain, qui s’est développé à partir de l’esprit des animaux inférieurs, ont une valeur quelconque et si elles sont dignes de confiance. »[27]
Le christianisme nous offre le moyen de surmonter le clivage de l’esprit occidental, de sortir de la dichotomie, de retrouver une vision unifiée de la vérité. Le christianisme offre une vision du monde rationnelle et cohérente, assez large pour expliquer toute l’étendue de l’expérience humaine sans saut de foi choquant. Le christianisme n’offre pas seulement une vérité religieuse, une vérité sur une partie isolée de la vie. Il prétend dire le vrai sur chaque aspect de la réalité, sur tous les aspects de notre expérience du monde. En ce sens il est Vérité totale.
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L’effet analgésique de la télévision sur les enfants Entretien avec le Pr Carlo Bellieni
Résumé : Le Pr Carlo Bellieni (Sienne) a fait une étude spéciale des moyens de diminuer la douleur chez les nouveau-nés : massage, sucre dans la bouche, paroles, etc. Il vient de publier dans le British Medical Journal une étude comparative de trois moyens analgésiques portant sur 69 enfants âgés de 7 à 12 ans.
Le réconfort de la mère a permis à un groupe de moins souffrir que le groupe témoin. Mais le groupe des enfants laissés devant une télévision allumée n’a presque rien senti. On voit aussitôt le risque : continuer à négliger la douleur des nouveau-nés (qui pleurent souvent, qui ne peuvent pas s’exprimer) alors qu’il s’agit de vraies personnes humaines qui ressentent effectivement la douleur.
Rome, Vendredi 8 septembre 2006 (Zénit.org) « La télévision possède un effet anesthésiant sur les enfants ». Tel est le résultat d’une étude réalisée sur 69 enfants âgés de 7 à 12 ans.
L’enquête, conduite par le professeur Carlo Bellieni, du Département de Néonatologie de l’hôpital universitaire de Sienne, et publiée par le British Medical Journal, montre que dans les cas où la télévision est utilisée comme un moyen de distraction, la sensation de douleur diminue de manière significative.
Le professeur Bellieni se consacre depuis plusieurs années au thème de la douleur chez les nouveau-nés et les enfants prématurés. Il a déduit de ses recherches que dans le cas des enfants prématurés et des autres enfants, lors du premier mois de vie, certaines stimulations physiologiques, comme masser l’enfant, lui parler ou lui mettre du sucre dans la bouche, ont un effet analgésique.
L’étude du professeur Bellieni – dont les résultats ont été repris par les médias à travers le monde – a été réalisée sur trois groupes d’enfants entre 7 et 12 ans soumis à un prélèvement sanguin. Les enfants du premier groupe n’avaient aucune distraction, ceux du deuxième groupe avaient le réconfort de leur mère, ceux du troisième groupe avaient devant eux une télévision allumée.
Ce sont les enfants du premier groupe qui ont ressenti la douleur la plus vive, le deuxième groupe a un peu moins souffert et le troisième n’a presque rien senti.
Une donnée intéressante mais qui laisse toutefois un peu perplexe. Dans un entretien à Zénit, le Dr Bellieni se dit préoccupé par le fait que la télévision soit aussi « totalisante », au point que le spectateur « ne perçoit même pas la douleur ».
Il affirme que la télévision peut constituer une aide « fonctionnelle pour provoquer des réactions anesthésiantes face à la douleur », mais il insiste sur l’importance du « soutien des parents ».
Zénit : Pourquoi cette recherche est-elle importante ?
Dr Bellieni : Cette recherche naît de la considération que l’enfant est une personne à tous les égards. Il n’existe aucun niveau de développement de l’être humain qui ne puisse être considéré comme un niveau de personne et qui donc n’ait le droit d’être traité et soigné correctement.
L’attention au patient-personne génère de très grands élans dans le progrès scientifique. Ne pas considérer le nouveau-né ou l’enfant comme une personne génère en revanche un blocage de n’importe quel développement de la recherche. Il suffit de penser à l’idée et aux propositions en faveur de l’euthanasie, qui naissent comme une réponse à la souffrance. Cette approche nihiliste conduit à un blocage de la recherche sur l’étude de la douleur, à un blocage de la recherche sur la survie de l’enfant.
Celui qui en revanche conserve une attitude guidée par la charité et n’abandonne pas face aux défis de la vie, a pu constater que l’enfant peut être guéri d’une manière qui n’était même pas imaginable il y a dix ou vingt ans, et que nous pouvons faire de très grands pas en avant dans le soulagement de la douleur des nouveau-nés et des enfants.
Zénit : Pourquoi existe-t-il peu de médecins au monde s’intéressant à la souffrance des nouveau-nés ?
Dr Bellieni : Nous sommes effectivement très peu nombreux, peut-être parce qu’il n’y a pas suffisamment de retombées, mais surtout parce qu’il est très facile de ne pas considérer l’enfant comme une personne.
Le nouveau-né en particulier, pleure souvent si bien qu’il est difficile de reconnaître la douleur ; il ne sait pas s’exprimer et il est malheureusement facile de lui provoquer des souffrances sans en saisir les conséquences.
Si un dentiste faisait une opération douloureuse sans anesthésiant, il serait dénoncé. On continue parfois encore à faire des opérations douloureuses à des nouveau-nés sans anesthésiant. Pour nier que le fœtus éprouve de la douleur, certains philosophes vont même jusqu’à nier que les enfants eux-mêmes ressentent la douleur avant un an. Ces philosophes, qui ont publié des articles dans des revues importantes, affirment que n’ayant pas encore conscience de lui-même, l’enfant ne ressent pas la douleur avant l’âge de 12 mois. Il s’agit d’affirmations très dangereuses car nier la douleur signifie pouvoir intervenir de n’importe quelle manière sur l’enfant qui n’est pas encore en mesure de s’exprimer.
Zénit : Comment êtes-vous parvenu à mener à bien des recherches de cette ampleur sans disposer de fonds adéquats ?
Dr Bellieni : Ceci signifie que le travail de recherche et l’attention sont récompensés. Il est vrai qu’il n’existe pas de fonds pour faire ces recherches, mais très souvent la simple observation, qui part de l’absence de censure, voit bien plus loin que la recherche qui bénéficie de fonds importants mais de peu d’observation attentive.
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BIBLE
La structure de la Genèse Claude Eon
Résumé : L’exégèse moderne est marquée par la « théorie documentaire », qui considère la Bible comme une agglomération tardive de plusieurs fragments distingués selon le nom donné à Dieu. Or une autre hypothèse explique bien mieux les particularités de la Genèse. Elle est due à P.J. Wiseman, un archéologue amateur qui, ayant participé aux fouilles de Mésopotamie, publia en 1936 ses Nouvelles Découvertes en Babylonie sur la structure de la Genèse. Pour lui le mot toledoth (« Voici la génération de… », qui apparaît à 11 charnières du texte, est un colophon : cette formule qui figurait à la fin de chaque tablette cunéiforme pour en donner le titre, le contenu et souvent l’auteur ou le propriétaire. Or les passages qui se terminent par toledoth (suivi du nom d’un patriarche) ne contiennent que des événements dont ce patriarche a été témoin.
Une seule exception : la « tablette » de la Création (Gn 1,1 à 2,4) qui n’est pas signée puisque son auteur n’a pu l’écrire que par ouï-dire, ou plutôt qui est signée par « le ciel et la terre ». On trouve aussi des répétitions qui correspondent à la méthode en usage pour « relier » entre elles les tablettes consécutives d’un long récit.
Ces découvertes de P.J. Wiseman, on le voit, sont fondamentales et suffisent à montrer la mise par écrit ancienne, l’historicité et l’authenticité du plus notable récit de l’histoire humaine.
Au début du film Le Cercle des Poètes disparus, le professeur de poésie invite ses élèves à déchirer les pages d’introduction à la poésie figurant dans leur manuel. Cette sage mesure devrait être appliquée à quasiment toutes les « introductions » aux Livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Toutes, en effet, ou à peu près, sont inspirées par les désastreux principes de l’exégèse moderne, ou plutôt moderniste.
Ainsi, dans son Introduction à la Genèse, la Bible Osty nous assure que « le document yahviste, le document élohiste et le document (ou Code) sacerdotal sont les trois grandes sources qui entrent dans la composition de l’ouvrage; ainsi s’en expliquent les multiples aspects. Des fragments plus ou moins considérables de ces œuvres ont été conservés, juxtaposés ou combinés par des rédacteurs; etc. »
Ce commentaire s’inspire de la » théorie documentaire » en vogue dans l’exégèse moderne. Cette théorie fut en fait inventée par Jean Astruc qui, en 1753, publia anonymement à Bruxelles un ouvrage intitulé Conjectures sur les mémoires originaux dont il parait que Moyse s’est servi pour composer le livre de la Genèse. L’auteur était médecin du roi et professeur de médecine à la faculté de Montpellier. Il avait remarqué que dans les 35 premiers versets de la Genèse seul le mot Elohim était employé alors que du verset 2:4b au 3:24 Dieu était appelé Yahvé Elohim, sauf lorsque Satan utilisait le mot Dieu. Astruc prétendait que ces morceaux devaient avoir été écrits par des auteurs différents, car, si Moïse lui-même avait écrit ce texte, nous devrions lui attribuer cette singulière variation du nom divin.
Telle fut l’origine de la dissection documentaire en fragments du livre de la Genèse. Au cours du 19ème siècle la théorie documentaire fut adoptée avec enthousiasme par l’exégèse libérale protestante de H. Graf (1815-1869) et Julius Wellhausen (1844-1918) qui distingua quatre sources principales du Pentateuque: les sources Yahviste, Élohiste, Deutéronomique et Sacerdotale. Ainsi on prétendit que l’auteur utilisant le mot Elohim était l’auteur d’un document dit élohiste, que l’écrivain utilisant Yahvé était l’auteur d’un autre document dit yahviste. Mais puisque certains versets manifestement écrits par une seule personne contenaient les deux noms de Dieu, il fallut inventer un autre rédacteur: le deutéronomiste. Enfin il fut décidé qu’un dernier document avait été écrit 1000 ans après Moïse : le document sacerdotal. C’est ainsi que la Genèse fut découpée en une série confuse de fragments et d’auteurs, selon le mot utilisé pour désigner Dieu.
Les critiques sont, malgré tout, obligés de reconnaître que ce découpage rompt la séquence logique et même grammaticale du texte! Toute la théorie documentaire repose donc sur la supposition fragile qu’un auteur n’utiliserait qu’un seul et même nom pour désigner Dieu. Cette exégèse du texte ressemble assez à un travail de boucher, taillant sans vergogne des morceaux ensuite recollés mais devenus méconnaissables. Wellhausen lui-même reconnaissait que le résultat de cette dissection n’était qu’ « une agglomération de fragments. » Malgré quoi, son Histoire d’Israël (1878) lui attribua une place dans les études bibliques « comparable à celle de Darwin en biologie. »
Les exégètes du 19ème siècle ne pouvaient pas deviner que les fouilles archéologiques et les progrès de la linguistique allaient permettre une toute autre approche de la structure et de la paternité de la Genèse. Au 20ème siècle, en effet, la découverte et le déchiffrement de très nombreuses tablettes en Mésopotamie, où de vastes bibliothèques furent mises au jour, permirent de comprendre les méthodes de composition des scribes. Ce fut le privilège d’un amateur, P.J. Wiseman, de participer à des fouilles en Mésopotamie en compagnie de professeurs illustres. Grâce à une connaissance de première main de ces travaux, il se trouva parfaitement équipé pour ré-examiner la structure de la Genèse.
En 1936 il publiait New Discoveries in Babylonia about Genesis, puis Clues to Creation in Genesis. En 1985, son fils, lui-même archéologue, republiait les travaux de son père sous le titre de Ancient Records and the Structure of Genesis. À la décharge des partisans de la théorie documentaire, il faut reconnaître que s’ils avaient connu les anciennes méthodes d’écriture ils seraient sans doute parvenus aux mêmes conclusions que Wiseman. On doit tout de même constater que ces découvertes archéologiques déjà anciennes n’empêchent pas nombre d’exégètes actuels de les ignorer et de lire la Genèse comme s’il s’agissait d’un livre tardif.
Le trait caractéristique du récit de la Genèse est « qu’il est construit de la manière la plus antique en utilisant un cadre de locutions répétées. » Ces locutions, qui forment le squelette structurant la Genèse, sont de deux sortes: les colophons[28] et les répétitions (catch-line phrases), les premiers étant les plus importants.
Les colophons.
Les documents écrits en Mésopotamie étaient généralement gravés sur une pierre ou sur des tablettes d’argile. C’était l’usage pour les scribes d’ajouter à la fin du récit, un colophon indiquant le titre, la date et le nom de l’auteur ou du possesseur, ainsi que d’autres détails sur le contenu de la tablette. La méthode du colophon n’est plus en usage de nos jours, cette information étant transférée à la page de titre. Mais dans les documents anciens, le colophon avec ses importantes informations, était ajouté d’une manière très distincte. Par exemple, le colophon terminant l’un des récits mythologiques babyloniens de la création dit: » Première tablette de…après la tablette…Mushetiq-umi…Une copie de Babylone; écrite comme son original et collationnée. La tablette de Nabu-mushetiq-umi [5ème] mois Iyyar, 9ème jour, 27ème année de Darius. »
Les colophons sont la clé permettant de comprendre la structure de la Genèse. Pour celle-ci, la phrase la plus significative est » Voici l’histoire de… » que l’on peut aussi traduire par « voici la génération de… » Cette formule est utilisée onze fois dans tout le livre. Les traducteurs de la Septante la trouvèrent si importante qu’ils donnèrent à l’ensemble du livre le titre de Genèse, traduction du mot hébreu pour « génération. » Wiseman, quant à lui préfère le mot hébreu pour génération : Toledoth (de la racine Yalad).
Occurrences de la formule « toledoth » dans la Genèse :
2:4 Voici l’histoire du ciel et de la terre
5:1 Voici le livre de l’histoire d’Adam
6:9 Voici l’histoire de Noé
10:1 Voici la postérité des fils de Noé
11:10 Voici l’histoire de Sem
11:27 Voici l’histoire de Tharé
25:12 Voici l’histoire d’Ismaël
25:19 Voici l’histoire d’Isaac
36:1 Voici l’histoire d’Esaü, qui est Edom
36:9 Voici la postérité d’Esaü, père d’Edom
37:2 Voici l’histoire de Jacob
Les commentateurs de la Genèse ont, de tout temps, remarqué cette répétition de la formule. Beaucoup, cependant, même chez les exégètes récents, semblent ne lui attacher aucune importance, faute d’avoir compris son rôle et sa signification. La raison en est simple, comme l’explique Wiseman. Le toledoth terminant de nombreuses sections de la Genèse commence « comme cela est fréquent dans les documents anciens, par une généalogie ou un registre établissant des relations familiales étroites. » Ce qui a conduit les commentateurs à associer la phrase toledoth, « Ceci est la génération de… » à la liste généalogique qui suit. Ils ont donc supposé que ce toledoth est une préface ou une introduction. Il est pourtant manifeste que le toledoth n’est parfois suivi d’aucune généalogie. C’est que, dit Wiseman, « l’histoire de la personne nommée dans le toledoth a été écrite avant cette formule et certainement pas après. » Et il cite l’exemple classique du second toledoth, « Voici le livre de l’histoire d’Adam » (5:1) après lequel nous n’apprenons rien de plus sur Adam, sauf l’âge de sa mort. De même en Genèse 25:19, après la phrase « Voici l’histoire d’Isaac » ce n’est pas l’histoire d’Isaac que l’on trouve, mais l’histoire de Jacob et d’Esaü.
Les commentateurs n’ont pas compris ces anomalies alors qu’elles s’expliquent très facilement dès que l’on sait que le toledoth n’est pas une introduction à l’histoire du personnage, mais qu’il s’agit d’un colophon terminal. Le toledoth désignait une histoire, généralement l’histoire d’une famille dans ses origines. On pourrait traduire par » voici les origines historiques de… » Il est donc évident que dans la Genèse il en va de même et qu’il n’est nullement question de parler des descendants du personnage mentionné.
Dans le Nouveau Testament il n’y a qu’un seul colophon, en Matthieu 1:1 : » Généalogie de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham » qui est une liste de tous ses ancêtres.
Puisque la méthode d’écriture de la Genèse reflète si exactement les méthodes de composition de l’antiquité primitive, on peut en conclure à l’authenticité des récits du livre.
En Genèse 5:1 on lit « Voici le livre de l’histoire d’Adam. » Ici le mot hébreu sepher est traduit par « livre », ce qui signifie récit écrit. Les Septante d’ailleurs ont également traduit le premier toledoth (en 2:4) par : « Ceci est le livre des origines du ciel et de la terre. » Il faut en effet, bien comprendre que les « livres » de l’antiquité étaient des tablettes, et que les tout premiers faits relatés par la Genèse étaient écrits et non, comme on l’affirme souvent, transmis oralement à Moïse. En outre il faut savoir que le nom de la personne figurant à la fin du toledoth se réfère à l’auteur ou au propriétaire de la tablette plutôt qu’à l’histoire de la personne nommée. Ainsi, par exemple, « Voici l’histoire de Noé » ne signifie pas nécessairement « ceci raconte la vie de Noé » mais plutôt ceci est l’histoire écrite ou possédée par Noé. Le toledoth ou colophon est réellement comme une sorte de signature d’un contemporain des évènements relatés. Dans cet exemple, on pourrait traduire par « signé Noé. »
Pour résumer sur le colophon ou toledoth :
- C’est une phrase finale de tout document et elle renvoie donc à un récit qui a déjà été écrit;
- Les premiers récits ont été écrits
- Il se rapporte normalement à l’auteur de l’histoire ou au propriétaire de la tablette.
La Genèse comprend donc les tablettes suivantes possédées par la personne dont le nom figure dans le colophon:
Tablette 1 : 1:1 à 2:4 Voici l’histoire du ciel et de la terre
Tablette 2 : 2:5 à 5:2 Ceci est le livre des origines d’Adam
Tablette 3 : 5:3 à 6:9 a Voici l’histoire de Noé
Tablette 4 : 6:9 b à 10:1 Voici l’histoire des fils de Noé
Tablette 5 : 10:2 à 11:10 Voici l’histoire de Sem
Tablette 6 : 11:10 à 11:27 Voici l’histoire de Tharé
Tablettes 7-8 11:27 à 25:19 Voici l’histoire d’Ismaël et d’Isaac
Tablettes 9-11 25:19 à 37:2 Voici les histoires d’Esaü et de Jacob
On remarquera que seule la première tablette ne comporte pas de
signature personnelle.
C’est ainsi que le compilateur des documents primitifs, traditionnellement considéré comme étant Moïse, a clairement indiqué la source de ses informations et nommé les personnes qui possédaient les tablettes utilisées. Contrairement, donc, à ce qu’imaginaient les Graf / Wellhausen, les sources de la compilation du livre de la Genèse, ne sont pas du tout des récits très postérieurs à Moïse, mais bel et bien des documents contemporains des évènements qu’ils relatent et signés. Il est donc exact que la Genèse est une compilation de multiples sources, mais très antérieures à Moïse ; et si le livre exprime, en effet, de nombreux « styles », il ne montre pas pour autant une pluralité d’auteurs dans sa forme finale, contrairement à ce que croient les exégètes.
Deux faits confirment l’interprétation de Wiseman :
- Il n’existe aucun exemple d’un fait rapporté que le signataire n’ait pas pu écrire à partir de sa propre expérience ou d’une information absolument fiable.
- Il est frappant que les histoires s’arrêtent, dans tous les cas, avant la mort du personnage nommé, bien que, le plus souvent, l’histoire se poursuive presque jusqu’à la date de la mort, ou jusqu’à la date déclarée de la composition écrite.
Il ne peut pas résulter d’une simple coïncidence que chacune de ces sections, ou série de tablettes, ne contienne que ce que le personnage nommé à la fin a pu écrire par une connaissance directe. Quiconque écrivant, ne fût-ce qu’un siècle après ces Patriarches, n’aurait ni pu ni voulu écrire ainsi. On voit donc que la formule clé « Ceci est signé par… » constitue le véritable cadre utilisé par le compilateur pour les documents ayant servi à la construction de la Genèse. Il est donc bien inutile de chercher les sources du livre : le compilateur s’est lui-même chargé de nous le dire.
Les répétitions.
Il existe une autre preuve que ces anciens récits furent initialement écrits sur des tablettes. Dans l’ancienne Babylone, explique Wiseman, la taille des tablettes utilisées dépendait de la quantité de texte à y inscrire. Lorsque la taille du texte nécessitait plusieurs tablettes il était habituel
- de donner un « titre » à chaque tablette
- de recourir à une répétition (catch-line) afin d’assurer la lecture dans le bon ordre.
Il ne faudrait pas s’étonner de ne pas retrouver dans le texte de la Genèse ces aides à la lecture que le compilateur, Moïse, avait sous les yeux. Cependant, on trouve dans la Genèse de nombreux exemples de tels raccords, ce qui prouve que la compilation eut lieu très tôt, à partir des tablettes primitives.
Exemples de ces raccords:
1:1 « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre »
2:4 « Voici l’histoire du ciel et de la terre… »
2:4 » quand ils furent créés »
5:2 « lorsqu’ils furent créés »
6:10 « Sem, Cham et Japheth
10:1 « Sem, Cham et Japheth
10:32 « après le déluge
11:10 « après le déluge
11:26 « Abram, Nachor et Aran
11:27 » Abram, Nachor et Aran 25:12 « fils d’Abraham
25:19 « fils d’Abraham
36:1 » qui est Edom
36:8 » Esaü est Edom
36:9 » Voici la postérité d’Esaü père d’Edom
36:43 » C’est là Esaü, le père d’Edom
Selon Wiseman, « la répétition frappante de ces phrases exactement là où les tablettes commencent et finissent, sera appréciée à sa juste valeur par les savants habitués aux méthodes des scribes de Babylone, car cette disposition était celle qu’on utilisait pour lier les tablettes ensemble. La répétition de ces raccords, précisément dans les versets attachés au colophon, ne peut pas être une pure coïncidence. Ils sont restés enterrés dans le texte de la Genèse, et leur signification est passée inaperçue ».
Titres et datation des tablettes.
Sur les tablettes cunéiformes le titre était le premier mot du texte. De même les hébreux donnèrent comme titre aux cinq premiers livres de la Bible les premiers mots de chaque texte. C’est ainsi qu’ils appelèrent la Genèse « Bereshith », le mot hébreu pour « au commencement. » Lorsqu’un texte nécessitait deux ou plusieurs tablettes, les premiers mots de la première tablette étaient répétés dans le colophon (ou page titre) des tablettes suivantes, un peu comme le titre du chapitre est répété en tête de chaque page d’un livre moderne. Grâce à cette répétition il était facile de relier toutes les tablettes de la Genèse.
Wiseman montre encore que certaines tablettes étaient datées. Au début, les scribes terminaient par une formule telle que « année pendant laquelle fut creusé le canal Hammurabi », et ce n’est que plus tard que nous trouvons la datation par l’année du règne. Dans la Genèse on trouve un exemple de datation à la fin de la seconde série de tablettes (de 2:5 à 5:2), en 5:1, où il est écrit « Voici le livre de l’histoire d’Adam, le jour où Dieu créa l’homme. » Dans d’autres cas la tablette était datée par l’indication du lieu de résidence de l’auteur au moment de la rédaction du colophon, et ces dates étaient toujours contiguës à la phrase finale « Voici l’histoire de… » Par exemple en 25:11 « et Isaac habitait près du puits de Lachai-Roi« ; en 36:8: « Esaü s’établit dans la montagne de Séir« ; en 37:1: « Jacob s’établit dans le pays où son père avait séjourné dans le pays de Chanaan« .
Que ces traits caractéristiques de l’écriture cunéiforme soient encore visibles dans la Genèse montre la pureté du texte et le soin avec lequel il nous a été transmis. Ils prouvent aussi qu’ en ces âges reculés les textes furent écrits sur des tablettes d’argile et que ces tablettes formant une série de Genèse 1:1 à 37:1 furent bien assemblées dans l’ordre où nous les disposon aujourd’hui.
L’histoire de Joseph.
La longue section finale de la Genèse, de 37:2 à 50:26 ne se termine pas par un colophon. Pourquoi donc ? Parce que cette partie de la Genèse est surtout l’histoire de Joseph en Égypte. Le récit commence par: « Joseph, âgé de dix-sept ans … » et se termine par « …et on le mit dans un cercueil en Égypte. » Nous sommes passés de Babylone, ou du moins de l’influence babylonienne, à l’Égypte, où, très vraisemblablement, l’histoire de Joseph fut écrite sur du papyrus. Puisque les Égyptiens n’utilisaient pas le colophon, son absence à la fin du récit de Joseph est tout à fait en harmonie avec la théorie des toledoths.
Les différents noms de Dieu.
Comme nous l’avons vu, l’utilisation de différents noms pour désigner Dieu dans la Genèse constituait pour la théorie documentaire la base de ses constructions exégétiques. La plus grande difficulté vient de Exode 6:3 où il est dit: « Je suis YHWH. Je suis apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob comme Dieu tout-puissant, mais sous mon nom de YHWH je ne me suis pas fait connaître à eux. »
Et cependant, il y a de nombreux exemples dans la Genèse où les patriarches désignent Dieu par YHWH. Les critiques se sont donné beaucoup de mal pour expliquer cette contradiction apparente: comment, en effet, les différents auteurs (supposés) de la Genèse, qui avaient certainement sous les yeux le verset 6:3 de l’Exode, ont-ils pu donner à Dieu un nom anachronique dans la Genèse ?
Il ne peut y avoir le moindre doute que les tablettes emportées par Abraham depuis sa cité de Ur en Chaldée étaient écrites en cunéiforme. Lorsque le compilateur de la Genèse entra en possession de ces tablettes il trouva sur certaines d’entre elles l’équivalent de « Dieu » en cunéiforme, et dans d’autres l’équivalent de El Shaddai, Dieu tout-puissant, nom sous lequel Il se désigna à Abraham, Isaac et Jacob, selon Exode 6:3. Le compilateur de la Genèse avait devant lui les archives des Patriarches où de nombreuses tablettes contenaient l’expression « El Shaddai » en cunéiforme. Le compilateur avait donc un problème très spécial : maintenant que Dieu s’était défini « Je suis celui qui suis« , YHWH, quel nom fallait-il donner à Dieu pour la transcription des tablettes anciennes ? Ce nom de YHWH avait été annoncé aux enfants d’Israël en Égypte et était révéré par eux. L’ancien nom de « El Shaddai » Dieu Tout-Puissant avait été corrompu par son attribution à plusieurs autres « dieux ». La solution la plus simple était de traduire par YHWH. Ainsi s’explique très simplement la présence de YHWH dans la Genèse sans avoir recours à un fouillis de documents embrouillés écrits par des auteurs inconnus, comme le font les exégètes modernes, ni à une trahison du sens littéral de Exode 6:3.
Le premier chapitre de la Genèse.
Toute l’interprétation biblique documentaire procède d’une volonté de « mythologiser » la Bible en lui incorporant de force des éléments tirés des mythes babyloniens ou égyptiens qui sont, en réalité, totalement étrangers à l’esprit hébreu. Il suffit de comparer, séquence par séquence, le récit de la création selon la Bible et selon les tablettes babyloniennes.
Bible : Lumière
Babylonien : Naissance des dieux, leur rébellion et menacés de destruction
Bible : atmosphère, eau
Babylonien : Tiamat se prépare à la bataille
Bible : terre
Babylonien : les dieux sont convoqués et se plaignent amèrement à la végétation de leur menace de destruction Bible : Soleil et lune
Babylonien : Marduk promu au rang de dieu, il reçoit ses armes pour combattre. Il bat Tiamat, la coupe en deux et fait ainsi le ciel et la terre
Bible : poissons et oiseaux
Babylonien : poème astronomique
Bible : animaux terrestres
Babylonien : Kingu qui incita Tiamat à se rebeller est enchainé et, comme punition, ses artères sont tranchées et l’homme créé de son sang.
Il est évident que la Bible ne doit absolument rien aux tablettes babyloniennes malgré les efforts des commentateurs pour nous convaincre que l’auteur, quel qu’il soit, de ce passage de la Genèse, a emprunté ses idées aux mythes mésopotamiens.
L’abîme primitif.
Presque tous les commentateurs modernes de la Bible affirment que « tehom » le mot hébreu pour abîme que l’on trouve en Genèse 1:2, est identique au mot accadien « tiamat« , nom du dragon des ténèbres que Marduk tua dans un violent conflit avant la création du monde. Ainsi dans la note de la Bible Osty on lit: « L’Abîme (tehom) des eaux…Le terme dérive de Tiamat, personnification de la Mer dans le poème babylonien de la création… » Cependant, un brillant linguiste, le Professeur A.S. Yahuda[29], écrit: » L’assurance avec laquelle cette affirmation est avancée et l’obstination avec laquelle elle est soutenue ne reposent sur aucun fait philologiquement fondé, puisque, en dehors de la similarité de sons entre tehom et tiamat, aucune autre preuve d’une telle identification ne peut être avancée. »
Seule l’emprise des tendances mythologisantes peut expliquer l’obstination pour une interprétation qui a si peu d’arguments en sa faveur. Le mot tehom, dit Yahuda, ne signifie rien d’autre que l’eau primordiale, cet océan qui remplit le chaos. Le mot tehom devrait être rapproché philologiquement non pas de tiamat, mais d’un autre mot accadien, tamtu , mot qui revient souvent dans de nombreux mythes avec le sens d’océan primitif, exactement comme tehom et non pas comme la personnification d’une divinité comme tiamat.
Le récit du Déluge.
Si la théorie des toledoth est vraie, alors comment expliquer que dans le chapitre 7 de la Genèse les commentateurs de l’école documentaire aient pu identifier deux comptes-rendus du Déluge entrelacés dans le texte de ce chapitre, et même trois dans le cas d’Astruc ? Ce chapitre 7 fait partie, comme on l’a dit, de la quatrième série de tablettes, écrites ou possédées par les trois fils de Noé, Sem, Cham et Japheth et signées par eux. La théorie des deux, ou trois, auteurs présumés s’appuie sur les répétitions des versets 18, 19 et 20:
« Les eaux crûrent et devinrent extrêmement grosses sur la terre (18) « Les eaux ayant grossi de plus en plus, couvrirent toutes les hautes montagnes (19)
« Les eaux s’élevèrent de quinze coudées au-dessus des montagnes (20) ainsi que dans les versets 21, 22 et 23: « Toute chair qui se meut sur la terre périt (21)
« …tout ce qui a souffle de vie dans les narines mourut (22)
« Tout être qui se trouve sur la face du sol fut détruit (23)
Or, la conclusion de la tablette nous informe que plus d’une personne fut responsable de la rédaction: « Ceci est l’histoire des trois fils de Noé » (10:1). Et l’examen du texte montre clairement qu’il fut écrit par plusieurs témoins oculaires de la catastrophe.
Les critiques documentaires ont accordé beaucoup d’attention à ce récit du Déluge car ils y voient la « preuve » d’un emprunt à la mythologie babylonienne. Bien qu’ils aient eu raison de voir plusieurs comptes-rendus dans le récit, ils se sont complètement fourvoyés sur l’identification des véritables auteurs.
Deux récits de la création.
L’ignorance de la nature des sources à partir desquelles le livre de la Genèse fut compilé, a conduit les commentateurs modernes à écrire des choses telles que « le second chapitre est plus ancien que le premier » ou « l’ordre de la Genèse est erroné« , ou encore « il y a deux récits de la création, chacun écrit des siècles après Moïse. » Pour l’école documentaire le premier chapitre a été mis par écrit par un auteur inconnu, ou par un atelier d’auteurs, au 8ème siècle environ avant J.C. Les arguments présentés dans le présent article devraient suffire à faire litière de ces affirmations.
Mais, se demande Wiseman, est-ce que le récit du premier chapitre lui-même donne un indice quelconque sur la date de sa rédaction ? A quoi il répond que, en dehors des datations par le colophon habituel, « il existe plusieurs indices qui peuvent nous aider à préciser la place chronologique du premier chapitre de la Genèse dans l’Ancien Testament. » Et il en donne la liste suivante :
- Aucun anachronisme : « il ne contient pas la moindre référence à quelque évènement postérieur à la création de l’homme et de la femme et à ce que Dieu leur dit. » Au contraire, la version babylonienne de la création, par exemple, fait référence à des évènements d’une date relativement tardive, comme la création de Babylone.
- Universalité : toutes les références de ce chapitre « sont universelles dans leur application et illimitées dans leur étendue. » Nous ne trouvons mention « d’aucune tribu, nation ou pays particuliers, ni d’aucunes idées ou coutumes purement locales. Tout se réfère à la terre entière ou à l’humanité sans mention de race. »
- Simplicité : le soleil et la lune, par exemple, sont désignés simplement par « le plus grand et le plus petit luminaire » (1:16). Il est bien connu que l’astronomie est une des plus anciennes branches du savoir. Dès les temps les plus anciens les babyloniens avaient déjà donné leur nom au soleil et à la lune.
- Brièveté : comparé aux très longues séries de six tablettes pour le récit babylonien de la création, la Bible n’utilise qu’un quarantième du nombre de mots.
Wiseman pense que cette unique tablette ne comportant pas le colophon habituel est le récit de la création fait par Dieu Lui-même à Adam. Comme Adam ne racontait pas dans ce texte des évènements qu’il avait vus par lui-même, il ne pouvait pas le signer, bien qu’il en fût certainement matériellement le rédacteur. Ce texte de 1:1 à 2:4 constitue ainsi le premier livre du monde, et son auteur n’est autre que Dieu Lui-même.
La totalité des références du chapitre 1er ne se retrouve pas dans la seconde tablette (de 2:4 à 5:1). Dans cette seconde série on trouve des notes historiques, les rivières sont nommées, comme le sont les pays. Les minéraux sont détaillés. Ceci, pensons nous, est l’histoire d’Adam racontée par lui-même. Ce n’est pas une répétition du récit du chapitre 1er et il n’est pas plus ancien, comme voudraient nous le faire croire les « exégètes. » L’auteur donne davantage de détails sur la création du premier homme; le Jardin est planté; les indications géographiques de l’Eden sont fournies; les animaux sont nommés, etc. La tablette de la série 2 est complètement différente du chapitre 1er par le style et le contenu et semble avoir été écrite longtemps après.
D’Adam à Moïse.
Nous ne connaissons pas l’étendue de l’écriture avant le Déluge mais, si notre thèse est exacte, nous connaissons quelque chose des méthodes littéraires employées. La forme originelle des anciennes tablettes était tenue pour si sacrée que les copistes et traducteurs ultérieurs la conservèrent dans leurs nouveaux textes.
Les histoires d’Adam et de Noé (et sans doute celles des autres Patriarches d’avant le Déluge) furent préservées dans l’Arche puis apportées dans le monde post diluvien par les fils de Noé, qui, d’après les sources compilées par Ginzberg[30], possédait des livres.
Les histoires sacrées, qui subirent des traductions et de possibles translittérations, furent apportées de Mésopotamie par Abraham et sa famille et restèrent en Canaan le temps de leur séjour. Elles furent augmentées par chaque génération. Finalement, lorsque Jacob émigra en Égypte il emporta ces histoires avec lui. Certaines copies parvinrent presque certainement dans les archives égyptiennes où Joseph avait accès. Plus tard, Moïse eut lui aussi accès à ces archives et à toute la sagesse de l’Égypte (Actes 7:22).
Le compilateur aura résumé les histoires de ses ancêtres, rédigeant des notes pour le bénéfice de ses contemporains. Par exemple, le nom de certaines localités de Canaan avait changé depuis le temps d’Abraham et ainsi le compilateur devait indiquer le nouveau nom de l’ancien site. Dans Genèse 14 on en trouve plusieurs exemples:
Versets 2 et 8: Bala qui est Segor
Verset 3 : la vallée de Siddim, qui est la Mer Salée
Verset 7 : la fontaine du Jugement, qui est Cadès Verset 15: Hoba, qui est à gauche de Damas
Verset 17 : la vallée de Savé; c’est la vallée du Roi
Il semble que le compilateur condensa fortement les textes de ses ancêtres. Les séries originelles d’Isaac ou d’Ésaü, par exemple, étaient certainement beaucoup plus longues que ce qui nous en a été conservé dans la Genèse. Le compilateur ne garda que ce qui lui paraissait pertinent et utile à ses lecteurs. Mais nulle part dans l’Écriture n’existe la moindre suggestion que Moïse ait le premier mis par écrit les récits et généalogies de la Genèse.
Dans ce livre lui-même on ne trouve aucune assertion relative à Moïse du même genre que celles qui sont répétées si souvent dans le reste du Pentateuque, « le Seigneur dit à Moïse… » Selon Wiseman, l’absence de cette phrase dans la Genèse est certainement une indication claire que lorsqu’elle est utilisée dans les autre livres de Moïse, c’est de façon authentique et exacte, le texte étant conservé dans sa pureté.
La manière dont le Nouveau Testament parle des livres de Moïse est également remarquable. « C’est un exemple significatif de la précision avec laquelle les références aux auteurs sont faites dans la Bible. » Bien que le Christ et les Apôtres citent souvent la Genèse jamais ils ne disent que Moïse est l’auteur de la phrase citée. Mais quand la citation provient de l’Exode jusqu’au Deutéronome, on lit dans le Nouveau Testament « Moïse dit… »
Les livres les plus vieux du monde.
En conclusion, on peut dire que la Genèse est composée d’une série de plusieurs des plus vieux livres du monde. Le Dr. Charles Taylor[31], linguiste convaincu par Wiseman, a identifié les « neuf volumes » suivants qui sont à la source du livre de la Genèse:
- Le livre de Dieu, récit de ses actions au commencement de tout (Gen.
1:1 à 2:4a)
- Journal d’Adam, recoupant parfois le volume I (2:4b à 5:2)
- L’arbre et le journal de la famille de Noé (5:3 à 6:9a)
- Dossier des fils de Noé sur le Déluge (6:9b à 10:1)
- La dispersion et la Table des Nations de Sem (10:2 à 11:10a)
- L’arbre de la famille de Tharé (11:10b à 27a)
- La biographie d’Abraham, par Isaac, avec l’arbre de la famille d’Ismaël en appendice (11:27b à 25:19a)
- La biographie d’Isaac et de ses descendants, par Jacob, y compris l’autobiographie de Jacob, avec les arbres de la famille d’Ésaü en deux appendices (25:19b à 37:2a)
- La biographie de Joseph et de ses frères, par Moïse (37:2b à 50:26).
Conclusion.
La première publication de Wiseman remonte à 1936, à Oxford. Elle n’a, semble-t-il, fait l’objet d’aucune réfutation. Non, elle fut tout simplement ignorée par les savants exégètes qu’aucune donnée ne saurait distraire de leurs élucubrations. La théorie documentaire est maintenant complétée, si l’on peut dire, par une « théorie des fragments » qui voit dans le Pentateuque une mise en forme de multiples traditions véhiculées de manière indépendante, et par la « théorie des compléments » qui postule l’existence d’un seul document de base, ensuite retouché par adjonction de textes complémentaires. Il est clair que les idées de Wiseman vont à l’encontre de toute cette pseudo exégèse qui n’est qu’une machine de guerre destinée à réduire la Bible au rang des mythologies païennes. Il leur faut donc maintenir à tout prix : (1) le principe d’une écriture tardive des textes dont la qualité de témoignage est ainsi affaiblie ; (2) le principe d’une transmission orale, d’avant l’écriture, avec toutes ses possibilités d’embellissement, et (3) l’origine du texte dans les mythologies païennes, mais jamais l’inverse. Dans ces conditions comment croire à l’existence d’un auteur unique, ici Moïse, inspiré par Dieu pour la rédaction d’un texte jouissant ainsi de l’inerrance ? Avec une telle exégèse des sources de la Révélation, la théologie n’a plus de fondement solide, ce qui semble précisément le but de toute cette manœuvre: « libérer » la théologie.
En montrant que l’écriture est contemporaine des premiers instants de la civilisation, que tous les principaux personnages de la Genèse ont écrit eux-mêmes leur histoire et que tous ces documents sont parvenus dans les mains de Moïse qui en a assuré la mise en forme que l’on connaît, Wiseman ruine à la base les hypothèses des « exégètes » patentés. Suivez le conseil donné au début du présent article: déchirez l’introduction au livre de la Genèse dans votre exemplaire de la Bible et appréciez la Parole authentique de Dieu.
(Cet article est une adaptation de l’article « The Toledoths of Genesis » par Damien F. Mackey, qui lui-même s’inspirait de P.J. Wiseman dont le livre « Ancient Records and the Structure of Genesis » est quasi introuvable…)
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REGARD SUR LA CREATION
« Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu quand on Le considère dans ses ouvrages. » (Romains, 1 : 20)
Les homéothermes[32] Claude Destaing
Résumé : La théorie évolutionniste requiert une continuité entre le règne végétal et le règne animal. Or tout les oppose dès le principe des grandes fonctions physiologiques : racines et feuilles externes d’un côté, et estomac interne de l’autre ; consommation de gaz carbonique et de chaleur d’un côté, et leur production de l’autre, etc.
En effet le végétal est immergé dans son milieu, tandis que l’animal, mobile, doit transporter avec lui tous ses systèmes : respiratoire, digestif, circulatoire. Ces systèmes à leur tour requièrent une température interne constante, produite par le métabolisme, répartie par la circulation sanguine et protégée par le pelage ou les plumes. De plus, sans système nerveux pour sentir et garder l’équilibre, se déplacer serait courir au suicide ! Comment ne pas admirer Celui qui a conçu cette merveille d’organisation fonctionnelle ? Et comment ne pas plaindre les naturalistes qui étudient Son message sans en lire le sens ?
La vie n’est pas un cinquième état de la matière, l’organique, qui ferait suite aux plasmatique[33], gazeux, liquide et solide. C’est un ordre nouveau d’existence, le biologique, qui introduit dans la matière une complexité d’organisation, une unité d’action et un besoin de communication la dépassant. C’est une création qui transfigure le minéral et préfigure la personne. Tous les vivants ont en commun cette grâce de vivre. De la plante à l’animal, nous constatons une élévation des formes de vie. Ce qui augmente, c’est conjointement la motilité, c’est-à-dire la capacité d’action, et « l’irritabilité», c’est-à-dire la capacité de réaction. Tel est le caractère paradoxal de l’individu, qu’il s’affirme d’autant plus qu’il communique davantage.
Il y a bien des degrés de perfectionnement dans l’échelle animale, qui commence au ras du végétal — avec des cas-frontières tels que les coraux et les actinies fixés au sol marin, ou certains protistes comme l’Euglène, qui ont des plastes — et qui s’en éloigne de plus en plus jusqu’à l’homéotherme, par une complexification croissante de l’organisme et particulièrement du système nerveux.
L’homéotherme, c’est-à-dire l’animal à température constante, peut être considéré comme la solution d’un problème qui, humainement parlant, — notre propos n’étant pas d’enseigner au Créateur comment il a créé le monde — pourrait s’énoncer ainsi : comment faire un vivant aussi indépendant que possible du sol et des saisons ?
Qu’il se déplace, implique qu’il puisse se détacher du sol sans dommages et qu’il soit dépourvu de tout ce qui peut gêner son mouvement. Donc plus de racines paralysantes, plus de feuillage fragile et encombrant, plus de tissus cellulosiques ou ligneux. Admirons comment «dame-nature» a résolu le problème : les cellules sont dévêtues de leur tunique cellulosopectique, la charpente se condense et s’articule, feuilles et racines s’intériorisent en poumons et intestins.
Mais cette libération réclame, du même coup, un changement du mode de nutrition. Car plus de feuilles donc plus de synthèse du carbone ; plus de racines donc plus d’eau azotée et calcique ; et donc plus de protéines ni de squelette. Eh bien, dame-nature pourvoit l’animal d’organes d’ingestion, de digestion et d’assimilation des matières organiques végétales (ou animales pour les carnivores). En effet, pour être assimilables, ces aliments doivent subir une série de transformations mécaniques et chimiques que nous allons brièvement étudier chez le mammifère non ruminant.
Morcelée par des mâchoires coupantes et broyantes, mouillée par la salive qui digère l’amidon et facilite la déglutition, roulée en boulettes par la langue, la nourriture est tractée dans la poche stomacale par les mouvements péristaltiques de l’œsophage. Brassé par contractions simultanées des trois couches musculaires de l’estomac, ce bol alimentaire est transformé, par l’action de l’acide chlorhydrique et des enzymes du suc gastrique, en une bouillie claire, le chyme, qui est expulsée en jets successifs dans l’intestin grêle par le sphincter pylorique. L’irruption du chyme dans le duodénum déclenche hormonalement la sécrétion des enzymes pancréatiques et intestinales qui, renforcées par la bile hépatique, le transforment en substances suffisamment simples pour être triées par les villosités absorbantes de l’intestin : d’une part glucose, acides aminés, vitamines, eau et sels minéraux rejoignent le cœur par voie sanguine via le foie, organe capital aux fonctions multiples[34]. D’autre part, acides gras et glycérines, reconstitués en lipides au niveau de la muqueuse, rejoignent le cœur par voie lymphatique.
L’absorption intestinale
Les
villosités (0,5
à 1 mm de haut), hérissées de microvillosités d’un micron, sont les « racines » de
l’animal. Elles sélectionnent, dans le chyme, les produits de la digestion qui, par les vaisseaux sanguins et lymphatiques, iront se déverser dans le cœur pour nourrir toutes les cellules de l’organisme. Micro villosités, villosités et replis multiplient la surface absorbante de l’intestin grêle (quelque 200 m2 chez l’homme !). Du cœur où confluent donc toutes les substances assimilées, le sang, oxygéné dans les poumons (près de 300 millions d’alvéoles chez l’homme, soit une surface absorbante de quelque 80 m2), va nourrir toutes les cellules du corps. Cette description très sommaire nous laisse deviner quel formidable cartel d’usines hautement spécialisées, desservies par un prodigieux réseau de transport, se cache derrière pelage ou plumage de n’importe quel homéotherme.
L’appareil circulatoire, avec son cœur infatigable (celui d’un cheval pompe environ 20 litres par minute au repos, et 50 litres au travail), ses artères élastiques, ses veines valvulées à sens unique, ses capillaires (de 6 à 30/ 1000es de mm de diamètre) qui irriguent tous les tissus, ses vaisseaux et ganglions lymphatiques, ses plaquettes anti-hémorragiques (500.000 au mm3), ses hématies ou globules rouges (5.000.000 au mm3) porteuses d’oxygène ou de gaz carbonique, ses leucocytes ou globules blancs (7.000 au mm3) mangeurs de microbes ou de cellules inutiles, à lui seul cet appareil est une merveille d’organisation.
A lui seul, le cœur, double pompe refoulante et aspirante, automatique et cadencée, avec ses quatre valvules anti-reflux, sa circulation sans mélange des sangs pur et impur, ses repos diastoliques, son rythme modifiable, selon les besoins de l’organisme, par deux centres cérébrospinaux, l’un modérateur, l’autre accélérateur, coordonnés par l’hypothalamus, ce cœur si petit et si puissant qui centralise et anime tout l’immense réseau circulatoire (100 km chez l’homme), ce cœur est une invention si intelligente qu’il ne peut être en aucune façon le produit d’une évolution aléatoire.
Le cœur (coupe longitudinale).
Muscle gros comme un poing, c’est le moteur infatigable de la circulation sanguine. Les oreillettes se contractent les premières (systole auriculaire) et chassent leur sang dans les ventricules. Les ventricules se contractent aussitôt (systole ventriculaire), les valvules mitrale et tricuspide se ferment en claquant, le sang fuse dans l’aorte et l’artère pulmonaire, les valvules sigmoïdes se ferment à leur tour pour empêcher le reflux. Puis, après un temps de repos (diastole générale), le cycle recommence. Il est à noter que les artères élastiques sont les auxiliaires indispensables de l’action cardiaque intermittente qu‘elles prolongent et uniformisent.
Voici donc notre futur homéotherme en bonne voie d’indépendance. Tous organes végétatifs à l’abri, trimbalant sa «terre» en lui-même, il acquiert une autonomie et une sécurité fonctionnelles qui autoriseront les longs déplacements, le travail, le jeu et le repos. Mais attention, tel quel il reste à la merci des changements de saisons. Comment stabiliser son milieu intérieur et sa vitalité ? Par la régulation thermique. Plus facile à dire qu’à réaliser.
Maintenir un organisme à une température constante qui favorise au maximum l’activité musculaire et cérébrale — de 36 à 40° pour les mammifères, 42° pour les oiseaux — exige d’abord une activation du métabolisme, donc de l’assimilation, de la respiration, de la circulation et de l’excrétion, car tout est lié. Ce problème est résolu par un tube digestif, des poumons, un système circulatoire, un foie et des reins à haut rendement. Mais il ne suffit pas que le métabolisme augmente, encore faut-il qu’il s’adapte aux variations de température ambiante, que poils ou plumes ne font qu’amortir. Cette complexe fonction thermostatique est commandée par un central hypothalamique. Quand la température baisse, cet ordinateur intensifie le rythme cardiaque, les échanges respiratoires, l’activité musculaire (tonus, frissons, tremblements, claquements de dents), déclenche la vaso-constriction des capillaires périphériques, active les réactions du foie et excite l’appétit. Au contraire, quand la température monte, le métabolisme et l’appétit diminuent, la transpiration et la soif augmentent, les capillaires périphériques se dilatent et le rythme respiratoire s’accélère (halètement).
Une telle régulation thermique doit être complétée, sous peine de graves désordres, par une régulation du pH, de la concentration et de la pression du sang, que menacent les variations de régime alimentaire. L’équilibre acido-basique est assuré par les substances-tampons, les poumons et les reins. La constance de la composition du sang et de la pression osmotique est principalement l’œuvre des reins. Ce petit organe, avec son million de tubes urinifères d’une longueur totale de près de 40 km, est un filtre sélectif capable d’éliminer systématiquement les déchets (urée, acide urique, créatinine), mais de ne rejeter que l’excès des substances utiles (sels, glucose, eau).
Nous voyons donc quelle complexe, précise et incessante collaboration de fonctions exige la constance du milieu intérieur qui est «la condition de la vie libre» (Claude Bernard). Mais ainsi libéré, notre homéotherme de fortune serait en droit de réclamer le moyen de bouger. Dame-nature lui offre deux possibilités remarquables : les pattes et les ailes. Nous, enfants gâtés de l’ère industrielle, nous sous-estimons nos pattes.
La patte (l’aile aussi) est pourtant une géniale invention. Nous nous extasions devant la roue, notre œuvre. Mais si indispensable qu’elle soit à notre petit génie fabricateur, la roue est un engin pauvre et raide qui ne peut que rouler et virer. La patte articulée et musclée a bien plus d’aptitudes motrices. Elle nous meut en trois dimensions avec une docilité et une souplesse incomparables. Quelle prothèse égalera jamais la légèreté, la précision, la délicatesse et la rapidité d’une main et d’un bras? Quelle hélice ou réacteur égalera jamais l’aile mobile de l’oiseau ou de l’insecte? Quel avion pourra jamais rivaliser avec la mouche ou le colibri ?
Si nous ne craignions de transformer notre essai en traité de zoologie, nous montrerions la stupéfiante corrélation des formes et leur parfaite adaptation au mode de vie de chaque espèce. Comme le dit si justement Cuvier dans ses Leçons d’anatomie comparée, «si les intestins d’un animal sont organisés de manière à ne digérer que de la chair récente, il faut aussi que ses mâchoires soient construites pour dévorer une proie, ses griffes pour la saisir et la déchirer, ses dents pour la couper et la diviser, le système entier de ses organes du mouvement pour la poursuivre et pour l’atteindre…».
Contentons-nous d’en finir avec notre homéotherme. Que lui manque-t-il ? Le principal : la sensibilité. Se déplacer sans rien sentir, c’est courir au suicide. Trouver et choisir la nourriture, se défendre, s’accoupler, pour un vivant sans racines, sans feuilles, sans écorce, sans étamines et sans pistil, nécessitent des organes d’information. Là, dame-nature s’est surpassée en créant les sens et le système nerveux, prodigieux ordinateur aux milliards de cellules et de circuits, capable de capter, transformer, centraliser, décoder, enregistrer, associer et comparer des multitudes de signaux visuels, auditifs, olfactifs, gustatifs, tactiles, thermiques, spatiaux, pour déclencher la réaction instinctive adéquate.
Imaginons quelle rapidité et quelle précision peut atteindre le processus électro-chimique qui permet à des bêtes telles que le lynx de réagir au centième de seconde, en dosant exactement l’influx moteur et en contrôlant incessamment la trajectoire des organes préhensiles, pour
capturer une proie mobile. On n
Parler des sens, c’est parler de sensibilité ; et sensibilité évoque souffrance. Qu’est-ce en soi qu’une sensibilité animale ? Personne n’en sait rien, parce que personne ne connaît d’autres sensations que les siennes. La sensation nous apparaît comme la traduction consciente d’une excitation de l’organisme par un stimulus. Mais qu’est-ce que la conscience? Nous ne pouvons que tourner en rond dans le mystère de notre moi. Car personne ne connaît d’autre conscience que la sienne. «Ma conscience, c’est la certitude que j’ai d’une permanence de mon individualité, l’évidence d’être toujours moi». Sensibilité, conscience sont des expériences strictement personnelles. Que ressent un chat? Quelle conscience a-t-il du «moi» que nous lui prêtons quand on dit: « il » souffre? Comment retentit la souffrance en ce «moi» supposé? Pour vous répondre, il faudrait que je sois chat. Mais, si j’étais chat, vous répondrais-je ? Il est donc préférable de laisser en suspens un problème dont la dimension fondamentale nous échappe. Voici donc terminé notre homéotherme. Arrêtons-nous un instant pour l’admirer. Par son anatomie prodigieusement complexe et fonctionnelle — à lui seul l’œil, et plus encore la vision, est une merveille ahurissante — par la constance de son milieu intérieur, par le développement de son cerveau et surtout de son cortex, il accède à une individualité et une indépendance qui l’apparentent plus à l’homme qu’à la plante. Nous avons entrevu avec quelle souveraine intelligence sont résolus les problèmes d’adaptation à ce niveau de vie supérieur, et nous devons admettre logiquement qu’un tel organisme a été pensé. Mais alors se pose la question : comment se fait-il que des savants, éminents dans leur spécialité, refusent cette conclusion logique ? Disons-le tout net : il ne nous appartient pas de les juger ni de répondre à leur place. Toutefois, puisque, de l’aveu de certains, nous savons que ce refus procéderait d’un parti-pris de ne pas outrepasser les limites de l’empirisme, nous pouvons relever qu’une telle attitude, honnête sur le plan scientifique, est très regrettable sur le plan humain car elle ampute la réalité de toute signification métaphysique.
Il en est de tels esprits comme d’un fils qui, recevant une lettre de son père, passerait sa vie à en analyser la matière, le graphisme, l’orthographe et la syntaxe, allant de la physique à la chimie, de l’arithmétique à la géométrie, de l’étymologie à la linguistique, et qui mourrait sans même savoir ce que son père voulait lui dire.
Concluons en étendant au règne animal cette belle formule d’Alfred Kastler, prix Nobel de physique : « L’idée que le monde, l’univers matériel, s’est créé tout seul, me paraît absurde. Je ne conçois le monde qu’avec un créateur, donc un dieu. Pour un physicien, un seul atome est si compliqué, si riche d’intelligence, que l’univers matérialiste n’a pas de sens.[35] »
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COURRIER DES LECTEURS
De Monsieur R.M. (Rhône)
Dieu nous a créés avec une intelligence capable de Dieu, « capax Dei », c’est-à-dire capable – en ayant même le devoir ! – de comprendre l’œuvre et le dessein du créateur. La vision scientifique objective et non idéologique du monde est donc indispensable à l’homme religieux. Et la science ne peut pas contredire la foi. Elle ne peut que la renforcer, car l’observation scientifique vraie ne peut que permettre de mieux comprendre l’œuvre de Dieu. Et cette science, là je vous rejoins, me permet de comprendre (ou d’essayer de comprendre) ce qui est, mais ne me permet pas de comprendre vers où cela me mène.
C’est sur la Révélation que je dois aussi me pencher pour comprendre la vocation ultime de l’homme et la fin ultime de l’Univers, qui est la vie de l’homme dans la vie de Dieu. Mais les deux, science et Révélation, sont indispensables.
De Monsieur J.M. (Drôme)
A propos de la position de l’Eglise médiévale sur la dissection, l’article de Rodney Stark montre bien comment et pourquoi elle était autorisée, mais on comprend mal alors qu’une légende noire ait pu se diffuser aussi largement à propos de Vésale. L’explication en est très simple et se trouve dans le Nouveau Larousse Illustré de 1930 : « Vers 1544, Vésale était nommé médecin de Charles-Quint. Lorsque, en 1561, il écrivit son Anatomicarum Gabrielis Fallopii observationum examen, qui fut publié plus tard (1564), il se trouvait à Madrid. Poursuivi par des envieux puissants, il fut déféré à l’Inquisition, qui le condamna à mort comme coupable d’avoir opéré la dissection d’un homme vivant. Philippe II obtint que la peine fût commuée en un pèlerinage à Jérusalem. Pendant qu’il était à Jérusalem en 1563, le sénat de Venise offrit à Vésale la chaire d’anatomie que la mort de Fallope laissait vacante. Le vaisseau qui le ramenait fut jeté par la tempête sur l’île de Zante, et ce fut là qu’il mourut de faim ou de fatigue. Les Œuvres complètes de Vésale ont été publiées par Boerhaave et Albinus (1725). » C’est donc la jalousie de ses confrères moins habiles, lorsqu’il fut nommé médecin de l’empereur, qui le fit déférer à l’Inquisition. Et lui qui dès ses dix ans avait passé ses journées à disséquer les cadavres dans les cimetières ou près des gibets de Montfaucon[36], fut condamné pour avoir disséqué un homme vivant !
S’agissait-il d’une opération risquée n’ayant pu éviter la mort du patient ? Nous ne le saurons sans doute jamais au juste. Mais il importait au moins de rétablir l’honneur de Vésale, d’expliquer pourquoi le tribunal avait pu, en appréciant mal les circonstances, le condamner effectivement, mais pas pour une simple dissection.
_____________________________________ Nos Membres publient :
François Marie Algoud : Plus de 2000 Jeunes Saints, Jeunes Témoins de leur Foi, de leur Idéal, de toujours et de maintenant.
Enfin un livre qui réjouit le cœur et l’âme et donne des raisons d’espérer :
- pour tant de jeunes déboussolés
- pour les familles qui le sont aussi.
On y trouve les récits résumés de la vie de plus de 2000 personnages de 74 pays, modèles de sainteté, d’héroïsme ou de bravoure, jeunes témoins d’un idéal de vie parvenu à des sommets, morts avant l’âge révolu de 35 ans : tome I, 548 pages sur deux colonnes ; le tome II, 274 pages sur deux colonnes, comporte trois grandes parties : 1) l’histoire religieuse des continents et pays d’où sont issus les jeunes saints et témoins de leur foi et de leur idéal. 2) l’histoire des martyrs de la Révolution française, région par région. 3) de nombreuses et importantes annexes. Il existe aujourd’hui une volonté satanique de pervertir, de salir et même de tuer ! Il faut absolument montrer qu’en face de cette marée noire de la perversion de l’âme, de l’intelligence et des corps, il existe de magnifiques modèles de pureté, de courage et de foi.
Retrouvez-les, rassemblés et réunis dans cet ouvrage plus que jamais indispensable dans les foyers chrétiens, les écoles, les mouvements de jeunes, les scouts, les séminaires et les monastères.
Nouvelle édition mise à jour, remaniée, illustrée et enrichie. Deux volumes 15 x 24 cm. Prix 57 € + 6 € de port pour envoi par correspondance. A commander chez le diffuseur SA DPF – BP 1 – 86190 Chiré-en-Montreuil.
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Plainte d’un chrétien, sur les contrariétés qu’il éprouve au-dedans de lui-même.[37]
(Tiré de Saint-Paul aux Romains, chap. 7.)
Jean Racine
Mon Dieu, quelle guerre cruelle !
Je trouve deux hommes en moi.
L’un veut que plein d’amour pour toi
Mon cœur te soit toujours fidèle, L’autre à tes volontés rebelle Me révolte contre ta loi.
L’un tout esprit, et tout céleste,
Veut qu’au ciel sans cesse attaché,
Et des biens éternels touché,
Je compte pour rien tout le reste ; Et l’autre par son poids funeste Me tient à la terre penché.
Hélas ! en guerre avec moi-même, Où pourrai-je trouver la paix ?
Je veux, et n’accomplis jamais.
Je veux, mais, ô misère extrême ! Je ne fais pas le bien que j’aime, Et je fais le mal que je hais.
O grâce, ô rayon salutaire,
Viens me mettre avec moi d’accord ;
Et domptant par un doux effort
Cet homme qui t’est si contraire, Fais ton esclave volontaire De cet esclave de la mort.
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Dans les hôpitaux psychiatriques, la camisole de force utilisée contre les fous furieux est souvent remplacée par une « camisole chimique » : la prise de calmants ayant le même effet, mais moins visible. ↑
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Bien entendu, il existe aussi (même si on l’a oublié) un mode non manipulatoire de gouvernement : c’est la cité chrétienne régie par la charité et la doctrine des deux glaives. On l’évoquera dans les numéros 41 et 42. ↑
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Vie et correspondance de Ch.Darwin, publiée par son fils M.Francis Darwin, (1887), Trad. Henry de Varigny, Paris Reinwald, 1888, t.II, p.83. ↑
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Une des tartes à la crème des exégètes contemporains est de nous dire que le mot vérité dans l’évangile ne doit pas être pris au sens grec d’alétheia (le sens usuel pour nous, en latin veritas, qui recouvre la vérité scientifique) mais au sens « sémite » de justice, de fidélité, d’authenticité ou de rectitude (émèt ou émounah, en hébreu). Dans son livre Les mots-clés de la Bible (Paris, Beauchesne, 1996), Pierre Miquel écrit (à juste titre, mais de façon indûment restrictive) : « Si le Dieu d’Israël est le « Dieu de Vérité », c’est parce qu’on peut « compter sur Lui» contrairement aux idoles qui sont « trompeuses » parce que décevantes.» Comme si l’Inspirateur des écrivains sacrés ne savait pas que ce livre serait traduit un jour dans les langues européennes, et comme s’il nous avait volontairement induit en erreur sur un point aussi fondamental, si bien que l’on pourrait compter sur ses promesses et sur ses engagements, mais pas sur le contenu des paroles qu’il a dites ou inspirées ! ↑
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Almanach Vendéen, 2006 ↑
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Conférence donnée le 15 mars 2003 à la journée parisienne du CEP (CD 0302 disponible : 6€ franco). Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, C. Timmerman commença sa carrière comme Conseiller agricole auprès d’un Etat africain ; de là l’intérêt profond qu’il prit à l’étude de ce rapport.
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Pour la clarté de l’exposé et permettre au lecteur de retrouver les références de nos dires et de nos citations, notées en italiques, les chiffres indiqués entre parenthèses font référence à la pagination de la réédition française de 1984, la seule aujourd’hui disponible. C’est nous qui en soulignons par les passages en gras les idées les plus caractéristiques.
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Ndlr. On notera ici la première occurrence de cette expression souvent employée 30 ans plus tard à propos de l’Irak : « armes de destruction massives », en sigle anglais MAD (ce qui veut dire « fou » ; « cinglé » ou « dément »). ↑
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Article publié dans Le Chirurgien-dentiste de France, n° 1249, en date du 16 mars 2006, avec pour auteurs : Marc Thierry, Jean Granet et Laurent Vermelin de la Faculté ↑
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On entend par maxillaire : la mâchoire supérieure ; par mandibule : la mâchoire inférieure, et par maxillaires : les deux mâchoires. ↑
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Cette découverte s’est trouvée confirmée depuis (cf. Implications cliniques du gène MSX1 sur la sphère orofaciale – Le chirurgien-dentiste de France, n°1272 du 28 septembre 2006, pp.33-38). ↑
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Ils ont même établi une lignée datée de l’évolution des dents de cochons leur permettant de donner un âge paléontologique aux autres fossiles présents dans les mêmes couches géologiques. Mais si les dents humaines n’évoluent pas, qu’en est-il des dents de cochons ? ↑
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Extrait de Darwin’s Nemesis [« Mélanges » offerts à Phillip Johnson]
Edité par William Dembski. InterVarsity Press. 2006. Chapitre 14 par Nancy Pearcey: Intelligent Design and the Defense of Reason, pp.227-243. Traduit et adapté par Claude Éon.
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Nancy Pearcey est professeur au World Journalism Institute, professeur occasionnel (visiting scholar) au Torrey Honors Institute de Biola university et membre « senior » du Discovery Institute. Disciple de Francis Schaeffer à « l’Abri », en Suisse, elle a un Master’s degree du Covenant Theological Seminary suivi par de la recherche en histoire et philosophie à l’Institute for Christian Studies à Toronto. Elle fait de nombreuses conférences: acteurs et scénaristes d’Hollywood, Universités de Dartmouth, Stanford, USC et Princeton; laboratoires de Sandia et de Los Alamos; Congrès et Maison Blanche, etc. Elle écrit sur la science et le christianisme depuis 1977. Ses articles ont paru dans Christianity Today, The Washington Times, Human Events, First Things, Books & Culture, World, The Human Life Review. Elle a écrit plusieurs livres, dont le plus récent, Total Truth: Liberating Christianity from its Cultural Captivity, récompensé par le « Christianity Today 2005 Book Awards » et la médaille d’or de l’ECPA (Evangelical Christian Publishers Association). On relira avec intérêt son article La face cachée du darwinisme dans Le Cep n°21.
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C.P. Snow, The Two Cultures and the Scientific Revolution (New York, Cambridge Univ., 1959).
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Richard Rorty, « Untruth and Consequences », The New Republic, 31 Juillet 1995, pp. ↑
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-36.
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Rorty, Contingency, Irony, and Solidarity (New York: Cambridge U.P. 1989), p.17
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Alan Bloom dans The Republic of Plato, traduit et annoté par A. Bloom (N.Y. Basic Books, 1968), p.X.
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Thomas Byrne Edsall, « Blue Movie », Atlantic Monthly, (Jan-Feb 2003). ↑
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Johnson, Wedge of Truth , p. 148. ↑
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Ndlr. En 1973 déjà, avant même la loi Weil, le P. Ribes sj, directeur de la revue Etudes, écrivait que l’embryon n’avait d’existence que si les parents ou la Société avaient un projet pour lui ! ↑
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Steven Pinker, The Blank State: The Modern Denial of Human Nature (N.Y. Viking, 2002), p. 240. ↑
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Marvin Minsky, The Society of Mind, (N.Y. Simon & Schuster, 1985) p. 307. ↑
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Littéralement: atteindre le « statut de personne », par analogie avec « manhood » signifiant atteindre l’âge d’homme.
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Terri Schiavo fut victime en 1990, à l’âge de 26 ans, d’une crise cardiaque et respiratoire qui la plongea dans le coma pendant 10 semaines. Elle demeura ensuite dans un état végétatif chronique. En 1998, son mari demanda aux tribunaux l’autorisation de lui retirer son tube d’alimentation, ce à quoi s’opposèrent les parents catholiques de Terri. Ce cas souleva aux USA, et ailleurs, de grands débats dans l’opinion. Après d’interminables procédures la Justice permit d’interrompre l’alimentation artificielle de Terri qui mourut le 31mars 2005, à 41 ans.
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Charles Darwin, in Life and Letters of Charles Darwin, ed. Francis Darwin, vol. 1 p.285.
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Le colophon est la note finale d’un ouvrage écrit, fournissant les références de cet ouvrage et donnant des indications relatives à son impression. ↑
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Yahuda A. The Language of the Pentateuch in its Relation to Egyptian (Oxford, 1933). ↑
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L. Ginzberg, The Legends of the Jews, Vol V (Philadelphia, 1955) pp. 196-197 ↑
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Dr. Charles Taylor, The Oldest Science Books in the World, Assembly Press (1984) ↑
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Extrait de l’ouvrage De l’Univers à Dieu (Résiac,1978, pp.39-47) ↑
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En physique, on appelle plasma un gaz très fortement ionisé, c’est-à-dire dont les noyaux atomiques et les électrons sont dissociés sous l’effet d’une très haute température ou d’un rayonnement à haute fréquence. Ce quatrième état de la matière, qui a des propriétés spécifiques, est de loin le plus courant dans l’univers. La matière stellaire et une partie de la matière interstellaire sont plasmatiques. En laboratoire, on obtient du plasma par décharges électriques très puissantes dans un gaz. ↑
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Biliaire, antitoxique (complétée par celles des reins et de la peau), glycogénique, lipogénique, protéogénique, martiale, fibrinogénique et thermique. ↑
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L’Express, 12 août 1968. ↑
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Ce surdoué fut nommé professeur d’anatomie à l’Université de Louvain à dix-huit ans !
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Racine, Poésies sacrées, cantique III ↑