Revue du CEP numéro 51

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La science asservie

Dominique Tassot

Résumé: Toute société, pour fonctionner, a besoin d’une autorité. Dans nos pays, comme l’avait pressenti Auguste Comte, ce rôle est dévolu à la science. On fait confiance aux scientifiques pour dire le vrai, pour énoncer la vérité foncière des choses. Or cette confiance publique vient d’être mise en défaut sur deux opérations internationales de grande envergure: la vaccination contre la grippe H1N1, et le réchauffement climatique. Y fut mise en œuvre une science « officielle », agissant de concert avec les plus hauts pouvoirs politiques et cependant démentie par un grand nombre des professionnels connaissant le sujet. Ainsi ces thèses avancées au nom de la science ne sont-elles pas vraiment scientifiques. Cette science officielle n’est pas la vraie science, mais une science asservie.

Comment sortir de cette situation indésirable, sinon en acceptant le joug de la Vérité? Ce sera beaucoup moins simple qu’il peut le paraître de prime abord, car cela demande une profonde remise en cause du fonctionnement actuel de la science (99% des chercheurs sont des salariés) et peut-être une conversion intellectuelle – voire spirituelle – des scientifiques; en effet, que vaut une science qui a renoncé à connaître les causes, et même le Principe?

Deux échecs récents subis par la gouvernance mondiale vont se répercuter sur l’image de la science. Cette dernière avait été « la dernière vache sacrée du vingtième siècle »: autorité suprême, référence absolue et témoin impeccable. Autorité suprême qui, depuis les remous de l’affaire Galilée, avait remisé au placard de la subjectivité toutes les croyances et tous les dogmes religieux. Référence absolue qui fait du scientifique le partenaire obligé de tous les comités d’éthique et tous les « Conseils » d’orientation. Témoin impeccable, dont le désintéressement et la droiture semblaient comme le résultat automatique d’études ardues et de diplômes respectés. Comment d’ailleurs soupçonner le mensonge dans un univers mathématisé ou mathématisable dans lequel tous les raisonnements deviennent autant de théorèmes !

Or deux récentes opérations stratégiques sur fond de science viennent de brouiller cette belle image, et ce de manière durable puisqu’elle atteint le grand public. Ces deux grandes manœuvres sont la vaccination contre la grippe dite « A » et le réchauffement climatique.

D’abord déclarée « mexicaine », puis « porcine », cette « pandémie » (c’est le mot technique qui fait peur !) a fait long feu. En juin 2009, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) avait déclaré une alerte pandémique de niveau 6 pour le virus H1N1. Or depuis le début de la pandémie le nombre de décès annoncés pour 2009 sur l’ensemble des pays européens était de 1045 cas, alors que la grippe saisonnière en cause 40.000 en année ordinaire et jusqu’à 220.000 en année forte.

Pourtant, en septembre 2009, la Commission européenne, qui admettait déjà que cette grippe A (H1N1) ne provoquait que des « symptômes modérés », déterminait comme cible potentielle de la vaccination des groupes représentant la moitié de la population totale!

Elle faisait aussi pression sur un pays réfractaire à la vaccination, en l’occurrence la Pologne, en y demandant la démission du ministre de la Santé! Michèle Rivasi, députée européenne, a donc interpellé la Commission en notant: « La France déplore 220 décès et 3.000 effets indésirables différents, alors que la Pologne, qui a refusé de mettre en place une campagne de vaccination, compte au total 120 morts et aucun effet secondaire. J’aimerais donc des explications précises sur les choix ayant conduit à la mise en place de telles opérations, compte tenu du faible rapport bénéfice/risque. »[1]

Or, un mois avant de lancer l’alerte, l’OMS avait modifié la définition de la notion de « pandémie » de façon que la gravité de la maladie n’entrât plus en ligne de compte, mais seulement son extension géographique. Nous ne parlerons pas ici des malversations vraisemblables qui ont ouvert, devant les laboratoires, des marchés publics et privés représentant des centaines de millions d’euros; les commissions d’enquêtes diligentées par diverses institutions (dont le Parlement européen) pourront sans doute facilement l’établir et quelques démissions en ont déjà résulté. Ce qui retiendra notre attention fut ce disfonctionnement de la science, ou plus exactement des scientifiques.

Car à chaque étape du processus, il a bien fallu que des gens de métier, comprenant ce qu’on leur demandait de faire, aient été impliqués. Un homme politique pourrait bien décider de la guerre de Troie ou d’une taxe sur les fenêtres, il ne pourra faire un pas en matière de santé sans s’accompagner d’experts qualifiés seuls capables d’énoncer avec précision les mesures à prendre.

Or, apparurent ici nombre de faits en contradiction flagrante avec les règles communes de la science. Nous avons déjà signalé la redéfinition du mot « pandémie » par l’OMS. Il était facile de voir à qui allait profiter ce changement. Il s’est donc trouvé une commission scientifique de haut niveau pour avaliser la chose; et la minorité agissante de cette commission ne pouvait méconnaître l’enjeu ni en ignorer les suites probables. Mais il est un fait beaucoup plus significatif, montrant à la fois que la science n’est pas serve par nature et qu’il faut toujours une complicité active de la part de certains scientifiques.

La vaccination est un acte médical. Pour la moindre piqûre intramusculaire, on réclame aujourd’hui l’intervention d’une infirmière diplômée! L’ordonnance médicale, avec les médicaments correspondants, est interdite au naturopathe nonmédecin. Tout médicament est soumis à une longue, complexe et très coûteuse procédure d’AMM (Autorisation de mise sur le marché), ayant pour but d’établir l’efficacité et l’innocuité du remède. Or ces règles bien connues des professionnels de la santé, ont été piétinées. Vu la résistance des syndicats d’infirmières et de médecins devant un produit dont la dangerosité était signalée sur internet (avec le squalène présent comme « adjuvant »), il fut décidé de faire vacciner les Français par des bénévoles et dans des salles communales ![2]

L’acte médical suppose le consentement éclairé du patient. Or l’information objective sur le vaccin ne pouvait être donnée, car elle n’existait pas: le vaccin n’était pas encore fabriqué que la vaccination commençait avec des formules prototypes.

La composition même du produit était susceptible de varier d’un laboratoire à l’autre et l’on a évoqué, notamment en Allemagne, une version sans adjuvants réservée à la minorité dirigeante (donc un peu plus consciente des dangers).

Afin de renforcer l’impact des campagnes médiatiques (avec, comme toujours, des cas particuliers montés en épingle), chaque Français, majeur ou mineur, fut convoqué par un courrier personnel à une double vaccination: signe, normalement, que l’efficacité suppose un rappel. Puis on apprit soudain qu’une seule injection « suffirait » (à quoi ?). Or 90 millions de doses avaient été commandées pour la France, ce qui montre bien que la procédure établie (par qui ?) supposait une double injection. Toutes ces anomalies, toutes ces contradictions, toute cette gabegie, sont désormais des faits publics et avérés, livrés à la méditation des professionnels de santé mais aussi à la réflexion de tout un chacun.

Même si le flux perpétuel de l’actualité chasse tout devant lui, il en restera néanmoins une suspicion justifiée envers les institutions scientifiques auxquelles la santé collective est confiée. La comparaison avec la Pologne est instructive. Le ministre polonais de la santé, Eva Kopacz, est pédiatre. Elle réclama en vain des preuves d’innocuité, ne voulant pas utiliser à tort les fonds publics. Or l’opinion polonaise la soutint contre la Commission et ses experts; et les faits lui donnent aujourd’hui raison.

Ainsi les commissions d’experts peuvent-elles se tromper grossièrement ou, plus exactement, nous tromper. Voilà de quoi alimenter bien des suspicions et bien des réserves. Si, en effet, on nous a menti sur un danger que les circonstances ont rendu vérifiable, ne nous trompe-t-on pas beaucoup plus souvent, mais alors sur des préconisations invérifiables, mettant les experts à l’abri de tout démenti?

L’image de la science est ici atteinte sur les trois points: de l’autorité qu’il faut croire, de la référence qu’il est raisonnable de suivre en confiance, et du témoin sûr et intègre.

La science médicale (c’est-à-dire une élite de scientifiques) s’est objectivement trompée, a voulu ce qui n’était pas notre bien, et s’est sans doute laissé acheter.

Le cas du « réchauffement global » nous touche moins directement mais montre mieux encore les limites de la science.

La vaccination concerne en effet la science médicale, dont l’objet – être vivant – est reconnu comme éminemment complexe et sujet à des réactions individuelles, tandis que la climatologie concerne les sciences physiques, celles qui servent encore de modèle pour les autres, celles dont les théories et les applications ont édifié l’autorité sociale des savants. La météo, qui passait naguère pour peu sûre, objet de prédictions plutôt que de prévisions, s’est peu à peu améliorée et donne aujourd’hui des indications acceptables à l’échelle de la semaine. C’est là un net progrès qui a débouché sur une « science du climat ».

Mais il restait paradoxal, comme le remarque justement Claude Allègre, de prétendre savoir ce qui se passera dans cinquante ans alors qu’on ne sait pas encore prévoir à dix jours ! La simple idée qu’on puisse mesurer la température du globe terrestre est déjà, à la réflexion, surprenante : la terre n’est pas un objet ponctuel, ni un lieu précis. Mesurer sa température, même moyenne, soulève des difficultés insurmontables, multipliées encore par la prétention à la connaître sur de longues durées.

De ce fait, le recours à l’interpolation est systématique, d’autant qu’il permet de réduire le nombre des stations météorologiques.

De plus, un très grand nombre de stations anciennes (les seules utilisables pour une rétrospective séculaire), qui avaient été installées jadis à l’extérieur des villes, se trouvent aujourd’hui insérées dans les banlieues, ce qui provoque automatiquement une élévation des températures (effet d’îlot de chaleur urbain). Surtout le nombre des stations officielles a été considérablement réduit, y compris dans les territoires faiblement peuplés.

Au Canada, on est passé de 600 stations à 35 en 2009. D’après le climatologue Joseph D’Aleo, les stations les plus septentrionales et les plus élevées ont été retirées. Le réchauffement devient alors automatique, sans même avoir à biaiser habilement les statistiques.

Quant au sérieux des interpolations utilisées par la Nasa, il suffira d’évoquer le « réchauffement » en Colombie. Ce pays comporte de très hauts plateaux, de la jungle et même de profondes vallées enchâssées au milieu de pics culminant à plus de 5000 mètres! La température varie donc considérablement d’un point à l’autre des terres. Or depuis 1990, on ne trouve plus aucune vraie station météo en Colombie : les données sont interpolées en faisant une moyenne entre une station péruvienne et une station amazonienne, distantes de 1200 kilomètres de part et d’autre !

Que vaudrait une température à Dijon, ville continentale aux hivers rigoureux, obtenue par une moyenne entre Venise et Rouen!

D’où cette conclusion de Joseph D’Aleo : « Le traitement des données (météorologiques) est une parodie de science qui a été commise par des scientifiques activistes pour faire avancer un agenda politique pro-réchauffement. »[3]

La question n’est pas de nier les variations climatiques à long terme: on sait que la Mer de glace, au pied du Mont Blanc, a fortement reculé et que les neiges du Kilimandjaro ont fondu. Mais la Sibérie et l’Antarctique se refroidissent. En Russie, 2010 aura été l’hiver le plus froid depuis 1943, celui qui avait vaincu les blindés allemands. En Mongolie, deux millions de têtes de bétail ont péri, incapables de supporter une température de moins cinquante degrés, et les éleveurs seraient morts de famine sans la solidarité internationale! Avant donc d’évoquer un refroidissement ou un réchauffement global de la terre, il conviendrait de définir avec précision et rigueur ce qu’il est question de mesurer. On est loin du compte! Se comprend alors pourquoi les modèles climatologiques ne peuvent donner que des résultats largement hypothétiques. Quant à relier le réchauffement supposé à l’action humaine, la tâche devient herculéenne.

Quand bien même aurait-on isolé le rôle spécifique du gaz carbonique parmi les gaz à « effet de serre », dont la vapeur d’eau, il reste que l’activité volcanique produit en moyenne cinq fois plus de CO2 que toute l’humanité.

Surtout, les courbes montrant l’élévation de la température et celle de la concentration en CO2 sont décalées dans le temps: la courbe de température précède la courbe du CO2, ce qui laisse entendre que le réchauffement serait la cause de l’augmentation du CO2, et non l’inverse. Et en effet, une élévation de température des océans libère dans l’atmosphère une partie des énormes quantités de CO2 dissoutes dans l’eau.

Ces quelques considérations montrent assez que le réchauffement global est loin d’un résultat apodictique de la « science » du climat, et que la chasse à la production de gaz carbonique par l’humanité repose moins encore sur des données solides[4]. Or, sous la houlette de scientifiques patentés, la lutte contre « l’effet de serre » donne lieu à de grandes réunions internationales (Rio, Kyoto, Copenhague), à des mécanismes de transfert d’argent (les « crédits-carbone »), à des pénalités contre les États (fixées à Kyoto) et bientôt peut-être à l’imposition des entreprises et des particuliers (la « taxe carbone »).

Les hommes politiques qui ont en vue ces objectifs savent se servir de l’autorité de la science pour faire accepter leurs décisions.

Leur démarche se comprend bien. Et quand le « pot aux roses » sera découvert, ils pourront toujours dire : « On ne savait pas ! »

Il n’était pourtant guère difficile de savoir! Un nombre considérable de scientifiques reconnus se sont exprimés, localement et sur internet. Ainsi le 13 décembre 2007 déjà, quatrevingt-dix-neuf universitaires qualifiés en climatologie, géophysique, sciences de la terre, etc., avaient cosigné une lettre ouverte au Secrétaire Général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, protestant contre les conclusions péremptoires publiées par le comité intergouvernemental (des Nations Unies) sur le changement Climatique (IPCC)[5]. On y relève deux points hautement significatifs :

  1. La grande majorité des experts qui travaillent pour l’IPCC n’est pas associée à la préparation des rapports condensés, les seuls lus par les décideurs politiques et le grand public.
  2. Les groupes de travail de l’IPCC ont reçu la consigne de ne prendre en compte que les études publiées avant mai 2005 [c’est-àdire avant que le consensus apparent sur le réchauffement climatique ait été critiqué en détail].

On a donc affaire à un petit nombre de rédacteurs qui enfreignent sciemment les règles de la déontologie scientifique pour promouvoir une politique.

Mais eux seuls ont accès aux grands médias et, par là, aux décideurs et au public.

Comme pour le virus H1N1, seuls des experts peuvent rédiger les rapports biaisés[6] dont les gouvernements ont besoin. Ce sont des scientifiques compétents, comme l’était Lyssenko, biologiste « officiel » de Staline[7]. Mais ils ont suivi la voie large du succès apparent, des honneurs immérités et de l’argent.

Or cette science asservie devient pour un temps la science officielle, preuve qu’il existe bien une science « officielle »[8]. On notera d’ailleurs que, si de nombreuses personnalités ont dénoncé les deux scandales signalés ici, les corps constitués, les Académies en particulier, font silence. Il y a là une anomalie grave pour la science. Elle dénote une subordination de l’ordre des esprits à l’ordre des corps, pour reprendre la féconde distinction de Pascal. Or « les élites intellectuelles doivent se distinguer très nettement des élites sociales » remarque Laurent Lafforgue[9], car la confusion des deux « ordres » est une régression suicidaire de l’un comme de l’autre, ôtant à l’un l’éclairage de la vérité, et à l’autre son droit de remontrance.

Faut-il se consoler en se disant que la vérité finira un jour par triompher ? Ce serait, à tort, renoncer. Car la recherche de la vérité – « à temps et à contretemps » est-on tenté de dire – apparaît constitutive de la science: l’aiguillon même de la découverte. Or elle requiert la liberté d’esprit, seule à même de permettre la fidélité aux faits.

La science asservie n’est donc plus la science; elle n’en revêt que les oripeaux et son absence de fruit se laisse voir sans tarder. Mais la solution n’est pas à attendre de la société environnante: il faudrait le courage intellectuel de mettre le souci de la vérité au premier rang. On en est loin! La tolérance des milieux scientifiques pour les erreurs diffusées dans les émissions ou les revues de vulgarisation le montre bien. Que dirait-on d’un théologien chevronné qui, découvrant des erreurs dans un livre de catéchisme, se contenterait de dire: « Qu’importe ! Il ne s’agit que du catéchisme ! » ?

Il faudrait donc que la question de la vérité soit prise au sérieux.

Dans toute carrière scientifique survient toujours un moment de conflit entre l’esprit du monde et la vérité, entre les projets personnels et les exigences de l’objectivité.

Moment crucial et révélateur, qui peut être aussi le signal d’une conversion salvatrice de l’intelligence obscurcie par le péché. Max Thürkauf, on le verra plus loin, en a donné l’exemple.

Une telle conversion mentale n’est guère plus facile qu’une conversion morale, mais elle s’avère nécessaire. Alors pourra retentir la parole du Christ : « La vérité vous libérera. » (Jn 8, 32)

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Les enregistrements du dernier colloque sont à votre disposition:

Nevers 2009 : Se libérer du darwinisme

CD 0906 Jean-François Péroteau:

Les mutations dans l’impasse

CD 0908 Guy Berthault:

L’accueil fait en divers pays à la nouvelle sédimentologie CD 0909 Jean-François Moreel:

Que nous enseigne la biologie moléculaire? CD 0910 Gravure MP3 des conférences 0906/0908/0909

CD 0911 Jean-François Froger: La relation créatrice

CD 0913 Jean de Pontcharra:

Max Thürkauf: le cri d’alarme d’un physicien CD 0914 Thomas Seiler:

Un message de la thermodynamique: pas d’évolution progressive!

CD 0916 Dominique Tassot:

Croire en Darwin ou croire en Dieu?

CD 0905 Gravure MP3 des conférences

0911/0913/0914/0916

Prix franco: le CD 8€, le MP3: 18 €.

A commander au Secrétariat.

SCIENCE ET TECHNIQUE

« Les rationalistes fuient le mystère pour se précipiter dans l’incohérence »

(Bossuet)

Lettre ouverte au Secrétaire Général des Nations Unies 13 décembre 2007

Présentation: Cette lettre est remarquable à bien des égards. Déjà la qualité des signataires fait penser que, dans une société organique donnant à chacun une place conforme à son être, les décideurs politiques auraient dû entendre ce signal d’alarme et en tirer les conséquences. Deux ans se sont écoulés et rien ne s’est passé, ce qui montre l’état de destruction avancé de notre tissu social. Ensuite elle révèle le fonctionnement de la science « officielle », avec ses rapports orientés. Enfin, elle affirme que la meilleure réponse aux menaces climatiques est encore le développement scientifique et technique.

À Son Excellence Ban Ki-Moon, Secrétaire Général des Nations Unies, New York, N.Y.

Objet: Conférence des N.U. sur le climat, conduisant le monde dans une direction totalement erronée.

Monsieur le Secrétaire Général,

Il n’est pas possible d’arrêter le changement de climat, phénomène naturel qui a touché l’humanité au travers des siècles. L’histoire écrite et orale de la géologie et de l’archéologie atteste des défis dramatiques posés aux sociétés du passé par des changements imprévus de température, de précipitations, de vents et autres variables climatiques. Nous devons donc armer les nations pour qu’elles puissent résister à toute la gamme de ces phénomènes naturels en favorisant la croissance économique et la création de richesses.

La Commission Intergouvernementale des Nations Unies sur le Changement de Climat (IPCC) a publié des conclusions de plus en plus alarmantes sur les influences climatiques du dioxyde de carbone (CO2) d’origine humaine, un gaz non polluant qui est essentiel pour la photosynthèse des plantes.

Nous comprenons les faits qui ont conduit la Commission à considérer les émissions de CO2 comme dangereuses, mais les conclusions de l’IPCC sont tout à fait inadéquates comme justification de politiques qui vont sensiblement diminuer la prospérité future. En particulier, il n’est pas établi qu’il soit possible de modifier de façon significative le climat par des réductions d’émissions humaines de gaz à effet de serre. En plus de quoi, parce que les tentatives de réductions d’émissions ralentiront le développement, la politique actuelle des Nations Unies de réduction du CO2 va probablement accroître la souffrance humaine provenant des changements climatiques futurs plutôt que de l’atténuer.

Les Résumés de l’IPCC destinés aux responsables politiques sont les rapports de l’IPCC les plus largement lus par les politiciens et les non scientifiques et ils servent de base pour la formulation de la plupart des politiques sur le changement de climat. Cependant, ces Résumés sont préparés par une équipe relativement restreinte et le texte final approuvé ligne par ligne par les représentants des gouvernements. La grande majorité des collaborateurs et réviseurs de l’IPCC, et les dizaines de milliers d’autres scientifiques qualifiés pour commenter ces sujets, ne sont pas impliqués dans la préparation de ces documents. On ne peut donc pas dire que ces Résumés reflètent un consensus parmi les experts, contrairement à l’impression donnée par les Résumés de l’IPCC.

Les observations de phénomènes récents tels que le retrait des glaciers, la hausse du niveau de la mer et les migrations des espèces sensibles à la température, ne sont pas la preuve d’un changement anormal du climat, car aucun de ces changements ne s’est situé hors des limites des variations naturelles connues.

Le taux moyen de réchauffement de 0,1 à 0,2 degré

Celsius par décennie enregistré par les satellites à la fin du XXème siècle se situe dans la fourchette connue des refroidissements et réchauffements naturels des 10.000 dernières années.

Les meilleurs scientifiques, y compris certains représentants hauts placés de l’IPCC, reconnaissent que les modèles informatiques d’aujourd’hui ne peuvent pas prédire le climat.

Conformément à cela, et malgré les prévisions par ordinateurs de hausses des températures, il n’y a pas eu de réchauffement global depuis 1998. Le plateau actuel de température suivant la période de réchauffement de la fin du XXème siècle, est cohérent avec la continuation aujourd’hui du cycle climatique naturel multi-décennal ou millénaire. Contrastant fortement avec l’affirmation souvent répétée que la science du changement de climat est « bien établie », la nouvelle recherche significative, contrôlée, a semé encore plus de doute sur l’hypothèse d’une cause humaine d’un réchauffement global dangereux.

Mais parce que les groupes de travail de l’IPCC avaient reçu l’instruction de ne prendre en compte que les travaux publiés avant mai 2005, ces découvertes importantes ne sont pas comprises dans leurs rapports; ce qui signifie que les rapports d’évaluation de l’IPCC sont déjà matériellement périmés. (Voir:

http://ipcc-wg1.ucar.edu/wg1/docs/wg1_timetable_2006-08-14.pdf ).

La Conférence des Nations Unies de Bali sur le climat a été organisée pour embarquer le monde dans une voie de sévère restriction de CO2, en ignorant les leçons de l’échec du Protocole de Kyoto, la nature chaotique du marché européen du CO2 et l’inefficacité des autres initiatives coûteuses en vue de freiner les émissions de gaz à effet de serre. Les analyses du rapport coût/bénéfice n’apportent aucun soutien à l’introduction de mesures globales pour plafonner et réduire la consommation d’énergie dans le but de restreindre les émissions de CO2. En outre, il est irrationnel d’appliquer le « principe de précaution », car beaucoup de scientifiques admettent que des refroidissements aussi bien que des réchauffements climatiques constituent des possibilités réalistes pour l’avenir à moyen terme.

L’accent mis actuellement par les Nations Unies sur « la lutte contre le changement de climat », comme l’illustre le Rapport du 27 novembre sur Développement Humain du Programme de Développement des Nations Unies, détourne les gouvernements de s’adapter à la menace d’inévitables changements climatiques naturels, quelque forme qu’ils puissent prendre. Le planning national et international pour de tels changements est nécessaire, avec une priorité pour aider nos citoyens les plus vulnérables à s’adapter aux conditions à venir. Les tentatives d’empêcher un changement général du climat sont finalement vaines et elles constituent un tragique gaspillage de ressources qui seraient mieux utilisées pour les problèmes réels et pressants de l’humanité.

Cordialement vôtres,

Les signataires de cette Lettre du 13 décembre 2007 sont les suivants:

Don Aitkin, PhD, Professor, social scientist, retired vice-chancellor and president, University of Canberra, Australia William J.R. Alexander, PhD, Professor Emeritus, Dept. of Civil and Biosystems Engineering, University of Pretoria, South Africa; Member, UN Scientific and Technical Committee on Natural Disasters, 1994-2000 Bjarne Andersen, PhD, physicist, Professor, The Niels Bohr Institute, University of Copenhagen, Denmark Geoff L. Austin, PhD, FNZIP, FRSNZ, Professor, Dept. of Physics, University of Auckland, New Zealand Timothy F. Ball, PhD, environmental consultant, former climatology professor, University of Winnipeg Ernst-Georg Beck, Dipl. Biol., Biologist, Merian-Schule Freiburg, Germany Sonja A. Boehmer-Christiansen, PhD, Reader, Dept. of Geography, Hull University, U.K.; Editor, Energy & Environment journal Chris C. Borel, PhD, remote sensing scientist, U.S. Reid A. Bryson, PhD, DSc, DEngr, UNE P. Global 500 Laureate; Senior Scientist, Center for Climatic Research; Emeritus Professor of Meteorology, of Geography, and of Environmental Studies, University of Wisconsin Dan Carruthers, M.Sc., wildlife biology consultant specializing in animal ecology in Arctic and Subarctic regions, Alberta R.M. Carter, PhD, Professor, Marine Geophysical Laboratory, James Cook University, Townsville, Australia Ian D. Clark, PhD, Professor, isotope hydrogeology and paleoclimatology, Dept. of Earth Sciences, University of Ottawa Richard S. Courtney, PhD, climate and atmospheric science consultant, IPCC expert reviewer, U.K. Willem De Lange, PhD, Dept. of Earth and Ocean Sciences, School of Science and

Engineering, Waikato University, New Zealand

David Deming, PhD (Geophysics), Associate Professor, College of Arts and Sciences, University of Oklahoma Freeman J. Dyson, PhD, Emeritus Professor of Physics, Institute for Advanced Studies, Princeton, N.J. Don J. Easterbrook, PhD, Emeritus Professor of Geology, Western Washington University Lance Endersbee, Emeritus Professor, former dean of Engineering and Pro-Vice Chancellor of Monasy University, Australia Hans Erren, Doctorandus, geophysicist and climate specialist, Sittard, The Netherlands Robert H. Essenhigh, PhD, E.G. Bailey Professor of Energy Conversion, Dept. of Mechanical Engineering, The Ohio State University

Christopher Essex, PhD, Professor of Applied Mathematics and Associate Director of the Program in Theoretical Physics, University of Western Ontario David Evans, PhD, mathematician, carbon accountant, computer and electrical engineer and head of ‘Science Speak,’ Australia William Evans, PhD, editor, American Midland Naturalist; Dept. of Biological Sciences, University of Notre Dame Stewart Franks, PhD, Professor, Hydroclimatologist, University of Newcastle, Australia R. W. Gauldie, PhD, Research Professor, Hawai’i Institute of Geophysics and Planetology, School of Ocean Earth Sciences and Technology, University of Hawai’i at Manoa Lee C. Gerhard, PhD, Senior Scientist Emeritus, University of Kansas; former director and state geologist, Kansas Geological Survey Gerhard Gerlich, Professor for Mathematical and Theoretical Physics, Institut für Mathematische Physik der TU Braunschweig, Germany Albrecht Glatzle, PhD, sc.agr., Agro-Biologist and Gerente ejecutivo, INTTAS, Paraguay Fred Goldberg, PhD, Adjunct Professor, Royal Institute of Technology, Mechanical Engineering, Stockholm, Sweden Vincent Gray, PhD, expert reviewer for the IPCC and author of The Greenhouse Delusion: A Critique of ‘Climate Change 2001, Wellington, New Zealand William M. Gray, Professor Emeritus, Dept. of Atmospheric Science, Colorado State University and Head of the Tropical Meteorology Project Howard Hayden, PhD, Emeritus Professor of Physics, University of Connecticut Louis Hissink, MSc, M.A.I.G., editor, AIG News, and consulting geologist, Perth, Western Australia Craig D. Idso, PhD, Chairman, Center for the Study of Carbon Dioxide and Global Change, Arizona Sherwood B. Idso, PhD, President, Center for the Study of Carbon Dioxide and Global Change, AZ, USA Andrei Illarionov, PhD, Senior Fellow, Center for Global Liberty and Prosperity; founder and director of the Institute of Economic Analysis Zbigniew Jaworowski, PhD, physicist, Chairman – Scientific Council of Central Laboratory for Radiological Protection, Warsaw, Poland Jon Jenkins, PhD, MD, computer modelling – virology, NSW, Australia Wibjorn Karlen, PhD, Emeritus Professor, Dept. of Physical Geography and Quaternary Geology, Stockholm University, Sweden

Olavi Kärner, Ph.D., Research Associate, Dept. of Atmospheric Physics, Institute of Astrophysics and Atmospheric Physics, Toravere, Estonia Joel M. Kauffman, PhD, Emeritus Professor of Chemistry, University of the Sciences in Philadelphia David Kear, PhD, FRSNZ, CMG, geologist, former Director-General of NZ Dept. of Scientific & Industrial Research, New Zealand Madhav Khandekar, PhD, former research scientist, Environment Canada; editor, Climate Research (2003-05); editorial board member, Natural Hazards; IPCC expert reviewer 2007 William Kininmonth, M.Sc., M.Admin., former head of Australia’s National Climate Centre and a consultant to the World Meteorological organization’s Commission for Climatology Jan J.H. Kop, MSc Ceng FICE (Civil Engineer Fellow of the Institution of Civil Engineers), Emeritus Prof. of Public Health Engineering, Technical University Delft, The Netherlands Prof. R.W.J. Kouffeld, Emeritus Professor, Energy Conversion, Delft University of Technology, The Netherlands Salomon Kroonenberg, PhD, Professor, Dept. of Geotechnology, Delft University of Technology, The Netherlands Hans H.J. Labohm, PhD, economist, former advisor to the executive board, Clingendael Institute (The Netherlands Institute of International Relations), The Netherlands The Rt. Hon. Lord Lawson of Blaby, economist; Chairman of the Central Europe Trust; former Chancellor of the Exchequer, U.K. Douglas Leahey, PhD, meteorologist and airquality consultant, Calgary David R. Legates, PhD, Director, Center for Climatic Research, University of Delaware Marcel Leroux, PhD, Professor Emeritus of Climatology, University of Lyon, France; former director of Laboratory of Climatology, Risks and Environment, CNRS Bryan Leyland, International Climate Science Coalition, consultant and power engineer, Auckland, New Zealand William Lindqvist, PhD, independent consulting geologist, Calif. Richard S. Lindzen, PhD, Alfred P. Sloan Professor of Meteorology, Dept. of Earth, Atmospheric and Planetary Sciences, Massachusetts Institute of Technology A.J. Tom van Loon, PhD, Professor of Geology (Quaternary Geology), Adam Mickiewicz University, Poznan, Poland; former President of the European Association of Science Editors Anthony R. Lupo, PhD, Associate Professor of Atmospheric Science, Dept. of Soil, Environmental, and Atmospheric Science, University of MissouriColumbia Richard Mackey, PhD, Statistician, Australia Horst Malberg, PhD, Professor for Meteorology and Climatology, Institut für Meteorologie, Berlin, Germany John Maunder, PhD, Climatologist, former President of the Commission for Climatology of the World Meteorological Organization (89-97), New Zealand Alister McFarquhar, PhD, international economy, Downing College, Cambridge, U.K. Ross McKitrick, PhD, Associate Professor, Dept. of Economics, University of Guelph John McLean, PhD, climate data analyst, computer scientist, Australia Owen McShane, PhD, economist, head of the International Climate Science Coalition; Director,

Centre for Resource Management Studies, New Zealand

Fred Michel, PhD, Director, Institute of Environmental Sciences and Associate Professor of Earth Sciences, Carleton University Frank Milne, PhD, Professor, Dept. of Economics, Queen’s University Asmunn Moene, PhD, former head of the Forecasting Centre, Meteorological Institute, Norway Alan Moran, PhD, Energy Economist, Director of the IPA’s Deregulation Unit, Australia Nils-Axel Morner, PhD, Emeritus Professor of Paleogeophysics & Geodynamics, Stockholm University, Sweden Lubos Motl, PhD, Physicist, former Harvard string theorist, Charles University, Prague, Czech Republic John Nicol, PhD, Professor Emeritus of Physics, James Cook University, Australia David Nowell, M.Sc., Fellow of the Royal Meteorological Society, former chairman of the NATO Meteorological Group, Ottawa James J. O’Brien, PhD, Professor Emeritus, Meteorology and Oceanography, Florida State University Cliff Ollier, PhD, Professor Emeritus (Geology), Research Fellow, University of Western Australia Garth W. Paltridge, PhD, atmospheric physicist, Emeritus Professor and former Director of the Institute of Antarctic and Southern Ocean Studies, University of Tasmania, Australia R. Timothy Patterson, PhD, Professor, Dept. of Earth Sciences (paleoclimatology), Carleton University Al Pekarek, PhD, Associate Professor of Geology, Earth and Atmospheric Sciences Dept., St-Cloud State University, Minnesota Ian Plimer, PhD, Professor of Geology, School of Earth and Environmental Sciences, University of Adelaide and Emeritus Professor of Earth Sciences, University of Melbourne, Australia Brian Pratt, PhD, Professor of Geology, Sedimentology, University of Saskatchewan Harry N.A. Priem, PhD, Emeritus Professor of Planetary Geology and Isotope Geophysics, Utrecht University; former director of the Netherlands Institute for Isotope Geosciences Alex Robson, PhD, Economics, Australian National University Colonel F.P.M. Rombouts, Branch Chief – Safety, Quality and Environment, Royal Netherland Air Force R.G. Roper, PhD, Professor Emeritus of Atmospheric Sciences, School of Earth and Atmospheric Sciences, Georgia Institute of Technology Arthur Rorsch, PhD, Emeritus Professor, Molecular Genetics, Leiden University, The Netherlands Rob Scagel, M.Sc., forest microclimate specialist, principal consultant, Pacific

Phytometric Consultants, B.C. Tom V. Segalstad, PhD, (Geology/Geochemistry), Head of the Geological Museum and Associate Professor of Resource and Environmental Geology, University of Oslo, Norway Gary D. Sharp, PhD, Center for Climate/Ocean Resources Study, Salinas, CA S. Fred Singer, PhD, Professor Emeritus of Environmental Sciences, University of Virginia and former director Weather Satellite Service L. Graham Smith, PhD, Associate Professor, Dept. of Geography, University of Western Ontario Roy W. Spencer, PhD, climatologist, Principal Research Scientist, Earth System Science Center, The University of Alabama, Huntsville

Peter Stilbs, TeknD, Professor of Physical Chemistry, Research Leader, School of Chemical Science and Engineering, KTH (Royal Institute of Technology), Stockholm, Sweden Hendrik Tennekes, PhD, former director of research, Royal Netherlands Meteorological Institute Dick Thoenes, PhD, Emeritus Professor of Chemical Engineering, Eindhoven University of Technology, The Netherlands Brian G. Valentine, PhD, PE (Chem.), Technology Manager – Industrial Energy Efficiency, Adjunct Associate Professor of Engineering Science, University of Maryland at College Park; Dept of Energy, Washington, DC Gerrit J. van Der Lingen, PhD, geologist and paleoclimatologist, climate change consultant, Geoscience Research and Investigations, New Zealand Len Walker, PhD, Power Engineering, Australia Edward J. Wegman, PhD, Department of Computational and Data Sciences, George Mason University, Virginia Stephan Wilksch, PhD, Professor for Innovation and Technology Management, Production Management and Logistics, University of Technology and Economics Berlin, Germany Boris Winterhalter, PhD, senior marine researcher (retired), Geological Survey of Finland, former professor in marine geology, University of Helsinki, Finland David E. Wojick, PhD, P.Eng., energy consultant, Virginia Raphael Wust, PhD, Lecturer, Marine Geology/Sedimentology, James Cook University,

Australia A. Zichichi, PhD, President of the World Federation of Scientists, Geneva, Switzerland; Emeritus Professor of Advanced Physics, University of Bologna, Italy.

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Une date à retenir dès maintenant :

25-26 septembre 2010

Colloque du CEP à Orsay (La Clarté-Dieu)

Thème: Les limites de la science

Programme et formulaires d’inscriptions seront joints au prochain numéro.

Max Thürkauf : le cri d’alarme d’un physicien [10]

Jean de Pontcharra [11]

Présentation: Physicien converti, Max Thürkauf (1925-1983) eut la ténacité, le courage et le talent de faire de cette conversion un témoignage intellectuel de grande valeur. Non content de retrouver la foi à titre personnel, à travers de dures épreuves mais avec la lumière et la paix intérieures qui se répandent, une fois le but atteint, il comprit que la formation scientifique reçue (il enseignait la chimie-physique à l’université de Bâle), avec la vision matérialiste du monde qu’elle induit, était en cela erronée et qu’il fallait remettre en cause un grand nombre des croyances modernes, notamment l’évolutionnisme. Ce travail « prophylactique » est désormais en partie accessible en français. Il montre notamment quels « idiots utiles » font tous les théologiens qui se rallient sans réfléchir à l’idée que la science se contente de répondre à la question « comment? » et leur laisse une tour d’ivoire pour y traiter tranquillement de la question « pourquoi? ». On aimerait qu’il y ait de moins en moins de tels « idiots utiles » et de plus en plus de « serviteurs inutiles » comme le fut éminemment Max Thürkauf. Car il lui a été donné de débusquer le grand sophisme: la confusion entre ce qui devrait être (la science consciente de ses limites) avec ce qui est (la science arrogante, sûre de ses résultats et prétendant décrire la totalité du réel objectif). Loin d’être neutre ou athée par souci d’objectivité, la science matérialiste moderne est en réalité, très activement et très scrupuleusement, « théophobe ».

Ce titre peut surprendre dans un colloque consacré à la libération de l’emprise du darwinisme, et plus généralement, à l’emprise des théories de l’évolution issues de la pensée de Darwin. Cela s’explique par le terreau dans lequel le darwinisme a prospéré : le matérialisme athée s’appuyant sur la science. Darwin avait confessé, dans son autobiographie de 1876, avoir perdu la foi dès 1851. Cette information est une donnée importante du problème qui nous occupe.

Max Thürkauf, né en 1925, décédé en 1993, chercheur et professeur de chimie-physique à l’université de Bâle, en Suisse, matérialiste convaincu dans sa jeunesse, s’est converti en 1981, après avoir constaté les dérives de plus en plus inquiétantes de cette science qu’il admirait. S’il a lancé un cri d’alarme, c’est parce qu’il a identifié les bases profondément erronées de la science moderne. Ces erreurs impactent les sciences elles-mêmes, mais aussi tous les domaines de la pensée et de la connaissance humaines.

Citons Arthur Koestler, écrivain athée britannique d’origine hongroise (1905-1983): « La société et la science ont tellement baigné dans les idées du mécanisme, de l’utilitarisme et de la libre concurrence économique, que la sélection a remplacé Dieu comme ultime réalité.»

Et comme Max Thürkauf le dit lui-même avec humilité : « J’ai considéré mon ignorance en matière religieuse comme une preuve de la non-existence de Dieu. »

Observant les effets pervers de la science matérialiste (bombe atomique, poisons chimiques, manipulations du vivant) dès 1960, Max Thürkauf étudia l’histoire des sciences et se forma en philosophie. Il se lança ouvertement dans la critique des sciences, au prix de sa carrière professionnelle. Son athéisme du début se mua en théisme. Cette recherche obstinée de la Vérité aboutit à son retour à l’Église catholique en 1981. L’aspect spirituel et surnaturel (et non uniquement naturel et philosophique) du problème qui le préoccupait s’était peu à peu imposé à son esprit. Ses recherches l’ont amené à approfondir les rapports entre science et foi et à s’intéresser, avec son épouse Inge, protestante allemande convertie au catholicisme en même temps que lui, à des sujets que la science avait pollués de son matérialisme : sciences du vivant, médecine et respect de la vie, culture de mort et visées hégémoniques mondiales, mouvements gnostiques…

Avant de pouvoir se libérer d’un mensonge, il faut premièrement connaître la vérité pour ensuite remonter aux sources du mensonge et finalement comprendre comment il a pu être imposé à la multitude. Ensuite, les remèdes apparaîtront clairement.

Cela représente un travail de toute une vie et il serait dommage de ne pas profiter nous-mêmes du chemin ainsi débroussaillé par des hommes comme Max Thürkauf.

Les erreurs issues du refus de Dieu par les matérialistes sont innombrables : dialectique hégélienne de l’idéalisme allemand, théories de l’évolution, positivisme, relativisme, communisme, américanisme, nazisme , modernisme, féminisme (théorie du gender), freudisme, théories pasteuriennes, New Age, eugénisme et culture de mort, et cetera, et cetera. Les exemples sont légion.

Dans le cadre de cet exposé nous nous limiterons à la critique des théories de l’évolution dans leur principe fondateur : le vivant provient de la matière inerte, qui est une extension de l’hypothèse darwinienne de la genèse d’une espèce à partir d’une espèce antérieure, par de faibles variations dues au hasard et sur de très longues durées.

Un humoriste avait fixé ces invraisemblances par la phrase : «L’hydrogène est un gaz incolore et inodore qui a la propriété, si on lui laisse suffisamment de temps, de se transformer en un être humain.»

Malgré sa grande connaissance des sciences, Max Thürkauf ne nous ensevelit pas sous une montagne d’équations et de formules. Son langage simple et clair revient à nous montrer l’importance du retour à la hiérarchie traditionnelle des connaissances : théologie basée sur la Révélation, philosophie soumise à la théologie, et en dernier lieu sciences de la nature. La séparation artificielle entre ces trois formes de connaissance est une invention des matérialistes athées qui refusent à l’homme toute possibilité d’accès à la Vérité transcendante. Au point d’inverser la hiérarchie et de mettre au-dessus de tout la connaissance scientifique, connaissance basée sur des « vérités » fluctuantes et changeantes au fil des « découvertes » humaines.

Ayant constaté que le scientifique moderne ne s’attachait qu’à répondre à la question COMMENT? (en allemand WIE?) Max Thürkauf s’intéressa aux précurseurs et à leurs idées : par exemple les approches mécanistes d’un Francis Bacon, expérimentales d’un Galilée ou d’un Descartes, tendant à disjoindre le sujet de l’objet.

L’observation supposée objective devient intellectuelle et manuelle. La sacralisation de la méthode expérimentale entraîne le refus de tout phénomène non reproductible ou non explicable par la raison.

« Ainsi les scientifiques savent-ils, de jour en jour, mieux comment faire, et quotidiennement de moins en moins ce qu’ils font .»[12]

« Descartes (1596-1650) et sa raison, vainqueurs de Pascal (1623-1662) et de sa logique du cœur. Les fabricateurs ont vaincu les penseurs. »

Il y a confusion entre savoir faire et savoir, et une séparation entre savoir et sagesse.

Les instruments de mesure, aussi puissants soient-ils, ne sont qu’une extension de nos sens. Ils n’apportent pas une compréhension supplémentaire à l’essence des choses, mais uniquement une précision supérieure dans l’observation des détails. Or, le calcul différentiel, si puissant pour la matière inanimée, est inapplicable au vivant. À partir de quantités infiniment petites d’un organisme vivant on ne peut pas, par simple intégration, déduire le tout. En réalité, l’induction, qui va du particulier au général, n’est pas applicable aux organismes vivants. Or les biologistes matérialistes le croient: telle est leur erreur fondamentale.

Eddington (astronome et physicien britannique, 18821944) nous confirme cette interprétation : «La grandeur physique ainsi découverte est tout d’abord le résultat de nos opérations et de nos calculs ; elle est, pour ainsi dire, un article manufacturé – manufacturé par nos opérations.»

Dans les argumentations matérialistes, la matière est à la fois hypothèse et conclusion, et dans ce double rôle elle se tend la main à elle-même et ferme ainsi le circulus vitiosus. Par suite de leur incapacité à distinguer l’objet de l’hypothèse, les darwinistes se fatiguent à vouloir rattraper ce qui est inabordable.

Pour clarifier le débat Max Thürkauf émet un souhait : « Il serait souhaitable que les savants qui défendent l’une ou l’autre des nombreuses théories de l’évolution (plus ou moins contradictoires entre elles) s’attachent à souligner clairement que ces considérations sont des spéculations non vérifiables à l’aide des méthodes chimiques et physiques, c’est-àdire par des mesures faites au cours d’expériences de laboratoire systématiquement reproductibles. Ces théories de l’évolution n’appartiennent pas à la science pure mais sont des spéculations relevant du domaine de l’imagination ; elles ne sont pas un savoir mais une croyance… Certes les spéculations ne sont pas interdites en science expérimentale, mais il faut clairement le faire savoir.»

C’est le contraire qui se réalise : « Les tenants des diverses théories de l’évolution agissent comme si on avait affaire à des faits scientifiquement démontrés. »

Les chercheurs contemporains se vantent de vivre à une époque qui comporte le plus grand nombre de scientifiques de tous les temps. Mais ils ne se sont pas posé la question de savoir si tous ces scientifiques étaient dans le vrai, s’ils avaient, dans leurs travaux, le souci de la Vérité. Dans l’atmosphère de relativisme prégnant qui caractérise notre époque, poser cette question est un scandale, puisque la Vérité transcendante n’existe plus pour nos contemporains. Seule la « vérité » dite scientifique (ou encore fruit de la raison) est prise en considération, malgré les fluctuations et variations intrinsèques à sa nature de montage intellectuel humain. La réalité est très différente : notre époque voit un nombre incroyable de membres de l’élite intellectuelle professer des erreurs inouïes.

Toute erreur à un coût pour l’humanité.

Max Thürkauf pose la question du coût d’un système erroné :

« Les journalistes scientifiques réussiront-ils encore longtemps à rendre ces élucubrations attrayantes pour le contribuable? On le verra bien avec le temps. Il s’agit d’une croyance à laquelle sont suspendus les moyens d’existence de cette science.

Les instituts de recherche pour l’explication de l’univers coûtent de nos jours des milliards, et chaque année davantage. »

Ouvrons ici une parenthèse pour abonder dans ce sens :

non seulement ces recherches sont ruineuses, mais elles ont empêché des progrès par les préjugés évolutionnistes implicites. Hugh Owen[13] a montré l’impact négatif de cette croyance qui voit dans les organes vestigiaux du corps humain (coccyx, appendice, amygdales, etc.), ou dans un ADN « poubelle », d’inutiles reliquats supposés abandonnés en route par l’évolution.

Alors que seule l’ignorance des évolutionnistes sur la véritable fonction de ces organes ou molécules explique leur attitude, imposée à toute la communauté scientifique.

Max Thürkauf compare la conquête spatiale à une nouvelle Tour de Babel, signe de l’orgueil humain. On pourrait en dire autant des gouffres financiers constitués par les grands instruments scientifiques : accélérateurs et collisionneurs du CERN, interféromètres géants pour mesurer les ondes gravitationnelles, installations de fusion nucléaire, décodage des génomes, recherches pharmaceutiques… [14]

« Comme, à l’aide des seules lois physico-chimiques, il n’est possible d’expliquer que le fonctionnement d’une machine, mais non sa genèse, le matérialiste se trouve contraint de noyer dans le brouillard la genèse des êtres animés – que le matérialiste considère comme des mécanismes.

Ce brouillard est fait des milliards d’années de l’évolution, selon les spéculations de ses historiens, et du maniement en amateur de la notion de hasard. Il ne s’agit pas du hasard dont parle la statistique mathématique, mais d’une notion de hasard comprise dans un sens téléologique. Les tenants de l’auto-organisation de la matière imaginent ce qui devra se produire par hasard ; autrement dit, ils pensent téléologiquement. »

Ils projettent leur pensée sur l’objet futur, leur pensée est la finalité de cet objet. D’où les milliards engloutis dans les « soupes primordiales », dans les mutations sur la drosophile ou les bactéries. L’accélération de l’évolution avec le progrès technique étant devenu un dogme, on aurait dû pouvoir montrer des changements en élevant et faisant muter des organismes vivants se reproduisant très rapidement. Or, toutes les mutations obtenues étaient soit non létales (j’évite le qualificatif de « neutre » car aucune manipulation sur le vivant n’est neutre), soit létales et se produisant strictement à l’intérieur de l’espèce. Aucune nouvelle apparition ni d’organe, ni de fonction, encore moins d’espèce.

« Le mécanisme darwinien est si primaire que des millions de gens peuvent le comprendre (d’où les best-sellers en ce domaine). La seule certitude du darwinisme, c’est qu’il est scientifiquement indémontrable. Il s’agit d’une foi : la foi de n’avoir pas foi en Dieu. »

« Lorsqu’un savant utilise des formes vivantes pour, à l’aide du darwinisme, nier Dieu, cela passe de nos jours pour scientifique ; mais s’il veut, à l’aide des merveilles de la Création et des sciences expérimentales, rendre témoignage à Dieu, on dit qu’il quitte le terrain de la science. Qu’est ce que cette science, qu’est ce que ce terrain ? C’est la science matérialiste, et son terrain le sable des idéologies. Si le sable ne convient pas à l’édification des fondements, on peut toujours le jeter aux yeux des hommes. »

Max Thürkauf fait ici allusion à la propagande scandaleuse en faveur des sciences matérialistes, considérées comme inerrantes. Voyez le bombardement médiatique mondial durant l’année 2009, année Darwin.

Il ne reste pas un pouce de terrain indemne des missiles « sélection naturelle » et « survie du plus apte ». Cette dernière locution n’a aucun sens précis et les idéologies de tout acabit en ont tiré le plus grand parti possible pour définir qui était le « plus apte » et pour donner une touche « scientifique » à leurs folies.

Donnons un clair exemple de cette propagande en citant une phrase de l’éditorial non signé du numéro hors-série du journal Le Monde d’avril-mai 2009, titré L’Évolution sans fin [15] : « Une minorité d’intégristes religieux continue, en Occident, à contester la théorie de Darwin, à laquelle l’immense majorité des scientifiques du monde adhère sans réserve. » Il est dommage pour ce journaliste que dans les contestataires nous trouvions aussi des athées et des agnostiques. Et l’unanimité annoncée en faveur des théories de l’évolution est inexistante.

Mais vous trouverez la même chose dans Scientific

American, La Recherche, Sciences et Avenir, Nature, Sciences et Vie, Pour la Science, etc., revues qui ne vulgarisent que les théories à la mode. Et remarquons ici l’aveuglement inexplicable des hommes d’Église qui refusent de reconnaître ce fait : la science matérialiste bénéficie d’une propagande incessante avec étouffement de toute critique, contestation ou controverse. Cette unanimité de façade devrait rendre méfiant à l’égard de telles sciences.

Ces clercs (hommes d’Église) sont enrôlés dans les rangs scientistes pour faire la chasse aux opposants, sans montrer grand enthousiasme pour la controverse et la discussion argument contre argument. C’est presque toujours par l’intermédiaire de médias qui ne laissent quasi jamais la parole à l’autre camp.

L’affaire Galilée

Max Thürkauf reproduit l’intéressante citation de Manfred Eigen, prix Nobel de chimie 1967, membre de l’Académie Pontificale des Sciences depuis 1981, qui écrivait dans la préface du livre de Jacques Monod, prix Nobel de médecine 1965, Le Hasard et la nécessité (1970):

« La biologie moléculaire a mis fin au mysticisme de la création, maintenu à travers les siècles: elle a achevé ce que Galilée avait commencé. »

Il y a donc un fil conducteur évident qui mène de Galilée à la théorie de l’évolution et les théologiens contemporains (du moins je veux parler de ceux qui ont le droit à la parole dans les médias) sont tombés dans le panneau, comme l’explique le livre du père André Boulet Création et Rédemption réédité en 2009 chez Téqui.

Galilée soutenait que ce qu’il appelait le « livre de la nature » était écrit en langage mathématique, si bien que pour pouvoir le lire, il suffisait de maîtriser les mathématiques. Il ramenait ainsi toute la question de la connaissance humaine à un simple problème scientifique.

Pour l’affaire Galilée, ajoutons, en complément d’information, que ni l’hypothèse héliocentrique, ni l’hypothèse géocentrique ne sont démontrables scientifiquement; et la situation n’a pas changé depuis le XVIIème siècle. Galilée a prétendu que l’hypothèse de Copernic n’était pas une hypothèse mais la réalité. Il a voulu réduire les qualités aux quantités et, s’aidant de constatations partielles, il a décidé qu’il s’agissait de la vérité. C’est tout le contraire d’une démarche scientifique. Le cardinal Bellarmin, sommité de connaissances de l’époque, a eu raison d’exiger la rétractation de Galilée devant pareille absurdité. Mais, de nos jours, les hommes d’Église sont encore paralysés par le « syndrome de Galilée», que Max Thürkauf appelle le « traumatisme de Galilée ».

Conséquences en théologie

Au sommet de l’orgueil on en arrive à déclarer que l’esprit provient uniquement de la matière inerte, non vivante. Mais Max Thürkauf nous fait remarquer que cet esprit est capable de construire des machines et des instruments de mesure qui ne peuvent ni détecter, ni fabriquer, ni mesurer l’esprit. L’esprit nie l’esprit. Ce paradoxe est insoutenable. Il implique de surcroît que la matière est immortelle, ayant toujours existé, alors que l’esprit est supposé disparaître avec la mort. La mort est la fin de tout.

C’est l’explication des tendances suicidaires et criminelles dans les sociétés fondées sur le matérialisme, qui conduit inexorablement au désespoir. Max Thürkauf ajoutait :

« L’Église enseigne qu’en vertu du Mystère d’Iniquité, gage de notre liberté, Satan peut influencer la Création déchue. Dans les sciences de la nature sans prière, Satan a pu inspirer aux scientifiques le chemin vers les noyaux des fruits de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal. »

(Max Thürkauf, ici, par ce jeu de mots, fait allusion au noyau atomique et à celui de la cellule, car ‘noyau’ en allemand se dit Kern).

Max Thürkauf s’est mis à la portée de ses contemporains en recherche de la Vérité et répond ainsi à leurs angoisses. Il a fait exactement le chemin inverse des théologiens modernistes, qui, abandonnant la théologie basée sur la Révélation, se sont d’abord fourvoyés dans les philosophies existentielles pour finir par idolâtrer les sciences matérialistes. Abandonnant le Qui?, négligeant le Quoi?, ils se polarisèrent sur le Comment? D’où la mise en doute systématique de toutes les données de la Révélation. La plupart de ces théologiens n’étaient pas des hommes de prière et cela peinait beaucoup Max Thürkauf.

Max Thürkauf, dans l’enthousiasme de sa conversion, s’était heurté à la crédulité des théologiens face à la science matérialiste. Il disait souvent: « Il est facile pour un scientifique de s’éloigner de Dieu dans une science sans prière, mais pour un théologien cet éloignement est encore plus rapide dans une théologie non fondée sur la prière. »

Ou encore: « Pour un scientifique croyant, il n’y a rien de moins digne de foi qu’un théologien idolâtrant les sciences matérialistes. » Et encore: « Les théologiens parlent de Dieu, mais ne parlent pas avec Dieu ». Certains théologiens lui ont affirmé que la prière n’était « qu’une auto-suggestion fruit de l’atavisme ou de l’éducation.»

Le médecin Johannes Hufschmidt, s’interrogeant sur cette capitulation des théologiens devant un fantôme, se demande « s’il n’est pas né, sous la pression des calomnies, un christianisme démoralisé, brouillé avec lui-même, qui n’accorde de crédibilité qu’à ses propres tourmenteurs. Mais la démoralisation est un péché contre le Saint-Esprit.»

Hélas, la situation ne s’est guère améliorée. En 2009, année Darwin, les prestigieuses universités catholiques à Rome et dans le monde n’ont pas eu le courage d’ouvrir le débat sur la validité scientifique des théories évolutionnistes et ont rejoint le troupeau bêlant des adulateurs de la plus grande imposture de tous les temps. Les enseignements évolutionnistes, même qualifiés de « mitigés » dans les séminaires et universités catholiques dès les années 1920 (par exemple Louvain en Belgique, Laval au Québec) par des prêtres de formation scientifique (ainsi le chanoine de Dorlodot à Louvain, le Père Messenger aux É.-U.), ont provoqué de graves dégâts dans les élites. Ces connaissances fausses ont été transmises aux générations suivantes, générations de moins en moins bien structurées intellectuellement et de plus en plus mal informées.

Conséquences pour les valeurs morales

Le credo évolutionniste mène à des absurdités du genre: « Puisque l’humanité est en évolution de plus en plus rapide grâce à la technique, toutes les valeurs traditionnelles n’étaient que passagères et il est urgent de s’en débarrasser au plus vite, pour « accélérer» cette même évolution. »

Les chercheurs athées modernes vous diront que le progrès ne peut être obtenu qu’en transgressant les tabous de la morale judéo-chrétienne, vestige d’une incomplétude explicable par le niveau scientifique trop faible des époques passées. Morale accusée d’être dépassée et de faire obstacle au progrès de l’humanité.

Le biologiste sir Julian Huxley (1887-1975) proposait son « humanisme évolutif » qui rejette tout absolu, toute vérité absolue, la morale absolue, la perfection et la beauté absolues, l’autorité absolue… Il écrivait: « est juste tout ce qui permet ou stimule l’évolution, et injuste tout ce qui gêne ou fait avorter l’évolution.» Inutile de dire que cette phrase servit de caution à des menées totalitaires dans le monde entier. Une telle idéologie règne en maîtresse dans les organisations de l’ONU, dans un monde en marche vers la dictature universelle de l’Antéchrist.

Cet affranchissement des valeurs morales est gravissime en matière de sciences du vivant et de respect de la vie.

Les remèdes.

Se libérer du darwinisme, oui, mais en se libérant du matérialisme. Max Thürkauf a mis le doigt sur la nécessité absolue de réformer toute connaissance en revenant à sa source qui est Dieu. Tout progrès basé orgueilleusement sur les techniques matérialistes est voué à l’échec. Les ennemis de Dieu le savent bien, seul le progrès spirituel est véritable et autorise un progrès technique sans effets pervers, sans esprit de domination, sans esprit de révolte. La subversion satanique est de proposer le progrès technique sans amélioration spirituelle de l’homme et, pire, en rabaissant l’homme, dominé par ses passions, au niveau des animaux.

Max Thürkauf pensait que le matérialisme entraînerait à brève échéance la ruine des sociétés occidentales. En effet, le gaspillage effréné de la société matérialiste, les atteintes permanentes à la vie et à la nature en général, ne peuvent durer sans conséquences dramatiques. La misère et la pauvreté résultantes induiront un enrichissement spirituel et une floraison des vertus chrétiennes.

« Le temps est venu pour les hommes de rendre compte à Dieu du matérialisme. Mais les hommes n’ont pas le temps de payer leur dette à Dieu; le temps c’est de l’argent. Le Prince de ce monde leur chuchote: «Time is money». Mais, par miséricorde, Dieu privera les hommes de leurs richesses, ils auront alors tout le temps, au milieu des afflictions, de se tourner vers la prière. »

« Comme les hommes ne peuvent pas vivre sans croire, ils croient qu’ils ne croient pas et croient en la science.»

À rapprocher de l’aphorisme de Chesterton: « Le problème avec les athées, ce n’est pas qu’ils ne croient en rien, c’est qu’ils croient en n’importe quoi.»

Ou de la phrase de Jean Rostand: « On ne peut jamais que croire, et toute la différence est entre les téméraires qui croient qu’ils savent et les sages qui savent qu’ils croient. » « La Vérité vous rendra libres », voilà le remède. Et pour cela Max Thürkauf préconisait la prière, le ora et labora des bénédictins, pas seulement chez soi, pas seulement à l’église, mais aussi dans les laboratoires et les lieux de travail.

Max Thürkauf entrevoyait une nouvelle génération de moines savants, de théologiens savants, de scientifiques savants, allant chercher la Vérité là où elle se trouve, c’est-à-dire dans le Logos, le Verbe de Dieu, et non pas là où les hommes croient qu’elle se trouve, c’est-à-dire dans leurs propres jugements.

La prière de tout maître, de tout professeur devrait être : « Mon Dieu, ne permettez pas que j’enseigne des erreurs à mes disciples », prononcée en tremblant, tellement la responsabilité est grande.

Comment est accueillie la pensée de Max Thürkauf ?

Bien entendu, les arguments de Max Thürkauf dérangent et se heurtent inexorablement à la loi psychologique du gratissimus mentis error, l’erreur agréable à l’esprit. Nous croyons ce qui nous plaît, conséquence de l’esprit subversif du « libre-arbitre » et de l’abus de liberté de l’homme.

Remarquons ici la redoutable efficacité des solides formations intellectuelles (jésuite, dominicaine, bénédictine) lorsqu’elles se mettent au service d’idées erronées qui s’opposent à la Vérité. Et ces errements ont leur source dans l’orgueil, dans le manque de courage de l’humilité.

Les matérialistes redoutent ces convertis, sortis de leurs rangs et qui débusquent méticuleusement toutes les contradictions de leur système de pensée. Il ne leur reste plus qu’à les accuser d’être retombés dans l’obscurantisme, sans pouvoir réfuter leurs analyses. Mais sont-ils crédibles, vu la compétence d’un Max Thürkauf en science, philosophie et théologie ?

Disons plutôt que l’obscurantisme est du côté de ces scientifiques qui ne croient pas à la vérité, mais qui veulent imposer au monde entier leur vision du monde en détruisant toute vision concurrente. La presse mondiale est inondée de ces lamentations hystériques contre les attaques de « pervers ignares » qui osent, crime horrible, critiquer une théorie aussi parfaite ! Ne nous laissons pas abattre par les vociférations des évolutionnistes et continuons ce travail de salubrité publique que Max Thürkauf nous propose : aimer les évolutionnistes et prier pour eux, sans renoncer à réfuter leurs erreurs. Ces deux actions étant le meilleur service à leur rendre.

Cette peur de la confrontation des idées dans un débat dépassionné, montre bien que les enjeux du combat sont de nature eschatologique. Si le hasard ou le caprice des hommes avait été le seul moteur dans la genèse des idées matérialistes, le débat aurait été possible, et non seulement possible, mais courtois et constructif. En réalité les idées matérialistes sont professées par des théophobes et non pas par de simples athées.

Influence en littérature, dans les arts.

En 2008, à une réunion de travail avec des littéraires à l’université Stendhal de Grenoble – où j’étais le seul scientifique – ayant pour sujet : « L’incidence idéologique et épistémologique de la pensée de Darwin au sein du discours littéraire à la fin du XIXème siècle : triomphes et contestations » et dirigée par le docteur ès lettres Sandrine Schiano-Bennis, la question fut posée de savoir si l’influence de Darwin avait été positive en littérature et dans les arts. La réponse fut non, en constatant que le darwinisme eut toutes les caractéristiques d’une idéologie, avec des conséquences sur la mentalité des élites : angoisses, pessimisme, disparition des valeurs, l’homme orphelin de père. Gilles Bonnet en 2004 parlait de « décadence pessimiesque[16] ». Les artistes fluctuaient entre romantisme darwinien et fatalisme implacable. Les participants avaient vaguement entendu parler d’une contestation par des scientifiques, ce que je pus confirmer en soulignant l’absence de débat sur la question.

L’évolutionnisme théiste, qu’en est-il ? :

Il se heurte aux mêmes obstacles que l’évolutionnisme athée, en particulier à :

-la science, puisque l’évolution n’a jamais été démontrée scientifiquement.

-la théologie, principalement avec le dogme du Péché originel. Les athées se moquent de ce dernier obstacle mais, pour des croyants, il devrait être pris en toute première considération. Et aussi à la perfection de la Création avant la Chute, la réalité d’Adam et Ève, l’Incarnation… etc.

La confiance aveugle dans les prétentions de la science matérialiste amène inexorablement à la contestation puis à l’abandon des dogmes chrétiens.

On prête à Dieu des actions stupides ou inconvenantes, fruits de l’imagination humaine. Ce n’est imaginable que dans une cervelle d’athée (ou plutôt de théophobe), non pour un chrétien.

Conclusions

Pour que nous puissions nous libérer du darwinisme, il faut avant tout nous libérer de toutes les idées erronées qui lui ont donné naissance. En résumé, nous avons besoin d’une cure de nettoyage des toxines intellectuelles qui encombrent la pensée moderne et peut-être aussi notre esprit :

-Contestation de l’inerrance biblique et de la Tradition, donc de la Révélation;

-Croyance dans l’exégèse de Galilée[17], (le « traumatisme de Galilée », le « syndrome de Galilée »).

Et en général nous devons perdre tout complexe d’infériorité et passer les arguments humains au crible de la Révélation. Dans le domaine des sciences naturelles il faut systématiquement demander raison aux scientifiques de leurs hypothèses.

Se passionner pour la Vérité; prier pour être éclairé; étudier avec passion; développer l’esprit critique en vue de réfuter les erreurs : la réfutation fait partie du raisonnement logique.

Toutes les autres conséquences : racisme, eugénisme et darwinisme social, sciences affranchies des valeurs, destruction de l’ordre de la Création, s’évanouiront comme par enchantement.

Cet exposé ne pouvant pas être exhaustif, je conseille de lire l’excellente synthèse du problème science/foi dans les ouvrages de Max Thürkauf[18], du père André Boulet[19] et de Dominique Tassot[20], parus aux Éditions Téqui. Jamais un éditeur n’aura fait autant en faveur du retour à une science véritable!

Et terminons par le philosophe Pierre Thuillier (1927-1998), connaisseur lucide de la science contemporaine[21] qui a écrit en 1982 : « Les chercheurs obtiennent des résultats dont l’intérêt et la valeur sont indéniables. Mais ce n’est pas une raison pour considérer les sciences comme une source de vérités absolues. Il serait dommage que l’enseignement scientifique favorise une nouvelle forme de superstition.»

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Une date à retenir dès maintenant :

25-26 septembre 2010

Colloque du CEP à Orsay (La Clarté-Dieu) Thème: Les limites de la science

Programme et formulaires d’inscriptions seront joints au prochain numéro.

L’enterrement d’un grand mythe[22]

C.S. Lewis[23]

Résumé: L’évolutionnisme apparaît au XVIIIème siècle dans la littérature française avec notamment Benoît de Maillet (Telliamed, 1748) et Diderot (Le Rêve de D’Alembert, 1769): on y trouve déjà l’évanescence des espèces, l’origine marine des êtres vivants terrestres, les hommes des cavernes et la croissance du cerveau. L’homme « à l’état de nature », chez Rousseau, vit sans langage et sans société organisée, anticipant ainsi sur les représentations de nos préhistoriens. Lamarck n’a donc fait que donner un habillage scientifique au mythe préexistant auquel lui-même croyait.

C.S. Lewis en donne ici une vaste démonstration à partir de la littérature anglo-saxonne antérieure à Darwin. Déjà le poète Keats, 40 ans avant De l’Origine des espèces, était acquis à une évolution progressive du corps humain, comme le Wotan de Wagner croyait à une ascension perpétuelle de tout ce qui est. C’est pourquoi B. Shaw et H.G. Wells n’ont pas transposé en mythe littéraire une hypothèse scientifique déjà bien établie sur un terrain rationnel solide. C’est exactement l’inverse: l’irrationnel gouverne le mythe depuis sa naissance et la science ne survient que comme « faire-valoir » tardif mais bienvenu. Un point suffit à le montrer: les changements observés par les

naturalistes ne sont généralement pas des progrès. Selon le biochimiste J.B.S. Haldane, par exemple, le progrès demeure l’exception, l’improbable.

Or le mythe populaire est entièrement acquis à une évolution progressive et n’en imagine pas d’autres, acceptant même une cosmologie universelle dans laquelle tout avance « vers l’avant et vers le haut », tendu vers un avenir supérieur, du moins jusqu’à l’anéantissement final. Or ce mythe est traversé par une contradiction majeure: si l’esprit et sa rationalité sont issus d’un substrat irrationnel, alors la notion de preuve perd son sens. De fait, quant aux « preuves » de l’évolution, la raison ne rejoint pas l’imagination. Le moment vient donc d’enterrer le mythe, fût-ce à regret, car il est toujours navrant de priver les gens de ce qui les enchante.

Il y a quelques erreurs que l’humanité a faites et dont elle s’est repentie si souvent qu’elle n’a vraiment aucune excuse de les commettre à nouveau. L’une de ces erreurs est l’injustice que commet chaque époque envers ses prédécesseurs; par exemple l’ignorance méprisante des humanistes (même de bons humanistes comme sir Thomas More [canonisé!]) à l’égard de la philosophie médiévale, ou celle des Romantiques (même des bons Romantiques comme Keats) pour la poésie du XVIIIème siècle. À chaque fois, toute cette « réaction » et ce ressentiment doivent être punis et passés sous silence; c’est un vrai gâchis. Il est tentant pour nous, à tout le moins, de voir si nous pouvons l’éviter. Pourquoi ne pourrions-nous pas donner à nos prédécesseurs un congé équitable et filial ?

En tout cas, c’est ce que je vais tenter de faire dans cet article. Je viens enterrer le grand Mythe du XIXème siècle et du début du XXème; mais aussi en faire l’éloge. Je vais prononcer une oraison funèbre.

Par le grand Mythe, j’entends cette image de la réalité provenant, durant cette période, non pas logiquement mais par imagination, de quelques unes des théories les plus frappantes et (pour ainsi dire) commercialisables des vrais savants. J’ai entendu appeler ce Mythe le « Wellsianisme ». Le nom est bien choisi car il rend justice à la part prise par un grand auteur [H.G. Wells] plein d’imagination à sa construction. Mais ce n’est pas satisfaisant. Il insinue, comme nous le verrons, une erreur sur la date à laquelle le Mythe est devenu dominant; et il laisse aussi croire qu’il n’a touché que les intelligences moyennes.

En réalité il est tout autant derrière le Testament of Beauty de Bridges[24] que derrière l’œuvre de Wells. Il gouverne des intelligences aussi différentes que celles du Pr Alexander et de Walt Disney. Il est implicite dans presque tous les articles modernes sur la politique, la sociologie et l’éthique.

Je l’appelle un Mythe parce que, comme je l’ai dit, c’est le résultat imaginaire et non pas logique de ce qu’on appelle vaguement la « science moderne. » Strictement parlant, il n’existe pas, je l’avoue, de « science moderne. » Il n’existe que des sciences particulières, toutes à un stade de changement rapide et, parfois, contradictoires entre elles. Ce que le Mythe utilise est une sélection de théories scientifiques – une sélection faite initialement, puis modifiée, pour obéir à des besoins imaginaires et émotifs. C’est l’œuvre de l’imagination populaire mue par son appétit naturel pour une unité imposante. Elle traite donc les données avec une grande liberté – les sélectionnant, escamotant, expurgeant et rajoutant à volonté.

L’idée centrale du Mythe est ce que ses croyants appellent « Évolution » ou « Développement » ou « Émergence », de même que l’idée centrale du mythe d’Adonis est Mort et Résurrection. Je ne veux pas dire que la doctrine de l’évolution à laquelle croient les biologistes en activité soit un Mythe. Des biologistes montreront plus tard, peut-être, qu’elle est une hypothèse moins satisfaisante qu’on ne l’espérait il y a cinquante ans. Mais cela n’en fait pas un Mythe. C’est une authentique hypothèse scientifique.

Mais nous devons soigneusement distinguer entre l’Évolution comme théorème biologique et l’évolutionnisme populaire ou le « développementalisme » qui est certainement un Mythe. Avant de le décrire et (ce qui est mon principal objet) de prononcer son panégyrique, je ferai mieux de montrer clairement son caractère mythique.

Nous avons, tout d’abord, la preuve par la chronologie. Si l’évolutionnisme populaire n’était pas (comme on se l’imagine) un Mythe, mais le fruit intellectuel légitime du théorème sur l’esprit public, il surgirait après que le théorème aurait été largement diffusé.

Nous devrions avoir le théorème connu d’abord par quelques uns, puis adopté par tous les savants, puis gagnant tous les hommes ayant reçu une éducation et commençant alors à influencer la poésie et les arts, pour finalement envahir la masse des gens.

En réalité, cependant, nous trouvons quelque chose de très différent. Les expressions poétiques les plus claires et les plus belles du Mythe apparaissent avant la publication de L’Origine des espèces (1859) et longtemps avant qu’il se soit établi comme orthodoxie scientifique. Il y avait eu, certes, des touches et des germes de la théorie dans les milieux scientifiques avant 1859. Mais si les poètes faiseurs de mythes furent tant soit peu infectés par ces germes, ils doivent vraiment avoir été très à la page, vraiment prédisposés à attraper l’infection. Presque avant que les savants eussent parlé, et même certainement avant qu’ils eussent parlé clairement, l’imagination était mûre pour cela.

La plus belle expression du Mythe en anglais ne vient pas de Bridges, ni de Shaw, ni de Wells, ni d’Olaf Stapledon. La voici:

De même que le Ciel et la Terre sont plus beaux, beaucoup plus beaux

Que le Chaos et les Ténèbres vides, quoique rois autrefois;

Et de même que nous nous montrons supérieurs à eux, le Ciel et la Terre

Par la forme, la cohésion et la beauté,

Par la volonté, la liberté, la fraternité

Et par des milliers d’autres signes d’une vie plus pure;

De même sur nos talons marche une perfection nouvelle,

Un pouvoir d’une beauté plus mâle, né de nous

Et destiné à nous surpasser, autant que nous surpassons

En gloire les antiques Ténèbres…

(Hyperion, II, 206-15)

Ainsi parle Oceanus, dans l’Hyperion de Keats, presque quarante ans avant De l’Origine des espèces.

Et sur le continent nous avons L’Anneau du Nibelung. Venant, comme je le fais, pour enterrer mais aussi pour faire l’éloge de l’âge enfui, je ne veux en aucun cas me joindre à la dépréciation moderne de Wagner. Il est possible, pour ce que j’en sais, qu’il ait été un mauvais bonhomme. Il se peut (mais je ne le croirai jamais) qu’il ait été un mauvais musicien.

Mais comme poète faiseur de mythe, il est incomparable. La tragédie du Mythe de l’Évolution n’a jamais eu d’expression plus noble que dans son Wotan, d’enchantements grisants plus irrésistibles que dans Siegfried.

Que lui-même eût su exactement ce qu’il écrivait se voit dans sa lettre à Auguste Rockel datée de 1854. « La progression de tout le drame montre la nécessité de reconnaître et de se soumettre au changement, à la diversité, la multiplicité, l’éternelle nouveauté du Réel. Wotan s’élève jusqu’à la hauteur tragique de vouloir sa propre chute. Cela est tout ce que nous avons à apprendre de l’histoire de l’Homme – vouloir l’inéluctable et l’accomplir nousmêmes. »

Si En remontant à Mathusalem de Shaw était réellement, comme il le supposait, l’œuvre d’un prophète ou d’un pionnier inaugurant le règne d’un nouveau Mythe, son ton principalement comique et sa température émotionnelle généralement basse seraient inexplicables. C’est admirablement drôle: mais ce n’est pas ainsi que les nouvelles époques viennent au monde.

La facilité avec laquelle Shaw joue du Mythe montre que le Mythe est pleinement digéré et déjà sénile. L’écrivain irlandais est le Lucien[25] ou le Snorri[26] de cette mythologie: pour trouver son Eschyle ou son Edda l’Ancienne vous devez revenir à Keats et à Wagner.

Voilà donc la première preuve que l’Évolution populaire est un Mythe. En le faisant, l’Imagination court devant la preuve scientifique. « L’âme prophétique de l’immense monde » était déjà enceinte du Mythe: si la science n’avait pas satisfait ce besoin de l’imagination, la science n’aurait pas été aussi populaire.

Mais, probablement, chaque âge obtient, dans certaines limites, la science qu’il désire.

En second lieu nous avons la preuve interne. L’évolutionnisme populaire ou « développementalisme » diffère par son contenu de l’évolution des biologistes. Pour le biologiste l’évolution est une hypothèse.

Elle cautionne davantage de faits que toute autre hypothèse actuellement sur le marché et il faut donc l’accepter à moins que, ou jusqu’à ce que, quelque nouvelle supposition ne cautionne encore plus de faits avec encore moins d’hypothèses. Du moins c’est, je crois, ce que la plupart des biologistes diraient. Le Pr D.M.S. Watson, il est vrai, n’irait pas si loin.

D’après lui, l’évolution « est acceptée par les zoologistes, non pas parce qu’on a observé son existence ou…que l’on puisse prouver qu’elle est vraie par une preuve logiquement cohérente, mais parce que la seule alternative, la création directe, est clairement incroyable. »[27] Cela voudrait dire que la seule raison pour y croire n’est pas empirique mais métaphysique – le dogme d’un métaphysicien amateur qui trouve que la « création directe » est incroyable. Mais je ne crois pas qu’on en soit vraiment arrivé là. La plupart des biologistes ont une foi plus solide dans l’évolution que le Pr Watson. Mais c’est certainement une hypothèse. Dans le Mythe, pourtant, il n’y a rien d’hypothétique: il est un fait, ou, pour parler plus rigoureusement, de telles distinctions sur le plan mythique n’existent pas du tout. Il y a d’autres différences plus importantes à considérer.

Pour la science, l’évolution est une théorie du changement; pour le Mythe c’est un constat d’améliorations. Ainsi un authentique savant comme le Pr J.B.S. Haldane s’efforce-t-il de montrer que l’idée populaire de l’évolution met un accent totalement injustifié sur les changements qui ont rendu les créatures (selon les standards humains) « meilleures » ou plus intéressantes. Il ajoute: « Nous sommes donc enclins à regarder le progrès comme la règle de l’évolution. En réalité il est l’exception et, pour chaque cas de progrès, il y en a dix de dégénérescence. »[28]

Mais le Mythe expurge tout simplement les dix cas de dégénérescence. Dans l’esprit populaire le mot « évolution » évoque l’image de choses allant « plus loin et plus haut » et absolument rien d’autre. On aurait pu prévoir qu’il en serait ainsi. Déjà, bien avant que la science eût parlé, l’imagination mythique connaissait le genre d' »évolution » qu’elle voulait.

Elle voulait le genre de Keats et de Wagner: les dieux remplaçant les Titans, et le jeune, joyeux, insouciant, amoureux Siegfried remplaçant Wotan rongé par les soucis, anxieux et empêtré dans ses conventions. Si la science offre des solutions pour satisfaire cette demande, elles seront acceptées avec enthousiasme. Si elle offre des solutions qui la contrarient, elles seront tout simplement ignorées.

Une fois encore, pour le scientifique l’évolution est seulement un théorème biologique. Celui-ci s’empare de la vie sur cette planète comme une affaire qui marche et essaie d’expliquer certains changements dans ce domaine. Il ne fait pas de déclarations cosmiques, pas de déclarations métaphysiques, pas de déclarations eschatologiques. Sachant que nous avons maintenant une intelligence que nous pouvons croire, sachant que la vie organique est apparue, il essaie d’expliquer, disons, comment une espèce qui avait autrefois des ailes les a perdues. Il explique cela par l’effet délétère de l’environnement agissant sur de petites variations. Par lui-même il n’explique pas l’origine de la vie organique, ni des variations, et il ne discute pas de l’origine et de la validité de la raison. Il peut bien vous dire comment le cerveau, par lequel la raison opère, est apparu, mais cela est une autre affaire.

Encore moins essaie-t-il de seulement tenter de vous dire comment l’univers dans son ensemble est apparu, ou ce qu’il est, ou vers quoi il tend. Mais le Mythe ne connaît aucune de ces réticences. Ayant retourné ce qui était une théorie du changement en une théorie du perfectionnement, il en fait alors une théorie cosmique. Ce ne sont pas seulement les organismes terrestres mais absolument tout qui avance « vers l’avant et vers le haut. » La raison a « évolué » à partir de l’instinct, la vertu des complexes, la poésie des exclamations et gémissements érotiques, la civilisation de la sauvagerie, l’organique de l’inorganique, le système solaire de quelque soupe sidérale ou d’un embouteillage de circulation.

Et inversement, raison, vertu, art et civilisation tels que nous les connaissons maintenant ne sont que les ébauches grossières ou embryonnaires de choses bien meilleures – peut-être la Divinité elle-même – dans un avenir lointain. Car, pour le Mythe, « Évolution » (tel que le Mythe l’entend) est la formule de toute existence.

Exister signifie passer du statut de « presque zéro » à celui de « presque infini. » Pour ceux qui ont été élevés dans le Mythe rien ne semble plus normal, plus naturel, plus plausible que du chaos puisse sortir l’ordre, de la mort la vie, de l’ignorance le savoir. Et nous atteignons alors le Mythe épanoui. C’est un des drames mondiaux les plus émouvants et gratifiants qui aient jamais été imaginés.

Le drame véritable est précédé (n’oubliez pas ici l’Or du Rhin) par le plus austère de tous les préludes; le vide infini et la matière se mouvant sans fin, sans but, pour faire surgir ils ne savent pas quoi. Puis, par quelque millionième, millionième hasard – quelle ironie tragique! – les conditions dans un point de l’espace et du temps font bouillonner dans cette minuscule fermentation ce que nous appelons la vie organique.

D’abord tout semble se dresser contre l’enfant, héros de notre drame; exactement comme tout s’opposait toujours au septième fils ou à la belle-fille maltraitée dans le conte de fée. Mais la vie finit par gagner. Avec des souffrances incalculables (les lamentations des Filles du Rhin ne sont rien à côté!) contre tous les obstacles insurmontables, elle s’étend, se reproduit, devient plus complexe; de l’amibe au reptile jusqu’au mammifère. La vie (voici notre premier sommet) « folâtre comme à la fleur de l’âge. » C’est l’âge des monstres: les dragons arpentent le monde, s’entre-dévorent et meurent.

Le vieux thème irrésistible du Fils Cadet ou du vilain petit canard est alors renouvelé. De même que la petite et faible étincelle de la vie elle-même commença au milieu de bêtes bien plus grandes et fortes qu’elle, voici que s’avance un petit bipède nu, frissonnant, recroquevillé, pas encore complètement debout, ne promettant rien de bon: le produit d’un autre millionième, millionième hasard. Son nom dans ce Mythe est Homme.

Ailleurs il fut le jeune Beowulf que les hommes prirent d’abord pour un lâche, ou le gringalet David armé seulement d’une fronde contre Goliath revêtu d’une cotte de mailles, ou Jean le tueur de géants lui-même, ou même le Petit Poucet. Il se développe bien.

Il commence par tuer ces géants. Il devient l’Homme des cavernes avec ses silex et son gourdin, marmonnant et grommelant sur les os de ses ennemis, presque une brute et pourtant capable d’inventer l’art, la poterie, le langage, les armes, la cuisine et presque tout le reste (son nom dans une autre histoire est Robinson Crusoé), traînant par les cheveux sa femelle hurlante (je ne sais pas exactement pourquoi), mettant en pièces ses enfants par jalousie terrible jusqu’à ce qu’ils soient assez vieux pour le mettre lui-même en pièces, et tremblant devant les terribles dieux qu’il a inventés à sa propre image.

Mais ce n’étaient là que douleurs de croissance. Dans l’acte suivant il est devenu vraiment homme. Il apprend à maîtriser la nature. La science naît et dissipe les superstitions de son enfance. Il devient de plus en plus le maître de son propre destin. Passant rapidement sur la période classique (au cours de laquelle le mouvement vers l’avant et vers le haut devient par endroits un peu flou, mais ce n’est rien du tout à l’échelle de temps que nous utilisons) nous suivons notre héros dans l’avenir. Voyez-le dans le dernier acte, mais pas la dernière scène, de ce grand mystère. Une race de demi-dieux gouverne maintenant la planète (dans quelques versions, la galaxie). L’eugénisme garantit que seuls des demi-dieux naîtront désormais; la psychanalyse assure qu’aucun d’eux ne perdra ou ternira sa divinité; l’économie qu’ils auront sous la main tout ce que des demi-dieux exigent. L’homme est monté sur le trône. Tout est rayonnement de gloire. Et maintenant, écoutez bien le coup final du génie poétique faiseur de mythe. Ce sont seulement les versions les plus triviales du Mythe qui finissent là. Car s’arrêter ainsi c’est un peu passer du sublime au ridicule, c’est même un peu vulgaire.

Si nous nous arrêtions ici, l’histoire serait privée de sa plus haute majesté. Par conséquent dans les meilleures versions, la dernière scène renverse tout. Arthur est mort, Siegfried est mort, Roland est mort à Roncevaux. Le crépuscule vole sinistrement audessus des dieux. Pendant tout ce temps nous avons oublié Mordred, Hagen, Ganelon.

Pendant tout ce temps la Nature, la vieille ennemie, qui paraissait seulement être défaite, sapait toutes choses silencieusement, sans arrêt, hors d’atteinte du pouvoir de l’homme. Le soleil va se refroidir, – tous les soleils vont se refroidir – l’univers tout entier va s’arrêter.

La vie (toutes les formes de vie) sera bannie sans espoir de retour de chaque centimètre cube de l’espace infini. Tout se termine dans le néant. « L’obscurité universelle recouvre tout. » Conformément à la tragédie élisabéthaine, le héros est rapidement tombé de la gloire à laquelle il avait accédé lentement: nous sommes renvoyés chez nous avec « le calme de l’esprit, toute passion apaisée. »[29] En fait, c’est beaucoup mieux qu’une tragédie élisabéthaine, car il y a une finalité plus complète.

Cela nous conduit à la fin non pas d’une histoire, mais de toute histoire possible: enden sah ich die Welt, j’ai vu le monde finir.

J’ai grandi en croyant à ce Mythe et j’ai ressenti – je ressens encore – sa noblesse presque parfaite. Ne laissons personne dire que nous sommes à une époque sans imagination: ni les Grecs ni les Normands n’ont jamais inventé meilleure histoire. Même aujourd’hui, selon l’humeur, je pourrais presque trouver dans mon cœur le souhait qu’elle ne soit pas mythique, mais vraie. Et pourtant, comment cela pourrait-il être ?

Ce qui rend impossible qu’elle soit vraie n’est pas tellement le manque de preuve pour telle ou telle scène du drame, que la contradiction mortelle qui la parcourt en entier. Le Mythe ne peut même pas démarrer sans accepter beaucoup des véritables sciences. Et les vraies sciences ne peuvent être admises que si leurs déductions rationnelles sont valides; car toute science se flatte d’être une série de conclusions tirées de faits observés.

Ce n’est que par de semblables déductions que vous pouvez accéder à vos nébuleuses et protoplasma, aux dinosaures et aux infrahumains et aux hommes des cavernes. Sauf si vous commencez par croire que la réalité dans l’espace le plus lointain et le temps le plus reculé obéit rigidement aux lois de la logique, vous n’avez aucune raison de croire en de quelconques astronomie, biologie, paléontologie ou archéologie.

Pour atteindre les positions tenues par les vrais savants – qui sont alors happés par le Mythe – vous devez, en fait, traiter la raison comme un absolu. Mais au même moment le Mythe me demande de croire que la raison est simplement le sous-produit imprévu et involontaire d’un processus inintelligent à un stade de son devenir sans fin ni but.

Le contenu du Mythe détruit sous moi le seul fondement sur lequel je pouvais asseoir la véracité du Mythe lui-même. Si mon propre esprit est un produit de l’irrationnel – si ce qui semble être mes raisonnements les plus clairs ne sont que l’état qu’une créature conditionnée comme je le suis est obligée d’éprouver – comment pourrai-je croire mon esprit lorsqu’il me parle d’évolution? Ils disent en effet: « Je prouverai que ce que vous appelez une preuve n’est que le résultat d’habitudes mentales provenant de l’hérédité, qui provient de la biochimie, qui provient de la physique. »

Mais cela revient à dire: « Je prouverai que les preuves sont irrationnelles »; plus brièvement « Je prouverai qu’il n’y a pas de preuves. » Le fait qu’il n’y ait aucun moyen, à certaines personnes ayant une formation scientifique, de leur faire voir la difficulté, confirme notre soupçon que nous touchons-là à une maladie radicale dans tout leur style de pensée. Mais celui qui le voit est contraint de rejeter comme mythique la cosmologie dans laquelle la plupart d’entre nous avons été élevés. Qu’elle contienne de nombreuses vérités particulières, je n’en doute pas; mais dans sa totalité elle ne fera simplement pas l’affaire. À quoi que puisse bien ressembler l’univers réel, il ne peut pas ressembler à cela.

J’ai parlé jusqu’ici du Mythe comme de quelque chose qu’il faut enterrer parce que je pense que sa prédominance est déjà passée, en ce sens que ce qui m’apparaît être les mouvements les plus vigoureux de la pensée contemporaine s’en éloignent. La physique (discipline moins facilement mythologique) remplace la biologie comme la science par excellence dans l’esprit de l’homme de la rue.

Toute la philosophie du devenir a été vigoureusement contestée par les « Humanistes » américains. La renaissance de la théologie a atteint des proportions avec lesquelles il faut compter. La poésie et la musique romantiques, dans lesquelles l’évolutionnisme populaire trouva sa contrepartie naturelle, passent de mode. Mais évidemment un Mythe ne meurt pas en un jour.

On peut s’attendre à ce que ce Mythe, lorsqu’il aura quitté les milieux culturels, conservera longtemps son emprise sur les masses, et même lorsque celles-ci l’auront abandonné il continuera pendant des siècles à hanter notre langage. Ceux qui souhaitent l’attaquer doivent prendre soin de ne pas le mépriser. Sa popularité a des raisons profondes. L’idée de base du Mythe – que de petites, chaotiques, faibles choses se transforment perpétuellement en choses grandes, fortes et ordonnées – peut, à première vue, paraître très bizarre. On n’a jamais vu un tas de décombres se transformer en maison. Mais cette étrange idée plaît à l’imagination grâce à ce qui paraît en être deux exemples que tout le monde connaît. Chacun a vu des organismes le faire. Les glands deviennent des chênes, les larves deviennent des insectes, les œufs des oiseaux, et tout homme fut à un moment un embryon.

En second lieu – argument qui pèse lourd dans l’esprit populaire à l’âge des machines – tout le monde a vu l’évolution se produire réellement dans l’histoire des machines. Nous nous souvenons tous des locomotives plus petites et moins performantes que maintenant. Ces deux exemples évidents sont bien suffisants pour convaincre l’imagination que l’évolution au sens cosmique est la chose la plus naturelle du monde. Il est vrai que la raison ne peut pas être ici d’accord avec l’imagination. Ces exemples évidents ne sont pas du tout des exemples d’évolution. Le chêne vient bien du gland, mais le gland était tombé d’un chêne préexistant. Chaque homme commence avec l’union d’un ovule et d’un spermatozoïde, mais l’un et l’autre venaient de deux êtres humains complètement développés. La locomotive de l’express moderne vient du Rocket, mais le Rocket est venu, non pas de quelque chose d’inférieur et de plus élémentaire que lui-même, mais de quelque chose de beaucoup plus développé et hautement organisé, l’intelligence d’un homme, et d’un homme de génie.

L’art moderne s’est peut-être « développé » à partir de l’art sauvage. Mais la toute première image n’a pas « évolué » elle-même: elle est venue de quelque chose d’extraordinairement plus grande qu’elle-même, de l’esprit de cet homme qui, en découvrant pour la première fois que des marques sur une surface plane peuvent être faites pour ressembler à des animaux et à des hommes, s’est révélé dépasser en pur génie tous les artistes qui lui ont succédé.

Il est peut-être vrai que si nous remontons au commencement de n’importe quelle civilisation, nous trouverons ces origines grossières et sauvages: mais si vous regardez de plus près, vous découvrirez habituellement que ces commencements eux-mêmes proviennent du naufrage de quelque civilisation antérieure.

En d’autres termes, les exemples apparents d’évolution, ou ses analogies, qui impressionnent l’imagination populaire, opèrent en fixant notre attention sur une moitié du processus. Ce que nous voyons réellement autour de nous est un processus double: le « largage » parfait d’une graine imparfaite qui va se développer jusqu’à la perfection. En se concentrant exclusivement sur la phase d’ascension dans ce cycle nous croyons voir « l’évolution. » Je ne nie pas le moins du monde que les organismes de cette planète puissent avoir « évolué. »

Mais si nous devons nous guider selon l’analogie de la Nature telle que nous la connaissons maintenant, il serait raisonnable de supposer que ce processus d’évolution était la seconde moitié d’un long dessein; que les premiers commencements de la vie sur cette planète ont eux-mêmes été « largués » là par une vie pleine et parfaite. L’analogie peut être erronée. Peut-être que la Nature était différente autrefois. Peut-être que l’univers dans son ensemble est très différent de ses parties qui tombent sous notre observation. Mais s’il en est ainsi, s’il y eut autrefois un univers mort qui, d’une manière ou d’une autre se rendit lui-même vivant, s’il y eut un état sauvage originel qui s’est élevé lui-même en se soulevant par ses bretelles jusqu’à la civilisation, alors nous devrions reconnaître que des choses de ce genre ne se produisent plus maintenant, que le monde auquel on nous demande de croire est radicalement différent du monde de notre expérience. En d’autres mots, toute la plausibilité immédiate du Mythe disparaît.

Mais le Mythe ne s’est évanoui que parce que nous avons cru qu’il demeurerait plausible pour l’imagination, et c’est l’imagination qui fait le Mythe; il ne prend de la pensée rationnelle que ce qui lui plaît.

Une autre source de force du Mythe est ce que les psychologues appelleraient son « ambivalence. » Il satisfait de façon égale deux tendances opposées de l’esprit, la tendance au dénigrement et la tendance à la flatterie.

Avec le Mythe tout devient quelque chose d’autre: en fait tout est quelque chose d’autre à un stade plus ou moins avancé de son développement, le stade dernier étant toujours le meilleur.

Cela veut dire que si vous vous sentez comme Mencken[30] vous pouvez discréditer toutes les choses respectables en montrant qu’elles sont « simplement » des expressions de choses peu recommandables. L’amour est « simplement » une manifestation du désir sexuel, la vertu simplement un produit de l’instinct, etc.

Cela veut dire aussi que si vous êtes ce que les gens appellent un « idéaliste » vous pouvez considérer toutes les mauvaises choses (en vous-même, dans votre parti ou votre nation) comme étant « simplement » les formes sous-développées de toutes les belles choses: le vice n’est que la vertu sous-développée, l’égoïsme que l’altruisme sous-développé; un petit peu d’éducation arrangera tout cela.

Le Mythe apaise aussi les vieilles blessures de notre enfance. Sans aller aussi loin que Freud, nous pouvons bien admettre que chaque homme éprouve une vieille rancune contre son père et son premier maître. L’éducation, aussi bien faite fût-elle, ne peut manquer d’offenser. Quel plaisir alors d’abandonner la vieille idée de « descente » de ceux qui nous ont concoctés, en faveur de la nouvelle idée « d’évolution » ou « d’émergence »: nous avons le sentiment d’être sortis d’eux comme une fleur de la terre, que nous les transcendons comme les dieux de Keats transcendèrent les

Titans.

On éprouve alors une sorte d’excuse cosmique de considérer son père comme un vieux Mime[31] brouillon et sa prétention à notre respect ou gratitude comme un insupportable Stammenlied.[32] « Hors du chemin, vieux fou: c’est nous qui savons forger

Nothung! »[33]

Le Mythe plaît aussi à ceux qui veulent nous vendre quelque chose. Autrefois, un homme avait une carriole familiale construite pour lui lorsqu’il se mariait, carriole qu’il espérait voir durer toute sa vie.

Un tel état d’esprit ne conviendrait guère aux fabricants modernes. Mais l’évolutionnisme populaire leur convient parfaitement. Rien ne doit durer. Ils veulent que vous ayez une nouvelle voiture, une nouvelle radio, un nouveau quelque chose chaque année. Le nouveau modèle doit toujours remplacer l’ancien. Madame aimerait avoir la dernière mode. Car c’est cela l’évolution, le développement; c’est la voie que l’univers lui-même suit: et la « résistance à la vente » est le péché contre le Saint-Esprit, contre l’élan vital.

Finalement, la politique moderne serait impossible sans le Mythe. Ce dernier est né pendant la période révolutionnaire. Mais sans l’idéal politique de cette période, il n’aurait jamais été accepté. Cela explique pourquoi le Mythe se concentre sur l’unique cas de « progrès » biologique de Haldane et ignore ses dix cas de « dégénérescence. » Si les cas de dégénérescence étaient gardés à l’esprit, il serait impossible de ne pas voir que n’importe quel changement dans la société pourrait aussi bien détruire les libertés et agréments dont nous jouissons déjà, qu’en apporter de nouveaux; que le danger de revenir en arrière est au moins aussi grand que celui d’avancer; qu’une société prudente doit dépenser au moins autant d’énergie pour conserver ce qu’elle a que pour son amélioration. Une claire conscience de ces truismes serait fatale à la fois à la Gauche politique et à la Droite politique des temps modernes. Le Mythe obscurcit cette conscience. Les grands partis ont tout intérêt à maintenir le Mythe.

Nous devons donc nous attendre à ce qu’il survive dans la presse populaire (y compris la presse prétendue humoristique) longtemps après son expulsion des cercles cultivés. En Russie [soviétique] où il a été intégré dans la religion d’État, il peut survivre pendant des siècles, car

Il a de grands alliés,

Ses amis sont la propagande, les slogans du parti,

Les idioties, et l’incorrigible esprit de l’Homme.

Mais ce n’est pas la note sur laquelle je souhaiterais terminer. Le Mythe a tous ces alliés indignes, mais nous nous égarerions si nous pensions qu’il n’en a pas d’autres. Comme j’ai essayé de le montrer, il a également de meilleurs alliés.

Il fait appel aux mêmes besoins innocents et permanents en nous qui accueillent Jean le tueur de géants. Il nous donne presque tout ce dont l’imagination a soif: ironie, héroïsme, immensité, unité dans la multiplicité, et une conclusion tragique. Il fait appel à presque tout de moi, sauf ma raison. C’est pourquoi ceux d’entre nous qui ont l’impression que le Mythe est déjà mort pour nous, ne doivent pas faire l’erreur d’essayer de le « déboulonner » de la mauvaise manière.

Nous ne devons pas nous imaginer que nous protégeons le monde moderne contre quelque chose de sinistre et d’ennuyeux, quelque chose qui affame l’âme. Le contraire est la vérité. Notre pénible devoir est de réveiller le monde d’un enchantement. L’univers réel est probablement, à bien des égards, moins poétique, certainement moins ordonné et unifié qu’ils l’avaient supposé. Le rôle de l’homme y est moins héroïque. Le danger réel qui est audessus de lui manque peut-être entièrement de vraie dignité tragique. C’est seulement, en dernier ressort, après avoir renoncé à toutes les poésies médiocres et soumis strictement l’imagination à l’intelligence, que nous serons capables de leur offrir quelque compensation pour ce que nous allons leur prendre. C’est pourquoi, en attendant, nous devons traiter le Mythe avec respect. Tout n’était qu’absurdités (sur un certain plan), mais un homme serait un bouledogue s’il ne pouvait pas ressentir le frisson et le charme qu’il donne. Pour ma part, bien que je n’y croie plus, je l’aimerai toujours comme j’aime d’autres mythes.

Je conserverai mon homme des cavernes là où je garde Balder[34] et Hélène et les Argonautes, et je leur rendrai souvent visite.

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LES DESSOUS DE LA PRÉHISTOIRE

Comment le nom

du cheval nous

éclaire sur les

anciens cultes

funéraires,

ou

Un problème de toponymie celtique en

Languedoc occidental éclairé par le nom du cheval

Jean Taffanel

Résumé: Après les Ibères et les Ligures, le site de Mailhac (Aude) fut occupé par les Volques Tectosages, des Gaulois et aussi des cavaliers qui devinrent la minorité dirigeante et imposèrent leur langue celtique. Or une branche de l’expansion celte allait gagner l’Europe du Nord jusqu’en Finlande. On peut peut-être expliquer ainsi la proximité du mot finnois hébo pour jument, avec le languedocien êgo, corroboré par la présence sur le site d’une céramique du VIIème siècle avant Jésus-Christ dont la forme et les motifs se retrouvent sur la même extension géographique. De même le mot celte marco pour cheval se retrouve dans le languedocien marcou. Or un vase du Bronze final trouvé dans la nécropole de Las Fados montre l’âme du mort emportée vers l’Hadès sur le dos d’un cheval. On peut donc conclure que la conquête celte a continué les cultes chtoniens rendus aux âmes des ancêtres.

Ayant analysé une étude intitulée Le nom du cheval chez les Celtes, en relation avec quelques problèmes archéologiques[35], nous avons vu apparaître un riche dossier relié aux cultes chtoniens[36] de la période mégalithique. Il faut savoir que les dolmens édifiés dans la 2ème période (1800 avant Jésus-Christ) par nos premiers Ligures languedociens, furent l’objet d’un culte rendu aux ancêtres jusqu’au bas empire romain. Les Volsques « Tectosages » étaient, comme nous le savons, des Gaulois (comme par ailleurs les Galates, mais ce terme les met surtout dans la grande famille celtique). Après leur conquête du Languedoc sur les Ibéro-Ligures (vers 320 avant Jésus-Christ), il y eut fusion des Volsques avec la société ibéro-ligure.

Cette suprématie militaire des Volsques sur les populations précédentes ne détruisit aucune ancienne croyance ligure, bien au contraire! Les nouveaux occupants celtes respectèrent le cadre cultuel ibéro-ligure, d’autant que cette société préexistante leur était numériquement bien supérieure.

Cependant la langue devint celtique et non plus ibère ou ligure; une toponymie celtique se surajouta, faisant apparaître des noms de lieux nettement celtiques, mais où les racines ont conservé très souvent le nom d’origine. Nos Ligures adoptèrent donc un certain nombre de termes celtiques, mais cela ne changea en rien le culte qu’ils rendaient aux ancêtres sur l’emplacement des tombeaux dolminiques. Nous insistons sur ce point, car il éclairera notre recherche toponymique en relation avec les croyances ligures.

Pour commencer, signalons une étrange correspondance onomastique entre deux régions fort distantes. Nous lisons ceci (op.cit., p. 127): « le finnois possède Hebo : jument. » Or dans notre montagne audoise, dans le Saint-Ponnais jusqu’à l’Aveyron, la jument est ainsi désignée: êgo (en dialecte languedocien)[37]. Pour notre part, nous apercevons une étroite parenté onomastique entre le terme finnois hebo pour désigner la jument, et êgo en Languedoc. Certes on objectera qu’en finnois il y a un B, et en Languedoc un G. Je répondrais que la permutation d’une consonne dans le cadre d’un mot est chose bien attestée.

D’autre part l’expansion de ce terme de la Finlande jusqu’au Languedoc peut s’expliquer. Il y eut, au Néolithique moyen et final, une expansion des descendants de Thogarma, fils de Gomer, depuis l’Asie Mineure jusqu’à l’Europe Centrale et l’extrême nord de l’Europe. Thogarma est reconnu comme l’ancêtre biblique des Arméniens, mais aussi des Thraco-Phrygiens, étroitement apparentés aux Arméniens. Je ne m’étendrai pas ici sur ce dossier, mais je puis affirmer que Thogarma est bien l’ancêtre commun des Arméniens et des Phrygiens, au témoignage des auteurs de l’Antiquité.[38]

Un dossier récent, que nous avons étudié[39], décrit la typologie d’une céramique que l’on retrouve au Néolithique récent à travers toute l’Europe Centrale, avec même une pièce (coupe décorée) au Danemark. La céramique étudiée se retrouve en Languedoc au VIIème siècle avant Jésus-Christ, avec de nombreuses correspondances de formes, et parfois de décors, dans une société thraco-phrygienne, celle des Bébryces[40].

Tous ces jalons nous permettent de penser que la genèse de notre civilisation thraco-phrygienne du VIIème siècle avant JésusChrist en Languedoc a son origine au Caucase. Suit son passage en Asie Mineure et enfin son expansion tant vers l’Europe Centrale que vers la Volga et l’Oural, puis jusqu’à l’extrême nord de l’Europe.

Par conséquent le terme finnois hebo: jument et le languedocien êgo peuvent avoir la même origine, ayant accompagné les descendants de peuples qui avaient le même fonds linguistique. Ce terme n’est donc pas proprement celtique, pas davantage ligure ni même ibère, mais thraco-phrygien; telle sera notre conclusion.

Passons maintenant à un autre terme qui nous livrera de riches perspectives. L’un des noms du cheval en celte est marco(s), mais ce terme désigne le cheval monté par un cavalier; ce point est important. Dans l’étude de J. M. Loth, nous lisons (p. 182): « En vieux gallois, vieux cornique, vieux breton, les noms propres composés avec marco ou son dérivé marcaco : cavalier, sont nombreux. »[41] Nous retrouvons donc ici marco(s), cheval avec son cavalier. Or dans le Compoix de Mailhac (Aude), en 1671, est mentionné le lieu-dit Mount Marcou. Or à cet endroit précis se dresse le dolmen de Mailhac qui a livré un riche mobilier funéraire à son inventeur. Ce terme Mount Marcou doit être interprété ainsi: le mont du cavalier. Marco passe à Marcou, mais en Languedoc cela est tout à fait normal. Citons le latin olla, qui, en languedocien devient oulo (pron. oula), le morel qui se prononce mourel, etc.

Maintenant, que vient faire ce cavalier autour d’un dolmen? On peut répondre à cette question, en consultant une étude de Fernand Benoît [42] où se trouve le passage suivant :

« La représentation du voyage du défunt sur un cheval appartient à la plus ancienne symbolique méditerranéenne. On la trouve en Crète dès l’époque minoenne et sur la céramique des Cyclades. » Ajoutons que nous l’avons reconnue gravée sur un vase d’une tombe Bronze final de la nécropole de Las Fados (commune de Pépieux, Aude), avec d’autres graffiti qui nous ont livré un riche message à caractère chtonien.

Le cavalier, nettement représenté sur le dos du cheval, n’est autre que l’âme du mort emportée dans l’Hadès. Sur le même vase, le cheval voisin porte sur son dos un dolmen, ce qui ne peut nous surprendre, puisque sur un plat d’une autre tombe le dolmen figure, répété dix fois en frise verticale.

Ainsi pourrons-nous conclure que les croyances ibéro-ligures reliées au culte des ancêtres restèrent en honneur après l’occupation celtique par les Volsques Tectosages, mais le message s’est transmis dans la langue celtique.

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In memoriam Jean Taffanel (1917-2009)

Notre ami Jean Taffanel a quitté ce monde le 9 mai dernier, alité depuis deux ans, mais lucide. Avec sa sœur, il avait poursuivi depuis l’adolescence, sur le site même de Mailhac (Aude) où il était né, une œuvre archéologique étonnante, indissociable de sa vie personnelle. Il avait eu en rêve plusieurs visions du passé, qui se sont révélées exactes et l’aidèrent à fouiller. On trouva à Mailhac les tombes et les traces des Ibères, des Ligures et des Celtes qui se succédèrent (et sans doute fusionnèrent) sur ce lieu privilégié. Ossements, armes, poteries, etc., s’accumulèrent peu à peu et la bastide devint un musée privé, aujourd’hui propriété du Ministère de la Culture. De l’histoire du site et de son découvreur, nous évoquerons deux traits.

D’abord, que cette découverte serait impossible aujourd’hui: les fouilles archéologiques sont interdites aux amateurs, et le propriétaire qui les souhaite doit payer (sans le diriger) le personnel spécialisé qui sera seul autorisé à opérer. Notre viticulteur de 15 ans serait éconduit sans façon !

Ensuite, que l’intuition divinatrice joue un rôle décisif dans les découvertes.

Apercevant la photo d’une fosse profonde de 3 mètres au fond de laquelle avaient été trouvées des épées gauloises[43], nous lui demandâmes pourquoi il avait eu la patience de creuser aussi profond en ce lieu précis. « Je savais que c’était là », répondit-il. Voilà bien une science qu’on n’enseignera jamais à l’Université !

De cette fréquentation quotidienne avec les restes de nos lointains ancêtres, Jean Taffanel avait retiré un profond respect, et aussi une forme d’identification, envers ces hommes dont les cultes funéraires et l’ingéniosité technique démontrait la commune nature avec la nôtre.

Il ne crut jamais au mythe évolutionniste, voyant tout au contraire les anciennes religions comme issues d’une seule révélation primitive transmise à tous depuis Noé. Ibères, Ligures et Celtes ont bien leur exacte place dans les tables ethnographiques du chapitre 10 de la Genèse et, sachant ce que valaient les « datations » archéologiques, il n’eut aucune difficulté pour accorder la chronologie toute relative des archéologues aux durées calendaires données dans la Bible. Cette vision des origines provoqua des incompréhensions de la part des étudiants qui venaient travailler sur le site et ne voyaient pas tout ce qu’ils auraient pu tirer d’un homme sans aucun diplôme supérieur mais qui, par l’intuition et par de vastes lectures, comprenait de l’intérieur les pensées et les sentiments de ceux qu’il vénérait comme ses propres ancêtres.

Nul doute que ce catholique convaincu avait hâte de rejoindre, in somno pacis, Dieu et tous les saints, mais aussi ceux dont il a passé sa vie à méditer le passage sur cette terre audoise qui vient d’accueillir à son tour sa dépouille mortelle.

Que sa sœur trouve ici le témoignage de nos profondes condoléances

SOCIÉTÉ

« Il a plu à Dieu qu’on ne pût faire aucun bien aux hommes qu’en les aimant.« (P. Le Prévost)

Les affections iatrogéniques, un délit à sanctionner [44]

Pr Pierre Cornillot [45]

Présentation : On parle de plus en plus souvent des maladies « nosocomiales », contractées à l’hôpital, en pensant surtout aux microbes résistant aux antibiotiques. Mais il existe aussi toute une catégorie d’affections « iatrogéniques », dont la cause directe est un acte médical. Le professeur Cornillot montre ici qu’il ne s’agit nullement d’un phénomène marginal, même si les professionnels de santé – c’est humain – ont tendance à l’escamoter et si les statistiques n’en rendent compte que très partiellement.

La grande presse est régulièrement saisie par des informations qui mettent en cause des médicaments qui se sont révélés dangereux ou toxiques. En provenance des É.-U. pour une part importante, ces affaires se soldent en général par des transactions ou des condamnations qui portent sur des sommes extrêmement élevées. On peut citer, parmi les plus récentes affaires, celle du Vioxx, un anti-inflammatoire dont les effets toxiques indésirables ont été reconnus; mais aussi celle du Prozac, un anxiolytique aux effets secondaires redoutables chez certaines personnes; ou encore celle du groupe des statines, hypocholestérolémiants, accusés de provoquer des désordres musculaires plus ou moins graves, parmi d’autres.

Mais ce qui semble échapper encore à l’opinion, c’est l’importance de ces affections, pas seulement médicamenteuses, dans le quotidien de notre système de santé et des conséquences personnelles et économiques qu’elles entraînent.

Un peu de curiosité dans la littérature mondiale apporte des éclairages stupéfiants.

Disons d’abord que les affections iatrogéniques ont une caractéristique générique commune: elles sont toutes dues à un geste médical au sens le plus large, le mot iatrogénique signifiant littéralement engendré par le médecin (iatros en grec). Et là, bien sûr, vient se situer une mauvaise volonté évidente des médecins et des laboratoires pour reconnaître la part de responsabilité qui leur incombe. Disons seulement que le monde médical et pharmaceutique avance à reculons dans la reconnaissance de l’importance du problème.

Pour tenter de prendre la dimension du problème, il faut souligner que la nature de ces affections est très variable selon qu’il s’agit de la prescription médicale d’un médicament susceptible de provoquer des désordres par sa nature même (un anticoagulant par exemple ou une chimiothérapie), d’une sensibilité particulière du patient à la nature chimique du médicament (certaines personnes sont allergiques à l’aspirine, d’autres à certains antibiotiques), d’une erreur de prescription entraînant un surdosage, ou d’une synergie défavorable entre deux médicaments conduisant à des troubles plus ou moins graves. Mais il n’y a pas que les médicaments qui peuvent être en cause. Certaines études montrent qu’à l’hôpital près de 50 % des affections iatrogéniques sont provoquées par les actes chirurgicaux. De même, on observe des effets iatrogéniques parfois graves dans différentes explorations et investigations à visée diagnostique, comme les coronarographies, les examens radiologiques avec produits de contraste (allergie à l’iode), les radiothérapies… C’est donc tout un monde de risques qui fait son apparition dans l’univers de la santé et qui pose de vastes problèmes de préjudices, de coûts et de responsabilités.

Certes, il n’est pas question de minimiser les effets bénéfiques de tous ces moyens d’investigation ou de traitement, mais il semble indispensable d’apporter toutes les clarifications nécessaires afin que cesse cette occultation permanente des risques encourus par les patients du simple fait des prescriptions qui leur sont proposées, et le plus souvent imposées.

Dans le but d’y voir plus clair, les autorités gouvernementales ont entrepris, en juin 2004, une grande enquête dans 71 établissements de santé: l’Étude nationale sur les événements indésirables liés aux soins, l’ENEIS. L’extrapolation tirée de l’étude ENEIS à l’échelon national permet d’avancer qu’il survient, chaque année, entre 350 000 et 450 000 événements indésirables graves chez les personnes hospitalisées, le risque étant un peu plus élevé en chirurgie (7 événements/1 000 journées d’hospitalisation) qu’en médecine (6,2/l 000). Les patients les plus fragiles sont hospitalisés en gériatrie, en réanimation chirurgicale et en néonatalogie.

Outre les décès consécutifs à ces troubles iatrogéniques (plusieurs milliers de cas par an), le coût de ces affections s’évalue actuellement à plus d’un million de journées d’hospitalisation en plus, soit 3 % au moins de toutes les hospitalisations, et se chiffre en milliards d’euros.

Mais le problème se complique encore si l’on tient compte des patients soignés en ville et hospitalisés pour une affection iatrogénique contractée hors de l’hôpital. L’étude conduit à évaluer ces cas: de 175 000 à 250 000 patients sont hospitalisés tous les ans, soit de nouveau 3 % des hospitalisations, les 2/3 pour une affection iatrogénique contractée en soins de ville et l/3 pour des complications d’hospitalisation antérieure.

Tout le monde s’accorde pour reconnaître qu’au moins 30 % de ces affections pourraient êtres évitées au prix de diverses mesures prophylactiques et de soins précautionneux.

La lecture de la littérature internationale ne fait que confirmer les conclusions de cette étude ENEIS. En particulier, aux É.-U., une étude, conduite par un groupe de médecins, réunit plusieurs données qui font frémir: en 1998, le nombre des personnes hospitalisées présentant une affection iatrogénique est évalué à 2,2 millions. Différents autres chiffrages permettent de conclure en 2003 à 8,9 millions d’hospitalisations inutiles, et à 790 000 décès, principale cause de décès avant les maladies cardiovasculaires et les cancers. Certes, ces estimations peuvent être contestées, mais plusieurs études font apparaître que le système médical et hospitalier minore volontairement la fréquence et la gravité de ces accidents.

Aux É.-U., seuls 5 % à 20 % des accidents iatrogéniques sont comptabilisés. En Grande-Bretagne, une étude sur des maternités montre que seul un quart des affections iatrogéniques est signalé.

On voit donc qu’il s’agit d’un problème considérable auquel le monde médical doit avoir le courage de s’attaquer. De ce point de vue, les esprits changent lentement, mais on peut raisonnablement espérer que diverses mesures permettront de réduire ces effets néfastes des actes médicaux et pharmaceutiques et que nous pourrons voir enfin reconnu un fléau si volontairement et si maladroitement étouffé.

La Pologne persiste et signe :

le vaccin contre le virus H1N1 est dangereux[46]

Le gouvernement polonais tient bon: il refuse toujours de faire procéder à la vaccination de la population contre le virus de la grippe H1N1.

« Nous savons que les sociétés qui offrent les vaccins contre la grippe H1N1 – a déclaré le Premier ministre, Donald Tusk, – ne veulent pas prendre la responsabilité des effets secondaires de ce vaccin. (…) Elles demandent des clauses qui ne sont probablement pas conformes à la législation polonaise, et qui rejettent toute la responsabilité sur le gouvernement d’un pays en ce qui concerne les effets secondaires et les indemnisations éventuelles. »

Le Premier ministre polonais fait allusion aux clauses dérogatoires du droit commun acceptées par les États-Unis et par la France pour dégager les laboratoires pharmaceutiques de toute responsabilité quant aux effets secondaires indésirables de ce vaccin. Normalement, un laboratoire est responsable des conséquences sanitaires indésirables d’un produit. Or la France a, par exemple, accepté de dégager la responsabilité des fabricants de « toute réclamation ou action judiciaire qui pourraient être élevées à [leur] encontre dans le cadre des opérations de vaccination. »

Que se passera-t-il dans quelques mois, quand les victimes des effets secondaires de cette vaccination massive effectuée en dépit du bon sens commenceront à affluer?

Les malades vont-ils – encore une fois – se retourner contre l’État?

Comment la France a-t-elle pu autoriser un tel désengagement de la part de laboratoires qui ont pourtant reçu des centaines de millions d’euros de commandes publiques?

Bravo la Pologne!

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In memoriam Thérèse Soulier (1927-2010)

Le jour de Pâques s’est éteinte cette fidèle participante des colloques du CEP. Aînée de sa famille, elle dût interrompre ses études en Sorbonne à la mort de son père, en 1949, pour subvenir aux besoins de tous, mais n’en conserva que mieux le goût des choses de l’esprit.

A côté d’une carrière d’institutrice, cette « fourmi laborieuse », comme l’appelaient les scouts, aura passé sa vie à servir Dieu et son prochain, engagée dans de nombreuses activités sociales et caritatives (chorale, scoutisme, conférence de St Vincent de Paul, Louise de Marillac, Enfants de Marie, etc.). Nous retiendrons surtout l’association Omnes Fratres, fondée par l’Abbé Pierre Pernot, qui lui fit connaître le CEP et dont elle géra les conférences après la mort du fondateur.

« La mémoire du juste vivra éternellement »

Sur le changement dans les lois [47]

Michael Davies [48]

Présentation : Chaque année, des milliers de lois sont proposées au vote des Assemblées. Il s’agit presque toujours de changements apportés à une législation préexistante, ce qui a fini par faire du Droit un maquis où les spécialistes eux-mêmes se perdent. Mais ce phénomène a d’autres effets que l’entretien d’une classe de juristes. Il agit en profondeur sur les esprits, les accoutumant à accepter l’irrationnel, sous l’effet stupéfiant du mythe du Progrès: tout changement étant perçu comme allant vers un mieux. Or le mieux est l’ennemi du bien.

M. Davies, s’appuyant sur la tradition philosophique, montre qu’en abolissant une coutume tout changement introduit un désordre, nuisible par essence. Il faudrait des raisons graves et certaines avant d’y procéder. Notre manie du changement dénote donc, chez les dirigeants, que la recherche effrénée du pouvoir (à laquelle ce changement sert d’outil) l’emporte largement sur celle du bien commun.

Si l’on considère les diverses sortes de lois humaines, qu’il s’agisse du droit public, des lois liturgiques, des règlements sportifs ou des règles de grammaire, il apparaît clairement que ces lois n’ont en elles-mêmes aucune valeur intrinsèque, mais qu’elles ne sont que des moyens d’atteindre une fin, et que cette fin est le bien commun de ceux à qui elles sont ordonnées. Il n’y a peut-être en soi aucune raison particulière de conduire à droite ou à gauche; mais il est clair que l’intérêt commun de tous les automobilistes d’un pays donné est de conduire du même côté. Saint Thomas définit une loi comme « une ordonnance de raison établie et promulguée en vue du bien commun par celui qui détient l’autorité au sein d’une communauté. »[49]

Toutes les autorités catholiques s’accordent avec saint Thomas quand il définit la nature de la loi humaine: à savoir qu’ecclésiastique ou civile, elle est une ordonnance de l’autorité publique qui a le droit d’exiger l’obéissance, mais qui doit ellemême se conformer aux exigences de la raison et entraîner à l’évidence un effet bienfaisant pour ceux qu’elle concerne[50]. Saint Thomas, suivi par d’autres auteurs, nous avertit que toute modification de la législation existante ne doit être effectuée qu’avec une extrême prudence, en particulier quand ce changement est susceptible de modifier des coutumes fort anciennes. À l’appui de cette affirmation, il cite les Décrétales[51] : « C’est chose absurde, haïssable et honteuse de laisser porter atteinte aux traditions qui nous viennent de nos pères. » Il ajoute que le simple fait de changer une loi, quand bien même ce serait pour la remplacer par une loi meilleure, « est en soi préjudiciable au bien commun; car la coutume est fort utile à l’observance des lois, si l’on considère que ce qui est accompli au préjudice d’une coutume universelle est un acte tenu pour grave, même s’il s’agit de questions secondaires.» [52]

Saint Thomas traite de la question du changement des lois dans sa Somme théologique. Examinant cette question, il pose en prémisses qu’il existe deux raisons éloignées qui peuvent conduire légitimement à modifier les lois[53]. La première tient à la nature de l’homme qui, étant un être rationnel, est conduit graduellement par sa raison de ce qui est moins parfait à ce qui l’est davantage. La seconde raison se trouve dans les actes mêmes qui sont régis par la loi, lesquels sont susceptibles de changer en fonction des diverses circonstances où se trouvent les hommes et dans lesquelles ils doivent œuvrer.

Toute modification de la loi doit être déterminée par une nécessité évidente du bien commun, puisque le changement de la loi n’est légitime que dans la mesure où il contribue manifestement au bien de la communauté[54].

« Il est bien connu, écrit Louis Salleron, que, dans les sociétés établies, un procédé révolutionnaire éprouvé est le retour aux origines.

Il ne s’agit plus de tailler l’arbre pour qu’il porte de plus beaux fruits; on le scie au ras du sol sous prétexte de rendre toute la vigueur à ses racines »[55] Et Pascal écrit : « La coutume fait toute l’équité, par cette seule raison qu’elle est reçue… Qui la ramènera à son principe l’anéantit. »

« L’art de fronder, de bouleverser les États, est d’ébranler les coutumes établies, en sondant jusqu’à leur source, pour marquer leur défaut d’autorité et de justice. Il faut, dit-on, recourir aux lois fondamentales et primitives de l’État, qu’une coutume injuste a abolies. C’est un jeu sûr pour tout perdre; rien ne sera juste à cette balance. »[56]

Quand bien même une modification de la loi entraînerait avec elle un avantage évident, elle n’en causerait pas moins quelque tort au bien commun, car toute modification de la loi, répétons-le, a pour conséquence l’abandon d’une coutume, et la coutume est toujours d’un grand secours et d’un grand soutien dans l’observance des lois. Tout changement apporté à une loi particulière diminue la force de la loi et le respect qu’on lui témoigne, parce qu’on supprime une coutume. De là l’importance qu’attribue saint Thomas au maintien des coutumes existantes, à moins que leur changement ne soit exigé par une nécessité absolue.

Avec une psychologie pénétrante, saint Thomas ajoute que cela reste vrai même si les innovations contraires à la coutume ne sont que des innovations mineures, car même si elles sont mineures en elles-mêmes, il se peut qu’elles paraissent importantes au jugement de tous.

Et il en tire cette conclusion générale: il ne faut jamais changer la loi, à moins que l’on ne soit absolument certain que le bien commun doive trouver dans ce changement à tout le moins une compensation proportionnée au mal qu’entraîne la dérogation à la coutume[57].

Une autre autorité éminente, le P. jésuite Francisco Suárez (1548-1617), souligne que si un législateur veut qu’une loi puisse être tenue pour raisonnable, il ne doit pas simplement s’abstenir d’exiger quelque chose que ses sujets ne parviendront pas à exécuter, mais que la loi ne doit même pas revêtir des aspects trop difficiles, pénibles ou désagréables, compte tenu de la faiblesse humaine; elle ne doit être à aucun prix en contradiction avec une coutume raisonnable, parce que la coutume est une espèce de «seconde nature» et que ce qui lui répugne «est considéré comme moralement impossible.» Il insiste aussi fortement sur la nécessité de la permanence des lois, non en ce sens qu’elles ne sauraient jamais être abrogées, mais parce que cela ne doit être entrepris que si des changements de circonstances font apparaître à l’évidence que ces lois ne sont plus justes. Pour œuvrer dans le sens de l’intérêt commun, la législation doit viser à la stabilité et à l’uniformité au sein de la communauté[58].

Quand on doute, si peu que ce soit, que les avantages d’un changement de législation l’emportent largement sur le mal qui résultera du changement de coutume, alors mieux vaut conserver la législation existante plutôt que de la changer. Celle-ci, étant reçue dans la pratique, est investie en quelque sorte d’un droit de propriété et, en cas de doute, c’est le droit de propriété qui l’emporte.

Platon enseigne que «tout changement est un mal s’il ne consiste pas à abolir quelque chose de négatif. »[59] Commentant ces paroles, Dietrich von Hildebrand critique «la satisfaction puérile qu’assure à beaucoup le changement comme tel, le sentiment de n’être ni actif ni passif ». Il rejette le sophisme selon lequel le changement est un signe de progrès perpétuel.

Le changement peut entraîner une amélioration, mais il lui arrive souvent d’être aussi cause de détérioration et, dans certains domaines, il en est presque toujours ainsi. Hildebrand explique:

«Le maintien du bien, qui s’oppose à toute poussée de changement, est une réussite qui exige plus d’effort, une œuvre difficile bien plus digne de louange. Conserver jeune son amour pour quelqu’un – et a fortiori pour le Christ –, signe de stabilité et de continuité, est une preuve de force et de vie spirituelles, totalement absentes de l’infidélité.

«Nous ne pouvons oublier d’autre part que le changement qui est propre à la croissance n’a rien de commun avec le changement qui remplace l’ancien par du nouveau ou avec le changement qui détruit quelque chose.

« Ici, ce qui nous préoccupe avant tout est de savoir s’il s’agit d’une croissance dans le bien ou d’une croissance dans le mal. Le changement que comporte la croissance est, en tout ce qui est bon, une valeur, et en tout ce qui est mauvais, une non-valeur.

« Il existe aussi une croissance dans le passage de l’implicite à l’explicite, une croissance dans le sens du passage d’une formulation vague à une formulation claire et précise. Cette sorte de croissance est diamétralement opposée au changement pur et simple. Il y a bien mouvement, mais un mouvement qui n’a rien de commun avec la destruction d’une chose et avec son remplacement par autre chose. De plus, c’est un mouvement dans lequel l’identité est l’élément le plus frappant, le plus décisif. N’avons-nous pas là une preuve éclatante, la plus éclatante même, de la divinité de l’Église: elle a réussi à garder son identité à travers deux mille ans de son existence et deux mille ans de sa croissance. »[60]

L’histoire des diverses confessions chrétiennes fourmille d’exemples de ruptures, voire de schismes, qui ont eu pour origine des changements apportés aux coutumes établies, changements que bien des commentateurs de l’époque moderne ont parfois tendance à tenir pour nég1igeables. La sécession des vieux-croyants dans l’Église orthodoxe russe en est un exemple typique.

Pareils incidents prouvent à l’évidence la clairvoyance de saint Thomas quant aux effets nuisibles qu’entraînent des modifications du statu quo sans raisons capitales. Le professeur Hitchcock déclare à ce sujet:

« L’abandon du rituel traditionnel place l’individu hors de sa communauté; c’est par conséquent pour lui une expérience aliénante; elle ne contribue pas, bien au contraire, à donner à sa vie un surcroît de bonheur et de sens. »[61]

Le respect de l’Église catholique pour les traditions légitimes est tel que, toutes les fois que l’on peut apporter la preuve qu’une coutume a été observée sans discontinuer pendant une période d’au moins quarante ans, cette coutume obtient force de loi dans le droit canonique, même si elle n’a jamais fait l’objet d’une codification expresse. Pareille coutume ne peut être abrogée que par une législation formulée expressément à cette fin et, si on éprouve quelque doute, c’est la loi la plus récente qui doit être interprétée dans le sens de la plus ancienne, et qui, dans toute la mesure du possible, doit être harmonisée avec elle; autrement dit, en cas de doute, on peut continuer à observer la loi existante. Même si la nouvelle législation contient une clause ‘nonobstant’ portant expressément interdiction de toute coutume ou loi contraire, cette interdiction ne peut s’étendre à une coutume de cent ans ou de temps immémorial, sauf mention expresse dans la nouvelle loi. Le témoignage des grands docteurs de l’Église reçoit le renfort de l’opinion de Jean-Jacques Rousseau, en lequel il est difficile de voir un sympathisant de l’Église: «C’est surtout la grande antiquité des lois qui les rend saintes et vénérables ; le peuple méprise bientôt celles qu’il voit changer tous les jours. »[62]

*

* *

BIBLE

Le long cheminement d’Alexis Carrel1

Hubert Guigou

Présentation: On sait que le jeune et brillant chirurgien Alexis Carrel fut témoin à Lourdes, le 28 mai 1902, de la guérison miraculeuse de Marie Bailly, un cas de péritonite tuberculeuse à la dernière extrémité, qu’il avait observée dans le train depuis Lyon. On sait que cette circonstance lui a barré la carrière universitaire en France et l’a poussé à devenir chercheur à l’Institut Rockefeller, à New-York, où il obtint le Prix Nobel en 1912 pour la mise au point des transplantations d’organes. On sait moins que sa longue quête spirituelle a duré toute une vie, l’amenant progressivement à reconnaître le rôle de la prière sur certaines guérisons, puis à dépasser le monde accessible à la ratiocination pour s’ouvrir enfin à « l’essor de l’amour à travers la nuit obscure de l’intelligence ». Le Voyage de Lourdes était alors achevé.

Retracer l’itinéraire spirituel d’Alexis Carrel est une tâche difficile car ses sentiments intimes demeuraient cachés au plus profond de lui-même. Le voyage de Lourdes est incontestablement un point de départ pour le jeune médecin venu chercher la certitude spirituelle perdue au cours de ses études de médecine. À partir du choc émotionnel éprouvé le 28 mai 1902 à Lourdes, lors de la guérison extraordinaire de Marie Bailly, va se développer une réflexion, tout d’abord orientée vers la réalité des guérisons miraculeuses, puis sur le rôle de la prière.

Plusieurs retours à Lourdes lui apporteront, à l’issue d’une période de doute et d’interrogations, la conviction que l’existence de guérisons miraculeuses ne peut être contestée mais qu’elles comportent une condition préalable indispensable: la prière. Seule cette dernière est en mesure d’amener la réalisation d’une guérison scientifiquement inexplicable.

1 Repris de Fons Vitæ, Bulletin du Bureau Médical de Lourdes, n°308, oct.

2009, pp.5-16.

Quelle est la nature de la prière? D’où provient son pouvoir? Ne doit-elle pas revêtir une qualité particulière pour obtenir un tel résultat?

Voici quelques-unes des questions que Carrel, immergé dans le domaine scientifique et de ce fait guidé par le besoin de comprendre, va se poser et dont, à la fin de sa vie, il recevra la réponse: sans la lumière de l’amour, l’intelligence est aveugle.

Le voyage de Lourdes était achevé.

Lourdes, 28 mai 1902: « L’impossible prodige »

Les malades sont regroupés devant la grotte de Massabielle. Un jeune médecin est là, le regard tendu vers une malade qui retient toute son attention, une jeune fille, Marie Bailly, que l’on vient de ramener des piscines. Carrel a fait sa connaissance la nuit précédente, dans le train du pèlerinage de Lyon. On l’a appelé d’urgence car Marie était au plus mal. Selon son dossier, elle est atteinte de péritonite tuberculeuse. Son état est particulièrement grave. Carrel lui donne des soins avec les moyens dont il dispose, redoutant qu’elle ne décède avant l’arrivée à Lourdes.

Marie est devant la grotte, toujours en vie; mais le diagnostic des médecins qui l’ont examinée est sévère: elle est à la dernière extrémité. Les prières commencent. Le regard de Carrel ne quitte pas Marie. C’est alors qu’un phénomène incroyable se produit sous ses yeux. Le rythme respiratoire devient régulier; le visage reprend progressivement son aspect habituel; la saillie du ventre, caractéristique de la péritonite, s’affaisse ; le cœur bat maintenant à une cadence normale; la malade se soulève et regarde autour d’elle. Carrel est bouleversé; jamais il n’avait imaginé ce dont il venait d’être témoin : une jeune fille à l’article de la mort, guérie en quelques instants. Il vient de recevoir un choc qui le marquera toute sa vie. Jamais il n’oubliera ce qu’il a vécu ce jour-là.

Pourquoi Carrel est-il venu à Lourdes?

Les convictions religieuses, acquises dans sa famille et au cours de ses études chez les jésuites, se sont trouvées fortement remises en cause dans l’atmosphère positiviste et rationaliste de la faculté de médecine de Lyon où il poursuit ses études.

Dans un premier temps, il a le sentiment de pénétrer dans un nouveau mode de pensée qui lui apporte une sorte de libération mais, peu à peu, son esprit évolue ainsi qu’il l’expose dans son ouvrage Le voyage de Lourdes (s’y présentant sous le pseudonyme de Lerrac) :

« Lerrac, absorbé par ses études scientifiques (…) s’était peu à peu convaincu qu’en dehors de la méthode positive, la certitude n’existait pas. Et ses idées religieuses détruites, sous l’action de l’analyse, l’avaient quitté en lui laissant le souvenir exquis d’un rêve délicat et beau (…) Le rationalisme satisfaisait entièrement son esprit; mais au fond de son cœur, une souffrance secrète se cachait, la sensation d’étouffer dans un cercle trop étroit, le besoin inassouvi d’une certitude (…) À présent, dans les profondeurs cachées de sa pensée, un vague espoir subsistait, probablement inconscient, d’étreindre les faits qui donnent la certitude, le repos et l’amour (…).»2

La rencontre fortuite, au printemps 1901, d’un religieux dominicain, va se révéler décisive. D’emblée, ce dernier comprend les attentes qui résident dans l’âme tourmentée du jeune médecin. Carrel est heureux de pouvoir, en toute confiance, livrer ses sentiments: « Les choses peuvent seules donner la certitude à nos esprits qui ont pris l’habitude des méthodes positives. La constatation médicale d’un miracle, c’est-à-dire de la manifestation directe de Dieu, peut seule donner la certitude à celui qui prie, puisque seule cette constatation médicale élimine l’idée d’une guérison hystérique (…) Un miracle, scientifiquement contrôlé par moi, me conduirait seul à la certitude absolue (…) »

3

Le dominicain conseille à Carrel d’aller à Lourdes; mais il a conscience que si ce dernier est ouvert à la certitude scientifique, il demeure encore fermé à celle de l’âme. C’était le problème majeur auquel Carrel allait se trouver confronté. Une guérison considérée comme scientifiquement inexplicable est-elle, de ce seul fait, de nature à apporter une certitude spirituelle?

  1. Alexis Carrel, Le voyage de Lourdes, Plon, 1949.
  2. Alexis Carrel, Jour après jour: 1893-1944, Plon, 1956.

Le père jésuite Henri Bouillard, professeur de théologie, nous répond: « Conclure de la simple absence d’explication scientifique à une intervention divine serait paralogisme. Le savant, le spécialiste a qualité pour constater une guérison et son caractère extraordinaire. Mais il n’a pas, comme tel, compétence pour y reconnaître un témoignage de Dieu. S’il le fait, ce n’est pas en tant que médecin, mais comme homme religieux.

Jamais le savant qui reste au seul niveau de la science ne sera conduit par elle à affirmer un miracle (…) Miracle ne dit pas seulement « prodige » dans la nature; c’est d’abord un « signe » adressé à l’homme, un témoignage de la présence, de la puissance et de la bonté divines. Comme tel, il appartient à l’ordre religieux. L’initiative divine ne peut être démontrée scientifiquement: elle est perçue dans un acte de connaissance religieuse (…)»[63]

Carrel n’est-il pas dans une impasse en espérant qu’une guérison scientifiquement inexplicable lui rendra les certitudes spirituelles qu’il a perdues? Il demandait, en quelque sorte, à la science de lui restituer cette foi qu’elle lui avait fait perdre. Mais sa soif de certitude est grande.

Au début du mois de décembre 1901, Carrel exprime, dans son journal intime, les pensées qui l’assaillent: «Je suis à la veille de mon premier concours de chirurgien des hôpitaux. (…) Peu importe le résultat de ces journées. Quel qu’il soit, ma vie recommencera après. Dans quel sens? Si par un hasard impossible, j’étais nommé, je prends la résolution de cesser, pendant un an, toute occupation purement professionnelle. Tout homme doit avoir, au moins une fois, une période d’action plus haute et plus généreuse. Je passerai ces mois à étudier et à approfondir la question qui m’intéresse plus que tout: la question du miracle. Je l’étudierai autant qu’il me sera possible et j’écrirai un volume entièrement sincère et qui, d’après ce que je crois, sera la glorification de la Vierge de Lourdes. Je le publierai sous mon nom, coûte que coûte, quelles que soient les conclusions et quelques dommages que je puisse en éprouver (…). »

Carrel nous livre le fond de son cœur. Il s’accroche au miracle dont il a tant besoin pour sortir de sa nuit spirituelle. Il est persuadé que là se trouve cette Vérité qu’il recherche. Lorsqu’il l’aura découverte, il en portera témoignage. Compte tenu de l’atmosphère qui régnait alors dans la Faculté de médecine de Lyon, un tel témoignage pouvait être particulièrement dangereux pour un jeune médecin en début de carrière, avec, notamment, plusieurs concours à tenter.

Une occasion se présente au mois de mai 1902. Carrel prend le chemin de Lourdes avec le pèlerinage diocésain de Lyon.

Le choc

C’est au cours de la nuit, dans le train du pèlerinage, qu’appelé d’urgence, il découvre une jeune fille de 22 ans, Marie Bailly, atteinte de péritonite tuberculeuse en phase terminale. N’était-ce pas le cas qu’il était venu chercher? Nous savons que le lendemain, en quelques instants, revenant des piscines, elle sera guérie sous les yeux de Carrel, terrassé par l’émotion.

À l’issue d’une longue promenade au bord du gave de Pau pour remettre de l’ordre dans son esprit, il retourne, avec quelque appréhension, au chevet de Marie. Est-elle vraiment guérie? N’a-til pas été victime d’une hallucination ?

« La guérison était complète. La moribonde au visage déjà cyanosé, au ventre distendu, au cœur en déroute, s’était transformée en quelques heures en une jeune fille presque normale, seulement amaigrie et faible (…) » [64] Mais déjà, le doute apparaît.

« C’est la réalisation de l’impossible.

J’ai dû faire une erreur de diagnostic.

Il s’agissait peut-être d’une péritonite nerveuse (…) » [65]

Sous le choc qu’il vient d’éprouver, Carrel s’interroge. En plein désarroi, «il n’était plus qu’un homme errant dans la nuit.» [66] Envahi par le doute, la science est incapable de lui apporter une certitude. Était-ce le miracle qu’au fond de son cœur il était venu chercher? Il a besoin d’une réponse qui mette fin à son doute. Alors, il se tourne vers la Vierge : « Vierge douce, secourable aux malheureux qui vous implorent humblement, gardez-moi. Je crois en Vous. Vous avez voulu répondre à mon doute par un miracle éclatant. Je ne sais pas le voir et je doute encore.

Mais mon plus grand désir et le but supérieur de toutes mes aspirations est de croire, de croire éperdument, aveuglément, sans jamais discuter ni critiquer (…) » [67]

Maintenant, un extraordinaire sentiment de paix et de sérénité envahit son âme.

« Sous la main de la Vierge, il lui parut qu’il tenait la certitude. Il croit sentir l’admirable douceur pacifiante et si profondément que, sans angoisse, il écarta un retour du doute menaçant. » 9

C’est un chemin long et difficile dans lequel il va, dès lors, s’engager et qu’il suivra jusqu’à son dernier souffle.

« Le miracle ne s’impose pas à l’esprit comme une évidence ou comme une démonstration mathématique, mais il incite à réfléchir et nous n’avons de repos qu’en allant jusqu’à l’acte de foi.» [68]

Le retour à Lyon

Deux épreuves majeures attendent Carrel à son retour de Lourdes: la réaction du milieu médical universitaire de Lyon et la résurgence du doute. Elles vont décider de sa destinée.

Sa participation au pèlerinage de Lourdes, révélée par la presse qui, évoquant la guérison de Marie Bailly, estime que « ce miracle est le plus éclatant qui se soit opéré pendant le pèlerinage »[69], suscite la réprobation de certains des maîtres de la Faculté de médecine. Un tel comportement, indigne d’un homme de science, ne peut être sans conséquences sur l’évolution de sa carrière.

Carrel tente de calmer le jeu et demande à la presse la publication d’un rectificatif qui s’achève par ces mots: «La nature réelle de la maladie est entièrement indéterminée. Par conséquent, il est possible actuellement de tirer de cette observation les conclusions qu’il vous plaît d’en faire ressortir. » [70]

Quel est, en définitive, le sentiment profond de Carrel ?

Incontestablement, il a été témoin d’une guérison extraordinaire, ainsi qu’il l’exprime dans son compte rendu au Bureau Médical de Lourdes: « C’était presque un cadavre lorsqu’on la porta aux piscines. A sa sortie, on remarqua une très légère amélioration qui se continua insensiblement devant la grotte, pour aboutir à une véritable résurrection apparente. Le soir, à 7 heures, le médecin eut la stupéfaction de voir la malade du matin, assise sur son lit, causant avec ses infirmières et l’examen de l’abdomen montra la disparition complète de l’énorme ballonnement et des gâteaux péritonéaux qui l’encombraient. La respiration et le cœur étaient normaux. C’est une guérison complète, rapide, en un mot merveilleuse. » [71]

Mais Carrel est-il en mesure d’aller plus loin? Dans l’immédiat, il est plongé dans la tourmente.

Le 22 juillet 1902, il se présente au concours très recherché de chef de clinique chirurgicale. Il est refusé. Cette défaite est confirmée, en décembre de la même année, par un nouvel échec au concours de chirurgien des hôpitaux.

Et pourtant, ne vient-il pas, le 8 juin 1902, quelques jours après son retour de Lourdes, de publier, dans la revue scientifique Lyon médical, sa première découverte majeure, celle qui le mènera, dix ans plus tard, au Prix Nobel de physiologie et de médecine: la technique opératoire des anastomoses vasculaires et la transplantation des viscères, qui ouvre la voie à la chirurgie vasculaire et cardiaque ainsi qu’aux greffes d’organes?

Malgré ces épreuves, il poursuit l’examen de Marie Bailly, placée en observation à l’hôpital de Sainte-Foy-lès-Lyon.

Ses observations sont adressées au docteur Boissarie. Les premières semblent confirmer le diagnostic.

« J’ai fait faire le sérodiagnostic pour la tuberculose. Ce sérodiagnostic s’est trouvé encore positif, plus positif peut-être que la première fois. D’autre part, l’état général est parfait. Pas de signes cliniques de tuberculose ni d’hystérie (…)» 20 décembre

1902. [72]

Mais quelques semaines plus tard, le ton change.

« J’ai essayé d’étudier à Lourdes de façon scientifique, un fait scientifique (…) L’observation de Marie Bailly est d’un intérêt étrange et troublant. Son allure précise la rend dangereuse pour les esprits dépourvus de sens critique. Or le diagnostic de péritonite tuberculeuse ne s’appuie sur aucune preuve réelle. En l’absence de toute observation sérieuse, antérieure à la mienne, mon devoir est de ne pas affirmer un diagnostic qui ne repose, en somme, que sur mon examen clinique. Pour être loyal, je dois dire: « Voilà ce que j’ai vu ou cru voir. » Je suis très loin d’être infaillible. Il est donc possible que je me sois trompé. Ne pourraiton pas admettre, par exemple, une péritonite nerveuse, développée chez une jeune fille, à la fois tuberculeuse et hystérique? » 26 février 19O3. [73]

Le sentiment de certitude éprouvé à Lourdes, lors de sa prière à la Vierge, se serait-il évanoui ? Le doute a repris le dessus, ainsi que Carrel le confirme dans sa dernière lettre au Dr Boissarie.

«J’ai analysé les observations antérieures et ma propre observation de manière minutieuse. J’ai constaté leur insuffisance et l’impossibilité de faire un choix basé sur des considérations vraiment scientifiques, entre les deux hypothèses de péritonite tuberculeuse et de péritonite hystérique. Je ne suis opposé ni à l’une ni à l’autre, mais je crois qu’il est impossible de se déterminer aujourd’hui en faveur de l’une ou de l’autre (…) » 25 août 1903. 16

Carrel est à nouveau seul dans la nuit. La guérison de Marie Bailly ne lui a pas apporté cette certitude spirituelle tant attendue et, par ailleurs, sa carrière médicale est compromise. Alors, à la recherche d’une autre vie, d’autres espaces, il va prendre le chemin de l’exil.

Le départ

C’est un jeune médecin désemparé qui, après un court séjour à Paris, va s’embarquer, au mois de mai 1904, pour le Canada. Il lui reste encore un trésor: sa remarquable découverte concernant les anastomoses vasculaires.

N’ayant pas, semble-t-il, retenu l’attention des milieux scientifiques parisien et lyonnais, elle est parfaitement connue au Canada où Carrel est accueilli avec enthousiasme. Quelques mois après son arrivée, il est aux États-Unis où il dispose, à l’université de Chicago, d’un laboratoire.

Au mois d’avril 1905, invité par Harvey Cushing à un important congrès scientifique tenu à Baltimore, il expose les résultats de ses travaux: les transplantations d’organes réalisées sur des animaux qui sont des premières mondiales. Les retombées sont considérables. Aussitôt de retour à Chicago, Carrel est installé dans un nouveau laboratoire merveilleusement équipé. Au même moment, John D. Rockefeller poursuit la construction, à NewYork, d’un institut de recherche médicale. Simon Flexner, directeur désigné, propose à Carrel de rejoindre l’équipe qu’il est en train de constituer.

Ce dernier hésite à quitter Chicago où il a vécu des heures enthousiasmantes ; mais ne peut refuser l’institut Rockefeller où la qualité des moyens mis à sa disposition dépassait tout ce qu’il avait connu jusque-là. Au mois d’octobre 1906, il est en mesure d’y poursuivre dorénavant ses travaux, réalisant les plus remarquables transplantations d’organes.

Le 10 décembre 1912, il est à Stockholm pour la cérémonie au cours de laquelle il reçoit, des mains du roi Gustav V de Suède, le Prix Nobel de physiologie et de médecine.

Bientôt, va intervenir la longue coupure de la Première Guerre mondiale. Mobilisé dans l’armée française, Carrel va accomplir une tâche admirable. Avec la collaboration du chimiste Dakin, mis à sa disposition par l’institut Rockefeller, il va réaliser la mise au point d’un nouveau traitement pour la désinfection et la cicatrisation des plaies, à l’aide d’un puissant antiseptique, encore utilisé de nos jours, le liquide de Dakin. Des milliers de blessés des armées françaises et alliées seront ainsi sauvés[74].

En 1919, il reprend ses travaux à New-York; mais l’événement extraordinaire dont il a été témoin à Lourdes, 17 ans auparavant, continue d’obséder son esprit. Il ne peut rester sur le doute qu’il exprimait dans sa dernière lettre au Dr Boissarie. Il est toujours déterminé à aller jusqu’au bout.

Le pouvoir de la prière

À l’occasion de plusieurs retours à Lourdes, certaines convictions vont peu à peu se former dans l’esprit de Carrel et marquer une évolution importante de ses sentiments.

Tout d’abord, il admet désormais qu’à Lourdes se produisent des guérisons qui ne peuvent s’expliquer par les lois scientifiques connues, notamment dans le domaine de la cicatrisation des plaies et de la reconstitution des tissus, qu’il connaît bien en raison de ses travaux réalisés en collaboration avec Dakin au cours de la guerre de 1914-18.

Mais ce qui va devenir l’essentiel de sa quête spirituelle, c’est la relation qu’il constate entre la guérison et l’état de prière du malade ou d’une personne de son entourage. Une telle relation demeure encore pour lui une énigme. Dès lors, bien des questions vont se poser à lui et notamment celle-ci: quelle qualité particulière doit revêtir la prière pour nous permettre de pénétrer dans le mystère de la guérison miraculeuse?

Qu’est devenue Marie Bailly ? Elle est toujours présente dans la pensée de Carrel, mais le doute concernant la nature exacte de sa maladie, organique ou hystérique, demeure, en l’absence d’éléments nouveaux.

En 1929, il rend visite au père abbé de Solesmes avec lequel il a un long entretien.

Il souhaite lui exposer les raisons pour lesquelles il estime qu’un ordre contemplatif, comme celui des bénédictins, serait particulièrement qualifié pour effectuer certaines recherches scientifiques. Il est intéressant de noter certains passages du compte rendu rédigé par Carrel :

« À la base de la création scientifique se trouve toujours la méditation. Les vrais savants ont toujours une vie intérieure intense (…) »[75][76]

« On peut se demander si la vie la plus propre au développement scientifique ne serait pas la vie monastique où le travail se fait dans la paix de l’âme. L’ascèse et la mystique seraient peut-être la source d’une haute inspiration scientifique.»

19

Puis, Carrel aborde le problème qui tient une telle place dans son esprit: le rôle physiologique de la prière.

« Quel est l’état d’un homme en prière? Comment se fait-il que la prière d’une certaine qualité et de certains individus produise des miracles? Il y a un état spécial de l’organisme lié à la prière. Cette prière produit des effets sur d’autres organismes, tels que les guérisons opérées par les saints, guérisons dont on peut considérer aujourd’hui l’existence comme certaine. La reconstitution instantanée des tissus ne se voit jamais à l’état naturel. Il existe donc des mécanismes physiologiques qui ne se mettent en branle que sous l’action de la prière, et non seulement de la prière du sujet, mais d’un sujet placé distance. Quels sont les états physiologiques qui permettent la prière et la contemplation? (…) C’est, en somme, la base scientifique de la vie mystique qu’il faudrait étudier aujourd’hui, ce qui permettrait de connaître les parties les plus élevées de l’homme (…) »[77]

Voilà encore bien des questions sans réponses pour celui qui demeure essentiellement un scientifique.

Dans son ouvrage qui fera le tour du monde, L’homme, cet inconnu, Carrel, n’hésite pas à ranger la mysticité parmi les activités humaines fondamentales. Il s’agit pour lui d’une réalité incontestable et d’une grande importance.

« Dans son état le plus élevé (la mystique chrétienne) comporte une technique très élaborée, une discipline stricte. Elle demande d’abord la pratique de l’ascétisme. (…) L’initiation à l’ascétisme est dure. Aussi peu d’hommes ont-ils le courage de s’engager dans la voie mystique. Celui qui veut entreprendre ce rude voyage doit renoncer à lui-même et aux choses de ce monde. Il demeure ensuite dans les ténèbres de la nuit obscure. (…) Peu à peu, il se détache de lui-même. Sa prière devient une contemplation. Il entre dans la voie illuminative. (…) Son esprit s’échappe de l’espace et du temps. Il prend contact avec une chose ineffable. Il atteint la vie unitive. Il contemple Dieu et agit avec lui. (…) Seuls ceux qui ont vécu eux-mêmes la vie de prière peuvent la juger. La recherche de Dieu est, en effet, une entreprise toute personnelle. (…) » [78]

« Il ne faut pas se demander si l’expérience mystique est vraie ou fausse, si elle est une autosuggestion, une hallucination, ou bien si elle représente un voyage de l’âme en dehors des dimensions de notre monde et son contact avec une réalité supérieure. Nous devons nous contenter d’avoir d’elle un concept opérationnel. (…) Elle donne ce qu’il demande à celui qui la pratique. Elle lui apporte le renoncement, la paix, la richesse intérieure, la force, l’amour, Dieu. (…) » [79]

Puis, confirmant sa conviction de la réalité des guérisons miraculeuses dont «les cas les plus importants ont été recueillis par le Bureau Médical de Lourdes »[80], il revient sur le rôle de la prière qu’il considère comme absolument déterminant. Mais celleci, pour être efficace, doit être désintéressée.

« En général, ce n’est pas celui qui prie pour lui-même qui est guéri. C’est celui qui prie pour les autres. Ce type de prière exige, comme condition préalable, le renoncement à soi-même, c’est-àdire une forme très élevée de l’ascèse. (…) Ainsi comprise, la prière déclenche parfois un phénomène étrange, le miracle. (…) La seule condition indispensable au phénomène est la prière. Mais il n’est pas nécessaire que le malade lui-même prie ou qu’il possède la foi religieuse.

Il suffit que quelqu’un près de lui soit en état de prière. De tels faits sont d’une haute signification. Ils montrent la réalité de certaines relations de nature encore inconnue entre les processus psychologiques et organiques. (…) » [81]

Ainsi, un certain « état de prière », impossible à définir car « incompréhensible des philosophes et des hommes de science, et inaccessible pour eux »[82], est seul en mesure de produire le miracle.

« Les guérisons miraculeuses se produisent rarement. Malgré leur petit nombre, elles prouvent l’existence de processus organiques et mentaux que nous ne connaissons pas. Elles montrent que certains états mystiques, tel l’état de prière, ont des effets très définis. Qu’ils sont des faits irréductibles, dont il faut tenir compte. L’auteur sait que les miracles sont aussi loin de l’orthodoxie scientifique que la mysticité. Leur étude est plus délicate encore que celle de la télépathie et de la clairvoyance. Mais la science doit explorer tout le domaine du réel. Il s’est efforcé de connaître ce processus de guérison des maladies, au même titre que les processus habituels. Il a commencé cette étude en 1902, à une époque où les documents étaient rares, où il était difficile pour un jeune docteur, et dangereux pour sa future carrière, de s’occuper d’un tel sujet. Aujourd’hui, tout médecin peut observer les malades amenés à Lourdes et examiner les observations contenues dans les archives du Bureau Médical. (…)

»[83]

Carrel a encore un long chemin à parcourir.

C’est alors, au cours de l’année 1937, qu’il va effectuer deux rencontres qui auront un effet décisif sur l’orientation de sa pensée.

Il s’agit, tout d’abord, de Pierre Teilhard de Chardin qui lui rend visite à New-York. Le célèbre jésuite vient de publier Sauvons l’humanité, dont il remet un exemplaire à Carrel. Teilhard évoque cet entretien dans une lettre au père de Lubac :

« La question des origines humaines (dans l’ordre expérimental) me paraissant réglée, toute mon attention est absorbée par la constitution possible d’une science nouvelle de «l’Énergie (ou Énergétique) humaine» dont une conversation avec Carrel à New-York a achevé de me faire préciser les lignes et la possibilité. (…) » 28 avril 1937.

Plusieurs phrases de Sauvons l’humanité vont être soulignées par Carrel, notamment celle-ci: «Peut-être poussés par la nécessité de construire l’unité du monde, finirons-nous par nous apercevoir que le grand œuvre obscurément pressenti et poursuivi par la science n’est rien autre chose que la découverte de Dieu.»[84]

N’est-ce pas le but intime de Carrel depuis le voyage de Lourdes? La science et la foi doivent avancer la main dans la main, vers le même horizon.

Il est une autre rencontre, quelques mois plus tard, qui va permettre à Carrel une nouvelle progression dans sa pensée: celle de dom Alexis Presse, ce moine cistercien qui a redonné vie à l’abbaye de Boquen en Bretagne. Un profond lien d’amitié et de confiance va se nouer entre eux.

À la fin de l’année 1940, il rédige un article dans lequel il développe sa pensée sur « le pouvoir de la prière », et qui sera publié, au début de 1941, quelque peu raccourci et remanié, par le Reader’s Digest.

C’est, tout d’abord, le scientifique qui s’exprime. Pour lui, la prière est la plus puissante forme d’énergie que les humains soient capables de produire. Dans le domaine spirituel, elle est une force plus puissante que l’attraction terrestre. Elle seule paraît en mesure de vaincre les lois de la nature. Il reconnaît avoir été témoin de guérisons dues à la prière, notamment d’affections nerveuses et même organiques, alors que toute autre thérapie avait échoué.

Mais l’effet majeur de la prière réside dans le développement de la vie intérieure. Elle est un effort de notre esprit pour atteindre l’invisible.

Carrel poursuit son chemin. Incontestablement un nouveau pas vient d’être franchi.

Ce Dieu si abordable à celui qui sait aimer, se cache à celui qui ne sait que comprendre.

L’hiver 1943-1944 est une période difficile pour Carrel. Gravement touché, à l’automne précédent, par une crise cardiaque, il sait que ses jours sont comptés. C’est alors qu’il a connaissance d’une traduction du Pouvoir de la prière, publiée en Suisse puis en France, sans lui avoir été soumise au préalable. Cette traduction lui déplaît et, en tout état de cause, le texte ne correspond plus à l’évolution de sa pensée. Il se remet à la tâche.

En mai 1944, alors qu’il n’a plus que quelques mois à vivre, il publie, sous le titre La Prière, un ouvrage que l’on peut considérer comme un testament spirituel. Entièrement consacré à la question qui l’obsède depuis Lourdes, il s’agit d’un document essentiel.

« Loin de consister en une simple récitation de formules, la vraie prière représente un état mystique où la conscience s’absorbe en Dieu. Cet état n’est pas de nature intellectuelle. Aussi reste-t-il inaccessible autant qu’incompréhensible aux philosophes et aux savants. De même que le sens du beau et l’amour, il ne demande aucune connaissance livresque. Les simples sentent Dieu aussi naturellement que la chaleur du soleil ou le parfum d’une fleur. Mais ce Dieu si abordable à celui qui sait aimer se cache à celui qui ne sait que comprendre. La pensée et la parole font défaut quand il s’agit de le décrire.

C’est pourquoi la prière trouve sa plus haute expression dans un essor de l’amour à travers la nuit obscure de l’intelligence.»[85]

Abandonnant une vision trop exclusivement scientifique, Carrel découvre peu à peu la véritable nature de la prière. Ce n’est plus un simple vecteur d’énergie mais un acte d’amour, le seul en mesure de mettre l’homme en contact avec Dieu.

Il lui vient cette comparaison : «De même que la respiration est la fonction qui permet les échanges gazeux entre notre corps et l’atmosphère, de même la prière serait la fonction permettant les échanges entre Dieu et l’homme. »

La prière serait, en quelque sorte, la respiration de l’âme.

On peut, dès lors, mesurer la profonde transformation spirituelle de ce Prix Nobel scientifique découvrant la prodigieuse puissance de l’amour qui, nous élevant au-dessus de nous-mêmes, au-delà de notre intelligence, nous permet d’atteindre le but suprême de notre destinée: l’union avec Dieu. Dieu ne demeurait-il pas caché à celui qui, au chevet de Marie Bailly, ne savait que chercher à comprendre? Maintenant, Carrel n’était plus seul dans la nuit.

Une question demeure que nous ne pouvons écarter: Carrel, en définitive, a-t-il reconnu une intervention surnaturelle, un signe de Dieu, dans la guérison de Marie Bailly ?

Aucun témoignage dans ce sens n’est parvenu jusqu’à nous. Nous ne rencontrons que le silence de la part de ceux dont il était le plus proche: silence d’Anne, sa femme; silence de dom Alexis Presse, son ami et confident spirituel, notamment dans l’introduction qu’il a rédigée, à la demande d’Anne, à l’occasion de la publication du Voyage de Lourdes; et surtout, silence de Carrel lui-même, en particulier dans son dernier ouvrage, La Prière, dans lequel il aborde, notamment, « les effets curatifs de la prière». Il y a incontestablement un mystère du Voyage de Lourdes.

Le récit de Carrel constitue une véritable confession dans laquelle il exprime l’évolution de ses sentiments dans la plus émouvante intimité et, arrivant à surmonter son doute avec l’aide de la Vierge, reconnaît un miracle dans la guérison de Marie Bailly. Il ne s’agit pas de notes personnelles mais d’un témoignage, de ce « volume entièrement sincère » qu’il s’était promis de publier. Or nous savons, que revenu à Lyon après son voyage à Lourdes, il a été progressivement envahi par le doute. Dès lors, quelle pouvait être son attitude sinon de conserver son manuscrit dans l’attente d’éléments nouveaux. Nous savons que bien des années plus tard, il était encore en recherche à cet égard.

En l’absence, semble-t-il, d’informations qui auraient levé son doute, Carrel a renoncé à la publication de son ouvrage, Le voyage de Lourdes, lequel est demeuré dans ses papiers personnels, ignoré de tous. C’est après son décès qu’Anne le découvrit et décida, en 1949, de le publier.

Nul ne connaît les sentiments intimes que Carrel portait, peutêtre, au plus profond de lui-même et dont il a gardé le secret.

L’essentiel n’est-il pas, en définitive, dans ce retour du « doute menaçant » que Carrel avait cru pouvoir écarter sous la main de la Vierge et qui, loin de le décourager, va l’inciter à poursuivre inlassablement sa route à la recherche de la vérité. Ce sont d’autres guérisons, sans doute considérées par lui comme plus significatives, qui l’ont convaincu de la réalité des guérisons miraculeuses, mais il n’a jamais oublié le choc vécu par lui à Lourdes le 28 mai 1902.

C’est dans la paix de l’âme et de la certitude retrouvée que Carrel, le 5 novembre 1944, rendit le dernier soupir, lui qui peu avant avait écrit ces mots: « Pour chaque homme, la mort a une différente signification; car la mort dépend de la vie; et le sens de la vie change suivant les individus. Presque toujours la mort est comme la fin d’une journée de pluie monotone, pénible et triste. Parfois elle a la beauté du crépuscule dans la montagne, ou elle ressemble au sommeil du héros après le combat. Mais elle peut être, si nous le voulons, l’immersion de l’âme dans la splendeur de

Dieu. » [86]

Quelques lignes pour conclure

« Ce n’est pas la raison mais le sentiment qui mène l’homme au sommet de sa destinée. L’esprit s’élève par la souffrance et le désir plus que par l’intelligence; à un certain moment du voyage, il laisse derrière lui l’intelligence, dont le poids est trop lourd. Il se réduit à l’essence de l’âme qui est amour. Seul, au milieu de cette nuit de la raison, il s’échappe du temps et de l’espace et, par un processus que les grands mystiques eux-mêmes n’ont jamais été capables de décrire, il s’unit au substratum ineffable de toutes choses. Peut- être cette union avec Dieu est-elle le but secret vers lequel tend l’individu dès l’instant où l’ovule fécondé commence sa division et sa croissance dans la paroi de l’utérus maternel. » 30

À propos du sens littéral de l’Apocalypse

Présentation: Suite à l’article au titre quelque peu provocateur Le mystère de l’Apocalypse dévoilé, de R.P. Jouvenroux (Le Cep n° 49), une fidèle lectrice de Limoges, Madame Françoise Hardy, s’est émue de voir mis de côté le sublime sens spirituel de ce livre aux accents manifestement célestes. Nous croyons utile d’exposer ici son argumentation et la réponse rapide que nous lui avons faite, non dans l’idée de clore ainsi le débat, mais, à l’inverse, d’en montrer tout l’intérêt.

La lettre reçue (extraits): Maintenant, voici une autre remarque, dont je vais essayer d’atténuer le ton, car je suis ahurie et à vrai dire « en colère ». Il s’agit du long texte (trop long !) intitulé »le mystère de l’Apocalypse » qui ne me semble absolument pas cadrer avec l’esprit chrétien du Cep.

Tout d’abord l’incroyable prétention de l’auteur d’avoir enfin, avec sa grande intelligence, décrypté l’Apocalypse ! Son travail d’historien de l’œuvre de saint Jean ne répond en rien à l’esprit du sublime apôtre de la lumière.

Ensuite les explications historiques de son cru qui cherchent à s’insérer dans une œuvre spirituelle où elles n’ont rien à faire, y compris l’établissement absolument artificiel d’une liste d’empereurs qui n’ont rien à voir avec l’Apocalypse!

Enfin (semble-t-il), l’ignorance inouïe que l’Apocalypse est « hors du temps », le temps de Dieu s’étendant sur la vie entière de l’Église, et par là l’idée incroyable de rapprocher l’œuvre révélée de saint Jean (l’aigle) de l’histoire de son temps, qu’il connaissait certainement, alors que son âme, son esprit et son cœur vivaient sans aucun doute bien au delà.

Cette œuvre d’historien me met hors de moi, tant elle transpire du début à la fin d’une ignorance fondamentale de la vie spirituelle sublime de l’Apôtre de la lumière, de cette lumière éternelle que nous, pauvres pécheurs, ne connaîtrons qu’au-delà de cette vie.

Beaucoup d’exégètes se sont cassé les dents sur ce texte trop élevé pour être humainement compris et R.P. Jouvenroux, après le réveil aussi fourni et sans doute long et difficile, aurait à lui tout seul trouvé la clé du texte, comme on déchiffre un rébus ou des mots croisés ! Seigneur ! Je n’ose penser à son énorme surprise le jour de la mort quand il paraîtra devant son Créateur, l’Intelligence infinie, l’Amour infini et la Simplicité parfaite.

Excusez cette diatribe. Je vous écris ce que je pense et si je ne juge pas l’intention assez vaine de l’historien, je déplore que ce travail puisse induire en erreur tant d’esprits ignorants de notre temps, leur faisant suivre une route faussée car amputée de sa nature foncière, l’infinie supériorité de Dieu, que Dieu dans son amour à permis à saint Jean d’évoquer et de transmettre et que nos âmes doivent essayer de recevoir dans l’humilité, avec nos lumières hésitantes et limitées.

J’ai été surprise (c’est la première fois!) que Le Cep puisse publier in-extenso ou presque (avec une liste longue, trop longue de références…) une étude qui m’est apparue faussée. Cela m’attriste… Je ne me prends pas pour la Vérité, mais je vous écris sans détours tout ce que je pense et ressens fondamentalement. Cela ne change en rien mon extrême estime pour Le Cep qui est une grande richesse pour les esprits droits et désireux de reconnaître la vérité (et ce n’est pas facile !)

_____________________________

La réponse de la rédaction:

Quant à l’article de Jouvenroux, je vois maintenant que le texte de présentation, en encadré, aurait dû anticiper sur votre réaction et répondre ainsi aux objections prévisibles que vous soulevez. L’intention y était puisqu’il évoque « l’interprétation historique littérale des chapitres 12, 13, 17 et 18 de l’Apocalypse. » Ici chaque mot porte, mais c’était beaucoup trop succinct et l’importance du sujet demandait un développement.

(….) Mais je ne peux vous accorder qu’il est inutile, prétentieux, voire dérisoire, de jeter sur ce texte inspiré un regard d’historien. Les exégètes cités en bibliographie (et je pense en particulier à dom Calmet) montrent bien que ce travail d’identification à des personnages historiques, et en particulier à des empereurs, est tout à fait légitime et fait partie de l’étude littérale de l’Apocalypse.

Que le sens spirituel l’emporte de beaucoup, en dignité et en importance, sur le sens littéral, je vous l’accorde volontiers. Mais, comme le signale Jouvenroux, le caractère déjà prophétique du sens littéral (ainsi pour le septième roi qui « n’est pas encore venu ») ne détruit nullement, renforce plutôt, sa dimension eschatologique. Jouvenroux ne nie nullement la « vie spirituelle sublime de l’Apôtre de la lumière », il ne prétend pas en dévoiler le mystère, s’en sachant d’ailleurs indigne. Mais, demeurant à sa modeste place d’historien et de scientifique, et au prix (je puis en témoigner) de plusieurs années de travail, il est arrivé à une solution convaincante pour un problème, peut-être mineur et subalterne, mais qui a cependant intrigué nombre d’exégètes.

Je vous donnerais raison si vous montriez que l’identification de la 6ème tête avec Vitellius, par exemple, ne tenait pas. Mais je ne puis vous laisser écrire que la sublimité spirituelle du Livre inspiré ôte tout intérêt à sa vérification historique. On trouve dans l’Évangile un bel exemple de l’importance de ce sens littéral le plus immédiat. Jésus dit en effet : « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai tout à moi » (Jn 12, 32). En lisant ces mots, on évoquerait volontiers la gloire future d’un Christ Pantocrator comme on le représente souvent sur le dôme des basiliques grecques (ou même à Montmartre). Or saint Jean, ce même saint Jean le grand mystique, ajoute aussitôt : « Il disait cela pour signifier le genre de mort qu’il devait subir. » C’est donc attacher de l’importance au sens littéral le plus immédiat, le plus matériel: l’élévation au-dessus du sol par la mise en croix.

Certes, comme vous l’écrivez, l’Apocalypse est « hors du temps » (du temps immédiat de saint Jean); elle décrit un temps eschatologique différent, mais auquel notre temps doit quand même, de quelque manière, se trouver relié. Sinon, le message spirituel lui-même perdrait son actualité.

In memoriam P. Michel Sinoir (1927-2010)

Le P. Michel Sinoir s’en est allé vers l’autre monde le 1er avril dernier. Cette date ne surprendra pas, venant d’un abonné facétieux qui aimait à émerveiller les enfants par d’habiles tours de prestidigitation! Mais ce premier avril tombait aussi le Jeudi Saint, un grand jour pour ce prêtre qui s’était résolu à quitter son diocèse de Paris, par fidélité à l’enseignement reçu. Théologien rigoureux, aimant à lire saint Albert le Grand dans le texte original, il fut par la suite réintégré par le cardinal Lustiger, son ancien condisciple. Mais il demeura dans sa retraite de Saint-Aignan-sur-Roë où il assurait l’aumônerie d’un couvent dirigé par mère Marie de la Croix, âme mystique morte en odeur de sainteté.

Muni d’une vaste bibliothèque et bien informé depuis longtemps des failles scientifiques de l’évolutionnisme, il avait écrit à la demande du P. André Feuillet, en 1987, année mariale, une Note critique à propos du Péché originel, visant à réfuter l’hypothèse insolite de Mgr Léonard sur ce thème. Il reçut alors une lettre encourageante et cordiale du cardinal Ratzinger, dont nous extrayons cette phrase: « Une discussion proprement théologique, à la lumière de l’enseignement traditionnel de l’Église, peut grandement aider le Magistère à guider les fidèles dans les questions débattues aujourd’hui » (3 mai 1988). Le P. Sinoir considérait les constructions théologiques visant à escamoter le Péché personnel et l’historicité du premier Adam comme une « nouvelle gnose » et une « manipulation exégétique ». Il a donné divers articles dans l’encyclopédie Catholicisme (Letouzey et Ané), dans les Documents Paternité, dans Sedes Sapientiæ et La Pensée catholique, ainsi que plusieurs ouvrage chez Téqui (notamment La prière à genoux dans l’Écriture Sainte, 1999).

Esprit inquiet pour la vérité, il aimait à diffuser cette formule du P. Lacordaire: « L’amour sincère du bien peut s’allier à une sagesse fausse, et une sagesse fausse peut tromper jusqu’à l’exaltation des cœurs éminents! »

Que son combat obscur pour la vérité intransigeante lui mérite désormais une pleine vision de la Lumière prise à sa source même.

Requiescat in pace.

REGARD SUR LA CRÉATION

« Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu quand on Le considère dans ses ouvrages. » (Romains 1, 20)

Pourquoi les animaux jouent-ils ?[87]

Brian Thomas

Présentation: Nous nous sommes tellement habitués au réductionnisme matérialiste inspiré de l’évolutionnisme, que nous croyons possible d’expliquer ainsi nos propres comportements: les êtres vivants agiraient toujours par intérêt, pour tirer quelqu’avantage de leur situation, pour mettre à profit une supériorité… Or, le jeu vise, par définition, non la survie mais l’amusement, non l’intérêt mais le plaisir gratuit. Avec l’univers du jeu, nous entrons dans un registre qui échappe entièrement à toute interprétation darwinienne, alors qu’il concerne aussi les animaux. Reste à en tirer les conséquences: oui, la nature des êtres relève du Créateur et non de Darwin, et le Léviathan lui-même, ce grand monstre marin aujourd’hui nommé Plésiosaure, a été fait pour jouer, comme le précise le Psaume 104.

Un poète du XIXème siècle parlait de « la nature aux dents et aux griffes rouges »[88], et, effectivement, des morts parfois horribles associées au concept darwinien de l’évolution, la  »lutte pour la vie », se produisent assurément. Mais parfois les animaux jouent. Si la nature était inexorablement condamnée à être un champ de bataille pour la survie du seul plus apte, d’où viendrait alors cette envie de folâtrer ?

La plupart des gens sont très familiers du comportement enjoué des chiens. Certaines races semblent avoir une plus grande disposition pour le jeu, mais les chiens en général aiment folâtrer, soit avec les humains, soit avec d’autres chiens, voire avec des animaux d’une espèce différente.

Dans une vidéo du National Geographic de la série documentaire « Amitiés animales inattendues », Surya l’orang-outan rencontre Rosco le chien de meute à la rivière du parc et tous les deux « se comportent comme des amis séparés depuis longtemps », luttant, courant, s’étreignant, roulant et faisant les fous[89]. Ce comportement a-t-il été conçu par Dieu comme un instinct, ou est-il le sous-produit accidentel des forces naturelles ? Beaucoup d’animaux, et peut-être tous les mammifères, aiment jouer. Les écureuils sautillent, les kangourous fond des bonds, les singes sont des clowns réputés et même les tortues semblent se livrer à des folies en mouvement lent. Et les créatures marines ne sont pas non plus immunisées contre l’amusement. Les loutres de mer passent un temps anormalement long à tournoyer, paraissant exprimer simplement leur joie d’être capables de le faire.

Les corbeaux font des farces à d’autres créatures et, parfois même, font équipe pour jouer. Un rapport déclare qu’un groupe de corbeaux « volait vers un autre groupe, laissait tomber un moule en fer blanc et un membre de l’autre groupe plongeait et l’attrapait au vol, faisait demi-tour et volait vers l’autre équipe puis lâchait le moule et poursuivait ce jeu tout en faisant beaucoup de bruit. C’était très drôle à voir. »[90]

Le jeu des animaux « défie les spécialistes du comportement depuis longtemps. » [91] Les chercheurs présument toujours une histoire darwinienne de la vie, dans laquelle tous les traits et même les comportements ont évolué en réponse à la sélection. Cependant, les experts en jeu animal durent admettre en 1998 que demeurait encore non résolue cette question: « Que représente exactement le jeu pour un jeune animal? » [92]

Une question encore plus fondamentale est celle-ci: est-ce que le jeu aide réellement de quelque manière un jeune (ou vieil) animal à devenir un survivant plus apte, spécialement si l’on considère l’énergie et le risque impliqués?

À réponse négative – les animaux jouent, certes, mais peut-être pour leur plaisir et non pour accroître leurs chances de survie – alors il ne serait pas surprenant que les chercheurs évolutionnistes n’obtiennent pas de réponse à leur question biaisée par l’évolutionnisme. Avec une telle œillère, ils ne sont pas près de trouver la bonne réponse, en dépit de décennies « de beaucoup de spéculation passée et à venir. » Si les animaux jouent simplement pour faire les fous, alors le darwinisme est bien incapable d’expliquer l’origine de leur comportement. S’ils ont évolué en vertu de forces purement naturelles, comme les scientifiques officiels le pensent, alors tous les caractères d’une créature devraient être purement utilitaires. L’amusement n’entre pas dans cette catégorie.

La Création pourrait-elle suffire comme explication alternative ? Quel est donc ce Dieu qui permet le jeu ? Selon la Bible, c’est bien le Créateur. Le Psaume 104, 25-26 dit en effet: Voici la mer, large et vaste: là fourmillent sans nombre des animaux petits et grands; là se promènent les navires, et le Léviathan que tu as formé pour y jouer[93].

On ne sait plus exactement quel genre de créature est ou était le Léviathan[94], mais apparemment il était « fait pour jouer », ce que l’on peut aussi traduire par « conçu pour montrer sa facétie. »

Le jeu des animaux, comme aussi ces plumes superfétatoires qui habillent le paon et qui ont donné tant de souci à Darwin, s’ajoute à une longue liste de traits qui semblent avoir été conçus, non pour la survie, mais pour déployer les attributs du Créateur.9

Courrier des lecteurs

Du Père P. U. (Morbihan)

L’article de Jean-Marie Mathieu dans Le Cep n°48 rejoint plusieurs études sur l’arrogance sacrée de l’islamisme, qui reste entre la religion archaïque et la révélation. Et parce que l’islam est finalement une pseudo-révélation, il renforce la religion archaïque: tel est le point de vue de René Girard dans son livre Achever Clauzewitz (Éd. Carnets du Nord, 2007).

Girard est spécialiste de  »la violence et du sacré » et sait ce que signifie ce mot du Christ: « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. » Car le christianisme refuse la condamnation du  »bouc émissaire » qui canalise la violence accusatrice de la masse.

Dans son chapitre  »Le Pape et l’Empereur », Girard aborde la théologisation réciproque de la guerre (Grand Satan occidental contre forces du Mal du terrorisme islamique). Il applaudit le discours de Benoît XVI à Ratisbonne comme acte de courage face à la mollesse occidentale qui relève du complexe ou de la pseudo-tolérance.

Si l’Islam a conquis religieusement sur le dynamisme d’un monothéisme unitaire, il a pris appui sur le biblique pour refaire la religion archaïque: il s’agit d’une religion nouvelle… Et Girard de poser la question: « Pourquoi la révélation chrétienne a-t-elle

des plus fiers animaux»). Plaignons les exégètes qui, n’imaginant pas que l’homme fut contemporain des dinosaures, veulent y voir un crocodile ou un hippopotame!

9 « En effet, ses perfections invisibles, son éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la création du monde, rendues visibles à l’intelligence par le moyen de ses œuvres. Ils sont donc inexcusables, etc… » Rm 1, 20.

été soumise pendant des siècles à des critiques hostiles, aussi féroces que possible, et jamais l’islam? Il y a là une démission de la raison! » (cf. op. cit. pp. 355-363) Merci, M. Mathieu!

__________________________________ De Sœur C.-M. (Italie)

En renouvelant notre abonnement pour 1’année 2010, nous vous renouvelons toute notre estime et notre intérêt, espérant que vos témoignages scientifiques trouvent une audience de plus en plus large.

En union de prière pour le renouvellement de notre civilisation chrétienne auquel vous contribuez si excellemment.

_________________________________

De Monsieur Th. M. (Bouches-du-Rhône)

Je remercie grandement votre revue pour l’extraordinaire article sur l’Apocalypse que vous avez publié et qui m’apporte une vision totalement renouvelée sur un sujet qui intéresse aujourd’hui beaucoup de jeunes passionnés, bien audelà des seuls chrétiens. Grâce à ce commentaire, saint Jean trouve une dimension insoupçonnée qui ne fait que renforcer l’intérêt de son Livre pour aujourd’hui ou … la fin des temps! Il faut espérer que les exégètes de l’École Biblique de Jérusalem seront plus vigilants et interviendront pour restituer au moins le sens historique réel du verset 10 (au chapitre 17) du dernier Livre de la Bible. J’en profite pour m’abonner comme étudiant.

Communéité

Carl Christaki

Saint Paul avait raison, Christ est ressuscité!

C’est notre unique chance, aujourd’hui, d’exister. C’est nous qui Te vivons dans Ta postérité, Seigneur qui nous donna la Communéité:

L’âge d’amour vivant, le lieu de vérité,

Le parachèvement de notre trinité, En chaque homme égalant toute l’humanité, Dans les jours de sa vie et pour l’Eternité!

Qui donc est-il, cet homme au pauvre corps pensant?

Un petit feu qui brûle, en un vase de terre,

Un peu d’eau douloureuse à devenir le sang,

C’est le feu, c’est la mer, c’est la chair et les sens.

C’est moi, c’est toi, c’est lui, ce sont nos autres frères,

Les âges et les lieux et les murs traversant ;

C’est le Fils bien-aimé que l’Esprit mène au Père, Par une ascension, pour jamais ne cessant.

La Communéité gouverne ce mystère

Bouleversant.

Dont je suis l’humble et pauvre, obscur Porte-Lumière.

*

* *

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  1. Pierre Picard, « Les labos et la grippe H1N1 : Michèle Rivasi a demandé une enquête », Votre Santé n°125, mars 2010, p.7.

  2. La même tactique avait servi lors du lancement du PACS. Devant l’opposition des maires (une petite moitié des 36.000 maires de France, ce qui n’est pas peu, avaient signé une pétition lancée par le recteur Alice SaunierSeïté, ancien ministre, présidente du Mouvement national des élus locaux, en déclarant qu’ils refusaient de procéder en mairie à cette parodie du mariage!), il fut décidé que le PACS serait simplement enregistré en Préfecture.

    On peut se demander ce que vaut une « démocratie » dans laquelle 15.032 maires, soit un échantillon hautement représentatif de la population responsable, sont comptés pour rien !

  3. Cf. http://www.objectifliberte.fr/dossier-rechauffement-climatique.html

  4. Notons au passage que le CO2 n’est pas un gaz polluant : il est nécessaire à la photosynthèse par les plantes et son augmentation dans l’atmosphère favoriserait les rendements agricoles.

  5. Intergovernmental Panel on Climate Change (en français : GIEC). Voir plus loin cette lettre intégrale, avec les noms des signataires et leurs qualifications.

  6. Si l’on en croit les courriers électroniques dérobés dans les ordinateurs du GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Études du Climat), à l’Université d’East Anglia, plus qu’une « petite retouche » des données, il s’agirait de fraude caractérisée. Un hacker a piraté les ordinateurs du Hadley Center, et mis sur internet des échanges entre divers membre du GIEC, notamment le directeur du Centre, Phil Jones, qui en a reconnu l’authenticité. Le Wall Street Journal (21/11/09) commente: « Une lecture partielle des courriels démontre que, dans beaucoup de cas, les climatologues révèlent que leurs propres travaux ne sont pas concluants. Dans d’autres courriels, ils discutent de comment dissimuler des désaccords entre eux afin de présenter une position « unifiée » du changement climatique. Dans au moins un courriel, on conseille à ces climatologues de « renforcer » leurs conclusions au sujet du changement climatique et d’événements climatiques extrêmes parce que les responsables gouvernementaux d’un pays préparaient « un gros événement médiatique ».

  7. Durant un quart de siècle, Lyssenko a écarté de la biologie soviétique les fructueux travaux de Mendel, jugés « réactionnaires » car ils posaient une limite aux transformations que l’on espérait introduire chez les êtres vivants.

  8. Ces deux exemples de « science officielle » ne sont certainement pas les seuls. En réalité, science « asservie » et science « officielle » désignent une seule et même réalité, un adjectif s’attachant à la cause et l’autre à l’effet.

  9. Laurent Lafforgue,’L’école victime de la confusion des ordres ‘, Le Cep n°42, p. 77.

  10. Conférence donnée au colloque du CEP à Nevers, le 3 octobre 2009. Les formules et citations en caractères gras sont tirées des œuvres traduites en français de Max Thürkauf.

  11. Docteur en Physique, Chef d’un groupe de recherches au CEA-LETI (Commissariat à l’énergie atomique) et professeur de nanoélectronique à l’Université de Grenoble.

  12. Max Thürkauf, Le Christ et la science expérimentale moderne, Éd. Téqui, 2008, p.55.

  13. Hugh Owen, « The negative impact of the evolutionary hypothesis on scientific research: A retrospective assessment », in Evoluzionismo, il tramonto di una ipótesi, a cura di Roberto de Mattei, Siena, Cantagalli, 2009.

  14. La quête d’eau sur Mars, la recherche de planètes hors du système solaire, sont des tentatives désespérées pour « rajeunir » les théories de l’évolution.

  15. Surtout ne pas comprendre « sans faim ». On vous en fait avaler quel que soit votre appétit !

  16. Contraction de pessimisme et de simiesque.

  17. Cf. D. Tassot, »Galilée dans la sacristie », Le Cep n°35, p.63 squ.

  18. Max Thürkauf, Le Christ et la science expérimentale moderne, op.cit.; Cosmos et Création. La mante religieuse. Deux savants à la recherche de Dieu, Téqui, 1989.

  19. André Boulet, Création et Rédemption, Téqui, 2009.

  20. D. Tassot, L’évolution. Une difficulté pour la science, un danger pour la foi, Téqui, 2009.

  21. Ndlr. Historien des sciences à l’Université Paris VII, P. Thuillier a collaboré durant 30 ans à La Recherche, se signalant par une rubrique de grande valeur, certes fermée à toute religion et un temps influencée par le marxisme, mais toutefois ouverte à la démystification de la science. Le titre de son dernier livre le montre assez bien: La revanche des sorcières. L’irrationnel et la pensée scientifique, Belin, 1997. On lira aussi avec intérêt: Aimé Richardt, La vérité sur l’affaire Galilée, F.-X. de Guibert, 2007.

  22. « The Funeral of a Great Myth », in Christian Reflections (1998). Traduction Claude Eon.

  23. Clive Staples Lewis, plus connu sous le nom de C. S. Lewis, né à Belfast le 29 novembre 1898 et mort à Oxford le 22 novembre 1963, était un écrivain et universitaire irlandais. Il est connu pour ses travaux sur la littérature médiévale, ses ouvrages de critique littéraire et d’apologétique du christianisme, ainsi que pour la série des Chroniques de Narnia parues entre 1950 et 1957. Il était un ami très proche de J. R. R. Tolkien, l’auteur du Seigneur des anneaux, aux côtés duquel il a enseigné à la Faculté de littérature anglaise de l’université d’Oxford ; ils faisaient tous deux partie du cercle littéraire des Inklings. En partie grâce à l’influence de Tolkien, Lewis s’est converti au christianisme, devenant, selon ses propres termes, « un très ordinaire laïc de l’Église d’Angleterre[1] » ; cette conversion a eu de profondes conséquences sur son œuvre. Il acquit une grande popularité grâce aux chroniques radiophoniques sur le christianisme qu’il a données au cours de la Seconde Guerre mondiale et obtenu un énorme succès avec ses livres de fantasy pour enfants.

  24. Robert Bridges (1844-1930), poète anglais, auteur de ce Testament of Beauty publié en 1929. [NdT].

  25. Lucien de Samosate (v 125-v 180) inventa la forme du dialogue

    humoristique ironisant sur les philosophes [NdT]

  26. Snorri Sturluson (1178-1241), historien et poète islandais, auteur de sagas et de récits mythologiques, dont Edda ou Edda la Jeune. [NdT]

  27. Watson, cité dans « Science and the BBC », Nineteenth Century, avril 1943.

  28. « Darwinism Today », Possible Worlds, p. 28.

  29. John Milton, Samson Agonistes (1671) ligne 1758.

  30. Henry Louis Mencken (1880-1956), journaliste américain et critique acerbe de la culture américaine. Voici un exemple de ses aphorismes: « Un cynique est quelqu’un qui, lorsqu’il sent une fleur, cherche autour de lui un cercueil. » [NdT].

  31. Personnage de la Tétralogie de Wagner. père adoptif mais haineux de Siegfried. [NdT].

  32. Littéralement: un chant célébrant l’origine. [NdT].

  33. Dans la Walkyrie, Nothung est l’épée que Siegfried arrache du tronc avant de s’enfuir avec Sieglinde. [NdT].

  34. Fils d’Odin et Dieu de la lumière, de la paix, de la vertu et de la sagesse dans la mythologie nordique. [NdT]

  35. J.M. Loth, « Les noms du cheval chez les Celtes en relation avec quelques problèmes archéologiques », Mémoires de l’Académie XLIII, Imprimerie Nationale, s.d., pp. 117-139.

  36. Ndlr. Étym. « souterrain »: ayant donc rapport avec les divinités « infernales » (Perséphone, Hadès, Déméter, etc.).

  37. Mais à prononcer « ega » selon la graphie occitane normalisée, ce qui montre bien le lien avec le mot du latin equa, jument.

  38. Perrot et Chipiez, Histoire de l’art dans l’Antiquité, t. V, Paris, Hachette, 1850, p. 2, note 1, donnent ce qui suit: « Hérodote, Histoires, VII, 73. Cf. Eudoxe dans Étienne de Byzance, s.d., et Eustathe dans son Commentaire sur Denys le Périégète, 624. On allait jusqu’à regarder comme synonymes les deux mots Arménien et Phrygien (Crair, Anecdota græca oxoniensia IV, p. 257). Josèphe, Ant. jud. 1.6, fait des Phrygiens les descendants du Thogarma du ch. X de la Genèse. On s’accorde à croire que le nom de Thogarma désigne les

    Arméniens. »

  39. Jan Liepardus, Zur Entstehung der Linearband Keramik (Contribution à l’origine de la céramique linéaire rubannée), Germania, pp. 1-15; t. 50, Saarbrücken, 1972.

  40. Les Bébryces sont des Ligures qui habitaient entre la rivière Aude et les Pyrénées, cf. Pline, Silius Italicus, Aviénus, Dion Cassius.

  41. De là le français « maréchal ».

  42. Fernand Benoît , Des chevaux du Mouriès aux chevaux de Roquepertuis, in Préhistoire, t. X, Paris, P.U.F., 1948, p. 182.

  43. Avec l’occupation romaine, lors du désarmement des tribus, les épées furent brisée et enterrées.

  44. Votre Santé n°123, janvier 2010, p. 3.

  45. Ancien doyen de la Faculté de Médecine de Paris-Bobigny.

  46. Votre Santé n°123, janvier 2010, p. 3.

  47. Extrait de La Réforme liturgique anglicane, Étampes, Clovis, 2004, pp.136-142.

  48. Michael Davies (1936-2004), d’origine galloise, fut un spécialiste de l’histoire religieuse britannique.

  49. Somme théologique, Ia-IIæ, q. 90, a. 4.

  50. On trouve dans le Courrier de Rome, n° 15 du 15 septembre 1967, dans un article de l’abbé Dulac, un choix étendu de citations; l’auteur y a puisé abondamment pour composer ce chapitre.

  51. Ndlr. Décrétale: recueil de décrets pontificaux (lettres données en réponse à des questions précises et qui, souvent, servent de règles pour les cas similaires).

  52. Somme théologique, Ia-IIæ, q. 97, a. 2.

  53. Ibid. a. 1.

  54. Ibid. a. 2.

  55. Louis Salleron, La nouvelle Messe, Paris, N.E.L., 1972, p. 40.

  56. Pascal, Pensées, n° 230, in Œuvres complètes, édit. Jacques Chevalier, Paris, la Pléiade, 1954, p. 1150 (n° 294 de l’édit. Brunschvicg).

  57. Somme théologique, I-II, q. 97, a. 2.

  58. Ibid.

  59. Les Lois, n° 797.

  60. Dietrich von Hildebrand, La Vigne ravagée, trad. A. Jourdain, Paris, Éd. du Cèdre, 1974, p. 63.

  61. James Hitchcock, RS, 1974, p. 86.

  62. Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1755.

  63. Henri Bouillard, s.j, L’idée chrétienne du Miracle, Cahier Laennec n°4, 1948.

  64. Le Voyage de Lourdes, op. cit.

  65. Ibid.

  66. Ibid.

  67. Ibid. 9Ibid.

  68. Dr René Biot, Lourdes et le Miracle. Dialogues de médecins, Bloud et Gay, 1930.

  69. Le Nouvelliste, 3 juin 1902.

  70. Le Nouvelliste, 10 juin 1902.

  71. Archives des Sanctuaires de Lourdes.

  72. Ibid.

  73. Ibid. 16 Ibid.

  74. Ndlr. Il fut un temps où l’on parlait d’eau de « Carrel-Dakin ». Si le titre de « bienfaiteur de l’humanité » a un sens, concernant un mortel, Carrel fait manifestement partie de ceux qui l’auront mérité. Il est navrant que des esprits étroits ne retiennent de toute son œuvre qu’une opinion « eugéniste » sans originalité, en parfaite conformité avec les lieux communs répandus dans l’entre-deux guerres chez les universitaires du Nouveau comme de l’Ancien mondes, et qui résulte immédiatement des thèses évolutionnistes (cf. « Deux savants devant le fait religieux: Einstein et Carrel », Le Cep n° 18, pp. 1-10). Or il faut remarquer que l’eugénisme de Carrel, à la différence des eugénismes appliqués légalement dans nombre d’États américains bien avant de l’être en Allemagne, s’en distingue radicalement car il s’agit d’un eugénisme volontaire. On ne peut en dire autant de l’avortement sélectif contemporain, puisque le sujet concerné, le fœtus, n’y a nulle voix au chapitre.

  75. Jour après jour, op.cit.

  76. Ibid.

  77. Ibid.

  78. Alexis Carrel, L’homme, cet inconnu, Plon, 1935.

  79. Ibid.

  80. Ibid.

  81. Ibid.

  82. Ibid.

  83. Ibid.

  84. Pierre Teilhard de Chardin, Sauvons l’humanité, le Seuil, nov. 1936.

  85. Alexis Carrel, La prière, Plon, 1944.

  86. Alexis Carrel, Réflexions sur la conduite de la vie, Plon, 1950. 30 Ibid.

  87. Acts & Facts, janvier 2010. Traduction Claude Eon.

  88. Tennyson, A. In Memoriam A. H.H. Canto 56.

  89. The Orangutan and the Hound. National Geographic Channel Video sur channel.nationalgeographic.com

  90. Crows Playing Catch with a Pie Pan. Rapport d’observation sur crows.net, 28 août 2009.

  91. Bekoff, M. & J.A. Byers, eds. 1988. Animal play: evolutionary, comparative, and ecological perspectives. Cambridge, U.K. Cambridge University Press, xiii.

  92. Bekoff & Byers, xiv.

  93. Ndlr. La version grecque des Septante donne ici « que Tu as formé pour te jouer de lui », tandis que l’hébreu supporte les deux traductions. Que le sujet du verbe « jouer » soit Dieu ou le Léviathan, il n’en reste pas moins que le jeu – c’est-à-dire l’acte gratuit – fait bien partie de la vision biblique du monde, alors qu’il reste étranger à l’utilitarisme darwinien.

  94. Ndlr. Les règles de la poésie hébraïque imposent une symétrie entre le Léviathan et les navires de haute mer. Il ne peut donc s’agir d’un modeste poisson. On pense donc au plésiosaure, qui entrerait aussi très bien dans la catégorie des tanninim, les « monstres marins » de Gn 1, 21, et dont le livre de Job (Jb 40, 25- 41, 26) décrit en détail l’aspect et le comportement (jusqu’au plongeon: «Il fait bouillonner l’abîme comme une chaudière, il fait de la mer un vase de parfum. Il laisse après lui un sillage de lumière, on dirait que l’abîme a des cheveux blancs. Il n’a pas son égal sur la terre (…), il est le roi