Sommaire de la revue du CEP N° 79 2ème Trimestre 2017
Table des matières
Existe-t-il de vrais athées ? Dominique Tassot 2
Une molécule peut-elle faire preuve d’ingéniosité ? P. Yannik Bonnet 16
L’Évolution : toujours une théorie en crise ! Xavier Bonneau 18
La cosmologie moderne : une déviation intellectuelle majeure (2e partie) Francis Sanchez 25
Pertinence politique de la vision chrétienne du monde Claude Polin 48
Le véritable secret de la licorne Abbé Régis Gaudin de Saint-Rémy 63
Morte ma patrie ? Jean Vernet 96
Existe-t-il de vrais athées ?
Dominique Tassot
Présentation : L’athéisme, y compris l’athéisme savant, ne date pas d’aujourd’hui. Il est facile de comprendre pourquoi : « Si Dieu n’existe pas, tout est permis », dit l’un des frères Karamazov, Ivan. Alors la société devient une jungle « sans foi ni loi », comme l’homo sovieticus a pu le constater et comme nous le découvrons à notre tour désormais. Mais quiconque réfléchit un tant soit peu se rend compte que « c’est l’athéisme qui est difficile » [à justifier intellectuellement] (É. Gilson) : alors comment rendre compte de l’ordre qui existe bel et bien dans notre univers, même si la Chute en a terni la perfection ? Les Grecs avaient inventé un dieu « Destin » s’imposant à Jupiter lui-même. Nos contemporains ont aussi leur divinité abstraite : la Nature, sorte de dieu impersonnel et vague dont la toute-puissance indéfinie répond d’avance à toutes les objections.
La question mérite d’être posée, car peu de grands esprits irréligieux se sont présentés comme athées. Voltaire, par exemple, était déiste. On connaît ce fameux distique des Cabales (1772) :
L’univers m’embarrasse, et je ne puis songer
Que cette horloge existe, et n’ait point d’horloger !
Le déiste, en effet, croit pouvoir répondre ainsi à la grande question métaphysique : pourquoi existe-t-il quelque chose plutôt que rien ? Car le moindre être vivant, qu’il s’agisse d’un vermisseau ou d’un brin d’herbe, est infiniment plus complexe qu’une horloge et requiert donc l’intervention d’une Intelligence incomparablement plus puissante que la nôtre. Voltaire concluait donc : « Dans le système qui admet un Dieu, on n’a que des difficultés à surmonter, et dans tous les autres systèmes on a des absurdités à dévorer[1]. »
Simplement, le déiste y répond par un mot (ou un concept) et non en désignant un être personnel qui, de quelque manière, pourrait le juger ou entraver sa liberté comme sa volonté.
C’est pourquoi Pascal distinguait ce « Dieu des philosophes et des savants », dieu abstrait, d’avec le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob », Dieu intervenant dans l’histoire des hommes, au besoin pour les châtier et les ramener dans le droit chemin.
Il écrit dans ses Pensées : « Tous ceux qui cherchent Dieu hors de Jésus-Christ, et qui s’arrêtent dans la nature, ou ils ne trouvent aucune lumière qui les satisfasse, ou ils arrivent à se former un moyen de connaître Dieu et de le servir sans médiateur, et par là ils tombent ou dans l’athéisme ou dans le déisme, qui sont deux choses que la religion chrétienne abhorre presque également[2] . »
Mais l’athéisme diffère du déisme puisqu’il ne se contente pas de nous dire : le Dieu auquel vous croyez n’est peut-être pas ce que vous pensez ! C’est toujours une négation, mais sur un mode affirmatif : Dieu n’existe pas ! Or, excepté en mathématiques, il est impossible de démontrer que quelque chose n’existe pas. Les faits ne se démontrent pas ; ils se constatent. Comme le notait Étienne Gilson : « C’est l’athéisme qui est difficile » (à croire), si du moins on veut bien réfléchir et remonter l’ordre des causes. Car il lui faut des causes secondes qui n’aient plus de cause première, des mouvements qui ne relèvent plus d’un premier moteur, des formes qui n’aient pas été posées par une intelligence, etc.
L’athéisme moderne a partie liée avec le rejet de la métaphysique et donc avec le matérialisme. En niant l’esprit ou, plus précisément, en faisant de notre esprit une production de la matière, il contourne les objections posées par la pensée classique. Plus exactement, il renvoie la métaphysique dans un univers fictif créé par notre cerveau, univers dans lequel pourront se complaire les esprits faibles n’osant pas admettre en face qu’eux-mêmes ne sont qu’un épiphénomène engendré par quelque soubresaut de particules matérielles. « Il faut que la pierre sente », fait dire Diderot à D’Alembert au début de leur Entretien.
Il le démontre par la fable d’une statue réduite en poudre et mélangé à de l’humus. Il imagine que, des années plus tard, « le tout s’est transformé en une matière à peu près homogène[3] ».
Il y sème alors des plantes, qu’il mange. Ainsi, par l’assimilation, du marbre s’est transformé en végétal, et le végétal en une chair qui pense : toutes les matières ne forment bien qu’une seule substance.
Puis, en attribuant la génération spontanée des formes à cette unique matière diversifiée, Diderot justifiait l’apparition de tout ce qui existe en n’admettant pour seul principe qu’« une supposition simple qui explique tout, la sensibilité, propriété générale de la matière, ou produit de l’organisation[4] ». L’athéisme trouvait ainsi, croyait-il, une justification irréfutable : « Soyez logicien et ne substituez pas, à une cause qui est et qui explique tout, une autre cause qui ne se conçoit pas, dont la liaison avec l’effet se conçoit encore moins, qui engendre une multitude infinie de difficultés et qui n’en résout aucune[5].»
Mais une cause qui explique tout, explique aussi le contraire de tout. La faiblesse de l’argumentation de Diderot se dévoile dans l’article « Spinoziste » de l’Encyclopédie, où il écrivait, en parlant des néo-spinozistes (dont il était, sans le dire) : « [leur] principe général, c’est que la matière est sensible, ce qu’ils démontrent par le développement de l’œuf, corps inerte qui par le seul instrument de la chaleur graduée passe à l’état d’être sentant et vivant[6].» Car si l’œuf est peut-être inerte, en ce sens qu’il ne possède pas de centre nerveux susceptible de provoquer une réaction réflexe, il est bel et bien doué de vie, et il ne suffit pas de faire appel aux vertus de « l’organisation » pour passer graduellement et naturellement du minéral à une molécule biochimique, ou de cette dernière à l’ovule.
Le matérialisme à la Diderot, fondé sur l’ignorance des processus propres à la vie, n’était au fond qu’une reprise élargie du vieux mythe de la génération spontanée. Lucrèce l’exposait ainsi dans son De rerum natura : « Puisque nous voyons se changer en poussins vivants les œufs des oiseaux, et les vers sortir en grouillant de la terre lorsque l’excès des pluies l’a corrompue, on en peut évidemment conclure que le sensible peut naître de l’insensible[7].»
Le matérialisme contemporain est demeuré dans la droite ligne de celui de Diderot. On peut considérer que le marxisme a représenté l’achèvement pratique de cette pensée athée : souvenons-nous, en effet, que les bolcheviques furent longtemps désignés comme les « sans-Dieu » (bezbojniki, en russe). Or ce matérialisme s’est répandu bien au-delà de l’Empire soviétique. Il faudra sans doute le compter parmi les « erreurs » que la Russie devait répandre par le monde, et la chute du Rideau de fer ne l’a nullement fait disparaître. Le consumérisme, l’horizontalisme, l’hédonisme, l’absence d’idéaux caractérisent même aujourd’hui en premier lieu les pays d’Occident qui furent jadis la cible de la propagande rouge.
Maintenant se pose la question : toutes ces victimes de la doctrine matérialiste véhiculée et répétée dès l’école primaire par les forgeurs de l’opinion, toutes ces intelligences enfermées dans l’étroit habitacle de leur égo, ces habitués du discours à la première personne du singulier[8], ces intellectuels convaincus que la pensée n’est qu’une fluctuation particulière de la grande vibration cosmique, sont-ils de vrais athées ? L’athéisme serait-il devenu si facile et si simple ?
Ce n’est pas sans raison, en effet, que Richard Dawkins écrivait en 1986, dans L’Horloger aveugle : « Darwin a produit la justification intellectuelle qu’attendaient les athées[9]. » Le célèbre biologiste d’Oxford, athée militant, reconnaissait ainsi la difficulté à résoudre. Comment croire vraiment que l’univers merveilleux qui nous environne, de l’harmonie du cosmos astrophysique à la finalité évidente dans les processus vivants, soit le fruit du hasard, d’un hasard aveugle excluant toute référence, même indirecte, à une Intelligence ordonnatrice ?
De là ce titre : L’Horloger aveugle, sonnant comme une réplique à Voltaire[10] et à tous les grands noms du déisme savant. Mais s’il suffit parfois d’affirmer pour être cru – et là gît toute la responsabilité des intellectuels en position d’autorité –, il ne suffit pas d’énoncer clairement pour que l’énoncé soit vrai.
Les marxistes eurent beau jeu de dire que la religion n’était qu’un artifice à l’usage de la classe dominante, l’anéantissement de l’aristocratie russe n’a pas suffi à vider définitivement les églises. C’est qu’une explication universelle par le Hasard n’a jamais tenu bien longtemps. Déjà la pensé antique avait réagi contre Lucrèce et son maître Épicure par un trait irrécusable : « Tout homme venant au monde est capable de comprendre l’argument de simple bon sens, du célèbre discours d’Octavius, Africain vivant à Rome, qui s’exprimait ainsi, en l’année 211 de notre ère, en vue de prouver à son ami Cécilius, l’existence de Dieu à partir de la seule expérience que nous ayons de la nature.“ Je suppose, dit Octavius, que vous entriez dans une maison dont les appartements sont magnifiquement meublés, et où tout est dans l’ordre le plus parfait : pourriez-vous, à ce spectacle, douter qu’il n’y eût dans la maison un maître qui veille à tout, et dont la nature est bien supérieure à celle des ameublements que vous admirez ? De même, quand vous envisagez le ciel et la terre, et que vous considérez l’harmonie et l’enchaînement qui, de différents êtres, forment un ensemble admirable, vous ne pouvez révoquer en doute l’existence d’un Seigneur suprême, qui par ses perfections efface l’éclat des astres, et qui est infiniment plus digne d’admiration que tous les ouvrages de ses mains. ” Cette preuve, pour être à la portée des esprits les plus ordinaires, n’en a pas moins une force et une évidence que toute la subtilité imaginable ne peut ni éluder ni affaiblir[11]. »
Octavius ne faisait d’ailleurs qu’étendre à l’univers un argument déjà énoncé par Galien (131-201) à propos du corps humain.
Le savant médecin et anatomiste grec, après avoir remarqué l’exacte distribution des nerfs dans les muscles et les autres organes du visage, s’exclamait : « Sont-ce là des productions du hasard ? Pour moi, quand je pense à cette distribution des nerfs jusque dans les moindres organes[12], que ces nerfs sont chacun de la grandeur qu’il le faut pour chaque organe, je ne sais si l’on doit regarder comme des gens sages ceux qui en tout cela ne reconnaissent d’autre agent que le hasard. Si cela est, où trouvera-t-on quelque chose faite avec art et avec dessein ? Car il est certain que ce qui doit son origine au hasard doit avoir un caractère tout opposé à celui de l’art[13]. »
On peut donc se demander comment un intellectuel comme Dawkins a pu s’imaginer que la doctrine évolutionniste échapperait à un argument qui défie les siècles. La réponse se laissait déjà deviner chez Lamarck écrivant en 1800 :
« Il paraît, comme je l’ai déjà dit, que du temps et des circonstances favorables sont les deux principaux moyens que la nature emploie pour donner l’existence à toutes ses productions. On sait que le temps n’a pas de limite pour elle, et qu’en conséquence elle l’a toujours à sa disposition. Quant aux circonstances dont elle a eu besoin et dont elle se sert encore chaque jour pour varier ses productions, on peut dire qu’elles sont en quelque sorte inépuisables[14]. »
Il est clair que pour Lamarck, le premier à avoir développé une doctrine scientifique de l’évolution, la nature n’est plus une simple collection d’êtres vivants ou minéraux, ceux dont les esprits curieux du 18è siècle garnissaient leurs cabinets de « sciences naturelles », ou encore un concept philosophique abstrait. En prenant une majuscule, comme ce sera souvent le cas par la suite, « la Nature » a aussi changé de statut : elle devient une force universelle, toujours et partout en action, un sujet grandiose produisant les êtres et régissant leur devenir par ses lois, une totalité englobante qui rend compte du connu et même de l’inconnu.
C’est donc en projetant sur « la Nature » tous les attributs de la divinité que la pensée moderne a entrepris de se passer de Dieu[15].
De là tant de formules mirobolantes trouvées sous la plume des plus grands noms de la science. Ainsi Jacques Monod écrivant – sans rire semble-t-il – aussitôt reçu son prix Nobel : « Si les vertébrés tétrapodes sont apparus et ont pu donner le merveilleux épanouissement que représentent les amphibiens, les reptiles et les mammifères, c’est à l’origine parce qu’un poisson primitif a « choisi » d’aller explorer la terre où il ne pouvait cependant se déplacer qu’en sautillant maladroitement. Il créait ainsi, comme d’une modification de comportement, la pression de sélection qui devait développer les membres puissants des tétrapodes…cet explorateur audacieux, ce Magellan de l’évolution[16]. »
On ne détruit bien que ce que l’on remplace. Tout l’objet de l’évolutionnisme, depuis Lamarck et Darwin, est donc d’éliminer le surnaturel dans l’origine du monde en faveur d’un pouvoir organisateur spontané, non prouvé, inhérent à la nature elle-même.
Quand Darwin en appelle à une sélection dite « naturelle » pour opérer à grande échelle, dans l’espace comme dans le temps, les petites améliorations que recherche un éleveur sur son cheptel, il ne fait que projeter sur le règne animal ces facultés de discernement, de raisonnement et de décision que nous ne connaissons que chez l’homme. Or nul athée n’a jamais été assez fou pour prétendre que l’homme ait tout créé, même si les conditions d’existence modernes font que beaucoup vivent dans un univers fait de béton, d’acier et de plastique, où la nourriture se cueille sur les rayons des magasins, l’eau sort d’une bouteille et la musique est produite par les vibrations d’un haut-parleur.
De là à penser que ces productions humaines sont autosuffisantes et ne dépendent pas d’un environnement favorable, il y a cependant un pas que nul n’osera plus franchir, surtout depuis que la conscience écologique a, de quelque manière, remis l’homme à sa place.
Ne reste donc encore et toujours que « la Nature » pour assumer le rôle du « maître de maison » évoqué par Octavius. La déesse Gaïa a repris du service chez les amis des plantes, déesse subalterne mais proche, plus parlante à nos intuitions cosmiques que l’abstraite « nature » des philosophes et des savants.
Ainsi, la plupart de ceux qui se disent ou se croient « athées » ne le sont pas vraiment : ce sont des déistes qui s’ignorent, attribuant à une mystérieuse « Nature » le pouvoir organisateur, l’intelligence ordonnatrice et l’activité universelle qu’appelle la considération des choses créées.
Certes, il peut subsister quelques athées enfermés dans leur système et qui n’en ressentent pas les « absurdités à dévorer » car la pensée en eux est éteinte. Ne leur reste plus qu’une affirmation obtuse partant d’un principe faux : le primat de la matière sur la forme. L’Écriture, à deux reprises, n’hésite pas à les dire insensés, sots, stupides, déraisonnables et imbéciles (tels sont les différents sens de l’hébreu נבל naval) : « L’insensé dit en son cœur : “ il n’y a pas de Dieu ” ! » (Ps 14 (13), 1 & 53 (52), 2).
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À noter : Colloque du CEP à Paris (Orsay)
les 23 et 24 septembre 2017
Thème : La civilisation au péril des religiosités
Conférences d’Anne Bernet, Me Jérôme Triomphe,
Dr François Plantey, P. Olivier N’Guyen, Abbé Guy Pagès, David Mascré, Abbé Christophe Beaublat,et Dominique Tassot
SCIENCE ET TECHNIQUE
« Les rationalistes fuient le mystère
pour se précipiter dans l’incohérence. »
(Bossuet)
Les sciences « dures » sont-elles intouchables ? Entretien avec le Pr Sandro Rajola[17]
Fabrizio Cannone
Présentation : La science est souvent perçue comme intouchable et ses vérités comme incontestables. Or il n’en est rien : comme toute activité humaine, elle a ses faiblesses, ses petits côtés et ses préjugés. Mais seul le petit nombre est habilité à pénétrer dans le temple de la science pour y connaître l’envers du décor. Ici, c’est un mathématicien italien que notre correspondant romain est allé interroger à ce sujet. Les réponses ne surprendront pas les lecteurs du Cep, mais tout l’intérêt de telles confidences consiste en ce que ces dernières proviennent d’un homme du sérail.
Que la recherche historique soit archi-pleine de préjugés et d’a priori, et que par la suite elle soit rédigée selon la forma mentis des vainqueurs (politiques ou culturels) et selon les diktats de « l’air du temps », c’est désormais une vérité de La Palice, indéniable et d’ailleurs admise par tous. Mais il en va pareillement dans de nombreux domaines de la science: on y note depuis longtemps une vision réductrice et hyper-dogmatique à propos de laquelle il n’est plus permis à qui que ce soit d’exprimer le moindre doute. Qu’on pense aux excommunications « laïques »[18] lancées sur quiconque a osé mettre en doute les dogmes darwinistes et eugéniques, ou – plus récemment – sur quiconque oserait soulever des objections au sujet du réchauffement climatique [global warming], du trou dans la couche d’ozone et de la dangerosité du nucléaire.
Tout récemment, des médecins français, qui avaient élevé des critiques à propos de l’usage sans discernement de certains vaccins, ont été réduits au silence et radiés de l’Ordre des Médecins ! En somme, la « dictature du relativisme », dont a parlé Benoît XVI à bien des reprises, semble radicaliser sa propre conscience autocratique et vouloir enterrer toute autocritique, serait-elle exprimée par des experts dans des cénacles restreints de savants.
Pourtant, il en existe encore, de ces chercheurs indépendants, qui continuent à scruter la nature et la réalité, et à apprendre d’elles sans leur imposer des grilles de lecture préfabriquées et simplificatrices. Et cela d’autant plus qu’après Kürt Gödel (1906-1978) et Werner Karl Heisenberg (1901-1976), il paraît complètement incongru de vouloir tout démontrer, vu que la plus grande partie de ce qui peut être objet d’études s’avère – par bien des côtés – parfaitement indémontrable (par exemple, le principe d’indétermination pour les particules de la matière, et le rapport entre énergie et temps).
Même un scientifique « officiel » comme Edoardo Boncinelli (laïque, progressiste, évolutionniste, etc.) n’a pas hésité à déclarer que « les sciences expérimentales s’occupent exclusivement de phénomènes reproductibles ou des aspects reproductibles des phénomènes. Des phénomènes non reproductibles, même s’ils sont extrêmement intéressants, ne peuvent en constituer l’objet[19]. » Or, en quoi serait-elle « reproductible » cette évolution biologique des espèces, qui aurait élevé, après des millions d’années, un primate sans raison au rang d’Homo sapiens ? Reproductible encore, le Big bang, la Grande Explosion d’où l’univers tiendrait son origine ?
Nous avons donc posé ces questions à un vrai « moine de la science », le professeur Sandro Rajola (Rome, 1950), savant indépendant et expert de renommée mondiale en Géométrie combinatoire. Élève du grand mathématicien Giuseppe Tallini (1930-1995), S. Rajola a choisi d’enseigner dans le Secondaire, afin d’avoir davantage de temps à consacrer à la recherche autonome et à la production d’idées.
Nombreuses sont ses contributions dans les principales revues de ce secteur, comme le Journal of Geometry, le Journal of Discrete Mathematics, Contemporary Mathematics et Ars combinatoria) présentées régulièrement dans des congrès internationaux de haut niveau.
1. Professeur Rajola, quel a été votre parcours universitaire ?
– Diplôme de lycée scientifique (avec note 60/60), Licence d’ingéniérie nucléaire (avec note 108/110, université de La Sapienza), Licence de Mathématique (avec note 110/110 cum laude, université de La Sapienza).
2. Quels sont actuellement vos centres d’intérêt et vos recherches ?
– Actuellement, je m’occupe de Géométries finies, en particulier de plans affines et projectifs finis (soit de Galois, soit non-desarguésien) et d’Espaces affines et projectifs finis. Autrefois, j’ai travaillé également sur les graphes finis.
3. Comment voyez-vous l’état actuel de la recherche dans votre secteur ?
– En parlant de mon domaine, j’ai remarqué, ces dernières décennies, une baisse de la qualité de la recherche en Italie, due probablement à un manque de vraie passion. Cette passion qui engendre des idées nouvelles et de nouveaux résultats, et qui fait de la recherche elle-même une forme d’art, avec ses anxiétés et ses émotions.
4. Dans votre domaine, avez-vous parfois rencontré des formes de « dogmatisme » dans la conception de la recherche ?
– Quelquefois, oui. À ce propos, je voudrais citer un cas qui est resté gravé dans ma mémoire. Il y a déjà bien des années, un enseignant influent en Géométrie combinatoire me disait qu’il jugeait parfaitement inutile l’étude de structures géométriques – même très intéressantes – dont l’existence eût été un problème ouvert. Autant dire: la structure est très intéressante, mais je ne sais pas si elle existe, donc je ne l’étudie pas. Je pense personnellement que cette position est un frein au développement de la pensée scientifique, toujours fascinée par le mystère et, dans tous les cas, toujours à la recherche de la vérité. Je soutiens que la recherche scientifique, et pas seulement dans le domaine de la Mathématique, a besoin d’intuitions et d’idées géniales, pas de dogmes.
5. Existe-t-il de fausses vérités répandues, et de vraies vérités passées sous silence dans les milieux scientifiques ?
– Je crois que, de fait, elles existent. Elles seront spécialement négatives (et même nuisibles) si elles sont proposées à des étudiants méticuleux et qui raisonnent avec leur tête. Il suffit de penser à des vocables comme « fixe » et « mobile » utilisés dans l’étude de la Physique dans les Écoles secondaires supérieures ; ces mots en réalité n’ont pas de signification absolue (rien n’interdirait d’appeler fixe ce qui est mobile, et d’appeler mobile ce qui est fixe). On peut encore penser aux processus purement mécaniques que l’on propose aux étudiants, afin qu’ils ne commettent pas d’erreurs dans le développement des expressions algébriques, mais qui cachent les vraies motivations mathématiques des passages.
6. Mais alors, même des théories comme celle du Big bang, ou de l’expansion de l’Univers, pourraient être mises en doute ?
– La Mécanique newtonienne, pendant longtemps absolument dominante et encore à l’heure actuelle amplement utilisée dans la physique, est une théorie qui se développe en partant de certains principes admis comme valides. De tels principes, en tant que tels, n’ont jusqu’à aujourd’hui aucune explication scientifique, même s’ils sont confirmés par d’innombrables expériences de laboratoire. Et cela implique des doutes sur la vérité, c’est-à-dire sur la validité universelle desdits principes et donc, en particulier, de la Mécanique newtonienne.
Ce n’est pas un hasard si on a fait remarquer qu’une telle mécanique n’expliquait pas la physique de l’atome, et plus encore qu’elle est en opposition avec certains résultats expérimentaux concernant la structure atomique !
On en conclut que la Mécanique newtonienne n’est pas universellement valide. La Mécanique quantique, qui ne nie pas la Mécanique newtonienne, mais en constitue un admirable développement, s’est montrée idéale pour l’étude de l’atome – en le décrivant de manière complète – et pour l’étude d’autres domaines de la physique. Mais la Mécanique quantique, elle aussi, part de positions indémontrables qui, entre autres, s’avèrent difficilement admissibles pour le sens commun.
La théorie de la Relativité, elle aussi, part du principe, confirmé entre autres par diverses expériences, que la vitesse de la lumière est la même dans tous les systèmes de référence. Mais de ce principe, nous n’avons pas davantage de preuve scientifique. Cela implique des doutes sur la vérité, c’est-à-dire sur la validité universelle, tant de la Mécanique quantique que de la théorie de la Relativité. En fait, comme ce fut déjà le cas pour la Mécanique newtonienne, il pourrait bien arriver dans le futur que de nouveaux résultats expérimentaux se trouvent en opposition avec ces deux théories.
Le fait est qu’un nombre aussi grand qu’on voudra de confirmations expérimentales, de quelque théorie que ce soit, ne pourra jamais constituer pour elle une preuve de sa validité universelle. Je crois que cette impossibilité de trouver une théorie vraie est typique de toute science expérimentale ; en conséquence, je crois que toute théorie concernant de telles sciences peut être invalidée, ou au moins remise en doute.
7. Jusqu’à quel point la politique conditionne-t-elle la recherche et la vie des Facultés universitaires ?
– Je crois que la politique conditionne la recherche et la vie des Facultés universitaires de manière malheureusement déterminante.
À titre de confirmation, je mentionnerais un épisode vécu il y a déjà nombre d’années, quand je me retrouvai à parler de tout et de rien avec un groupe nombreux d’enseignants de La Sapienza, durant une pause de travail. À cette époque, la campagne électorale pour l’élection du Maire de Rome battait son plein, et les principaux adversaires étaient un candidat du centre-droit et un autre du centre-gauche. Ce fut comme cela que nous commençâmes à parler de politique, et chacun d’entre nous s’exprima à propos des élections en cours. Mes nombreux interlocuteurs, sans aucune exception, manifestèrent leur préférence envers le candidat de centre-gauche.
Quant à moi, à rebrousse-poil, je me déclarai en faveur de celui du centre-droit. Il se fit un silence soudain, suscitant un embarras général, partagé entre stupeur, incrédulité et commisération. J’eus la perception d’être devenu un étranger, et plus cette personne qu’ils avaient toujours connue. Désormais coupable d’une telle affirmation; j’étais du fait même devenu une personne à plaindre, de la part d’une élite tellement plus élevée, tant socialement que culturellement !
Je crois que cet épisode est la pointe d’un iceberg, qui montre à quel point la politique conditionne la vie universitaire et donc, aussi, la recherche, cette recherche qui fait partie du patrimoine de l’Université elle-même.
8. Pourriez-vous nous donner quelque exemple encore plus significatif ?
– Je pourrais en donner tant ! Il n’est que trop clair qu’existe un réel monopole dans les Centres de recherche et dans les Facultés, et celui qui va se trouver étranger vis-à-vis d’un tel monopole n’aura pas la vie facile… De toute façon, c’est une chose archi-connue, une réalité tellement rude ! Il me semble qu’un exemple particulièrement significatif est la fuite à l’étranger de nos jeunes talents, lesquels, ne se sentant pas valorisés selon leurs réelles capacités dans leur propre pays, finissent par aller chercher ailleurs la juste reconnaissance de leurs mérites.
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Une molécule peut-elle faire preuve d’ingéniosité ?
P. Yannik Bonnet[20]
Résumé : Il est fréquent de projeter sur les êtres vivants, surtout les animaux de compagnie, nos émotions ou nos pensées. Mais lorsqu’un journaliste s’extasie devant « l’ingéniosité de la molécule d’eau », le chimiste s’interroge et si, comme l’auteur, il a compris que l’évolution était un mythe, alors il s’indigne ! Car la propagande évolutionniste a pour effet, sinon pour objectif, de nier le Créateur et, par là, de le dépouiller de l’admiration et de la reconnaissance qui Lui sont dues..
Où l’ingéniosité va-t-elle se nicher ? Dans une revue de bonne tenue, je lis un dossier concernant les questions relatives à l’eau disponible sur la planète Terre, à son caractère indispensable pour la vie, à son bienfaisant effet de serre qui maintient une température stable et tempérée, etc.
Comme l’exprime l’éditorial : « Bref, l’eau, c’est la vie. » Et de clore cette introduction en soulignant l’importance que nous devons accorder à cette ressource vitale pour l’humanité. Je me précipite donc sur le premier article qui traite du cycle de l’eau et de l’abondance des ressources visibles ou cachées. Insérée dans l’article, sans que l’on puisse savoir si elle est due à l’auteur du texte principal, se trouve une vulgarisation relative aux propriétés remarquables de la molécule d’eau grâce auxquelles le développement et le maintien de la vie sur Terre sont advenus. C’est la dernière phrase de cet encart qui me fait tiquer.
La voici : « D’apparence si simple, la molécule d’eau se révèle ainsi d’une prodigieuse ingéniosité qui a été mise à profit par le développement et l’évolution de la vie sur Terre. »
Cette petite phrase va sembler anodine, je pense, à la majorité des lecteurs, mais pas à votre serviteur qui en a « ras le bol » de voir prêter aux animaux, végétaux et minéraux, des qualités propres aux humains ou de les vouer à notre admiration pour des « propriétés » liées à leur nature créée et non à leur vouloir.
Les personnes plus conciliantes que moi feront remarquer qu’il s’agit seulement, de la part du vulgarisateur concerné, d’une maîtrise insuffisante de la langue française, ce qui est devenu une tare fréquente chez des gens au demeurant remarquables dans leur discipline. C’est possible, mais à force de voir de passionnantes émissions de télévision sur les populations animales, où systématiquement on vous explique gravement les ressentis de telle ou telle bête, le cheminement de sa pensée et les décisions qu’elle a prises pour subsister, je me dis que cet anthropomorphisme conféré à l’animal relève d’une stratégie. Cela incite le spectateur à penser que l’homme n’est qu’un animal un peu plus perfectionné. Je me souviens bien d’avoir entendu que les algues, si ma mémoire est bonne, avaient « dû » s’adapter ! Pas sottes les algues !
Du coup, quand je lis qu’une molécule est ingénieuse, je suis amené à penser qu’il ne s’agit pas forcément d’une expression malheureuse, mais d’une négation implicite de la création par un Créateur que je trouve, Lui, effectivement éblouissant d’ingéniosité !
J’en étais là de mes réflexions, quand une inspiration me fit revenir sur l’éditorial, que j’avais peut-être lu un peu rapidement. Eh bien ! c’était le cas, car l’éloge mérité de « l’extraordinaire aptitude de ce liquide à dissoudre d’innombrables composés qui ensuite réagissent entre eux » est suivi de cette phrase : « Il a fallu cela pour que l’Océan primitif soit le siège d’assemblages chimiques, dont certains ont fini par conduire aux trente millions d’espèces que nous connaissons aujourd’hui. »
Comment cela avait-il pu m’échapper ? Entre la chimie et la vie, pas de discontinuité ? C’est du plus haut grotesque, foi de chimiste !
(Souligné par nous)
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L’Évolution : toujours une théorie en crise !
Xavier Bonneau
Présentation : Le généticien australien Michael Denton s’était gagné une réputation méritée avec la parution, il y a plus de trente ans, d’un livre dont le titre résonna comme un coup de tonnerre : Évolution : une théorie en crise (Adler & Adler, 1985). Quiconque tourne la dernière page de cet ouvrage, en effet, est convaincu que l’auteur ne croit pas en l’évolution. Puis, les circonstances ont amené Michael Denton sur une position de compromis intellectuellement décevante, mais certainement plus facile à vivre pour un universitaire chargé de famille : oui, la théorie darwinienne, avec son gradualisme, est indéfendable, mais il n’y a pas lieu de s’interroger sur l’Évolution en elle-même, puisqu’il s’agit d’un « fait ». De là un deuxième livre, au titre interrogatif cette fois : L’Évolution a-t-elle un sens ? (Fayard, 1997). Assez naturellement, M. Denton s’est donc retrouvé dans le courant de l’Intelligent Design[21], lequel récuse le hasard darwinien sans se prononcer clairement sur l’Évolution elle-même. Avec son troisième livre paru l’an dernier – Évolution : une théorie toujours en crise[22]–, on pouvait se demander si M. Denton, aujourd’hui retraité, sortirait de l’ambiguïté grâce à ce nouvel ouvrage rétrospectif composé pour le trentième anniversaire de son Évolution : une théorie en crise. Or il n’en est rien, puisque nous y apprenons simplement que la crise se poursuit et que de nouveaux arguments sont venus s’ajouter à ceux du premier livre.
Outre l’intérêt propre à un ouvrage solidement documenté, comme le premier, c’est toujours un critère de vérité que de voir se confirmer la thèse défendue en 1985, dans un domaine rempli de découvertes majeures comme la biologie. Il importait donc de le signaler dès sa parution en anglais, malgré la déception légitime qu’il nous cause : le compromis et l’ambiguïté n’ont pas leur place dans les sciences et la question posée devra bien un jour être tranchée.
Le but de cet ouvrage est de savoir si, trente ans après la parution du premier livre : Évolution : une théorie en crise paru en 1985, les arguments avancés à l’époque pour réfuter l’explication darwinienne de la complexité du vivant se sont trouvés renforcés ou au contraire affaiblis.
Le message est clair : ce qui avait été annoncé en 1985 n’a fait que se confirmer et se renforcer au fil du temps.
L’auteur en est fier : il avait bien perçu les failles du système darwinien à l’époque et, depuis lors, les preuves se sont accumulées au point que de plus en plus de scientifiques de renom proclament ouvertement leur « darwino-scepticisme ».
Deux conceptions diamétralement opposées du monde vivant s’opposent en effet depuis le XIXe siècle :
– D’un côté les typologistes ou structuralistes, adeptes de la primauté de la structure sur la fonction. Il y a des types définis immuables et absolument pas déterminés par une contingence adaptative. La variation[23] existe mais seulement à l’intérieur du cadre de ces formes immuables.
– De l’autre les gradualistes ou fonctionnalistes, adeptes de la primauté de la fonction sur la structure. Il n’y a pas de formes fixes, tout change graduellement avec le temps sous la pression de sélection.
L’auteur a fait une liste de différents points qui, d’après lui, renforcent l’hypothèse typologiste au détriment de l’hypothèse gradualiste.
Invariance des types
Nous en recensons ici quelques uns, les plus cités pour la démonstration, sachant qu’il y a beaucoup d’autres types de structures invariantes :
– le plan 1-2-5 des membres des tétrapodes ;
– le corps segmenté des insectes : tête – thorax (à 3 segments) – abdomen (à 11 segments maximum) ;
– la plume des oiseaux (qui n’est pas une écaille évoluée) ;
– le diagramme floral à 4 cercles concentriques des plantes angiospermes (pistil, étamines, sépales, pétales) ;
– les gènes-architectes conduisant à des structures homologues ;
– l’articulation de la mâchoire au crâne : un type poisson, un type reptile, un type mammifère ;
– les hématies sans noyau des mammifères.
Il y a de fortes variations selon les espèces, mais toujours dans le cadre d’un même type : par exemple, les membres des tétrapodes s’adaptent pour devenir fonctionnels dans le milieu où vit l’espèce (membre antérieur fouisseur de la taupe, membres allongés et à phalanges soudées des ongulés de la savane, ailes de la chauve-souris, membres postérieurs vestigiaux des baleines…), mais ils relèvent invariablement du même plan architectural.
Ces structures invariantes par grands groupes de classification des êtres vivants ont des causes formelles internes ; elles ne sont pas le résultat de contingences externes, d’une causalité adaptative. C’est vrai pour les êtres vivants d’aujourd’hui comme pour les fossiles.
Ces types invariants ne procurent en eux-mêmes aucun avantage évolutif au sens darwinien du terme. Il n’y aucune raison d’aboutir à l’invariance de ces structures par sélection darwinienne : d’ailleurs, si tel était le cas, existeraient probablement plusieurs types qui se transformeraient sans cesse au fil du temps. Or ce n’est pas du tout ce que l’on observe.
Modalité de la descendance
Par opposition à la « descendance par évolution », dans la « descendance avec modification » des organes nouveaux apparaissent brusquement et de façon parfaitement fonctionnelle dans une lignée, pour donner une nouvelle classe d’espèces.
L’organe nouveau existe de façon latente, en puissance (sans s’exprimer), puis devient brusquement opérationnel, en acte, et remplace alors l’organe ancien.
Par exemple : le passage de la nageoire du poisson au membre pentadactyle du batracien ou le passage de l’écaille du reptile à la plume de l’oiseau. Dans les deux cas, les structures ne sont absolument pas homologues, aucun scénario darwinien ne permet d’expliquer le passage de l’une à l’autre par petites touches successives, à l’aveugle.
Le postulat darwinien : « natura non facit saltum » « la nature ne fait pas de saut », est ainsi battu en brèche. Pour expliquer les changements brusques intervenus dans la faune et la flore à l’échelle géologique, les darwiniens avaient déjà été contraints d’admettre qu’il y avait des exceptions à ce postulat. Mais voilà : ce ne sont plus des exceptions, c’est carrément la règle ! Les grandes transformations par sauts qualitatifs brusques, pour passer d’un type à un autre, sont un phénomène qui semble bien plus répandu qu’on ne le pensait et surtout hors de portée des changements progressifs à cause de la multitude requise des intermédiaires.
Structures épigénétiques
Les capacités du cerveau humain non liées aux opérations de survie ne procurent aucun avantage sélectif ; elles ont dû rester à l’état latent pendant des millénaires. Par exemple le langage est propre à l’homme (il n’existe ni chez les animaux, ni chez les ordinateurs) et invariant dans sa structure. Où sont les gènes du langage ? Il n’y en a pas. On avait pensé au gène FOXP2 qui est un peu différent entre l’homme et le chimpanzé. Mais ce gène est apparu, au fil du temps, comme plus « généraliste » que s’appliquant au seul langage. La capacité de parler viendrait plus d’un processus auto-organisé à partir de quelques mécanismes déclencheurs.
D’une façon générale, le génome humain ne fournit pas suffisamment d’informations pour expliquer à lui seul toute la complexité du cerveau.
Certaines structures cellulaires ont aussi une capacité d’auto-organisation qui ne dépend pas que de l’information donnée par les gènes dont elles sont issues.
Par exemple la structure en 3D des protéines est certes initiée par la succession des acides aminés, dont la protéine est constituée, et cette chaîne d’acides aminés est elle-même directement issue du décodage des gènes constructeurs. Les lois chimiques de répulsion ou d’attraction entre extrémités des acides aminés voisins font que la protéine aura tendance à adopter telle structure spatiale plutôt que telle autre. Mais cette structure spatiale dépend aussi beaucoup de l’état physique et chimique du milieu dans lequel la protéine se dessine, suivant des lois d’arrangement de la matière, qui se surimposent au message génétique en orientant son expression.
Les gènes déterminent les briques dont sont faites les biomolécules, mais les phénomènes d’auto-organisation des composants de la nature vivante obéissent à des lois qui font le reste. Ces lois d’organisation de la matière vivante sont aussi contraignantes et immuables que celles qui régissent la matière inerte.
Il est ainsi difficile d’expliquer les propriétés de telle molécule complexe et a fortiori d’un organe encore plus complexe uniquement par l’addition des propriétés de ses composants. L’auteur prend l’analogie avec la molécule d’eau H2O : ses propriétés en tant que molécule n’ont rien à voir avec les propriétés respectives des deux atomes : H et O, qui la composent.
L’acte de décès du darwinisme est signé sur cet argument épigénétique (p. 263). Aussi inconfortable que puisse être cette position pour les jusqu’au-boutistes darwiniens, il est incontestable que leur approche réductionniste du « tout est dans les gènes » ne tient plus la route.
Progrès dans la génomique en 30 ans
Le mythe de l’ « ADN-poubelle » (déjà dénoncé par Hugh OWEN, in Le Cep n° 62 en 2013) est bien fini. Cette molécule a des propriétés beaucoup plus variées et complexes qu’on ne le croyait il y a trente ans, quand elle était vue comme un simple double filament destiné à coder pour des triplets d’acides aminés et avec une grande partie inerte.
Il apparaît que le fonctionnement de la machine reproductrice (l’ADN, les ARN et les protéines associées) est beaucoup plus complexe, coordonné et interdépendant qu’il ne le semblait.
Il y a eu par exemple la découverte des « gènes-architectes ». Ils ne codent pas eux-mêmes pour telle succession d’acides aminés, mais contrôlent le déclenchement de plusieurs « gènes-ouvriers » qui, eux, codent pour tel élément constitutif d’un organe. On imagine la quantité de signaux déclencheurs, de signaux répresseurs et d’autres types de mécanismes de contrôle nécessaires et mis en jeu ici, afin que tous ces éléments aillent se placer au bon endroit et au bon moment pour permettre l’auto-construction de l’organe dans l’embryon !
Il y a dans le génome de chaque espèce des programmes « clefs en main » constructeurs des organes, spécifiques à chaque type d’êtres vivants (on découvre de plus en plus de tels gènes ORFAN, c’est-à-dire typiques d’un seul taxon).
Il est de plus en plus difficile d’imaginer comment des programmes aussi finement organisés auraient pu se mettre en place par simples processus aléatoires dans la « soupe prébiotique » sans un fil conducteur ayant abouti à la structure cellulaire telle que nous la connaissons. Le fossé entre la structure de la cellule vivante et les structures cristallines du monde minéral n’a fait que se creuser avec le temps.
Le cercle protéine-acide nucléique, qui posait déjà beaucoup de difficultés aux évolutionnistes de la génération de la révolution biologique, n’a pas été brisé ; il apparaît au contraire de plus en plus fermé et difficile à casser. La cellule vivante est davantage le résultat d’une « merveilleuse construction » que d’un « coup de chance fantastique ». Et plus on fait de découvertes en cytologie et en biologie moléculaire, plus on constate qu’il nous en reste énormément à découvrir (p. 225).
Conclusion
La nature est « désespérément discontinue » et rebelle à toute explication strictement darwinienne.
Les structures homologues sont robustes et durables.
Tel être vivant a des prédispositions à évoluer dans certaines directions et pas dans d’autres, les lois de la biologie sont en cela analogues à celles de la physique et de la chimie.
Notons que l’auteur ne remet pas en cause le système de datation en vigueur. Il est vrai que, dans son propos, une datation longue ou courte ne change rien à l’affaire.
Les formes vivantes font partie d’un ordre cosmique construit. L’évolution est dirigée, avec en filigrane des chemins tracés pour aboutir aux formes de vie que nous connaissons aujourd’hui, dont la plus aboutie : Homo sapiens.
À chaque étape, les changements de type sont brusques et complets : on passe d’un type A parfaitement fonctionnel à un type B aussi parfaitement fonctionnel, sans étape intermédiaire, si ce n’est une lignée possédant les deux : le type nouveau est à l’état latent, potentiel, puis s’exprime, s’actualise, à un certain moment et remplace le précédent.
Il est de plus en plus clair que le fonctionnalisme darwinien est dépassé alors que la typologie structuraliste est de plus en plus convaincante. Même si les implications métaphysiques de la recherche des causes ultimes de l’origine et du développement de la vie ne sont qu’implicites ou qu’effleurées dans le chapitre final, la théorie typologiste implique de façon inévitable qu’un Chef d’orchestre – peut-être invisible et muet, mais incroyablement intelligent – a dirigé la manœuvre ! Cela irait beaucoup mieux si Denton s’était autorisé à le dire.
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La cosmologie moderne : une déviation intellectuelle majeure (2e partie)[24]
Francis Sanchez
Présentation : S’il est relativement facile de comprendre que, chez l’être vivant, les parties sont ordonnées au tout (primat de la forme ou principe de finalité), nos contemporains pensent qu’il n’en est rien dans le monde inerte. Ils imaginent les composants matériels des corps comme des substances impérissables dont les propriétés, additionnées, engendrent celles des agglomérats et, par-là, les lois de la physique. Le grand mérite de l’auteur est de réintroduire l’antique concept d’un « cosmos », d’un univers dont la totalité ordonnée s’impose comme le grand principe explicatif. La première partie (donnée dans Le Cep n°78) avait montré comment ce qui est présenté comme « preuve » du Big-bang était en réalité un argument en faveur de la théorie opposée, celle de l’Univers permanent [de Fred Hoyle (1915-2001)]. En ajoutant à l’univers immense mais fini de Hoyle (de rayon R = 13,8 milliards d’années-lumière) le principe d’un « Grandcosmos » englobant, F. Sanchez montre la voie pour à la fois lever les paradoxes et les « effets » bizarroïdes où se perd la physique mathématisée, et par là-même pour redonner vie à une authentique pensée cosmologique.
Section 3. Les grands nombres d’Eddington-Dirac réfutent le Bang Primordial
Ces deux chercheurs de Cambridge avaient remarqué, et pris au sérieux (contrairement à la plupart, comme Robert Dicke, qui n’imaginent même pas la possibilité d’une simplicité cosmique) la double coïncidence suivante : on obtient le même type de grand nombres (de l’ordre de 1040) dans trois circonstances :
1/ Le rapport entre les forces électrique et gravitationnelle dans l’atome d’Hydrogène,
2/ Le rapport entre le rayon R de fuite des galaxies et le rayon du noyau atomique r0 ≈ 10-15 m,
3/ La racine carrée du nombre d’atomes dans l’Univers.
Pour Dicke, partisan du Bang Primordial, puisque la vie utilise les atomes de carbone qui sont produits dans les supernovae, il faut que l’Univers soit assez vieux pour cela, ce qui nécessite plusieurs milliards d’années.
Cela fut retrouvé quelques années plus tard par Brandon Carter, dans son »principe anthropique faible », qui n’est qu’une simple tautologie. Certes, cela justifie la première coïncidence, mais seulement en ordre de grandeur. La seconde corrélation est expliquée par le fait que l’Univers est assez proche de sa condition critique, ce qui demande des conditions initiales très spéciales au moment du Bang. Cela ressort du ‘principe anthropique fort’ : tout se passe comme si l’Univers avait été spécialement conçu pour que la vie puisse apparaître. Là encore, il ne s’agit que d’une adéquation en ordre de grandeur.
Pour Dirac, une constante mathématique est nécessairement voisine de l’unité, donc les grands nombres en question doivent être variables dans le temps. Pour expliquer les corrélations, Dirac a donc proposé une variation temporelle de G, qui fut démentie par la suite. Heureusement, car toute variation d’une constante universelle poserait des problèmes insurmontables, comme Poincaré l’avait souligné.
Par contre, pour Eddington, cela infirmait le scénario à l’origine de la cosmologie du Bang Primordial, l’atome primitif de Lemaître, car le rayon de fuite galactique R devait être constant, ainsi que l’équivalent masse M de l’Univers observable, selon la relation critique R/2 = GM/c², identifiant l’horizon de l’Univers observable à l’horizon d’un trou noir (dans les deux cas la vitesse frontière est c). Cela nécessite une formation continue de bébé-galaxies : c’était une conclusion conforme à la Cosmologie Permanente de Gold, Bondi et Hoyle, qui allait devenir la principale concurrente du Bang Primordial.
Le raisonnement d’Eddington est d’une simplicité biblique : dans la sphère de rayon R, l’incertitude sur la position d’un atome est R/2, donc l’incertitude portant sur un ensemble de N atomes est, selon la loi classique des grands nombres, R/(2√N), où N = M/m0, avec m0 une masse microphysique caractéristique dite de ‘comparaison’. Cette incertitude R/(2√N) est égalisée à la longueur d’onde canonique de l’atome d’Hydrogène ƛH = ħ/mHc qui est de l’ordre du rayon nucléaire r0. On obtient donc R/2ƛH = √(M/m0). Mais Eddington ne pouvait aller plus loin pour définir m0, car la valeur de R était sous-évaluée d’un facteur 8 dans l’estimation de Lemaître. En effet, celui-ci avait utilisé les décalages spectraux (redshifts) de Slipher concernant certaines galaxies du Groupe Local, qui ne participent pas à la récession. Cette valeur fut bizarrement ‘retrouvée’ par Hubble malgré son ‘nuage de points’ qui était tout sauf une droite, et confirmée par une seule galaxie très lointaine, étudiée par Humason, l’ancien muletier de l’Observatoire du Mont Wilson, devenu astronome sans aucun diplôme. Personne ne releva cette entourloupe, qui ne fut corrigée pleinement que 30 ans plus tard, mais sans mentionner la stabilité du Groupe Local, ce qui aurait fait désordre dans un Espace soi-disant en expansion. On se contenta d’invoquer une erreur sur le type de céphéides utilisées pour calibrer les distances, et la confusion par Hubble entre les étoiles à brillance maximale et des nuées ionisées.
Maintenant que la valeur de R est assez bien connue, soit 13,8 milliards d’années-lumière, on peut vérifier facilement que m0 est la masse de l’électron. C’était, une fois de plus, l’hypothèse la plus simple qui prévalait. Cela s’écrit R/2 = ħ²/GmH²me [demi-rayon d’Eddington-Sanchez], ce qui correspond, en remplaçant le terme gravitationnel GmH² par le carré de la charge électrique élémentaire e², à ħ²/e²me , le rayon de Bohr. C’est la symétrie gravitation-électricité entre l’Univers observable et l’atome, ce pont que les théoriciens n’arrivent pas à construire, ce qui confirme que la mécanique quantique est incompréhensible sans faire intervenir la cosmologie ( »principe d’immergence »[25]). J’ai trouvé cette formule lors des 3 premières minutes de mon année sabbatique à Orsay, simplement en mélangeant les 3 constantes universelles principales (à part la vitesse-lumière). Personne n’avait fait ce calcul, car enlever ‘c’ est impensable pour un théoricien relativiste, mais indispensable pour tout physicien suffisamment lucide : la vitesse de la lumière est bien trop lente pour assurer la cohérence d’un Univers aussi vaste. Le problème des grands nombres était résolu par le simple jeu des constantes universelles, donc le Big Bang Primordial était irrémédiablement réfuté. Mais convaincre une communauté scientifique mal embarquée est une toute autre affaire. Mon « calcul 3 minutes », censuré pendant 9 ans, ne fut finalement publié, d’ailleurs fort difficilement, qu’en 2006, par Jean-Claude Pecker (voir la note 4).
Le fait que la masse de l’électron soit essentielle en cosmologie n’est pas anodin. J’ai montré qu’en pavant l’espace par des sphères de rayons multiples de la longueur d’onde canonique de l’électron conduisait à relier les constantes électriques et gravitationnelle, comme si l’univers n’était composé que d’électrons, voire d’un électron unique (voir ci-après la section 7).
Moralité : le culte excessif de la personnalité a encore frappé dans cette affaire. On a trop admiré Dirac, à qui on a attribué faussement la découverte de l’anti-matière (puisqu’il pensait que l’antiélectron était le proton) mais pourtant incapable de reconnaître l’oscillation matière-antimatière, et plusieurs se sont obstinés dans la vaine tentative de faire varier les ‘constantes universelles’. Encore plus grave : on a mis au panier la Théorie Fondamentale d’Eddington qui prévoyait à la fois le rayon d’horizon et la masse (136 × 2256 neutrons) de l’Univers c-observable[26], égale à 3/10 M avec M = mP4/memH² = (ħc/GmH)²/me, en prenant pour G (avec une précision de 2 × 10-5) la valeur déduite de l’oscillation cosmique non-Doppler de Kotov-Luyty. Pourquoi le neutron en lieu et place de l’Hydrogène d’Eddington ? Parce que les neutrons sont les candidats les plus simples pour la régénération de nouvelle matière (c’était le choix de Hoyle en particulier), ce qui confirme une fois de plus la Cosmologie Permanente.
Que penser de ceux qui sont incapables de reconnaître l’importance d’une corrélation aussi précise portant sur un nombre aussi grand (de l’ordre de 1080), le nombre d’atomes dans l’Univers visible ? Noter que le facteur 3/10 est ainsi amplement confirmé, ce qui montre que son complément 7/10 peut être identifié au soi-disant taux d’énergie sombre de la cosmologie officielle, montrant par-là que l’énergie sombre est un faux problème. Noter que ce facteur 3/10 s’obtient directement en rapprochant la formule critique R = 2GM/c² et la formule classique de l’énergie gravitationnelle d’une boule homogène de rayon R : E = (3/5)GM²/R, ce qui donne E = (3/10) Mc². De plus, l’énergie cinétique non-relativiste des amas galactiques en cosmologie Permanente (un univers critique à loi de récession exponentielle, qui correspond à une ‘constante cosmologique’ égale à R²), est précisément (3/10) Mc², ce qui montre que la condition critique est en fait justifiée par l’égalisation entre ces deux énergies, l’une potentielle, l’autre cinétique. Il se confirme donc que les Relativités restreinte et générale (voir ci-dessous) ne s’appliquent pas à l’échelle cosmique.
Section 4. Le combat biaisé entre deux cosmologies et autre réfutation du Bang primordial
Ce débat entre partisans de Dirac et d’Eddington reprend à sa manière celui d’Héraclite d’Ephèse avec Parménide d’Elée.
Pour les premiers, tout doit varier, tandis que les seconds soutiennent qu’une permanence d’ensemble doit coiffer toute évolution locale. Ma conférence au Collège de France, le 27 Février 2004, aurait dû mettre fin à ce débat, et consacrer la fin du Big bang primordial. Mais cela réfutait aussi la cosmologie de Narlikar, qui a tout fait pour étouffer l’affaire (voir note 4).
Pourquoi les officiels n’admettent-ils pas leur erreur, et s’obstinent-ils à soutenir l’Univers évolutif de Dirac, lié à la thèse du Bang Primordial ? En 2000, le principal philosophe français spécialisé en cosmologie, Jacques Merleau-Ponty, pourtant spécialiste d’Eddington, me répondit au téléphone, un ridicule : ‘je l’espère pour vous’. On voit ici le personnage, incapable de réaliser le bouleversement qu’implique la précision du % entre formules et mesures, portant sur des grands nombres. De même Paul Davies, le principal physicien-philosophe au niveau mondial, dûment averti, ne réagit pas.
Mais revenons à la source, car définir de quoi on parle est ici particulièrement délicat. En effet, comme disait Bachelard, ‘penser l’Univers ne peut se faire qu’en se plaçant hors de lui, ce qui est, par définition, impossible‘ (« Gaston Bachelard et la cosmologie », Ch. 14 de Regards philosophiques sur la cosmologie, Dunod 2010). Alors comment interpréter l’adéquation ci-dessus de la formule d’Eddington-Sanchez avec la mesure du rayon de l’Univers observable R ? Tout se joue donc sur la définition précise de R.
En Cosmologie Permanente, cette longueur R est définie par la loi de la récession galactique, dans le cadre d’une récession exponentielle, ce qui définit tout le reste, car cette cosmologie ne comporte qu’un seul paramètre libre, et obéit au Principe Cosmologique Parfait invoqué par Thomas Gold et Herman Bondi, complétant le Principe Cosmologique ordinaire (pas de variation globale dans l’Espace, c’est-à-dire homogénéité et isotropie) par son complément naturel : pas de variation globale dans le Temps, c’est-à-dire permanence.
Par contre, la Cosmologie du Bang Primordial ne définit pas de rayon de l’Univers. Elle interprète le décalage cosmique comme une expansion de l’espace lui-même (et non un simple récession des amas galactiques), et caractérise ce phénomène par une ‘constante de Hubble’ qui est l’inverse d’un temps (alors qu’on ne mesure que des longueurs et des décalages qui sont des nombres purs). Or on enseigne en Physique qu’il faut toujours se rapporter au plus près de ce qui est effectivement mesuré.
Cette question essentielle a été posée au père de l’astrophysique française, le normalien Evry Schatzman, qui a répondu qu’il ‘ne savait pas définir la grandeur expérimentale caractéristique de l’expansion universelle, et que, de toute façon, elle était conventionnelle’.
Pourtant, tout physicien qui se respecte voit immédiatement que c’est une longueur qui est caractérisée, puisqu’on détecte la proportionnalité entre un décalage spectral relatif et la distance.
Cette inquiétante attitude s’explique par une vaste confusion : la cosmologie officielle est fondée sur la Relativité générale. Certes, celle-ci marche bien au niveau des GPS ou des mirages gravitationnels galactiques. Mais on enseigne aussi que toute théorie a son domaine limité de validité. Or la Relativité générale est une théorie locale, c’est-à-dire basée sur des équations différentielles, et le grand spécialiste de ce type d’équations, Henri Poincaré, avait insisté sur le fait que la cosmologie ne pouvait s’appuyer sur de telles équations, car ‘l’Univers étant tiré à un seul exemplaire, nous ne saurions déterminer les conditions initiales‘.
On voit où nous mène la déviation actuelle : l’Univers n’étant plus considéré comme unique, on introduit le Multivers[27]. Au lieu de se corriger, le système s’enfonce dans l’erreur, en ajoutant, comme au bon vieux temps de Ptolémée, un nouvel épicycle : le Multivers. Cette floraison d’Univers est fille de l’inflation, et, par le jeu du principe anthropique, permet d’écarter le problème de l’explication mathématique des paramètres physiques : il suffit d’introduire une multitude d’Univers ratés qui n’ont pas notre chance d’être là où les paramètres s’ajustent finement pour permettre la vie. La différence essentielle entre les deux cosmologies est que la Permanence est – en principe – facilement réfutable, puisque l’astrophysique exhibe le passé, et l’on ne se priva pas d’annoncer, à grands renforts de publicité, des réfutations expérimentales spectaculaires, qui se sont toutes effondrées par la suite (Helge Kragh, « Grand Theories and Failed Revolutions » in Physics and Cosmology).
Le combat fut biaisé aussi par une autre circonstance incroyable : la Théorie d’Eddington avait été écartée depuis longtemps. Selon le célèbre adage ‘le premier qui dit la vérité doit être exécuté’, on n’avait pas supporté, à l’époque, qu’Eddington osât relier la cosmologie et la microphysique. On l’avait accusé de ‘numérologie’ et décrété que le plus grand savant de l’époque, le seul pratiquement à dominer aussi bien la Relativité générale que la Physique quantique, était frappé de sénilité. Sa fameuse Théorie Fondamentale est pratiquement introuvable en France (je n’ai pu la dénicher qu’à Lyon). Heureusement, elle est maintenant placée sur la Toile, et on peut consulter son ‘Appendix‘, qui contient le fameux nombre d’Eddington, 136 × 2256, l’objet de risées pendant un siècle, qui se trouve, à 10-3 près, le nombre équivalent de neutrons (en tenant compte de la matière noire, ce qui éclaire celle-ci, voir ci-dessous) dans l’Univers observable de rayon R, comme rappelé ci-dessus. Ainsi la théorie d’Eddington est auto-cohérente à 10-5 près (voir la note 6). C’est vérifiable par tout possesseur d’une calculette scientifique de niveau Bac et, à moins de croire à un ‘miracle numérologique’, ça tranche la question en apportant une nouvelle réfutation du Big Bang Primordial. Mais cela implique beaucoup plus : cela signifie qu’Eddington avait réussi à unifier physique quantique et gravitation, problème toujours officiellement non résolu.
La cosmologie standard est non seulement empêtrée dans ses épicycles, mais fait intervenir 6 paramètres libres qu’elle ajuste à volonté (dont la si mal-nommée « constante » de Hubble). Et malgré cela, ce soi-disant ‘modèle de concordance’ entre en pleine discordance avec les résultats (2014) de la mission du satellite Planck qui privilégient comme valeur de la constante de Hubble : 67,8 km/s par mégaparsec (avec les unités ridicules des astrophysiciens, introduisant la longueur arbitraire 92,5063 × 1026 mètre correspondant à 1 km/s par mégaparsec). Or la mesure directe de la constante de Hubble par supernovæ donne 73,8 km/s par mégaparsec, soit 9 % d’écart. À noter que la valeur moyenne est 70,7 km/s par mégaparsec, correspondant à 92,5063 × 1026/70,7 ≈ 1.31 × 1026 mètre ≈ 13,8 milliards d’années-lumière, nombre associé à la fois au rayon d’Eddington-Sanchez R ci-dessus et au soi-disant ‘âge de l’Univers’ officiel : 13,8 milliards d’années. Tout se passe comme si, avec un épicycle supplémentaire la théorie officielle pouvait retomber sur la valeur correcte. Comme signalé ci-dessus, il suffit d’identifier R² avec la fameuse ‘constante cosmologique’ qu’Einstein avait ajouté dans ses équations pour empêcher l’Univers de s’effondrer (voir la Section 7).
La conclusion est nette : peu nombreux sont ceux qui croient à l’existence d’un Cosmos, au sens ancien du terme, signifiant ordre, simplicité, beauté et, bien sûr, permanence.
D’autres, hélas l’écrasante majorité, sont parfaitement convaincus d’une nécessaire complexité du monde. Ainsi des meneurs incompétents usurpent le nom de ‘cosmologues’ : ce serait plutôt des ‘chaologues’. Il est significatif de constater que le terme ‘cosmos’ a disparu des encyclopédies, alors que le terme ‘chaos’ fait florès.
Section 5. L’accélération de la récession galactique : triomphe censuré de la Permanence
Le comble intervint au tournant du millénaire, quand, grâce aux supernovæ de type 1a, on s’aperçut que la récession galactique qui, selon tous les traités, devait se ralentir, s’accélérait au contraire, ce qui fut une catastrophe majeure pour la communauté des cosmologistes, un coup de semonce terrible qui augurait de l’irrémédiable cataclysme final.
Car, évidemment, aucun officiel n’a signalé que cette accélération avait elle aussi été prévue par la cosmologie permanente, selon la loi la plus simple, l’exponentielle, qui ne dépend que d’un seul paramètre, et qui signifie que l’accélération est elle-même accélérée. Le principe de simplicité (« rasoir d’Occam ») s’applique alors ici de manière éclatante : la Cosmologie Cohérente ne dépend que d’un seul paramètre invariant (le rayon d’Univers observable invariant R ci-dessus), alors que la Cosmologie standard, dépendant de 6 paramètres variables qu’on ajuste à volonté, s’est empêtrée dans une série d’épicycles pour sauver le scénario Bang (principe anthropique, inflation, dissymétrie matière-antimatière, matière noire, énergie sombre, multivers). La récession exponentielle signifie que les galaxies se repoussent avec une force proportionnelle à leur distance, ce qui explique directement la stabilité du Groupe Galactique Local, en caractérisant sa dimension (un million d’années-lumière). En effet, la force répulsive entre deux galaxies de masse m ≈ 1041 kg est mc²r/R², qui devient supérieure à l’attraction gravitationnelle Gm²/r² pour r > (GmT2)1/3 ≈ 106 année-lumière, dimension typique d’un amas galactique. La soi-disant »expansion de l’Espace » de la cosmologie officielle est évidemment incapable d’expliquer de façon aussi simple et convaincante la stabilité du Groupe Local. De plus, la permanence de la densité, à l’intérieur d’un groupe local, implique que la matière trouve une échappatoire locale : c’est le rôle des trous noirs galactiques, qui doivent donc perdre de la masse au profit du Grandcosmos.
Noter que cette accélération permanente ne fait pas appel à l’énergie sombre répulsive officielle de taux 0,69 ± 0,01. Comme signalé ci-dessus, un taux d’énergie excédentaire 7/10 s’obtient en une ligne d’un calcul trivial, refusé, bien sûr, par l’Académie, malgré sa présentation par Jean-Claude Pecker : l’énergie gravitationnelle d’une boule homogène est (3/5)GM²/R, c’est-à-dire, en tenant compte de la relation critique ci-dessus, (3/10)Mc², qui est aussi l’énergie cinétique non-relativiste des amas galactiques.
Chacun peut vérifier que c’est, à 10-5 près, le nombre ci-dessus d’Eddington 136 × 2256 multiplié par l’énergie mn c² d’un neutron.
On voit bien le ridicule de la situation : l’un des plus grands mystères de la cosmologie actuelle, le plus ridicule des épicycles : l’énergie sombre, pour laquelle on prépare un satellite (EUCLID) d’un milliard d’euros, est un faux problème : ça fait cher la ligne de calcul trivial !
Section 6. Le rayonnement de fond provient du référentiel absolu, le Grandcosmos
Revenant à l’avertissement de Bachelard ci-dessus, on réalise que l’explication holographique de l’Univers ne vaut que si l’on se place, par la pensée, à l’extérieur de cette sphère de l’Univers observable introduite par Eddington (Section 2[28]). Du coup, l’interprétation du fond de rayonnement est simple : c’est le rayonnement d’un Grandcosmos qui sert de thermostat à notre Univers.
Il y aurait donc, au-delà de la simplicité de l’Univers visible, une super-simplicité au niveau du Grandcosmos. En effet le transfert dimensionnel le plus simple définit un rayon R‘, légèrement plus grand que R d’un facteur 1,311, et qui est relié au rayonnement de fond par une relation holographique extraordinaire, et le Grandcosmos associé montre aussi des relations trop esthétiques pour être fortuites (voir note 6).
Ce Grandcosmos serait le responsable de l’apparition des bébé-galaxies qui, pour assurer la Permanence, doivent compenser la perte des galaxies disparaissant au-delà de l’horizon. En modifiant légèrement l’hypothèse d’Eddington, à savoir que son célèbre grand nombre représente non pas le nombre équivalent d’atomes d’Hydrogène mais plutôt son nombre équivalent de neutrons, ces particules essentielles de la nucléosynthèse, on arrive à une double relation donnant l’équivalent–masse de l’Univers observable : M = mP4/memH² = (10/3) × 136 × 2256 mn, où mP = (ħc/G)1/2 est la masse de Planck (voisine de celle de l’ovocyte humain). Ainsi chacun peut vérifier sur sa calculette scientifique la relation ci-dessus, ce qui précise la valeur de la constante de gravitation G ≈ 6.67532 × 10-11 kgms, qui s’écarte de la valeur définie par l’oscillation cosmique de seulement 2 × 10-5, ces deux valeurs étant situés à + 2 écarts types (2 × 10-4) de la valeur officielle de G, laquelle résulte d’une moyenne entre des valeurs fortement discordantes. Ainsi la Cosmologie Cohérente devient plus précise que la physique locale.
On observe une légère dissymétrie du rayonnement micro-onde, qui s’explique directement par un effet Doppler, donnant notre vitesse absolue par rapport au Grandcosmos (ainsi, le groupe local de galaxies se déplace à 627 km/s vers l’Hydre, quand le soleil, se déplaçant en sens contraire, n’a qu’une vitesse résultante de seulement 370 km/s). Mais le mal est fait : plusieurs carrières prestigieuses sont lancées, des incapables, solidement accrochés à leur pouvoir, ne peuvent réaliser que ce rayonnement matérialise l’élément fondamental qui manque à la Mécanique, et même à la Relativité Générale : la définition opérationnelle d’un référentiel d’inertie particulier, le référentiel absolu. C’est donc par rapport au Grandcosmos que le pendule de Foucault tourne (de même pour l’ensemble Soleil-Terre, ce qui met un terme définitif à un débat historique). C’est autrement plus convaincant que la classique définition, basée sur des ‘étoiles lointaines’, qu’on trouve dans les manuels scolaires (cette conclusion apparaît déjà dans mon pli cacheté déposé en mars 1998).
Section 7. Le Bang Permanent
A ce stade, on voit mal quelqu’un d’assez fou pour parier, ne serait-ce qu’un centime, sur le scénario Bang Primordial. Mais comment expliquer les succès de ce modèle ? En fait, c’est l’aspect primordial du bang qui est réfuté : il reste une possibilité, trop inouïe pour être fausse, c’est que le Bang soit permanent.
Revenons au début de la Physique quantique, après la découverte de Planck (Note 1[29]). En fait, Planck avait grand tort d’être surpris par l’apparition du discontinu. Des nombres entiers étaient apparus depuis longtemps : en Chimie (loi de Dalton), en Optique (raies de Balmer), en atomistique (Mendeleiev), en Génétique (Mandel).
De nos jours, on sait que même les décalages cosmologiques sont quantifiés, ce qui bouleverse, une fois de plus, les fondements mêmes de l’Espace-Temps. Donc, l’aveuglement de Planck provient du fait que la formation des physiciens de l’époque était déjà trop formelle, c’est-à-dire liée aux seules mathématiques connues, alors qu’il est clair que celles-ci sont incomplètes, puisqu’elles n’ont pas repéré les nombres purs de la Physique.
En 1905, le jeune et ambitieux Albert Einstein, qui cherchait absolument à se faire remarquer, proposa que le rayonnement fût constitués de paquets d’énergie (plus tard appelés photons).
Il partait d’une bonne idée : si la matière est constituée d’atomes, pourquoi pas la lumière ? Mais l’idée de symétrie était mal appliquée : on savait que la lumière se propage par ondes, en contradiction totale avec le modèle du photon (dans l’expérience du trou d’Young, on devait alors admettre que le photon passait par les deux trous, ce qui est ridicule, mais sérieusement considéré par beaucoup, comme Laurent Nottale). C’est donc plutôt la propagation ondulatoire qu’il fallait symétriser, en affirmant que ‘la matière se propage aussi par ondes’, ce qui fut une surprise totale quand on découvrit par hasard qu’un faisceau d’électrons engendrait des figures d’interférences. Cela avait été prédit par l’aristocrate historien amateur de physique Louis de Broglie : il avait maladroitement inversé le raisonnement erroné d’Einstein, et était retombé, par »chance du débutant » sur une vérité. En effet, Einstein avait introduit la dualité onde-corpuscule pour la lumière, et de Broglie l’étendit à la matière (cette soi-disant dualité fut plus tard baptisée ‘principe de complémentarité’ par Bohr), et l’erreur d’interprétation initiale d’Einstein, couronnée par un prix Nobel désastreux, conduisit nombre de chercheurs à chercher une ‘double solution’ dans laquelle un paquet d’énergie serait piloté par une onde.
Rappelons qu’aucun prix Nobel n’a été décerné pour aucune des relativités, car Lorentz a témoigné en faveur de Poincaré pour la Relativité restreinte et, à l’époque, on savait encore que le vrai père de la Relativité générale était David Hilbert (voir Jules Leveugle, Poincaré et Einstein, Planck, Hilbert). Mais ce dernier n’a jamais osé protester car il avait été l’instigateur de la manœuvre, en 1905, pour évincer son grand rival Poincaré qui avait déjà ridiculisé l’école mathématique allemande. Hilbert s’est signalé par une autre pantalonnade : parmi ses 23 problèmes mathématiques non résolus, le septième n’était rien moins que ‘l’axiomatisation de la Physique’.
Il fallait tout simplement admettre que tout se propage par onde mais se réceptionne par quanta.
Apparemment, seul Richard Feynman l’a signalé dans son célèbre cours de Physique, mais il n’en a pas tiré les conséquences qui suivent. Cela veut dire que la propagation est non-locale, alors que la détection est super-locale (toute l’énergie se concentre dans un atome de dimensions très inférieures à la longueur d’onde). Cela implique aussi que, pour chaque transition quantique, une onde super-non-locale, de vitesse très supérieure à c, explore tout l’Univers, lequel décide où toute l’énergie sera transférée. C’est un mécanisme d’une beauté totale, car l’information »toute l’énergie est captée par un seul atome » est préservée.
Donc le célèbre débat entre Einstein et Bohr était un dialogue de sourds, puisque le premier soutenait une ‘physique locale’ et le second une ‘physique complète’, c’est-à-dire sans cosmos. Il n’était donc nul besoin à John Bell d’introduire ses inégalités, ni à Alain Aspect de lancer son faux-débat médiatique.
Autre conséquence : tout objet matériel doit donc se désintégrer et se réintégrer en permanence. Le principe holographique montre que la fréquence d’oscillation est directement reliée à la masse équivalente de l’Univers observable, donc que celui-ci recalcule tout objet à la fréquence 10104 Hz. Du coup, l’énigme lancinante de l’absence apparente d’antimatière est résolue : il suffit d’admettre que la reconstruction passe par une phase d’antimatière. Encore un épicycle qui saute : un siècle d’astronomes cherchant vainement, partout dans l’Univers, cette antimatière qui était sous leur nez. Dans un article récent, j’ai proposé que la masse noire soit simplement une vibration matière-antimatière en quadrature avec la vibration locale (Sanchez, Coherent Cosmology, vixra.org : 1601.0011, publié in Springer series Progress in Theoretical Chemistry and Physics, n°30 ‘Quantum systems in Physics, Chemistry and Biology : A Coherent Resonant Cosmology Approach and its Implications in Microphysics and Biophysics’, juin 2017).
On voit donc une fois de plus, conformément au principe d’immergence (cf. supra note 2 de bas de page), qu’on ne peut comprendre la microphysique qu’en passant par la cosmologie. Le fameux »mur de Planck » (10-43 seconde) a volé en éclat, d’un facteur 1061 !
Lors d’une oscillation de période 10-104 seconde, l’Univers pourrait suivre une phase de Bang-Crunch régi par la théorie officielle. Des indications très précises soutiennent cette hypothèse, notamment la confirmation, dévoilée par les relations holographiques, de l’existence du fond de neutrinos cosmique à la température de 2,93 °K.
Les théoriciens se serait trompés d’échelle de temps d’un facteur 10120 (avec leur ridicule système d’unités où c = 1, où l’on confond Temps et Longueur, il est facile de se tromper).
C’est le même facteur 10120 qui intervient quand on calcule l’énergie du vide quantique par rapport à l’énergie de l’Univers visible, et aussi le carré du rapport entre le rayon du Grandcosmos et de l’Univers visible. Notre Univers visible ne serait que l’écume d’un tachyo-Monde[30], 10120 fois plus énergétique.
On peut associer à cette discontinuité cosmique le balayage d’une particule qui décrirait l’univers ligne par ligne comme l’écran d’un ordinateur. La formule d’Eddington-Sanchez (voir Section 2[31]) suggère que cette particule est l’électron. Cela rappelle une anecdote de Richard Feynman dans son ouvrage ‘La nature de la physique‘. Il y raconte comment il avait téléphoné à son professeur Wheeler : “Je sais pourquoi les électrons sont tous identiques : car c’est un électron unique qui balaie tout l’univers, remontant parfois le cours du temps en se transformant en son antiparticule, le positron.” Wheeler aurait répondu “dans ce cas il devrait y avoir autant d’antimatière que de matière”. Du coup Feynman abandonna cette idée, sans songer à l’oscillation matière-antimatière. C’est d’autant plus surprenant que dans un autre endroit du même livre, Feynman avance qu’une quantification du temps pourrait débloquer la physique théorique.
À noter l’intuition fulgurante de Matthieu Ricard dans son ouvrage écrit en commun avec l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan (page 83) : ‘Tant que toutes les causes et les conditions sont présentes, l’effet doit nécessairement être produit. S’il ne se produisait pas, cela voudrait dire qu’il manque encore quelque chose. Donc, si un principe créateur portait en lui toutes les causes et condition de l’univers, il devrait sans cesse créer la totalité de l’univers, un Big bang permanent en quelque sorte’‘. En outre cet auteur note dans ses conclusions (page 419) : ‘Pour le bouddhisme, quand on envisage la question d’un début, la seule position métaphysique qui résiste à l’analyse est celle de l’absence de début‘.
Section 8. Conclusion.
C’est donc à cause d’une sociologie scientifique aberrante qu’on a favorisé des interprétations inexactes et arbitraires à celles que donnait une théorie immédiatement prédictive. Voilà comment une communauté scientifique servile a raté des découvertes importantes, et engagé des sommes énormes dans des projets mal préparés, comme la mission Euclide, prévue pour 2020, censée traquer une soi-disant énergie sombre. En effet, celle-ci est rendue totalement inutile par ma Cosmologie Cohérente, qui complète la Cosmologie Permanente de Bondi, Gold et Hoyle par l’introduction du Grandcosmos, le concept de Bang Permanent (ou Rebond Permanent), la vibration matière-antimatière, et le retour, au niveau cosmique, de l’Espace-Temps absolu de Newton, avec introduction d’une super-vitesse qui brise le ‘mur de Planck’. La Relativité de Poincaré, qu’Einstein avait copiée, retrouve son statut logique de théorie locale car, basée sur des équations différentielles, elle est incapable de définir un référentiel galiléen, pour lequel le principe d’inertie s’applique : la mécanique officielle n’est qu’une tautologie, que seule la Cosmologie éclaire.
Quand on demandait à Eddington, en 1930, à quoi servirait un nouvel observatoire, il répondait : ‘Si nous le savions, il serait inutile‘. De nos jours un observatoire est dédié à un but bien précis : les découvertes étant programmées !
Personne évidemment ne signale que le soi-disant « modèle de concordance » (cf. Note 3[32]) est en pleine discordance (les officiels parlent de ‘tension’, alors qu’ils professent par ailleurs l’avènement de la ‘cosmologie de précision’ !). Nous avons vu en section 4 que la valeur sélectionnée pour la constante de Hubble, après optimisation des 6 paramètres libres de la cosmologie, est de 9% inférieure à la valeur déduite directement des supernovæ de type 1a, alors que le soi-disant « âge de l’Univers » 13,80± 0,05 milliards d’années correspond au % près à ma formule de R, déduite en 3 minutes d’analyse dimensionnelle hors c (Septembre 1997). Dans la Cosmologie Permanente, il n’y a plus qu’un seul paramètre libre : R qui s’identifie à la fois avec la constante de récession galactique et la racine carrée de la ‘constante cosmologique’. Celle-ci avait été rajoutée par Einstein dans les équations de la Relativité Générale d’Hilbert, mais il l’avait reniée ensuite, dès que la récession galactique fut observée.
Il déclara avoir fait la plus grande erreur de sa vie, alors qu’il aurait dû en déduire directement l’accélération de l’expansion, finalement observée au tournant du millénaire.
Mon pli cacheté de Mars 1998, qui donne directement R/2 par un calcul incontournable de niveau bac, sera ouvert en Mars 2018. Noter que cette même analyse dimensionnelle sans vitesse lumière privilégie aussi la température de fond et la densité moyenne dans l’Univers, ce qui confirme, deux fois de plus, la cosmologie permanente.
Ces faits sont vérifiables, mais systématiquement censurés dans les ouvrages ou sites contrôles sans vergogne par les officiels (notamment Wikipédia, le garant de la Pensée Unique).
Le fond de l’abîme est proche. Selon le mot de Tajima No Kami : ‘Celui qui a maîtrisé l’Art n’utilise pas le sabre et l’adversaire se tue lui-même.’ Il est clair que, quand les observatoires géants entreront en service, nos officiels seront totalement déconsidérés, car la simple constatation que les galaxies très lointaines sont vielles au lieu d’être jeunes ne pourra être couverte par aucun épicycle additif. Cette réfutation directe du scénario Bang Initial sera une déconfiture totale pour le système scientifique actuel (qui a même osé l’insérer dans le tronc commun de l’enseignement en France).
William Jones écrivait : Toute doctrine nouvelle traverse trois états : on l’attaque d’abord, en la déclarant absurde ; puis on admet qu’elle est vraie, évidente mais insignifiante. On reconnaît enfin sa véritable importance, et ses adversaires revendiquent alors l’honneur de l’avoir découverte.
Mais là, après avoir utilisé maints ‘épicycles’, il n’y aura aucune échappatoire possible pour les inconditionnels du scénario Bang Primordial. Alors qu’il y a aujourd’hui plus de scientifiques vivants que dans toute l’Histoire de l’Humanité, la science officielle perdra le peu de crédit qui lui reste, après les nombreux scandales de santé publique et la fable du réchauffement anthropique.
L’Histoire des sciences future retiendra le drame scientifique central de ce siècle : la censure d’Eddington, même après qu’on eut réalisé (Salingaros, 1985, Foundation of physics, 15, 683-91) qu’il avait introduit la chiralité, les spineurs de Majorana et surtout les algèbres de Clifford à 8 et 9 dimensions, qui apparaissent maintenant dans les théories de grande unification et de supersymétrie.
Le plus grave étant, bien sûr, qu’il avait, via la cosmologie, réconcilié gravitation et physique quantique, unification sur laquelle butent les théoriciens actuels.
Note 4. L’aide de Jean-Claude Pecker et le blocage de Jayant Narlikar
Pecker fut l’élève d’Evry Schatzman, le fondateur de l’astrophysique française, qui s’ingénia à retenir Pecker en France (il voulait partir aux USA) en l’engageant dans la rédaction d’un volumineux traité d’astrophysique.
Ces deux astronomes éminents font partie de la caste des normaliens, étudiants sélectionnés pour apprendre et débiter par cœur des théories parfois mal conçues et mal vérifiées, et qui y croient quand on leur affirme : ‘vous êtes les meilleurs’. Même le général de Gaulle y a cru, portant par décret cette caste à la direction de la Recherche, alors que les normaliens, comme leur nom l’indique, étaient à l’origine, destinés à s’adonner à l’enseignement. L’illustre général aurait déclaré : ‘des chercheurs on en trouve, des trouveurs on en cherche‘, sans se rendre compte qu’avec son malheureux décret, il permettait aux chercheurs de censurer les trouveurs. En effet, un bon enseignant doit croire à ce qu’il expose, tandis qu’un chercheur doit en douter : il y a donc incompatibilité psychique entre les deux attitudes. Ainsi, comme les normaliens, généralement, ne trouvent rien, ils en déduisent que la science est complète, d’où blocage.
Le résultat fut évidemment catastrophique à l’université d’Orsay où j’ai enseigné. Cette pépinière de normaliens se retrouva rapidement dans les fonds des classements internationaux. Un exemple typique : le directeur normalien du laboratoire Aymé Cotton, Pierre Jacquinot, m’a avoué qu’ils avaient eu depuis des années tous les éléments pour découvrir le laser, mais qu’il ne fallait surtout pas en parler car la découverte leur avait échappé. Je lui ai précisé que le premier laser avait été en fait découvert par un bricolage de Maiman, utilisant des flashes de photographie sur un barreau de maser à rubis, mais que son article avait été refusé, ce qui donna lieu à 20 ans de procès. L’histoire officielle du laser est qu’Einstein l’aurait découvert ; c’est complètement faux, car il avait omis de préciser que l’émission stimulée est cohérente. J’ai rectifié ce manquement en précisant dans mes cours-laser au CEA que l’émission stimulée est l’inverse temporel de l’atténuation classique, donc cohérente.
Le normalien Langevin s’ingénia à favoriser Einstein au détriment de Poincaré, le véritable découvreur de la Relativité, car celui-ci avait le grand tort d’être polytechnicien, donc non-normalien. Le même Langevin a participé à la création de l’ENA (École Nationale d’Administration), avec les conséquences que l’on sait. Mais la force de la pensée unique est telle que même le directeur actuel de l’Institut Poincaré traite publiquement de ridicule cette paternité prouvée de Poincaré pour la Relativité restreinte. Il est vrai que c’est un normalien, Cédric Villani, médaille Field de surcroît, fier d’être l’auteur d’un théorème de mille pages, mais parfaitement incapable de saisir l’importance de la démonstration en une seule ligne de l’inanité de l’énergie sombre.
Quand j’étais élève en classe préparatoire (Lycée Charlemagne), je me suis vite rendu compte à quel point la Physique était massacrée, réduite à un formalisme aveugle. Quant aux maths, on passait son temps à découper des epsilons, dans la ridicule théorie du continu. Intuitivement, je devinais que c’est la théorie des nombres qui devrait intervenir, ce qui s’est amplement confirmé (article à paraître sur la relation entre les groupes sporadiques et la Physique dans le Journal de Mathématiques pures). C’est pourquoi je me suis orienté vers une classe préparatoire à option physique, au Lycée Saint-Louis. Bien m’en a pris, car j’ai bénéficié d’un professeur de physique extraordinaire (on l’appelait Ben) qui insistait sur l’analyse dimensionnelle, ce fondement de la physique dont l’efficacité reste inexpliquée (c’est pourquoi les normaliens, entraînés à la déduction servile plutôt qu’à l’induction créatrice ne font pas la distinction entre analyse dimensionnelle et numérologie).
Jean-Claude Pecker est une heureuse exception parmi les normaliens. Déjà, il a toujours signé ses expertises sur le travail d’un collègue (ce qui est la moindre des choses, au point de vue éthique). Il suivit d’abord les idées cosmologiques de Zwiki, interprétant le décalage spectral par une fatigue de la lumière, puis il se signala comme un opposant majeur à la cosmologie officielle, ainsi d’ailleurs qu’à toute immixtion des religions dans le débat scientifique, en particulier au sein de l’Union Rationaliste. En 2004, il publia dans le Journal ‘The Scientist’, avec une cinquantaine de scientifiques reconnus, une Lettre ouverte dénonçant le dogmatisme en cosmologie. La même année, il invita à donner un cours de cosmologie au Collège de France, Jayant Narlikar, le principal théoricien officiel s’opposant au modèle Bang, un continuateur de l’opposition farouche de Fred Hoyle. Ces deux chercheurs ont proposé un modèle ‘quasi-permanent’ (une complication inutile de la cosmologie permanente) qui reprenait le thème hindou de l’éternel retour (Narlikar en Inde passe pour un demi-dieu), mais qui ne convainquit personne.
En 1997, j’avais envoyé une note à Jean-Claude Pecker. Il accueillit favorablement mon “calcul-3 minutes” donnant le demi-rayon de l’Univers, obtenu simplement en ôtant la sacro-sainte vitesse-lumière de la liste des constantes universelles pertinentes en Cosmologie. Il rédigea un rapport positif à la direction de mon université (Paris XI, Orsay), ce qui plongea dans la stupeur et l’embarras le Doyen, Jean-Claude Roynette.
Ce dernier avait reçu par ailleurs un rapport anonyme très négatif, limite diffamatoire (on soupçonne Jean-Marc Lévy-Leblond, ce normalien qui n’a rien découvert mais qui donne des leçons à tout le monde). Hélas, Pecker ne prit pas au sérieux la remarquable symétrie Atome-Univers que cette formule implique, arguant que ‘le raisonnement par analogie est rédhibitoire‘ (or il s’agissait d’une simple constatation). Pecker ne présenta pas cette note aux Comptes-rendus de l’Académie des Sciences, mais heureusement, il me conseilla de la mettre sous pli cacheté, ce qui fut fait en Mars 1998.
Son ouverture est donc prévue pour Mars 2018, soit 20 ans après, en hommage à Alexandre Dumas. Le public sera ravi d’apprendre que le soi-disant ‘âge de l’Univers’, 13,8 milliards d’années, correspondant à la mesure la plus difficile de toute l’histoire des sciences, se retrouve par un calcul élémentaire incontournable, de niveau Bac.
En réalité, la formule donne la moitié du rayon de fuite des galaxies R/2, mais c’est justement cette moitié qui intervient dans la formule de Schwarszchild de l’horizon d’un trou-noir, qui relie R/2 et la masse équivalente de l’Univers (relation prédite par Eddington : R/2 = GM/c², et admise par la suite comme la condition de platitude par les officiels, voir ci-dessous), ce qui implique une liaison directe, sans coefficient numérique, entre la puissance 4 de la masse de Planck (ħc/G)1/2, et le produit de la masse M de l’univers par la masse de l’électron et le carré de la masse de l’Hydrogène : on ne saurait mieux illustrer le principe de Mach qui veut qu’une masse locale soit liée à la masse de l’Univers. De plus, en tenant compte du facteur trivial (3/10) représentant l’énergie effective, le nombre équivalent de neutrons est 2256 × 136, soit le fameux nombre d’Eddington, en utilisant la valeur de G déduite des oscillations cosmiques cohérentes présentées ci-dessous, et confirmée à l’Observatoirede Paris par l’astronome-adjoint Christian Bizouard.
Ce nombre d’Eddington 136 × 2256 a fait l’objet de risées pendant tout le dernier siècle. Pourtant 136 est le nombre de paramètres indépendants dans une matrice symétrique 16 × 16 = 256, le nombre total de paramètres. Avec la matrice classique 4 × 4, ce nombre est 10, le nombre de paramètres en gravitation.
Mais quand on tranche un gâteau par quatre coupes, on obtient 11 morceaux au maximum, ce qui représente le nombre de dimensions dans la théorie de Supergravité, qui remplace les 10 dimensions de la théorie des cordes. Donc la relation 11 = 10 + 1 est lourde de sens. Pour en revenir à la matrice 16 × 16, Eddington avait d’abord adopté la valeur 136 pour la constante électrique.
Quand les mesures indiquèrent une valeur proche de 137, Eddington trouva un argument pour rajouter une unité, et adopta la valeur 137. On le lui a reproché, oubliant que la science procède par approximations, et personne ne signala que 16 coupes définissent 137 parts ! De plus, quand la valeur exacte fut avérée (≈ 137,036), on abandonna définitivement l’approche d’Eddington. J’ai montré que, évidemment, cette valeur précise était directement reliée au nombre 137.
De plus, personne ne s’est aperçu que 137 est un monstre mathématique, ce que j’ai montré en 1999. Pour un pythagoricien, le fait que les deux monstres mathématiques 136 et 137 soient séparés par une unité est hautement significatif de l’unité cosmique.
Malheureusement, comme la plupart des scientifiques, Pecker est anti-pythagoricien : il rejette donc a priori le concept d’une simplicité cosmique (c’est aussi pour cette raison que la Théorie Fondamentale d’Eddington fut mise au panier). Cette simplicité cosmique remplace le concept mystérieux »d’émergence »[33] par celui »d’immergence », bien plus productif. Lors de ma confrontation avec Narlikar en 2004 au Collège de France, Pecker préféra s’en remettre au théoricien plutôt qu’au pythagoricien. L’admiration de Pecker pour Narlikar ne peut se comparer qu’avec son inconscience devant la formule d’Eddington-Sanchez, comme le prouve son ouvrage L’Univers exploré, peu à peu expliqué (2003), où il soutient que la cosmologie de Narlikar est préférable à l’officielle, et place mon nom en parallèle avec celui du numérologue Zaman Akil qui, tout comme les frères Bogdanov, ne fait pas la distinction entre un nombre pur et un nombre ‘dimensionné’ (c’est-à-dire attaché à une grandeur physique).
Alors que j’avais élégamment résolu l’énigme des grands nombres lors de ma conférence au Collège de France, le 27 février 2004, pendant les vacances scolaires, date choisie par Narlikar pour éviter la présence de trop de spécialistes, ce dernier refusa toute discussion lors de la réunion finale, avec un historique ‘no comment‘, qui ne figure pas dans le compte-rendu final des discussions, publié en 2006, voir en ligne ‘Current Issues in Cosmology’ où ma contribution fut réduite à 3 pages (contre 5 pages promises par Pecker), avec le ridicule commentaire suivant : the editors decline all responsability to the content of this paper‘.
Ces 3 pages étaient prophétiques pour d’autres raisons encore. En particulier, la théorie bosonique des cordes, qui a été rejetée à cause de son caractère tachyonique, y est réhabilitée, puisque sa dimension n = 26 est directement liée au rayon de l’univers observable. Ce résultat fut obtenu fin 1998 en pratiquant ce que j’enseigne à mes étudiants : portez sur un graphique les résultats des mesures. Quand on le fait, en incluant les nombres caractéristiques de la microphysique, on obtient un alignement (en échelle de double logarithme), qui met en évidence la série spéciale des cordes n = 2 + 4p. La valeur n = 10 des supercordes correspond à l’atome.
On retrouve donc la symétrie univers-atome, liée à la symétrie corde-supercorde. C’est le seul cas connu où les théories de cordes épousent la réalité, mais Narlikar étouffa cette découverte de première importance, car cela ruinait non seulement, une nouvelle fois, le scénario Bang Primordial, mais aussi son cher modèle qu’il voulait imposer. Narlikar a donc bloqué non seulement la cosmologie, mais aussi la Physique Théorique : les théoriciens sont toujours à la recherche d’un indice reliant les cordes à la réalité, et beaucoup en ont abandonné l’espoir, comme le normalien Alain Connes. D’où l’importance cruciale de mon »Axe Topologique », qui non seulement implique le Grandcosmos mais prévoit aussi que les gluons sont massifs. Le Prix Nobel Gilles de Gennes n’a pas réagi [on ne sait même pas pourquoi il reçut le prix Nobel, mais il est vrai que c’était du temps d’importantes tractations commerciales franco-américaines].
Dans ces 3 pages, fut aussi proposée l’origine cosmique du cycle solaire de 11 ans, confirmée dans mon article récent avec Kotov, ‘Solar 22 years cycle‘, dans la revue ‘Astrophysics and Space Science’. Or certains astronomes relient les cycles climatiques à ce cycle solaire ; ils auraient donc finalement une origine cosmique, et non humaine.
Alors que la tradition est d’écarter tout article qui ne participe pas de la pensée unique, Pecker avait auparavant présenté une Note qui horrifia la plupart des académiciens : les observations iconoclastes de Valéry Kotov et Viktor Lyuty. Le premier, ami de Pecker, avait repéré depuis des décennies, dans sa tour solaire de l’observatoire de Crimée, une période d’oscillation du rayonnement solaire de période 9 600,6 s.
Cette même période fut retrouvée par Viktor Luyty, avec une plus forte intensité, dans plusieurs quasars, montrant ainsi que cette oscillation ne présentait pas d’effet Doppler (à part des déphasages d’un quasar à l’autre, ce qui prouve que ce n’est pas un biais local).
C’est exactement ce que j’attendais, puisque cela confirme que le cosmos est tachyonique, et j’ai vérifié en quelques secondes que cette période, par une nouvelle élimination de c, impliquait directement la constante de gravitation et la constante de Fermi caractérisant l’interaction faible. Par contre, ces oscillations sans effet Doppler plongèrent Narlikar dans la plus profonde stupeur : en effet, cela remettait en question les fondements mêmes de la Physique. Narlikar avait pourtant proposé la possibilité d’une action à distance ultra-rapide (quasiment instantanée), ce qui prouve l’incohérence du personnage.
Et la corrélation était si précise qu’elle conduisait à une décimale supplémentaire sur la constante de gravitation G, valeur qui fut confirmée dans une étude statistique de l’astronome-adjoint Christian Bizouard. Parmi les relations trouvées par celui-ci, figure une corrélation directe avec la masse du muon, qui prévoyait implicitement un gain de 2 décimales sur la constante de Fermi, ce qui fut confirmé 5 ans plus tard ! On voit sur cet exemple l’utilité de la confrontation directe entre résultats de mesure, ce qu’un pur théoricien ne peut admettre et rejette en évoquant la ‘numérologie’.
Note 6. Calcul du Grandcosmos : les formules confirmantes
Quand on cherche à égaliser la quantité d’information dans un volume et dans une surface, ce n’est pas vraiment de l’holographie, mais plutôt un transfert dimensionnel, comme rappelé plus haut. Il est clair que l’identification d’un volume, fondamentalement le cube (L/l1)3 d’un rapport de longueurs, avec une surface (L/l2)2, exige que les unités l1 et l2 soient différentes. Or, à partir de deux longueurs caractéristiques de la physique – d’une part la longueur de Planck lP ≡ (ħG/c)≈ 1,6164 ×10-35 m, considérée comme l’unité de longueur naturelle en physique théorique et, d’autre part, le ‘rayon classique de l’électron’ re ≡ e/a ≈ 2,8179 ×10-15 m, voisin du rayon nucléaire, où ƛe = ħ/mec est la longueur d’onde canonique de l’électron et a ≈ 137,036 la constante électrique – on obtient, en prenant l1 = re et l2 = lP une longueur L = re3/lP ² (formule qui élimine encore c) très voisine (à 2%) de la fraction 2/3 de R, le rayon de l’Univers observable. Pour la plupart des théoriciens actuels, ce ne peut être qu’une coïncidence fortuite, car ils considèrent que ce rayon de l’Univers (ou ‘rayon de Hubble’) est variable.
Mais Dirac et Eddington (voir la Note 1) prirent très au sérieux ce soi-disant ‘problème des grands nombres’. Rappelons que Dirac, admettant la variabilité de la sphère de Hubble, en déduisit la variation de la longueur de Planck, par l’intermédiaire d’une variation de la constante de gravitation, laquelle fut démentie par la suite.
Par contre, Eddington en déduisit que le rayon de l’Univers était fixe ; il publia une formule qui, précisée par l’auteur, donne le rayon actuel, dont le temps associé R/c est maintenant estimé à mieux que le %, mais considéré à tort comme l’âge de l’Univers. Le calcul historique d’Eddington, rappelé dans la Note 1 ci-dessus, a été oublié par l’Histoire des sciences.
Il n’est mentionné que par Matila Ghyka dans son ouvrage ‘Philosophie et mystique du nombre’, 1971, Payot, Paris, pages 203-204, mais Ghyka lui-même n’y croit pas vraiment, le traitant de ‘tour de passe-passe’.
Mais le calcul encore plus simple qui remplace la formule de la Note 1 : R = 2ħ²/GmH²me par le rayon R’ = 2ħ²/G(ame)3 ≈ 4R/3, fait apparaître la masse ame, repérée en microphysique pour être d’importance centrale (masse de Nambu), mais sans trouver d’explication : celle-ci serait donc d’ordre cosmologique. Mais la question se pose : comment peut-on avoir deux formules pour le rayon d’Univers ? Bonne question, d’ailleurs posée par Jean Iliopoulos, le seul au laboratoire de l’École Normale à avoir été intrigué par mon approche. Réponse évidente : la sphère de rayon R‘ est « l’hologramme du Grandcosmos », qui serait donc plus simple que l’Univers lui-même. D’où le rayon du Grandcosmos par transfert dimensionnel monochrome (une seule longueur d’onde lP) 2D – 1D, construite à partir de l’officielle ‘entropie de Bekeinstein-Hawking’ 2D : (R‘/lP)² = 2RGC/lP, d’où RGC = R‘²/2lP ≈ 9.075 ×1086 m. Dans cette hypothèse, il devrait y avoir une liaison directe entre R’ et le rayonnement de fond, caractérisé par sa longueur d’onde de Wien Wien ≈ 1.0631 mm. En effet, la surface de la sphère de rayon R‘, avec Wien pour unité n’est autre que e137,035, soit pratiquement ea. Ça ne s’invente pas, avec accès direct à l’histoire des sciences. Cette formule a convaincu l’astronome-adjoint Christian Bizouard, mais laissé certains officiels de marbre, comme les normaliens Claude Cohen-Tannoudji ( »J’en ai tellement vu ! ») et Pierre Fayet ( »Développez ça avec d’autres !’). De plus le demi-volume du proton, avec pour unité la longueur de Planck est aussi compatible avec ea.
Encore plus spectaculaire, le volume du Grandcosmos, avec pour unité le rayon de Bohr, est aa/≈ (1/ln2)p+1/e donc directement lié aux paramètres a = 137.036 et p = 1836.1527, le rapport de masse proton/électron.
Selon la tradition scientifique, ces nombres doivent être des constantes mathématiques ; donc la première exigence est qu’ils soient reliés entre eux. Dès le début de ma carrière universitaire, en 1971, j’ai alerté la direction de l’Université d’Orsay sur la nécessité de lancer des recherches sur les corrélations entre ces paramètres. Peine perdue, la présidente de l’époque, Catherine Bréchignac, en bonne normalienne, a refusé de lancer cette recherche primordiale.
On la retrouve maintenant, en 2017, comme secrétaire perpétuelle à l’Académie des Sciences, incapable de bloquer la réjection extravagante de mon article résolvant le faux-problème de l’énergie sombre en une ligne de calcul.
Certains osent douter de la pertinence de formules aussi spectaculaires, car la croyance en la cosmologie standard est si forte (on peut la comparer à un dogme) que tous mes articles ont été refusés de publication, sans justification sérieuse, alors que je suis spécialiste en holographie. Les rares collègues lucides qui ont apprécié les formules se sont vus menacés dans leur carrière universitaire. Comme l’écrivit Rémy Chauvin dans une lettre restée célèbre à Allais (voir mon site) : « J’ai mesuré la pusillanimité et, tranchons le mot, la lâcheté de beaucoup de collègues. Les universitaires ne sont pas des héros, on le sait depuis longtemps ; mais tout de même ! Non pas la déviation des normes mais même la plus légère suspicion d’une telle déviation, peut ruiner une carrière. »
Il est clair que les cosmologistes officiels, si fiers d’annoncer que leur domaine entre dans l’ère de la précision, redoutent par-dessus tout une remise en question du modèle standard qui a assuré leur carrière : ils vont entrer dans l’Histoire, mais par la mauvaise porte.
Ce qui peut heurter un physicien traditionnel, c’est que, selon une croyance très répandue, le caractère quantique est réservé au microcosme, donc ne pourrait intervenir en cosmologie que lors d’un Bang Primordial. Cette idée reçue est déjà bafouée par la supraconductivité et la superfluidité, et les formules ci-dessus montrent clairement que la constante quantique ħ intervient dans la cosmologie de tous les jours : nul besoin de recourir à un hypothétique moment d’un lointain passé.
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SOCIÉTÉ
« Il a plu à Dieu qu’on ne pût faire aucun bien aux hommes
qu’en les aimant » (P. Léon Le Prévost).
Pertinence politique de la vision chrétienne du monde[34]
Claude Polin[35]
Résumé : La déchristianisation programmée des intelligences et des mœurs fait disparaître jusqu’à l’idée que nos sociétés peuvent être « informées » par la vision chrétienne du monde, laquelle, inspirée par le Créateur, est ipso facto la plus pertinente : correspondant à la nature des hommes et non à leurs rêves. Les grands traits de cette doctrine sont que la société est un grand tout ordonné, reflétant à la fois la sociabilité naturelle des hommes et la nécessité de réfréner leurs tentations pour assurer le bien commun. Il s’en déduit que des hommes capables d’exercer l’autorité comme un service, non seulement existent mais sont même nécessaires à la paix et à l’ordre. C’est à la lumière de telles considérations fondamentales qu’une rénovation sera possible, en dénonçant l’erreur des modernes qui, depuis quatre siècles, affirment que la somme des égoïsmes peut profiter à tous.
Avant toute chose, je veux marquer les limites de mon sujet. Non seulement je ne traiterai de la doctrine chrétienne que dans son rapport à l’ordre politique, mais par doctrine chrétienne, j’entendrai seulement la doctrine qui fut professée par le christianisme orthodoxe, jusqu’en 1864, pour prendre une date symbolique, celle du Syllabus. Je ne considérerai pas ce qu’il est convenu d’appeler la doctrine sociale de l’Église, doctrine qui procède d’un aggiornamento progressivement de plus en plus radical au fil des décennies, et au terme duquel on ne devrait plus parler de doctrine sociale mais de doctrine socialiste de l’Église (même si, je l’admets volontiers, il s’agit d’un socialisme plus sentimental et même larmoyant que le socialisme quelque peu cynique qui a cours en dehors de l’Église).
Enfin, je veux souligner que ce qui suit relève du domaine des évidences de bon sens, ce qui me condamne à répéter ce que j’ai déjà dit ou écrit ici ou ailleurs, et que d’autres ont pu dire aussi bien ou mieux que moi. Mais enfin, il ne faut jamais se lasser de dire la vérité, pour autant qu’on puisse être honnêtement sûr de l’avoir entraperçue.
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Quel est donc l’enseignement traditionnel de l’Église, du moins celui dont les conséquences politiques sont les plus immédiates et les plus évidentes ? Le principe fondamental dérive, me semble-t-il, de la conception que le christianisme (orthodoxe) se fait de l’univers en général. Pour un chrétien – qui retrouve ainsi l’intuition la plus profonde du paganisme philosophique – l’univers est un cosmos, un ordre conçu comme l’harmonie d’une diversité (ce pourquoi il y a ordre), la diversité étant celle des parties de l’univers et l’harmonie affectant la totalité de ces parties, c’est-à-dire l’univers. Mais, à la différence évidemment considérable du paganisme, pour le chrétien, cette harmonie est parfaitement explicable parce que due au fait que l’univers tout entier est une création, l’œuvre d’un Être absolument libre, mais absolument sage, bienveillant et tout-puissant qui n’est plus une entité abstraite mais une Personne, le Dieu unique sans Lequel rien n’existerait.
Réfracté dans le monde des hommes, cet axiome donne lieu à l’idée fondamentale que l’humanité, qui est constituée de tous les hommes passés, présents et à venir, est elle-même une totalité harmonieuse à sa manière. Tous les hommes sont créatures de Dieu, tous faits à Son image, et par là-même tous fils d’un même Père à qui ils ressemblent. Mais les fils d’un même père sont des frères, et tous les frères sont censés s’aimer les uns les autres, non seulement pour eux-mêmes mais surtout – parce qu’ils ne sont pas toujours aimables – pour l’amour du même Père qui les a faits.
C’est cet amour fraternel, supposant la Foi en Dieu, qui est le vrai ciment de la société générale du genre humain. Ce n’est pas pour autant que l’humanité soit un tas de sable, dont l’unité tient à ce que tous les grains se ressemblent. Des frères peuvent se ressembler, sans jamais être des clones. Il y a un ordre dans l’humanité, comme il y en a un dans l’univers, parce que les hommes sont divers, d’une diversité sans laquelle il n’y aurait pas d’ordre, mais qui les ordonne les uns aux autres. En outre, chaque homme est un ciron dans l’univers : s’il est capable de percevoir qu’il y joue un rôle, c’est parce qu’entre lui et le tout, il y a des corps intermédiaires, au sein desquels des fonctions lui appartiennent plus particulièrement, ces corps intermédiaires nous étant familiers, car ils s’appellent famille, corporation, cité, nation. Dans le plan de Dieu, nul homme n’est méprisable, et chacun doit reconnaître non seulement l’égale dignité mais l’utilité de tous ceux qui ont une fonction naturelle dans le monde, c’est-à-dire qui concourent à la vie de la famille, de la cité ou de la nation. C’est par leur participation à ces corps intermédiaires que les hommes, dans la vision chrétienne, peuvent apparaître complémentaires les uns des autres.
Cela étant, cette même vision comporte un deuxième grand principe. En effet, Dieu a donné à l’homme la liberté, comme une preuve de la perfection qu’Il entendait être celle de cette créature passant à ses yeux toutes les autres. Quelle perfection en effet que celle d’un être dont la nature n’est pas seulement d’être créé par Dieu, mais de pouvoir librement être ce qu’il est, de pouvoir s’adjoindre de volonté à la volonté de Dieu ? Et pour que cette perfection fût à son comble, il fallait évidemment que la liberté conférée à cet être fût elle-même parfaite : il fallait que cet être fût libre totalement, ou qu’il ne le fût pas.
Ce qui signifie que cette liberté donnée à tout homme pouvait être signe de sa perfection – mais aussi capacité de désobéir à Dieu même. En d’autres termes, c’est parce que l’homme a été fait libre qu’il peut être méchant.
Et dès lors sa liberté est en chaque homme comme une tentation permanente à pécher, le péché consistant fondamentalement à aller au-delà de ce que Dieu a voulu que l’être humain soit, à outrepasser sa propre nature. On retrouve ici l’intuition des philosophes grecs – le mal dans le monde vient de ce que tout homme est capable de démesure (hybris). Si la vertu essentielle d’un homme, qu’il soit prince ou manant, est la modération, qu’on peut encore appeler humilité, ou encore volonté de se tenir à sa place, son vice essentiel, élémentaire, et élémentairement perceptible, est le désir de sortir du rôle que la Providence lui a assigné, ou encore de donner à ce rôle une importance qu’il n’a pas. Rois, dit Bossuet, vous ne vous appartenez pas, et pour le reste vous n’êtes que poussière : n’usez pas de votre place pour manquer à vos devoirs d’état, pour préférer faire ce qui vous plaît plutôt que ce que votre fonction vous fait un devoir de faire.
C’est pourtant ce que sa liberté porte tout homme à faire, qui est de préférer ses désirs à ses devoirs, de céder à ce que l’on appelle ses passions, qui se ramènent toutes à une seule : se préférer lui-même au point de se préférer à tout autre et donc à Dieu même. L’homme est aussi cet orgueilleux cité par Isaïe qui peut dire : « Je suis, il n’y a que moi sur terre » (Is 47, 8). La vision chrétienne est donc d’un réalisme et même d’un pessimisme manifeste pour quiconque ne cède pas à un sentimentalisme de mauvais aloi, à la mode aujourd’hui. « Il n’y a rien de plus brutal ni de plus sanguinaire que l’homme », dit Bossuet. « Il n’y a rien de plus sociable que l’homme par sa nature, ni rien de plus intraitable ou de plus insociable par sa corruption », dit saint Augustin.
Cela se voit à tous les niveaux de l’existence humaine. On trouve bien évidemment la préférence pour soi exprimée par les individus à l’intérieur des différentes communautés auxquelles ils appartiennent simultanément (la famille et son égoïsme, la concurrence entre corps de métiers, etc.). Mais on la voit se déployer aussi bien entre nations, l’orgueil peut les emporter les unes contre les autres aussi bien que les individus ; il y a une hybris collective aussi bien qu’individuelle.
C’est ce dont témoigne d’ailleurs le soin avec lequel la tradition détermine les conditions de toute guerre juste.
« L’homme est un loup pour l’homme », dit Hobbes : l’opinion n’est pas seulement celle d’un athée, mais celle du bon chrétien, car celui-ci sait reconnaître tout l’empire que les passions peuvent exercer sur l’âme humaine. L’état naturel de l’homme avant la Chute est la paix ; son état naturel après qu’il a choisi contre sa nature originelle, c’est la guerre. C’est donc aussi au vrai christianisme qu’il appartient de définir les moyens de dompter la violence, l’hybris régnant désormais entre les hommes.
Je vais à présent, quitte à simplifier, dire ce qui me semble être la vérité en la matière, une vérité que l’on trouve constamment affirmée depuis saint Augustin jusqu’à Pie IX en passant par saint Thomas ou Bossuet, et qui constitue en somme le troisième volet du triptyque dessiné par l’enseignement chrétien fondamental. Vérité qui paraîtra brutale en ces temps où règnent la compromission du politiquement correct, du sentimentalisme, et la peur de dire les choses; mais le moment n’est plus d’hésiter à prendre le taureau par les cornes.
Il y a deux sortes d’hommes. Il y a ceux qui sont capables de réfréner la démesure en eux-mêmes et par eux-mêmes. Combien sont-ils ? Peu importe finalement, car ce dont il s’agit c’est d’instaurer la paix dans des sociétés qui comportent aussi cette autre sorte d’hommes que sont les méchants, les hommes mus par leurs passions, en qui domine la démesure, c’est-à-dire l’amour d’eux-mêmes. Comment donc unir des individus incapables de faire passer le bien commun avant le leur propre ? La réponse unanime de la tradition chrétienne me paraît simple: il y faut la force, mais une force exercée par un gouvernement juste. Qu’est-ce à dire ?
Il y faut la force parce qu’à la force des passions, il faut être bien naïf pour croire qu’on peut opposer la seule force de la raison. Mais il faut que cette force soit juste, sinon elle n’est que violence, et la violence ne peut engendrer de société qui soit stable et paisible. Or, n’en déplaise à Pascal, la tradition chrétienne juge sans doute difficile qu’existent des gouvernements justes, mais nullement utopique de les croire possibles.
« Malheur aux pasteurs qui se paissent eux-mêmes » (Ez 34, 2). Et saint Thomas n’a-t-il pas voué une partie importante de sa Somme à définir les conditions à réunir pour qu’existent des gouvernements justes?
Qu’est-ce qu’un gouvernement juste ? Il me semble qu’on peut répondre : c’est un gouvernement orienté au bien commun de la communauté. Le concept en a été quelque peu galvaudé parce qu’on a identifié bien commun et intérêt général. Or, comme l’expression l’indique, l’intérêt général n’est que général, c’est-à-dire est seulement l’expression de l’intérêt du plus grand nombre, et non de tous. Un gouvernement juste, c’est donc un gouvernement qui s’attache à défendre ce qui est de l’intérêt de tous, c’est-à-dire, pour le définir en quelques mots, tout ce qui constitue une condition de possibilité de la survie de la cité.
Sur ce point, je crois que la tradition a deux choses à dire.
D’abord, qu’il n’est évidemment pas facile de dresser la liste de ces conditions, car on ne saurait imaginer qu’il n’y en ait qu’une, même essentielle, comme par exemple la ferme certitude, partagée par tous les citoyens, que l’existence même de leur communauté est justifiée par d’autres raisons que par la simple addition de leurs intérêts particuliers.
Mais, heureusement pour la brièveté nécessaire de notre propos, la tradition elle-même nous permet de ne pas aller plus avant dans la discussion des éléments constitutifs du bien commun. Elle suggère en effet que leur définition exhaustive est chose si délicate qu’en réalité ce qui est déterminant pour l’existence d’un gouvernement juste, c’est le sentiment que celui, ou ceux, qui exercent le pouvoir sont, non pas des êtres infaillibles, mais des hommes qui, autant qu’ils le peuvent, tiennent à honneur de ne jamais agir que conformément à ce qui leur paraît être l’intérêt de tous et non le leur propre.
On voit ainsi que la question fondamentale devient celle de savoir où trouver des hommes qui soient constamment portés à défendre le bien commun contre les empiètements des intérêts particuliers au sein de la communauté.
S’il n’est point impossible de trouver des gouvernants suffisamment détachés de leurs intérêts particuliers – capables de prendre l’intérêt de tous pour leur intérêt particulier –, c’est tout simplement, pour la tradition, parce qu’il y a dans le monde beaucoup d’hommes à considérer que la vraie fin de l’homme n’est pas en ce monde, sans pourtant aller jusqu’à estimer que les hommes n’y ont pas de devoirs, ne serait-ce que celui de s’y comporter sans contradiction avec leurs fins dernières. « Ma Royauté n’est pas de ce monde[36] », affirme Jésus, mais pour autant enseigne-t-Il à quitter ce monde ou à lui tourner le dos ? « Omnis potestas a Deo », répond l’Apôtre, voulant aussi signifier par-là que, puisque Dieu instaure des pouvoirs en ce monde, Il les investit d’une mission qui n’est pas de se servir eux-mêmes, de quelque façon que ce soit, en faisant fortune ou en assurant leur gloire. Omnis potestas a Deo signifie qu’aucun homme dépositaire d’un pouvoir sur ses semblables ne doit croire devoir sa fonction à ses mérites, de manière à user de cette fonction, comme s’il était un dieu pour l’homme. Omnis potestas a Deo est en réalité un précepte d’humilité.
En d’autres termes, si la justice suppose le désintéressement, la doctrine catholique traditionnelle enseigne qu’il n’est pas d’acte désintéressé sinon celui qui est commis pour la seule gloire ou pour l’amour de Dieu : elle implique que s’il y a des gouvernements justes dans le monde, c’est qu’il y a assez de chrétiens dans le monde pour qu’il s’en trouve à gouverner les nations.
Soulignons ici une chose. La doctrine traditionnelle ne consiste en aucune manière à affirmer que, dès qu’elle est connue, tous les gouvernements de la terre vont devenir des gouvernements justes. Ce qu’elle affirme en revanche, c’est qu’elle constitue la seule pierre sur laquelle peuvent être bâtis des gouvernements justes, tous les autres fondements étant du sable et non du roc. Elle est comme ce médecin qui dirait à son patient : « Vous avez le foie malade. Vous pouvez absorber des racines d’hibiscus si cela vous chante. Moi je vous dis que si vous ne cessez pas de boire de l‘absinthe, votre foie ne guérira point. Libre à vous de choisir. »
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Poursuivons notre raisonnement par quelques considérations de bon sens concernant notre époque.
Celle-ci est de plus en plus clairement en train d’achever la révolution entamée au XVIe siècle ; elle finit de rompre avec un ancien monde, cet Ancien Régime qu’elle souhaite avoir culbuté une fois pour toutes dans les oubliettes de l’Histoire. Certes, la royauté a été décapitée en France en 1793, mais elle a plus ou moins survécu et en France et ailleurs jusqu’à une date pas si lointaine. À présent ç’en est vraiment fait de l’Ancien Régime, et aujourd’hui, en Occident du moins, nous vivons sous le régime d’un nouveau roi, dont le royaume s’étend jusqu’aux frontières du monde occidental, et qui n’a laissé que des ombres assises sur leur trône de pacotille. Ce nouveau roi a eu ses prophètes, tels, pour ne citer qu’eux, Montaigne ou Rousseau en France, un peu plus tard Walt Whitman aux États-Unis, Stirner en Allemagne, etc. Et ces prophètes l’ont annoncé triomphal et quasi-divin : il s’appelle le Moi. Mais il a aussi revêtu, en particulier aujourd’hui, des habits moins divins ou impériaux, s’est fait plus craintif et en quelque sorte plus médiocre. Lorsque le supporter d’une équipe sportive crie : « On a gagné ! », on sent à la fois le désir d’affirmer son moi, puisqu’il affirme avoir gagné, et la crainte de se mettre trop en avant, puisqu’il affirme aussi n’avoir pu être le seul artisan de la victoire. Ainsi se trouve en quelque sorte collectivisé l’amour de soi ; celui-ci est toujours présent, mais, identifié à d’autres, de manière à être par là même à la fois plus protégé et plus fort.
Je me bornerai ici à constater l’existence de ces deux formes d’amour de soi, sans chercher à en expliquer la polarité.
Il a des fidèles partout, mais les plus fidèles sont aux commandes de la machinerie qui fait mouvoir nos sociétés. Je vais en énumérer quelques-uns, sans essayer de mettre de hiérarchie entre eux, ni prétendre à n’en oublier aucun.
Ainsi dans les officines gouvernementales, relayé par les bourgeois des villes, dans les classes des lycées, des universités, quand ce n’est pas dans les écoles primaires, il est de mode, ou plutôt de rigueur, de moquer et l’idée et ceux qui la défendent, l’idée qu’il y a des choses naturelles et d’autres qui sont contre nature. Qui ne sait qu’aujourd’hui, il est ou devrait être parfaitement naturel de choisir son sexe (ou ses goûts sexuels) ; d’épouser dans les formes qui l’on veut, quel que soit son sexe et son âge (et pourquoi pas son chien ou son pot de fleur ? cela viendra) ; de manipuler à volonté l’héritage génétique des individus ; d’euthanasier, c’est-à-dire de confier à des « experts » le droit de tuer les vieillards ; d’avorter, c’est-à-dire de tuer des petits d‘homme avant leur naissance; mais aussi bien de manger des cerises en décembre, ou de tenter de vivre sur Mars. Or, pourquoi tant de haine contre l’idée même qu’il y a une nature des choses, sinon parce qu’imposer le respect de cette nature, c’est borner le déploiement de la démesure individuelle ou collective ?
Faut-il rappeler que les dieux, il y a déjà bien longtemps, avaient puni Icare de vouloir voler ?
On dira qu’il y a des « comités d’éthique ». Mais j’aimerais savoir combien se trouve de personnes, parmi ceux qui les composent, à oser affirmer qu’il y a des choses qui ne se font pas, point final ; c’est-à-dire des choses, ou plutôt des règles, devant lesquelles l’homme doit plier, sans qu’il soit besoin de justifier l’obéissance ; ou, comme aurait dit Antigone, des lois non écrites qui sont supérieures aux lois de la Cité, aux lois des hommes[37].
Tout ce que font ces comités d’éthique, c’est par exemple de délimiter la période au-delà de laquelle ils reconnaissent l’avortement pour un assassinat, ce qui est reconnaître le droit de chaque femme à avorter presqu’à son gré, c’est-à-dire à nier que l’avortement par lui-même soit contre-nature, et finalement, comme je l’ai dit, à nier que l’homme ait une nature. La liberté d’un homme, disait-on déjà au XVIIIe siècle, s’arrête où commence celle d’un autre – et non pas à ce que lui interdit sa nature : pour le divin Moi, il n’est pas de nature.
Pour prendre un autre exemple, considérons la part prise dans nos sociétés par l’économie. Son développement ne date pas d’hier, mais précisément revenons à ce que dirent ceux qui en furent les premiers doctrinaires. On sait que, pour Adam Smith, la division du travail est à l’origine de tout accroissement de richesse, ce qui est l’objet propre de la science économique.
Or cette division « est la conséquence nécessaire quoique graduelle, d’une certaine tendance de la nature humaine à échanger une chose contre une autre ». Mais pourquoi cette tendance ? Mandeville l’avait déjà suggéré, et Adam Smith reprend l’idée : « L’homme a presque constamment l’occasion de recourir à l’aide de ses frères, mais il serait vain de l’attendre de leur seule bienveillance… Ce n’est pas de la bienveillance du boucher que nous attendons notre dîner, mais de la considération qu’il a de son propre intérêt. Nous nous adressons non à leur humanité, mais à leur amour de soi » (Richesse des nations, Livre I, ch. 2). Tout est dit : une société où l’activité économique est devenue l’activité dominante est une société dont le moteur principal est devenu l’amour que chacun se porte à lui-même – quitte évidemment à ce qu’il consente à des concessions pour le satisfaire. Mais ces concessions ne sauraient dissimuler que, comme le dit Adam Smith, ce n’est pas pour l’amour d’autrui (et encore moins de Dieu) qu’on lui rend service, mais pour l’avantage personnel que l’on en retire.
Ce qui est une manière de dire que l’homme a cessé d’être un animal sociable (ou politique), parce qu’il n’y a aucune raison pour que, dans toutes ces relations avec ses concitoyens, il ne cherche pas à donner le moins en exigeant le plus. Je n’insiste pas, on se récriera tant qu’on voudra, ce n’en est pas moins une sorte de guerre formellement pacifique qui fait la toile de fond de nos sociétés.
Aussi bien, j’en prendrai une preuve supplémentaire, qui est ce que l’on pourrait appeler l’inflation législative que connaissent nos sociétés. Pour un oui ou pour un non, on ajoute une loi à l’énorme livre de celles qui existent déjà. Avançons donc ce nouveau truisme. Une société dont les citoyens savent eux-mêmes mettre un frein à leur démesure, c’est-à-dire au mépris de l’autre qui les habite, est une société qui n’a pas besoin de beaucoup de lois. On peut donc, me semble-t-il, poser comme un axiome, ce corollaire que le nombre des lois qui règlent la vie en société est directement proportionnel à la diversité des moyens que l’hybris individuelle – l’amour de soi – invente pour se satisfaire, et donc en raison directe de la latitude qui est laissée à cette hybris pour se développer.
Je veux prendre deux derniers exemples.
Le premier est – horresco referens – le succès du système démocratique dans le mode moderne. La démocratie est un régime encensé parce que supposé être le seul à pouvoir protéger efficacement le citoyen moyen, cette brebis constamment exposée à être tondue, des exactions de gouvernements inévitablement méchants parce qu’aristocratiques ou monarchiques. Que ce soit un jugement infantile, et de plus en plus manifestement faux, importe peu puisque les masses sont persuadées qu’il est vrai et tiennent mordicus à ce régime sournois, quels qu’en puissent être les vices (« La démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres », on connaît la formule).
Mais pourquoi les masses y sont-elles attachées ? Je crois que c’est pour une raison élémentaire, mais qu’il est de mauvais goût d’avancer.
Qu’y a-t-il en effet derrière le principe sacro-saint de la souveraineté du peuple – souveraineté signifiant qu’il n’est rien que le peuple ne puisse se permettre, rien de sacré pour lui (même pas le contrat social, disait Rousseau avec son cynisme naïf) ? Pourquoi ce pouvoir exorbitant n’a-t-il rien de scandaleux ou d’effrayant ? Pourquoi est-il haïssable dans les mains d’un homme, mais adorable dans celles du peuple ? La raison en est, je crois, tout simplement que, consciemment ou non, la souveraineté du peuple, cette entité si difficilement définissable et si mal définie, n’est rien aux yeux du citoyen moyen, sinon la souveraineté de chaque citoyen. Puisque, se dit en somme ce dernier, ce qui est par-dessus tout insupportable, c’est qu’un homme particulier prétende gouverner ses semblables, le seul remède à cette peste est de confier le pouvoir de cet homme à tous les citoyens – et chacun de pouvoir se dire : « à moi ». C’est d’ailleurs la raison profonde pour laquelle les sociétés modernes, sont, comme disait Rousseau, contractuelles ; elles sont de simples associations « dans lesquelles chacun n’entre que pour son avantage ».
Comment ce système extravagant peut-il fonctionner, nul n’en a cure, car seul le principe compte, qui est le sentiment que n’importe quel citoyen est en droit de nourrir, et qui est la souveraineté de principe de son Moi.
Un dernier exemple. On me rétorquera que notre époque est pleine d’altruisme, que la compassion y est vertu, et que, même si l’on concède qu’en effet elle n’est pas exempte d’égoïsme, la pitié est le seul sentiment qui, parce qu’il est aussi naturel à l’homme que l’amour de soi, peut balancer ce dernier : c’était déjà l’argument de Rousseau. N’est-ce pas un ancien président des États-Unis qui déclarait être le candidat d’un « conservatisme compassionnel » ? Aimez-vous les uns les autres, prêche, avec la nécessité de la plus large tolérance, le Pape actuel, qui semble avoir oublié que le Christ ajoutait : « pour l’amour de moi » – ce qui change tout, et réduit l’exhortation de ce Pontife à un larmoyant : « ayez pitié ». Eh bien soit ! notre époque adore larmoyer, comme Margot. Mais veut-on savoir ce que Jean-Jacques, un des fondateurs de la psyché moderne, pense de cette compassion dont il faisait pourtant l’éloge ? « On ne plaint jamais dans autrui que les maux dont on ne se croit pas exempt soi-même » (Émile). Une fois de plus, tout est dit, et sous l’altruisme d’une époque pétrie d’égoïsme, il est logique de déceler encore une fois une des manifestations de cet égoïsme.
Et alors, dira-t-on, la belle affaire ! Soit, il se peut que des esprits chagrins trouvent répréhensible l’étalage d’un égoïsme que le monde traditionnel réprouvait, mais enfin pourquoi cette hostilité ? Une économie florissante ne se bâtit pas avec de bons sentiments, et la compétition des intérêts, parce qu’elle profite finalement au plus grand nombre, a quelque chose de providentiel (comme disait Adam Smith). Nos parlements multiplient les lois ? Certes, mais comme ces lois ont pour but de réfréner l’ardeur des méchants, cela prouve simplement que dans nos sociétés règne de plus en plus l’état de droit.
Quant à accuser la démocratie, c’est trop facile : comme a dit l’autre, c’est peut-être le pire des régimes, à l’exception des autres. Enfin la pitié a peut-être quelque chose d’hypocrite, mais enfin qui peut nier que ses effets soient bénéfiques ? Une fois de plus, et cela est admirable, c’est de vices apparents que sort la vertu (comme disait cette fois Mandeville).
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On peut naturellement abonder dans ce sens et hurler avec les loups (ou mugir avec les veaux). Mais il demeure permis jusqu’à nouvel ordre de considérer que l’hégémonie du moi dans nos sociétés n’a pas que des conséquences heureuses. Je me bornerai à en évoquer deux malheureuses, dans lesquelles toutes les autres, me semble-il, se rassemblent et se résument assez visiblement. L’une et l’autre illustrent ce que les sociétés occidentales modernes ont d’artificiel, et donc d’éminemment superficiel.
La première en effet, c’est la désocialisation : une perte de plus en plus évidente de la capacité à vivre en société, les hommes, qui furent des animaux sociables, devenant de plus en plus rétifs à leur propre sociabilité originelle. Certes, on protestera que nos sociétés cherchent à être sans cesse plus « conviviales », que la « solidarité » y est portée à la hauteur d’une institution (fort coûteuse au demeurant), que la fraternité est un principe immortel, etc. Mais soyons sérieux et revenons à la logique des choses, qui est fort simple, et d’ailleurs fort clairement perçue par Jean-Jacques Rousseau. Dans son Contrat social, il butte constamment sur une difficulté élémentaire qu’il a la curieuse honnêteté de ne pas ignorer : comment des hommes, dont la première passion est, comme il le dit, l’amour de soi, peuvent-ils jamais abdiquer « leur existence absolue et naturellement indépendante » ? Pourquoi chacun, répugnant à obéir à un homme, se ferait-il soudain sujet de tous les autres ? La réponse qu’apporte Rousseau donne la mesure de ce que la question a d’insoluble : il faudra « les y contraindre par tout le corps… ce qui ne signifie autre chose sinon qu’on les forcera d’être libres ».
Question et réponse sont autant de preuves que nos sociétés sont fondées sur une contradiction intrinsèque, exaltant la liberté absolue de chacun, et réclamant la terreur quand il s’en prévaut. Pour ma part, je trouve que n’a rien de paradisiaque une société qui balance entre tolérance absolue et répression, anarchie et despotisme : « Dieu fait régner l’homme hypocrite à cause des péchés du peuple » (Jb 34, 30).
La seconde conséquence – vrai vice fondamental – de sociétés fondées sur l’amour de soi me paraît la suivante : c’est celle d’être à la fois conquérantes, agressives et lâches.
Conquérantes et agressives, elles le furent dès leur naissance. Il n’a jamais coulé tant de sang humain que depuis l’invention de la guerre démocratique, où les chefs militaires ou politiques n’ont jamais hésité à se servir des citoyens comme de chair à canon, cependant que la rage de sentir leur souveraineté menacée par l’ennemi extérieur a jeté ces mêmes citoyens contre toutes les monarchies et les régimes anti-démocratiques, depuis les guerres de la Révolution et de l’Empire jusqu’au moins la Seconde Guerre mondiale.
Mais peu à peu, la dynamique inhérente à des sociétés où règne l’amour de soi l’a emporté sur l’instinct même de survie collective. Comme disait Rousseau, quelle raison « peuvent bien avoir les particuliers de transmettre au souverain le droit de disposer de leur propre vie » alors qu’« ils n’entrent en société que pour leur avantage » ? Aussi bien aujourd’hui, il n’est plus et ne saurait plus y avoir de levée en masse : on envoie des professionnels se faire tuer, puisqu’il se trouve encore des hommes à choisir la profession guerrière. Mais lorsque l’agression est massive, et supposerait la mobilisation de tous, comme c’est le cas de l’immigration contemporaine, la lâcheté prévaut, car l’amour de soi commande de faire le gros dos et d’aller faire ses courses au supermarché tout en condamnant les va-t-en-guerre qui demandent au peuple de prendre les armes (même morales) et de se défendre.
Nos sociétés sont nées dans le sang et meurent de lâcheté, ayant perdu, au demeurant de manière fort logique, jusqu’à leur instinct de survie. Si ces deux conséquences ne sont pas dirimantes, je me demande ce qui peut l’être.
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Je peux conclure en quelques mots.
La vision chrétienne de la politique est-elle pertinente aujourd’hui ? Je vois mal qu’on y puisse répondre autrement que par cette autre question : peut-il y avoir vision du monde plus pertinente aujourd’hui que la vision chrétienne ? Car enfin, peut-il y avoir doctrine plus pertinente que celle dont le centre conceptuel et le cœur consistent à affirmer que la maladie mortelle des individus, des sociétés et de ceux qui les dirigent est une préférence immodérée pour soi, un amour démesuré de soi, un Moi d’abord ! un moi ! moi ! moi ! d’autant plus intempérant qu’il s’abrite, et non sans raison, sous le parapluie d’une volonté générale qui le légitime et l’absout ?
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BIBLE
« Le ciel et la terre passeront ; mes paroles ne passeront pas » (Mt 24, 35).
Le véritable secret de la licorne
Abbé Régis Gaudin de Saint-Rémy
Présentation : La datation au carbone 14 d’un crâne de licorne récemment découvert en Sibérie relance le débat sur la forme terrestre de cet animal, étant donné que la licorne des mers ou narval existe toujours. Qu’en est-il exactement ? L’existence de la licorne est attestée dans la Septante (Lxx) et dans la Vulgate (Vg), respectivement versions grecque et latine de la Sainte Écriture. Un réel engouement pour le Texte massorétique (TM), allié au scientisme actuel, est allé jusqu’à remettre en cause ces Textes pourtant authentiques. Comme pour la rumination du lièvre, nous affrontons ici une mode intellectuelle fondée sur une erreur scientifique alliée à un parti pris idéologique, et ceci paradoxalement à l’heure où l’on concourt à exhiber pieuvres géantes et dragons divers issus de l’Antiquité. Il nous faut donc, avant toute chose, vérifier la réalité historique de la licorne à partir de témoignages que nous découvrirons, et qui sont spécialement nombreux. Puis on s’efforcera de retrouver les divers sens spirituels que nous en ont donnés les commentateurs au cours des siècles. Nous comprendrons alors comment le souvenir quasi unique qu’a laissé la licorne s’est peu à peu estompé à l’arrivée d’un monde moderne sceptique et matérialiste.
Une découverte dérangeante
Relayée par de nombreux médias (Courrier Science, Newsweek, Radio Canada, RTL, Europe 1, France Info, AFP, France Culture, France TV, Ouest France, La Dépêche, 20 minutes, Sciences et Avenir, Marie Claire, etc.) en date du 30 mars 2016, la relation de l’événement fut d’abord publiée dans l’American Journal of Applied Sciences : Des scientifiques russes de l’université de Tomsk en Russie ont annoncé la datation au carbone 14 d’un crâne d’Elasmotherium sibiricum, dit aussi licorne de Sibérie ou licorne géante.
L’animal, qui a été retrouvé dans la région de Pavovlar, au Kazakhstan, est imposant : sa reconstitution en taille réelle au musée de Tomsk lui attribue 4,5 mètres de long, 2 mètres de haut, pour un poids pouvant atteindre les 5 tonnes. On le représente recouvert de longs poils et affublé d’une unique corne proéminente (située sur le crâne), longue de 1,5 mètre, plus large à la base que le tronc d’un homme. L’intérêt de la datation et de sa communication – non celui d’une « découverte » connue depuis au moins un siècle – est que cette licorne de Sibérie aurait disparu il y a 29 000 ans, et par conséquent aurait vécu au temps de l’homme que la science contemporaine recense comme ayant habité la région depuis 50 000 ans. Tels sont les faits bruts.
Fig. 1. Le crâne de la licorne de Sibérie et une représentation de l’animal
Deux réflexions s’imposent ici : la première, c’est que la licorne est sans doute un genre animal bien particulier, celui d’animaux disparus avec une seule corne située sur le front. Ainsi l’espèce de la gracile haquenée blanche des tapisseries peut aussi avoir existé. La seconde réflexion est une constatation : s’il est vraisemblable que l’homme a connu plusieurs espèces de licornes, il n’est pas nécessaire de remonter aux 29 000 ans du fantaisiste carbone 14, ni aux 50 000 ans donnés par une sédimentologie sans doute erronée.
Paradoxalement, les commentaires et remarques des médias cités plus haut reconnaissent souvent les défaillances d’une science journalistique n’admettant que ce qu’elle annonce dans l’instant présent, sans préoccupation ni du passé ni de l’avenir. Se voyant sans rivale, elle n’hésite pas à changer, selon ses humeurs, son propre magistère. Nous trouvons ainsi plusieurs énoncés scientifiques en perpétuelle mutation, ce qui nous autorise à formuler des réserves sur une science qui se dit la vérité même, sans toutefois empêcher cette suite d’articles et de réactions de cultiver le paradoxe en évoquant « le monde scientifique » et « la science » avec la même émotion qu’un naturaliste du XVIIIe siècle.
La réalité historique de la licorne
Pourtant, les témoignages sur la licorne sont très anciens[38], outre ceux des Saintes Écritures. L’image connue la plus ancienne d’une licorne est sa représentation sur un bas-relief de Persépolis, en Iran, datant au moins du Ve siècle avant Jésus-Christ.
Fig. 2. Licorne des ruines de Persépolis. Plusieurs relations la mentionnent comme adversaire mortel du lion, ce que sous-entend la Sainte Écriture.
La plus ancienne relation écrite connue est celle du Grec Ctésias, né à Cnide en Asie Mineure au siècle suivant ; elle nous est rapportée par Élien le Sophiste, mort à Rome au IIIe siècle A.D. Voyageur devenu médecin du roi des Perses, Ctésias décrit des licornes dans le chapitre XXV de son Histoire de l’Inde : « Des ânes sauvages de la grandeur des chevaux, et même de plus grands encore. Ils ont le corps blanc, la tête couleur de pourpre, des yeux bleuâtres, une corne au front. […] L’âne des Indes […] ressemble pour la figure et la grandeur à un bœuf. […] Cet animal est très fort et très rapide à la course. Le cheval, ni aucun autre animal, ne peut l’atteindre. Il écrit par ailleurs : [Outre sa corne sur le front] cet âne des Indes a un corps de cheval, une tête de cerf et des pieds solipèdes [à sabot entier] fourchus, cette dernière description la rendant plus semblable à celle de Persépolis.
À cette même époque, Aristote (Parties des animaux L. IV, ch.10 et Histoire des animaux L. II, ch.1) indique un âne des Indes plus petit que celui de Ctésias, mais toujours solipède avec une seule corne sur le front.
Fig. 3. Licornes chinoises datant de la dynastie de Han
(IIe siècle A.C. – IIe siècle A.D.)
Un autre savant, Pline l’Ancien (Ier siècle A.D.), dans le VIIIe livre, au chapitre 31, de son Histoire Naturelle écrite en latin, dit que la bête la plus sauvage de l’Inde est l’unicornis[39] :
(Il a) un corps de cheval, une tête de cerf, les pieds de l’éléphant, la queue du sanglier ; un mugissement grave, une corne noire haute de deux coudées qui se dresse au milieu du front. On dit qu’on ne le prend pas vivant. Dans ses écrits, Pline parle à trois reprises de la licorne.
En Extrême-Orient, on a retrouvé en Chine et au Japon des statuettes en bois de licorne datant de la dynastie chinoise Han (IIe siècle A.C. – IIe siècle A.D.) dont l’unique corne est droite et imposante. L’art chinois représente volontiers la licorne, appelée Qilin, sous les traits d’un dragon, animal terrifiant.
Le Physiologos, bestiaire chrétien écrit d’abord en grec puis traduit en latin, attribué à saint Ambroise (IVe s.) mais datant sans doute du IIe s. de notre ère, dépeint chaque animal avec son sens allégorique à une époque où les œuvres de la Création étaient considérées comme autant de signes servant à l’édification du genre humain. Inspiratrice, au VIe siècle, de saint Isidore de Séville et de ses Etymologiæ avant de devenir la base commune des bestiaires médiévaux, cette célèbre compilation cite la licorne comme un animal de petite taille tel un chevreau, qui a une corne au milieu de la tête, mais est tellement féroce qu’aucun homme ne peut s’emparer d’elle.
Fig. 4. Monocéros de la Topographie chrétienne de Cosmas Indicopleustès
Un marchand alexandrin du VIe siècle, Cosmas Indicopleustès, n’a vu que quatre statues de bronze représentant la licorne, mais en défend farouchement l’existence. Il laissa un dessin, reproduit deux siècles plus tard dans une Topographie chrétienne, qui donne lui aussi à l’animal une silhouette caprine.
Au millénaire suivant, le célèbre voyageur Marco Polo (1254-1324) décrit, dans son Livre des Merveilles, les unicornes guère moins gros que l’éléphant ; ils ont le poil du buffle, le pied comme celui de l’éléphant, une corne au milieu du front, très grosse et noire. Après plusieurs détails sur leur mode de vie, il ajoute que c’est une très vilaine bête à voir, et dégoûtante… Ulysse Aldovrandi, à la fin du XVIe siècle, voit à tort dans cette description un « rhinocéros », dont la morphologie est différente malgré une étymologie très voisine : en grec ῥινόκερως rhinokérôs, signifie « qui a une corne sur le nez ».
Lors de son séjour à La Mecque en 1503, Ludovico Barthema a, lui aussi, vu des licornes : D’un autre côté du temple de La Mecque se trouve un enclos dans lequel il y a deux unicornes vivants, et on les montre comme une grande merveille. Le plus grand est fait comme le poulain d’un an, et a une corne d’environ quatre palmes de long [90 cm]. Il a la couleur d’un [cheval] bai, la tête d’un cerf, le col court, le poil court et pendant sur un côté, la jambe légère comme un chevreuil. Son pied est fendu comme celui d’une chèvre et il a des poils sur les jambes de derrière. C’est une bête fière et discrète.
Et ces bêtes furent envoyées au sultan de La Mecque comme la plus belle chose qui soit au monde et un riche trésor. Elles lui furent envoyées par un roi d’Éthiopie, c’est-à-dire un roi maure, en gage d’alliance avec le sultan de La Mecque.
Plus près de nous, le jésuite portugais Jérôme Lobo, dans sa Relation de l’Empire des Abyssins, découvre une licorne près des sources du Nil. Sa corne, affirme-t-il, qui mesure cinq palmes (1 m environ), s’avance droite et tire sur le blanc. Il ajoute que cet animal peureux vit dans les bois, craint les découverts, et que les indigènes ne préparent pas sa viande comme celle des autres animaux. Pour lui, on ne peut la confondre avec le rhinocéros dont l’allure générale est différente, d’autant plus qu’il a deux cornes recourbées (rhinocéros d’Afrique) et non une seule corne droite.
Autre exemple : un savant danois, Thomas Bartelin, revint chez lui en 1652 avec un Africain du Congo, lequel témoigne de la présence dans son pays de licornes de la grandeur d’un cheval moyen, de couleur grise comme un âne, avec une ligne noire sur tout le dos, et une corne au milieu du front longue de trois spithames [environ 70 cm].
Il existe nombre d’autres relations sur la licorne, parfois dans les mêmes régions, parfois dans d’autres comme le Canada ou l’Afrique du sud. On ne saurait les mentionner toutes tant elles sont nombreuses[40]. Elles ont été étudiées et analysées autant par des Pères de l’Église que des savants, des théologiens, des médecins, des naturalistes, des écrivains, des poètes, des artistes, des peintres, des dessinateurs, des sculpteurs, des tapissiers, des miniaturistes, voire des financiers à une époque où le commerce de la corne de licorne était rentable, de par ses vertus purificatrices et sa rareté, qui en faisaient l’apanage des cathédrales et des rois..
Inerrance du sens littéral de l’Écriture
Attestée sur plus de 2 000 ans de témoignages, la réalité historique de la licorne confirme la vérité du sens littéral du Texte sacré. En même temps, elle nous donne une base sûre pour l’exégèse. Car à partir de ce sens littéral, il est possible de remonter aux réalités divines par un sens spirituel bien souvent révélé par l’Écriture elle-même. Ce sens spirituel est traditionnellement triple : d’abord un sens allégorique, annonçant une figure du Salut ; ensuite un sens moral, didactique, pour nous autres humains ; enfin un sens mystique, qui transcende jusqu’à la louange cette même figure du Salut (cf. Le Cep n° 74, p. 71).
Tous ces sens sont suggérés dès l’Ancien Testament qui mentionne la licorne à neuf reprises : dans les Nombres, le Deutéronome, le Livre de Job, les Psaumes (quatre occurrences) et une chez le prophète Isaïe. Le sens spirituel est confirmé par le Nouveau Testament lorsque le grand-prêtre Zacharie, père de saint Jean-Baptiste, entonne le cantique Benedictus à la gloire du Messie, précisément qualifié de Corne du Salut (Lc 1, 69).
Les références de l’Ancien Testament figurent toutes dans la Vulgate[41] et, sauf une, dans la Septante[42], ce qui est compensé, dans cette dernière version, par un vocabulaire plus riche et plus mystique. L’une et l’autre versions se rattachent directement à l’Incarnation du Salut, ce qui n’est plus le cas du Texte hébreu, dit massorétique, qui prit soin, lors de son élaboration, d’expurger les apports grecs et chrétiens[43].
La licorne est citée aussi dans les bestiaires médiévaux illustrant ces temps de foi où l’on considérait que les œuvres de la Création servaient à l’édification de l’homme. Ils sont presque tous issus du Physiologos, qui fait suivre la description de chaque animal d’un sens moral conforme au sens biblique. Ce sont ces bestiaires qui présentent le mieux le sens mystique de la licorne.
Fig. 5. Adam nommant les animaux – Tapisserie flamande du XVIe siècle de la série La création de l’homme et le péché originel. La licorne, préfigurant le Christ, guide les autres animaux.
Avant d’aborder ces divers sens spirituels de la licorne, il faut mentionner une confirmation indirecte de son existence dans un autre passage de l’Écriture, celui où Dieu fait défiler les animaux devant l’homme afin qu’Adam donne à chacun son nom (Gn 2, 19-20). Dans la bouche de Moïse, le premier législateur, la Sainte Écriture insiste sur le fait que chaque nom donné par Adam est bien le véritable[44].
On peut donc se poser la question : le mot grec monokérôs, traduction en la LXX de l’hébreu re’êm (d’un hébreu qui fut la langue d’Adam, d’après les traditions juives), les mots latins rinoceros[45] (le mot grec rhinokérôs est absent de la Lxx), et unicornis, ainsi que le français « licorne » (ligorius en latin médiéval et alicornio en italien), ne seraient-ils qu’une invention humaine ? La réponse est évidemment négative.
Poussons le raisonnement jusqu’au bout : l’existence de la licorne pourrait n’être qu’un défi lancé par l’autorité divine à la raison humaine, si cet animal n’avait laissé aucune trace. Nous avons vu que tel n’était pas le cas, et même, par hypothèse d’école, si l’on se réduisait à n’invoquer que cette autorité divine, elle ne serait sûrement pas opposée à la raison humaine[46]. Car, et c’est de foi, la Sainte Écriture n’est jamais contre la saine raison, bien au contraire.
On comprend alors pourquoi, dans les traditions juives autant que chrétiennes, la licorne apparaît régulièrement dans les manuscrits d’histoire religieuse, depuis la création du monde jusqu’à la Jérusalem céleste.
Le sens moral de la licorne est celui de la puissance
Pour simplifier l’exposé, nous commencerons par le sens moral de la licorne, lequel est en général celui de la puissance et de la superbe.
À ce sens, on donne parfois un aspect positif, mais le plus souvent un aspect négatif dont la meilleure interprétation est donnée par saint Augustin. Pour le docteur d’Hippone, ce sens spirituel est effectivement négatif car il représente l’orgueil, le pire des péchés capitaux. Il explique pourquoi dans ses Annotations sur le livre de Job, à propos du verset 9 du chapitre 39 ainsi intitulé : la licorne voudra-t-elle te servir, ne couchera-t-elle jamais dans ton étable ? Et la citation se prolonge par les versets suivants : Pourras-tu l’attacher au joug et lui faire creuser les sillons de tes champs ? Te fieras-tu à elle à cause de sa force, et la chargeras-tu de tes travaux ? Croiras-tu qu’elle te rende tes semailles ; les fera-t-elle entrer en ton aire ?
Voici ce qu’en dit notre docteur : Est-ce-toi que la licorne veut servir ? Celui qui s’enorgueillit ici-bas de son rang élevé ?
Le Christ a su soumettre de tels hommes à sa puissance, il les a établis ministres de son Église. Le mot grec employé […] désigne les orgueilleux. Viendra-t-il se reposer dans son étable ? Comme on se repose sur l’humilité de Celui qui fut en naissant déposé dans une étable [saint Augustin renvoie ici à Lc 2, 7 qui cite la naissance du Christ dans une étable]. On y est heureux du pardon de ses péchés, on y oublie les inquiétudes d’une conscience en désordre.
Fig. 6. Le verset 9 du chap. 39 au Livre de Job, attribué à tort au prophète Isaïe (gravure de l’édition allemande de l’Histoire de la lycorne de Laurent CATELAN – XVIIe siècle).
Il reprend cette interprétation dans son commentaire du Psaume 21 (Vg) qui prophétise la Passion du Christ : Il [le prophète David] n’appelle unicornes que les orgueilleux, et d’ailleurs, il dit « humilitatem », comme il le souligne également à propos du verset 22 où le Christ demande à son Père de le protéger contre ses ennemis : Tire-moi de la gueule du lion, et sauve ma faiblesse de la corne des licornes [unicornium].
C’est encore son interprétation quand il commente le verset 6 du Psaume 28 (Vg) qui célèbre la puissance du Sauveur :
Il les mettra en pièce [les grands de ce monde] comme un jeune taureau du Liban, et le bien-aimé sera comme le petit des licornes [unicornium].
Ici, le saint docteur argumente : Il abaissera leur orgueilleuse hauteur, les réduira à s’humilier comme celui qui, semblable au jeune taureau, a été conduit à la boucherie par les grands de ce monde. Car les rois et les grands de la terre se sont levés, et ont conspiré contre le Seigneur et contre son Christ.
Et le bien-aimé a été comme le fils des licornes. Car lui, le bien-aimé, le Fils unique du Père, s’est dépouillé de sa noblesse; il s’est fait homme semblable au fils des Juifs, lesquels n’ont point connu la justice de Dieu et s’applaudissaient avec orgueil de leur propre justice, comme de l’unique justice.
Toutefois, au verset 11 du Psaume 91 ainsi rédigé : Et mon front sera exalté comme celui de la licorne ; et je passerai ma vieillesse en une abondante miséricorde, saint Augustin ouvre le débat : Ma puissance [celle du Christ] sera élevé en gloire comme la corne d’une licorne. Pourquoi le prophète [le roi David] dit-il la corne d’une licorne ? La licorne marque quelquefois l’orgueil, mais elle marque aussi quelquefois la force et la gloire de l’unité. Ainsi parce que l’unité de l’Église sainte sera élevée en gloire, toutes les hérésies périront avec les ennemis. Quand cela se fera-t-il ?
Ce sens d’orgueil donné à la licorne se retrouve chez saint Bernard, autre docteur encourageant chacun à lutter contre ses démons intérieurs qui, dans la droite ligne des commentaires de l’Écriture, sont figurés par des animaux : la rage du lion, l’impudeur du bouc, la férocité du sanglier, la superbe de la licorne, ainsi qu’il le présente au chapitre XII de son Traité de la vie intérieure. Orgueil et impureté ne sont pas éloignés, comme l’illustrent certains manuscrits médiévaux dans la Tentation de saint Antoine. Cela peut sembler paradoxal quand on sait qu’un sens moral de la licorne est aussi celui de la vertu et de la chasteté.
Dans sa Légende dorée, Jacques de Voragine, à propos des legenda de saint Barlaam et Josaphat, va plus loin encore : La licorne est la figure de la mort, qui poursuit l’homme sans cesse et qui aspire à le prendre.
Cette image mortifère sera régulièrement reprise dans les dessins d’Albert Dürer composés pour l’empereur Charles Quint.
Inversement, le sens moral de la licorne est aussi assimilé à une puissance spirituelle qui peut l’identifier au Christ. C’est l’interprétation du cardinal Eudes de Châteauroux, célèbre au XIIIe siècle pour la qualité de ses sermons. Pour lui, le rinoceros du verset 9 du chap. 39 au Livre de Job (en Vg) se compare au Christ, l’Homme fort par excellence qui ne se laisse pas dompter. Il le confirme dans son commentaire du verset 22 en Nombres 23 (cf. infra) et du Psaume 91, 11 énoncant : Ma corne s’élèvera comme celle de la licorne [unicornis].
Fig. 7. Miniature de l’évangéliaire d’Averbode – XIIe siècle. La citation du phylactère est celle de Jb 39, 9 dont le personnage est représenté à droite sur le dessin, On reconnaît une femme au milieu tenant une licorne sur ses genoux, tandis que saint Matthieu (dont c’est un évangéliaire) est représenté à gauche, tenant un médaillon où est figuré son symbole selon la prophétie d’Isaïe : l’Ange ailé ou l’Homme montrant le rouleau ouvert de son Évangile.
Eucher (Gallo-romain du Ve siècle) est plus nuancé dans son Liber formalorum spiritualis intelligentiæ.
Il voit dans ce rhinocéros unicornis de Job un homme fort et robuste, affirmation éclairée par les versets suivants qui précise que sa force est grande, qu’il est prêt à tracer des sillons, à faire le travail et à rentrer le grain pour l’amasser sur l’aire.
Il conclut : Il se prend également des prédicateurs parmi les gentils et défendant la foi de l’Église. Aussi désigne-t-il spécialement saint Paul, l’apôtre des Nations […].
Pour saint Thomas d’Aquin, dans son Commentaire sur Isaïe (XXIV, 7), si la licorne n’a qu’une seule corne, c’est qu’elle signifie les rois et les puissants. Ce que confirme l’histoire : le sceptre des rois de France et celui des empereurs du Saint-Empire fut fait de corne de licorne, laquelle orne aussi le trône des rois de Suède. Elle prenait place dans des trésors royaux comme ceux de Saint-Denis et de Westminster, ou dans des cathédrales comme celle de Strasbourg ou la basilique Saint-Marc de Venise. L’animal lui-même supporte les blasons de l’Écosse, de l’Angleterre et de la Lituanie.
Au sens allégorique, la licorne représente le Christ
Après le sens moral de la licorne, étudions son sens allégorique que la Sainte Écriture nous apprend être pleinement messianique.
Eusèbe de Césarée (III-IVe s.) l’explique dans son commentaire en grec du Psaume 21 (L. IX de sa Démonstration évangélique), en rapprochant ce dernier de la prophétie de Balaam qui figure dans le livre des Nombres. La licorne est citée au verset 22 du chapitre 23 : Il n’y aura pas de souffrance en Jacob car Dieu est avec lui ; […] c’est Dieu qui l’a tiré d’Égypte et sa gloire est comme celle de la licorne [en Lxx : μονοκέρωτος monokérôtos, en Vg : rinocerotis].
Eusèbe paraphrase d’abord les versets précédents : Il sortira de sa race [de Jacob] un homme qui dominera plusieurs nations […] et son royaume sera augmenté. Il commente ensuite le verset 22 : Dieu l’a tiré d’Égypte comme la gloire de la licorne, il dévorera les peuples ses ennemis, il broiera leurs os, et il frappera ses ennemis de ses traits.
Il se couche pour se reposer comme le lion et le lionceau. Qui l’éveillera ? Ceux qui te bénissent seront bénis et ceux qui te maudissent seront maudits.
Il relève ensuite la ressemblance avec le Sauveur : cette prophétie désignait la fuite de Notre-Seigneur Jésus-Christ en Égypte avec ses parents. Et ici, comme il est naturel, il annonce son retour d’Égypte avec ses parents et dit : Dieu l’a tiré d’Égypte. Et de citer la prophétie d’Osée : J’ai rappelé Mon fils d’Égypte (X, 1).
Eusèbe rappelle également que la gloire de la licorne appartient au Christ, parce que la plénitude de la divinité habite en lui, comme le précise le saint apôtre [saint Paul]. Aussi, comme il revendiquait le Dieu suprême et son Père, ainsi qu’une corne, il est encore appelé ailleurs licorne. Il explique ainsi la fin du verset : Ce même Verbe de Dieu, de ses flèches d’esprit et d’intelligence, poursuit avec sa force supérieure et invincible ses ennemis et le diable qui lui résistent, et aujourd’hui encore, plusieurs nations dont il broie les os et l’orgueil de la chair, pour les rendre propres à parcourir l’étroit sentier de la vie éternelle.
Enfin, il conclut sur le passage : cet homme sorti d’Israël, qui a dominé plusieurs nations, s’est couché pour se reposer comme un lion […] parce qu’il s’est reposé comme un animal royal et plein d’assurance, et personne ne peut renverser sa puissance et sa royauté.
Tous ceux qui bénissent le Christ et rendent hommage à la vertu de leur Maître par leur discours et par leur vie, participent à la bénédiction de Dieu. […] Car la Parole divine trouve en eux son accomplissement véritable et le plus conforme aux yeux de Dieu. De même, au contraire, ceux qui depuis leurs premiers complots contre lui, maintenant encore, le maudissent dans leurs réunions, dès lors et jusqu’à ce jour sont frappés de la Malédiction de Dieu.
Avec Eusèbe, la licorne exprime bien la puissance divine et son représentant sur terre, Notre-Seigneur Jésus-Christ. On peut se demander si de tels commentaires auraient été aussi développés avec la Vulgate, qui traduit ici le mot grec monokérôs par le latin rinoceros, et celui de « gloire » par « force ».
Car le mot « gloire », traduit dans la Septante par des Juifs pleins d’espérance messianique, signifiait avant tout la « gloire de Dieu » du mont Sinaï (Ex 24, 16), reprise plus tard par la « gloire du Fils de l’homme » (Mt 25, 31) que nous professons dans le Credo.
Le chapitre 33 du Deutéronome, qui nomme également la licorne, confirme l’interprétation d’Eusèbe. Il rapporte l’épisode où Jacob bénit chacun de ses fils et, s’adressant à Joseph, appelle sur lui, verset 16, la faveur de Celui qui habita le Buisson ardent. Le verset suivant précise : Gloire à son taureau premier-né (Vg : la beauté du premier-né du taureau), ajoutant que ses cornes [celles du taureau premier-né] sont comme celles de la licorne [en Lxx : monokérôtos, en Vg : rinocerotis], ce qui attribue à l’animal la même préfiguration messianique qu’au patriarche Joseph.
Le sens mystique de la licorne est le sens de l’Incarnation
et de la Passion du Sauveur
La corne de licorne ne peut être assimilée, dit Justin le Martyr dans son Dialogue avec Tryphon, à aucune autre chose, si ce n’est aux signes qui représentent la Croix, ajoutant que parmi toutes les espèces de cornes, la licorne seule est l’emblème de la Croix.
Dans son Contre Marcion (IIIe livre, ch. 19), Tertullien insiste sur ce sens mystique de la licorne : par cette corne, on ne désignait pas le rhinocéros unicorne, mais le Christ, parce que le poteau de la Croix est unicorne. Il renchérira dans son ouvrage Contre les Juifs.
C’est encore la position de saint Grégoire-le-Grand, dans ses Moralia in Iob (31, 15), qui assimile l’âne sauvage (l’âne des Indes avait une corne au front) au Christ, vivant au désert [c’est ce que l’on disait de la licorne] et refusant d’entendre les discours du diable qui ne peut rien obtenir de lui.
Mais ce sont les bestiaires médiévaux – principalement issus du Physiologos du IIe siècle, lequel fut perpétué par l’Hexaêméron de saint Ambroise, le Bestiaire de Philippe de Thaon, les Etymologiæ de saint Isidore de Séville (XII,2; XII,13) et le De rerum naturis (VIII,1) de Raban Maur – quidonnent l’image la plus complète de la licorne. Que disaient donc tous ces ouvrages depuis 1 000 ans ?
Fig. 8. Bestiaire italien du XIVe siècle. Alors que le cartouche est bicolore, le dessinateur a pris soin de colorier en rouge la blessure de l’animal.
Ils disaient que la licorne, animal indomptable par les hommes, ne peut être attirée que par une vierge auprès de laquelle elle se réfugie, avant d’être mise à mort par ces mêmes hommes transformés en chasseurs, qui répandent son sang en lui perçant le flanc[47].
Plus qu’une rhétorique de l’amour courtois, qui ne trouve pas ici toutes ses explications, c’est une représentation mystique du Sauveur qui s’impose, comme le montrent les explications de cette allégorie à l’époque médiévale[48].
Der beschloßen Gart des Rosenkrantz Marie, édité à la fin du XVe siècle, expose ce sens mystique dans son commentaire sur Job : La licorne était impétueuse dans le Ciel et sur la terre jusqu’à ce que Notre Dame, l’illustre Vierge Marie, l’attire dans un château [image donnée par le Physiologos] ou dans sa maison, c’est-à-dire dans le sein de son corps virginal, avant de l’endormir avec cette même chair virginale dans laquelle elle se mue, selon la divinité, d’une manière incompréhensible et miséricordieuse, afin que les chasseurs païens et juifs pussent la prendre, et qu’elle pût être conduite volontairement à la mort, et être crucifiée, comme l’entend la glose sur Job.
Et l’ouvrage ajoute : La licorne devint une image du Christ, la jeune fille devint la Sainte Vierge, et le tout, un symbole de l’Incarnation de Notre-Seigneur.
Dans son Speculum Ecclesiæ écrit au XIIe siècle, Honorius d’Autun allègue que la licorne est le Christ, et la corne qu’elle porte au milieu du front symbolise la force invincible du Fils de Dieu. Il s’est reposé sur le sein d’une Vierge et a été pris par les chasseurs, c’est-à-dire qu’Il a revêtu la forme humaine dans le sein de la Vierge Marie et qu’Il a consenti à se donner à ceux qui le cherchent.
Après avoir rappelé les circonstances de cette chasse, le manuscrit Ashmole de la Bodleian Library, composé à la fin du XIIe siècle, avance : Notre-Seigneur Jésus-Christ est une licorne céleste dont on a dit : Il a été chéri comme le fils des licornes.
Et dans un autre Psaume [Ps 91, 11]: Ma corne sera élevée comme celle de la licorne [unicornis]. Et Zacharie de dire : pour nous, il a élevé une corne de Salut dans la maison de David.[Lc 1, 69] Le fait que la licorne ne possède qu’une seule corne au milieu du front illustre la parole du Christ : Mon Père et Moi nous ne sommes qu’Un.
Fig. 9. Annonciation à la licorne. L’ange Gabriel est un veneur sonnant de la trompe, et ses lévriers se nomment ici Castitas, Veritas et Humilitas. On peut se demander qui l’attire le plus : la licorne ou Notre Dame ? (gravure anonyme vers 1450).
Le manuscrit explique ensuite que la grande sauvagerie de la bête signifie que rien ne put s’opposer à la volonté divine de racheter l’humanité, pas même le diable, qui ne sut ni le lieu ni l’heure de l’Incarnation. La petite taille de la licorne symbolise l’humilité de Jésus-Christ, et sa ressemblance à un chevreau montre qu’Il adopta la chair du péché.
Même des bestiaires plus populaires font leur cette image de la licorne, comme l’illustre ce bref extrait du long Bestiaire divin de Guillaume le Clerc de Normandie (1210-1211) qui consacre un poème à la licorne : Cette bête extraordinaire, qui possède une corne sur la tête, représente Notre-Seigneur Jésus-Christ, notre Sauveur. Il est la licorne céleste qui est venue se loger dans le sein de la Vierge, qui est d’une si grande bonté.
En elle, il revêtit forme d’homme, et c’est ainsi qu’il se montra aux yeux du monde. Tout au contraire, les Juifs l’épièrent, jusqu’au moment où ils s’emparèrent de lui et le lièrent. Ils le conduisirent devant Ponce Pilate et là, ils le condamnèrent à mort.
Enfin, laissons le mot de la fin au cardinal Eudes de Châteauroux : La licorne possède diverses natures : elle a le corps d’un cheval, une tête de cerf, des pieds d’éléphants, une queue de porc. Ainsi le Christ a plusieurs natures, la nature divine et la nature humaine. La licorne a la couleur du buis : le buis est un arbre qui pousse au désert et ne porte pas de fruit. Il est androgyne ; par là, il représente le Christ planté dans le désert, qui, tout en ne péchant pas, prend les apparences du péché. De plus, la licorne ne se saisit pas par violence, on envoie une vierge, et lorsque la bête la voit elle va à sa rencontre, se couche en son sein et se laisse emmener. Quand l’éléphant, combattant la licorne, tombe à terre, il ne peut plus se relever parce qu’il n’a pas de jointures. Alors la licorne, qui est noble, le relève. Ainsi Dieu relève ceux qui tombent dans le péché quand ils crient vers Lui.
En guise de conclusion
Fig. 10. La Vierge Marie chantée par [le chanoine] Firmin Pingré. Cette Vierge à la licorne fut peinte par Jean Pichore en 1518 pour illustrer un des chants royaux de la confrérie du Puy Notre-Dame, à Amiens. (Manuscrit de la Bibliothèque nationale)
L’abondante littérature laissée par la licorne ne nous permettait pas de citer tous les bestiaires. Retenons que, dès la fin du XIIIe siècle, une vision naturaliste de la licorne progressait lentement mais sûrement.
Il ne s’agissait pas d’adopter une nouvelle interprétation de l’animal, venue d’Asie ou d’ailleurs, mais plutôt de délaisser l’harmonie entre le naturel et le surnaturel qui caractérisait des siècles de foi. La tapisserie de la Dame à la Licorne, expression de l’amour courtois, brodée vers 1500 pour le mariage de Louis XII avec Anne de Bretagne, est un parfait exemple de cette vision naturaliste.
Authentifiée par l’archéologie, décrite dans les Livres saints et commentée pendant plus de mille ans, la licorne mérite un autre sort que celui d’un animal fabuleux, comme le monde nous la dépeint aujourd’hui. Cela au moins pour trois raisons qui renouvellent notre foi en l’inerrance de la Sainte Écriture :
La première, c’est qu’on ne peut délaisser l’autorité de la Vulgate, celle de la Septante ou celle des écrits des Pères de l’Église au profit du scientisme actuel, pas plus qu’on ne peut considérer le texte massorétique, qui n’explicite pas ce qu’est la licorne, comme une référence autosuffisante. Rien ne pourra jamais remplacer les versions grecque et latine, qui font tout autant partie du trésor de l’Église. Si l’étude des langues est une chose, la Révélation en est une autre.
La deuxième, c’est que la licorne de l’Écriture – on vient de le voir – possède un sens spirituel bien défini comme en ont, par exemple, le cerf ou le bouc. On ne saurait comparer pour autant ces animaux à l’Agneau pascal qui reste une métaphore unique.
Enfin, la troisième raison, et pour les mêmes motifs, c’est qu’il convient d’opérer une distinction entre la licorne, animal ayant réellement existé, et les animaux fabuleux cités dans la Bible, tels que le phœnix (Jb 29, 18 dans certaines traductions) ou ce bouc avec une corne au milieu des yeux vu par Daniel (Dn 8, 5), qui, eux, n’existent que par ce qu’ils symbolisent.
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REGARD SUR LA CRÉATION
« Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu,
sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu
quand on Le considère dans ses ouvrages » (Rm 1, 20).
Le lombric[49]
Werner Gitt[50]
Résumé : Pour être commun, le ver de terre n’en manifeste pas moins des capacités et des particularités extraordinaires. Dépourvu de squelette, il dispose dans chacun de ses multiples segments de deux coussins hydrauliques où la pression peut monter à 1,5 bar, ce qui lui permet de forer en s’arc-boutant sur la paroi de son tunnel et en enfonçant sa tête comme un coin dans les fissures du sol. Sinon, il peut aussi progresser en digérant la terre, ce qui produit le meilleur des humus. Une vingtaine de lombrics peuvent produire chaque jour jusqu’à 10 grammes de cet engrais sur un mètre-carré de sol fertile.
Pour sa propulsion, le lombric dispose de quatre paires de poils rétractables sur chaque segment. Une fois bien ancré, celui-ci voit se contracter ses muscles longitudinaux, ce qui déplace la partie postérieure du segment vers l’avant. Puis les poils se rétractent et le segment suivant reproduit l’opération. En cas d’urgence, il peut se produire trois « ondes » simultanées de contractions, balayant l’ensemble du corps. Mais ce ne sont là que quelques exemples des processus originaux qui font du lombric un être merveilleusement conçu. Merci qui ?
Je ne vous plais pas ? Écoutez-moi tout de même ! Malgré mon apparence répugnante, je suis, tout comme vous, un chef-d’œuvre original du Créateur ! Vous n’avez donc pas besoin de me jeter un regard si méprisant. Je suis une créature aussi parfaite que vous, mais Dieu m’a destiné à remplir d’autres tâches et mes fonctions sont différentes. C’est pourquoi mon Créateur m’a façonné différemment. De plus, je joue pour vous un rôle plus important que vous ne le pensez !
Êtes-vous prêt à m’écouter un peu ? Vous serez fort surpris ! Peut-être m’estimerez-vous d’autant plus à l’avenir.
Ma crèche
Le premier souvenir qui me vient à l’esprit, c’est une espèce de bande de caoutchouc fermée aux deux extrémités dans laquelle j’ai grandi, bien protégé.
Toutefois, dès l’instant où je me suis senti assez costaud, j’ai quitté cet abri. Ma véritable demeure est la terre dans laquelle vous plantez vos tomates et vos concombres, sur laquelle vous jouez à la balle-au-pied (football) et construisez vos maisons. J’ai creusé laborieusement, croyez-moi!
Mon domicile se situe en effet à environ un mètre cinquante de profondeur. Pour moi, c’est une bonne moyenne, bien que le record détenu soit d’environ 8 m. Je n’utilise mon logement que deux fois l’an, durant la période froide de l’hiver et celle chaude de l’été. Je m’y love confortablement, attendant des jours meilleurs.
Mon nom
Je me sens particulièrement à l’aise quand il pleut. J’aime alors gagner la surface, creusant facilement la terre ramollie. C’est pourquoi on m’a baptisé en allemand Regenwurm : Regen signifie « pluie » et Wurm « ver ». Vous pouvez aussi m’appeler Lumbricus terrestris, cette résonance plus scientifique signifie « ver de terre ». Certains m’appellent gemeiner Regenvurm, « ver de terre commun ». Je ne suis, il est vrai, qu’une créature tout à fait banale, mais pourtant chef-d’œuvre merveilleux de Dieu.
Certaines personnes parmi vous ont des problèmes car elles se considèrent comme très ordinaires. Se sentant peu utiles, elles se révoltent peut-être même contre Dieu. Quelle erreur! Dans ce qui paraît ordinaire, il y a toujours quelque chose de merveilleux et vous n’aurez pas fini de vous étonner.
Ma technique de forage
Au fait, avez-vous jamais eu l’idée de vous poser des questions concernant ma technique de forage ? Peut-être vous êtes-vous déjà demandé comment je procède. Après tout, je ne dispose pas de pelle, comme la taupe ou une de vos pelleteuses, par exemple. Un seul outil est à ma portée, c’est l’extrémité de ma tête robuste et effilée. Extrêmement fine, elle est capable de pénétrer dans les fentes les plus étroites. Pour creuser, je coince ma tête dans la faille et je bande mes muscles fort puissants, écartant ainsi la terre de part et d’autre. En somme, j’utilise tout simplement le principe d’un coin que l’on enfonce.
Vous vous demandez peut-être comment un tel exploit est possible puisque, vous le savez bien, je n’ai pas de squelette. C’est grâce à une invention spéciale de mon Constructeur. Si je veux faire fonctionner correctement mes muscles, il me faut une butée car la pression suscite toujours une contre-poussée. Vous avez dû apprendre cela autrefois en cours de physique. Mon sage Créateur a disposé deux coussins hydrauliques dans chacun des nombreux segments qui entourent mon intestin central (vous pouvez les compter). Sur la base de leurs mesures, certains de vos chercheurs ont constaté que, lorsque je contracte bien mes muscles, il se produit à l’intérieur de ces coussinets emplis de liquide une surpression de l’ordre de 1 560 pascals, c’est-à-dire 1,54 % de la pression atmosphérique. Mais ce sont là des détails compliqués qui risquent de vous ennuyer.
Mon moyen de locomotion
M’avez-vous déjà observé, lorsque je me déplace sur le sol ? Vous avez remarqué, bien sûr, que je raccourcis ou rallonge mes segments. Mais un détail vous a échappé ! Avez-vous remarqué les « ancres » que je « jette » de part et d’autre de mon corps, chaque fois que je gonfle plusieurs de mes segments ? En réalité, j’enfonce de chaque côté, dans la terre environnante, deux paires de soies courtes.
Cet ancrage me permet d’étendre les segments antérieurs et, de cette manière, je me propulse vigoureusement en avant[51].
Fig. 1. Coupes transversale et longitudinale d’un lombric.
(Par KDS4444 — Travail personnel, CC BY-SA 4.0,
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=46856696)
Écartons cependant toute fausse conception. Ces soies ne sont nullement des vestiges d’un pelage d’autrefois.
Tous mes ancêtres étaient aussi lisses que moi. Eux aussi avaient été spécialement conçus pour ce mode de vie. Au fait, que ferais-je d’un pelage en pleine terre ? Chacun de mes segments porte huit soies d’ancrage qui, cependant, ne me dérangent nullement. Si je n’en ai pas besoin, je les cache dans des poches très pratiques, disposées sous la peau.
Pensez-vous que tout cela s’est développé tout seul ? Vous ne croyez certainement pas que votre montre-bracelet s’est construite et assemblée toute seule. Et je suis de conception bien plus complexe qu’une montre, me semble-t-il ! D’ailleurs, votre montre-bracelet est-elle capable de se reproduire ? Moi, oui ! Je renonce cependant à vous expliquer le principe très compliqué de ma reproduction. Je ne voudrais en aucun cas vous fatiguer.
« Ma petitesse »
Il est temps d’ajouter quelques-unes de mes caractéristiques à cette description. J’ai un an environ et je mesure 20 cm. Certains membres de ma famille peuvent atteindre l’âge vénérable de 10 ans. Nos plus grands parents vivent en Australie. Ils atteignent une longueur de 3 m pour un diamètre de 3 cm. N’est-ce-pas colossal ?
Placé au-dessus de mon gosier, mon cerveau, bien plus petit que le vôtre évidemment, fonctionne néanmoins selon le même principe. Pensez-vous que je n’en ai pas besoin ? Dans ce cas, expliquez-moi par quel processus trois ondes de raccourcissement et de gonflement parcourent simultanément mon corps quand je suis pressé ! Mon œil consiste uniquement en un point sensible à la lumière, se situant à l’extrémité antérieure de mon corps. Mon Créateur savait bien qu’un œil compliqué ne me servirait à rien. Il me suffit de reconnaître le moment où je perce la surface et à quel instant je dois à nouveau creuser en profondeur. Je dois éviter la lumière solaire. Pour moi, elle s’avère dangereuse.
Elle pourrait même causer ma mort. Cela dit, je puis néanmoins supporter une déshydratation allant jusqu’à 70 % du poids de mon corps et je peux survivre cent jours dans l’eau. N’essayez pas de m’imiter !…
Fig. 2. Tête et partie antérieure du lombric.
Mes ennemis
Je préférerais ne pas en parler… Et pourtant, s’il vous tient à cœur de bien me comprendre, il vous faut connaître aussi cette réalité directement liée à l’une de mes propriétés les plus surprenantes. Vous ne pouvez pas me tuer en sectionnant mon corps. Dans certaines conditions bien précises, je suis capable de reconstituer des anneaux amputés. Mon Créateur a programmé mes gènes de telle manière que ma partie postérieure repousse si elle est arrachée accidentellement. Mais ce n’est pas tout : ma tête même, y compris tout ce qu’elle contient, peut se reconstituer ! Ce ne sont pas des contes de fée, mais la stricte vérité ! Malheureusement, mes ennemies les taupes en tirent parti.
S’il m’arrive de tomber dans l’une de leurs galeries, elles me sectionnent la tête avec trois ou quatre segments. Me réduisant ainsi à l’immobilité, elles me collent alors au mur de leur chambre à provisions. Dans l’un de ces cagibis terrifiants, un biologiste polonais a dénombré un jour 1 200 vers de terre… J’ai cependant une chance de m’en tirer, pourvu que j’arrive à échapper à la gourmandise hivernale des taupes.
Si, entre-temps, la partie amputée s’est reconstituée, je peux fuir à toute vitesse ce lieu dangereux. Mais hélas ! la taupe n’est pas mon unique ennemi. Je pourrais vous en raconter bien d’autres : poursuites épouvantables, tortures auxquelles vous aussi… Mais là, je préfère m’arrêter, politesse de lombric oblige…
Ma nourriture.
En attendant, le Créateur m’a confié une tâche à remplir ici-bas: ameublir la terre et lui fournir l’engrais dont elle a besoin[52]. C’est pourquoi je creuse de nombreuses galeries dans la terre arable.
Fig. 3. Les turricules d’humus rejetés en surface.
S’il m’arrive de tomber sur des endroits durs au point de ne pas pouvoir me coincer dans la moindre fente, je crache simplement dessus ! Une fois la terre ramollie, je l’avale purement et simplement. C’est aussi ma méthode pour pénétrer dans les couches profondes. De cette manière, je mange non seulement de la terre, mais encore du feuillage et d’autres substances organiques. Si vous saviez tout ce qui transite par mon intestin ! Ce qu’il en reste, vous le trouvez sous forme de petits tas de tortillons dits turricules, c’est-à-dire « petites tours », disséminés à la surface du sol. N’en soyez pas dégoûté, c’est le meilleur des humus !
Mes performances
Des scientifiques ont calculé que, sur un hectare de bonne terre, nous sommes capables de produire plus de 100 kg d’humus en l’espace de 24 heures[53] ! Cela représente, par an, 40 tonnes bien tassées que nous répartissons régulièrement sur toute la surface. Naturellement, je n’accomplis pas cette tâche tout seul. Environ 150 000 congénères vivent avec moi sur une surface de la grandeur d’un terrain de jeu de balle au pied. Sur une prairie bien grasse, on pourrait en dénombrer plusieurs millions. Vous auriez bien du mal à nous peser tous ensemble ! Votre bascule serait-elle suffisamment grande et robuste pour assumer un poids minimal de 500 kilos ? En viande, cela correspond exactement au poids d’un animal de gros bétail que vous pourriez faire paître sur cette surface.
Toujours est-il que les spécialistes en la matière nous font beaucoup d’éloges quant à nos formidables capacités de remaniements et de transformation des couches de terre. Certes, il nous faut du temps ! Si vous pouviez nous accorder environ 300 à 400 ans, la totalité de la surface terrestre, jusqu’à une profondeur de 40 cm, serait passée dans notre intestin.
C’est ainsi que nous accomplissons la tâche dont le Créateur nous a chargés. Notre existence, aussi insignifiante qu’elle puisse vous paraître, sert à Sa gloire autant qu’elle sert à entretenir vos champs et vos paysages. La reconnaissance devrait donc vous pousser vous-aussi à louer Dieu, comme le roi David lui-même l’a fait dans le Psaume 139[54] au verset 14 : « Je te loue de ce que je suis une créature merveilleuse. Tes œuvres sont admirables, et mon âme le reconnaît bien ! »
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COURRIER DES LECTEURS
De Mme M. S. (Dauphiné)
Dans Le Cep n° 77, pages 25-31, j’ai apprécié l’article de Jacques MONNOT, étant moi-même d’origine arménienne (mon père se réfugia à Marseille en 1925). En note 2, page 26, il est indiqué qu’en février 1896, « plus de 20 000 Arméniens étaient tombés sous les coups des musulmans ». Il faut lire en réalité : 200 000 Arméniens. Précisons aussi que sur deux millions d’Arméniens présents sur le territoire ottoman, les trois quarts furent exterminés en 1915. Il convient de rappeler que, parmi le quart restant, des milliers d’Arméniens, femmes et enfants, furent enlevés et islamisés de force.
Nombre d’entre eux, cependant, réussirent à cacher leur origine et leur foi chrétienne. Il faut lire là-dessus le livre de Laurence RITTER & Max SIVASLIAN : Les Restes de l’épée. Ces Arméniens cachés et islamisés de Turquie, Paris, Éd. Thaddée, 2012. On peut y ajouter le témoignage devenu célèbre de Fethiye ÇETIN : Le Livre de ma grand-mère, Marseille, Éd. Parenthèses, 2014 : l’auteur y dévoile les origines arméniennes de sa grand mère enlevée par un soldat turc à l’âge de dix ans.
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De M. Xavier Bonneau (Indonésie)
Juste une remarque à propos de l’absorption racinaire décrite par le Dr MURAT à la page 88 du Cep n° 69. Le mécanisme de l’osmose est parfaitement bien décrit, mais il ne s’applique pas aux plantes dans la plupart des cas. En effet, les éléments nutritifs tels que P, K, Mg par exemple, sont plus concentrés dans les tissus de la plante que dans la solution du sol. Si la loi de l’osmose « passive » était seule à jouer, il se produirait un départ d’ions de la plante vers le sol pour équilibrer les deux phases, ce qui irait contre le but recherché.
L’absorption d’éléments nutritifs par les racines des plantes est un phénomène actif (au passage : c’est l’un des attributs de la cellule vivante par rapport à la matière inerte) avec des pompes ioniques situées sur la membrane de la zone absorbante et qui vont « accrocher » un nutriment (mettons un ion K+) et par un mouvement rotatif à 180° le relâcher à l’intérieur en excrétant un ion H+ par mouvement inverse. C’est ce système de pompe à protons qui fait que la solution du sol s’acidifie au voisinage des racines.
Il y a ensuite tout un système pour faire remonter les ions et l’eau absorbés par les racines vers les organes où ils sont nécessaires, notamment les zones d’activité chimique maximale (photosynthèse et respiration) à proximité des stomates des feuilles.
Ce sont des processus astucieux et extrêmement bien réglés, faisant appel à des lois physiques du transport des liquides telles que la capillarité (plus le tuyau est fin, plus le liquide peut monter haut), l’évitement de la cavitation (rupture du flux ascendant par baisse de pression), etc. Chez les grands arbres, c’est un exploit renouvelé chaque jour de faire remonter des dizaines de litres d’eau en quelques minutes sur plusieurs mètres de hauteur pour satisfaire l’appel d’eau dû à la transpiration.
Concernant l’absorption, il existe un cas inverse : celui des sols salés, où il s’agit de contrôler l’entrée du sodium qui empoisonnerait la plante par simple osmose. Il y a plusieurs stratégies selon les espèces : filtrer le sodium au niveau de la racine (l’empêcher d’entrer en trop grande quantité), le laisser entrer mais stocker l’excès dans des organites « sacs poubelle » excrétés ultérieurement, ou encore s’en servir comme ion des pompes ioniques en lieu et place du potassium.
Ce sont là des précisions par rapport au contenu de l’article, mais cela ne change rien à la conclusion générale. Les plantes sont merveilleusement bien adaptées pour exploiter les ressources du milieu où elles poussent, y compris des milieux très marginaux (penser aux halophytes évoquées précédemment ou aux plantes vivant en milieu désertique avec des stratégies différentes d’économie de l’eau, ou encore aux plantes vivant en milieu polaire, à croissance très rapide pour boucler le cycle en quelques semaines tant que luit la lumière du jour, etc.).
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POEME
Morte ma patrie ?
Jean Vernet
Ô ! Patrie par ses propres enfants délaissée,
Qui l’eût cru quand nos pères expirèrent pour toi ?
Toi à qui nous devons la plus belle odyssée
Car Clotilde à la foi conduisit notre roi.
Le sourire de tes filles plus précieux qu’un diamant
Sera-t-il à nos yeux dérobé pour toujours ?
Si nos princes les poussent à séduire des amants,
Les enfants de leur sein pourront-ils voir le jour ?
Et tes fils qui parèrent tant de hauts sanctuaires
Renieraient notre foi, le plus beau don de Dieu ?
Lorsqu’au siècle passé nos frères s’entretuèrent
Fatima fut choisi par la Reine des cieux.
Douce France, tes ennemis te conduisent à la mort ! Gaspillant l’héritage, ils s’adonnent à la fête.
Dieu aurait, pour dix justes, pardonné à Gomorrhe. Puissent Marthe et Pie X s’avérer des prophètes.
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VOLTAIRE, Œuvres complètes, annot. Louis Morland, 52 vol., Paris, Garnier, 1878, t. XXII, p. 407. ↑
-
PASCAL, Pensées, n° 449-566, Œuvres complètes, Préface d’Henri Gouhier, Paris, Seuil, 1963, p. 558. ↑
-
DIDEROT, Le Rêve de D’Alembert (1769), Paris, Marcel Didier, 1951, p. 10. ↑
-
Id., p. 27. ↑
-
Id., p. 29. ↑
-
Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Neufchastel, Samuel Faulche, 1765, t. XV, p. 474. ↑
-
LUCRÈCE, De rerum natura, trad. Ernout, Paris, Les Belles Lettres, 1924, L. II, v. 926-930, p. 87. ↑
-
Ce qui dispense de toute justification rationnelle, opposable à l’autre. ↑
-
« Darwin made it possible to be an intellectually satisfied atheist », DAWKINS Richard, The Blind Watchmaker, Harlow, Longman, 1986, p. 6. ↑
-
Ou, dans le contexte anglo-saxon, à PALEY (cf. Le Cep n° 32 et 33). ↑
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SAGET Hubert, « La science rejoint-elle l’être ? », in Le Cep n° 30, p. 11-12. ↑
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Galien et son traducteur employaient le mot « parties », mais ce sens n’est plus guère usité aujourd’hui. ↑
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GALIEN, De l’usage des parties, L. II, ch.7, cité par DERHAM, Théologie physique ou Démonstration de l’existence de Dieu tirée des œuvres de la Création (1713), trad. Jacques Lufnen, 2de édit., Amsterdam, 1726. ↑
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LAMARCK, « Discours d’ouverture » (An VIII), in Bulletin Scientifique de la France et de la Belgique, t. XI, Paris, 1907, p. 27 (souligné par nous). ↑
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Déjà Spinoza avait tracé la voie avec son « Deus sive natura » (Dieu, soit la nature) qui lui valut son excommunication par les rabbins d’Amsterdam. ↑
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MONOD Jacques, Le Hasard et la Nécessité, Paris, le Seuil, 1970. ↑
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Aimablement traduit de l’italien par Henri SELDONE. ↑
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NdT. On pourrait comprendre aussi « séculaires », car cela remonte à un siècle et demi, plus ou moins… ↑
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BONCINELLI Edoardo, Il posto della scienza, Mondadori, 2004, p. 44. ↑
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X52, ancien directeur de l’École Supérieure de Chimie de Lyon. ↑
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Sur l’Intelligent Design et son histoire, on se reportera avec profit aux deux articles majeurs donnés par Claude EON dans Le Cep n° 35 et 37. ↑
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DENTON M., Evolution : still a theory in crisis, É-U., Seattle, Discovery Institute Press, 2016, 354 p. (existe en Kindle) ↑
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Ndlr. Michael Denton utilisait ici le mot « évolution » afin d’entretenir la confusion entre les variations, bien attestées au sein de types distincts, et l’hypothétique passage trans-spécifique, jamais observé. Comme il s’agit d’exposer ici les vues de M. Denton, nous signalons son langage ambigu, ambiguïté d’autant plus regrettable que la thèse typologiste ne se comprend bien qu’en abandonnant toute idée de filiation entre les espèces proprement dites : les passages non-graduels que Michaël Denton évoque (tout comme les branches de « l’arbre généalogique de la vie ») sont des vues de l’esprit. ↑
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Francis Michel SANCHEZ, vixra.org, janvier 2017. ↑
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Principe d’immergence : les parties sont explicables à partir du tout. ↑
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Ndlr. Éléments de l’univers dont la lumière nous est parvenue après 14 milliards d’années, en prenant c comme vitesse limite. ↑
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Ndlr. Multivers : ensemble des univers possibles dans une théorie physique donnée. On peut alors s’imaginer que les valeur précises des paramètres physiques qui rendent la vie possible dans notre univers, résultent d’un prodigieux hasard et non d’une harmonie préétablie. ↑
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Cf. Le Cep n°78, p.12-16. ↑
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Cf. Le Cep n°78, p. 17. ↑
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Ndlr. Le tachyon est une particule hypothétique se déplaçant à une vitesse toujours supérieure à celle de la lumière (il serait donc impossible à observer) et dont l’énergie diminue quand sa vitesse augmente. ↑
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Cf. Le Cep n°78, p. 12. ↑
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Cf. Le Cep n°78, p. 19. ↑
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Principe d’émergence : le tout est inexplicable par ses parties. ↑
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Conférence préparée pour le Colloque du CEP à Orsay, le 12 novembre 2016. ↑
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Claude Polin fut titulaire de la chaire de philosophie politique à la Sorbonne (Paris IV). ↑
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Ndlr. Sur la nuance, en hébreu, entre « royaume » (traduction commune) et « royauté » (traduction plus exacte), nuance importante que le grec ignore car il n’a que le mot basiléia, se reporter au Cep n°73, p. 84. ↑
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Est-ce là du fanatisme aveugle, analogue à celui qu’illustre l’Islam ? Non pas, car il ne s’agit pas d’obéir à un dieu qui peut commander n’importe quoi, mais de respecter des commandements qui sont conformes à la nature de l’homme et qu’on ne peut donc discuter sans discuter aussi que l’homme a une nature. Or les comités d’éthique se soucient peu d’affirmer cette nature, ils se demandent seulement si les règles qu’on soumet à leur appréciation sont ou non nuisibles, d’après eux, à des hommes auxquels ils reconnaissent d’autre part le droit à faire ce qui leur plaît. ↑
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Plusieurs citations proviennent de la thèse de doctorat de Bruno FAIDUTTI, soutenue en 1996 et éditée en deux documents PDF. Le lecteur la trouvera à faidutti.com/unicorn/unicorn.htm. Nous n’avons pas utilisé l’article de Wikipédia sur la licorne. ↑
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En grec μονόκερως monokérôs « monocéros », étymologiquement « qui n’a qu’une seule corne », mot que nous retrouverons dans la Septante. ↑
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On a recensé plus d’un millier de relations et dessins de la licorne à travers le monde : en Afrique, en Asie, en Sibérie, sans compter les traditions qui existent dans quasiment toutes les civilisations jusqu’en Amérique. À la Bibliothèque Nationale, pas moins de soixante-quinze manuscrits en font foi. Depuis un siècle, une cinquantaine de livres ont paru sur le sujet. ↑
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Version latine traduite par saint Jérôme au IVe siècle A.D. à partir de la Septante et de l’hébreu. Harmonieuse et concise en théologie, c’est la version officielle de l’Église catholique romaine. ↑
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Version grecque traduite au IIe siècle A.C. à partir de l’hébreu (cf. Lettre d’Aristée à Philocrate), ce qui en fait le texte écrit le plus ancien. Les manuscrits de Qumrân ont confirmé sa fidélité aux écrits juifs de l’époque.
Cf. ://areopage.net/blog/2013/…/dapres-quel-texte-sont-faites-les-citations-de-lat-dans-le-nt. ↑
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Dans le Texte massorétique, composé entre les VIe et Xe siècles A.D. dans un contexte anti-chrétien, le mot hébreu ראם re’êm est souvent traduit par « taureau sauvage, ou buffle », animaux à deux cornes, ce qui en ôte le sens messianique. Malgré cette différence, le Texte n’en reste pas moins une référence scripturaire indispensable. Suivi depuis par nombre d’auteurs spirituels, Origène a rappelé que l’hébreu, le grec et le latin sont les trois langues sacrées qui furent portées sur le titulus de la Croix. Elles se complètent, chacune avec des caractéristiques qui lui sont propres. ↑
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Ipsum est nomen ejus. Ce pouvoir, l’homme le pratique toujours. ↑
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Selon leurs propres dires, Tertullien (IIe s.), Eucher (Ve s.), saint Isidore de Séville (VIe s.), saint Grégoire-le-Grand (VI-VIIe s.), Raban Maur (VIIIe-IXe s.), Eudes de Châteauroux (XIIIe s.) et Hugues de Saint-Victor (XIIIe s.), pour ne parler que d’eux, ont toujours assimilé le « rhinocéros » de la Vulgate à une « licorne » (rinoceros, unicornis) et gardé son sens messianique, ainsi qu’en témoignent nombre de manuscrits de l’époque médiévale. ↑
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Ce fut le raisonnement du savant Ambroise Paré, qui a laissé plusieurs développements sur la licorne et les vertus purificatrices de sa corne. Il avoue ne pas croire en l’existence contemporaine de l’animal, mais précise qu’il ne remet pas en cause l’autorité de la Sainte Écriture. ↑
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Tous ces ouvrages expliquent que la licorne est attirée par l’odeur virginale de la vierge comme, par analogie, la Trinité reconnaît en la Sainte Vierge la seule créature dont l’âme n’a pas été souillée par le péché originel. ↑
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Il est difficile de comprendre – pour nous autres du XXIe siècle ! – l’évidence de cette harmonie qui reliait le naturel (la création visible) au surnaturel (les réalités célestes), exprimant la foi au temps de la chrétienté. L’un n’était que la préfiguration de l’autre, en constituant le « signe » au sens théologique du mot (c’est la définition même de la Sainte Écriture). Les choses de la nature avaient toujours une correspondance avec celles de Dieu, ainsi que l’illustrent les chapiteaux de nos cathédrales. C’est, évidemment à tort, ce que la critique marxiste appelle « l’imaginaire médiéval ». ↑
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Repris de Werner GITT & K.-H. VANHEIDEN, Si les animaux avaient la parole, CH Préverenges, CLV, 1994, p. 96-102. ↑
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Docteur en Physique, l’auteur a dirigé l’Institut national de Physique de Braunschweig, en Allemagne. ↑
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Ndlr. Une locomotion particulière. Deux couches de muscles, une interne avec des muscles longitudinaux, l’autre externe composée de muscles circulaires, permettent la locomotion. Le lombric contracte d’abord ses muscles circulaires et rétracte les soies, étirant ainsi la partie avant du segment qui avance. Puis il contracte les muscles longitudinaux et étend ses soies, ce qui raccourcit le segment en tirant vers l’avant sa partie arrière. Cette action se propage de l’avant vers l’arrière et permet au lombric de se déplacer dans le sol. Dépourvu de poumons, le lombric respire par son tégument (peau). Celui-ci est maintenu humide par les glandes de l’épiderme qui produisent continuellement du mucus. (Source : portail de l’Office national des Forêts) ↑
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Note de l’agronome. Le lombric produit de grandes quantités d’un humus de qualité supérieure par le simple fait de sa digestion. À tel point qu’on peut établir une forte corrélation entre la densité de population en lombrics et la fertilité d’un sol. Là où l’on trouve du lombric en abondance, on est certain que le sol « fonctionne » bien. Il y a d’ailleurs des producteurs de « lombricompost » qui vendent des doses bourrées de vers de terre à injecter dans les sols. Réciproquement, il y a des sols qui s’avèrent aptes à la culture même sans lombric : mais il faut toujours une vie microbienne intense pour entretenir la fertilité du sol (X. Bonneaux). ↑
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Ndlr. D’autres sources donnent 9 kg et plus rejetés par m2 et par an selon la richesse du sol en lombrics. Les turricules comportent 4 fois plus d’azote, 7 fois plus de phosphore, 11 fois plus de potasse, 3 fois plus de calcium et de magnésium que le sol environnant. La forte activité bactérienne qui règne dans les turricules rend ces éléments très disponibles pour les plantes, qui s’y approvisionnent en priorité. ↑
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Ndlr. Et déjà bien avant, dans son Psaume 21 (Vg), le roi poète inspiré avait écrit ce verset 7 : « Je sui un ver [vermis], non un homme… » que Jésus a pu réciter sur la Croix… ↑