Un choc de religions ?

Par Dominique Tassot

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Résumé : L’attentat élaboré et complexe du 11 septembre se présente comme un véritable acte de guerre, comparable – mais en plus meurtrier – à Pearl Harbourg. Il évoque aussi certains passages d’Isaïe sur la lutte entre Israël et Babylone. On a parlé à ce sujet de « choc de civilisations ». Ne s’agirait-il pas plutôt d’un choc de religion ? Car une étude, même rapide, de l’Islam montre que la « guerre sainte » reste une composante permanente de la religion musulmane ; et la montée numérique de l’Islam en Europe, en Afrique et en Asie, constitue le défi le plus radical jamais rencontré par le christianisme, puisque l’Eglise et les peuples chrétiens semblent avoir renoncé à convertir les musulmans.

L’effondrement des tours jumelles de Manhattan vient opportunément nous rappeler que l’histoire des individus ou des institutions ne se déroule pas tout uniment comme un long fleuve tranquille. On la comparerait mieux à l’écoulement d’une rivière de montagne dont le cours paisible s’interrompt à chaque cascade. Et les historiens consacrent beaucoup plus de temps à scruter et à comprendre les crises qu’à décrire les périodes calmes qui les séparent.

Sans prétendre ici donner la clé politique de cet événement inédit, il n’est pas inutile de prêter l’oreille aux paroles de la Révélation. Sans même que la question lui soit posée, Jésus fait de la chute d’une tour un avertissement public : « Comme ces dix-huit sur qui tomba la tour de Siloé, et qu’elle tua, croyez-vous qu’ils fussent plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Non, je vous le dis : mais si vous ne faites pénitence, vous périrez tous de la même manière » (Luc 13:4).

Cet avertissement se fait plus explicite encore en Sophonie 3:6, où est annoncé le châtiment de Jérusalem : « J’ai exterminé des nations ; leurs tours ont été détruites ; j’ai désolé leurs rues, si bien qu’on n’y passe plus… Je disais : « Au moins tu me craindras, tu acceptera l’avertissement ; et sa demeure ne sera pas détruite ; selon tout ce que j’ai décidé à son égard. « Mais ils n’ont été que plus empressés à pervertir toutes leurs actions. »

L’homme pris soudainement dans la chute d’une tour voit clairement son impuissance.

Quand bien même il en serait l’architecte, il ne lui reste plus qu’à se tourner vers Dieu ; et c’est la première leçon que la main de l’actualité vient d’écrire en lettres de feu sur les murs de la cité moderne.

Mais la tragédie de Manhattan, par le nombre des victimes et par le contexte de guerre qui l’environne, nous renvoie encore aux chapitres 29 à 33 d’Isaïe, et plus précisément « aux jours où beaucoup auront été tués, et lorsque seront tombées les tours » (30:25). S’il est dangereux et souvent stérile de se livrer à la vaticination, même Bible en mains, l’adéquation de ce verset avec l’événement nous incite à scruter un peu plus ce Livre qu’on aurait toujours tort de minimiser.

Le passage d’Isaïe évoque une période charnière, un « avant » et un « après », une époque d’aveuglement et d’injustice à laquelle succède une ère de grâces : « Voici que dans la justice régnera un roi, et que des princes gouverneront selon le droit (…) Il ne portera plus le nom de prince, celui qui manque de sagesse et le frauduleux ne sera pas appelé grand » (31:1-5). A cette dénonciation des carences trop visibles de la classe politique, se joint comme une critique de la révolte maçonnique contre la création divine de l’homme : « Leurs oeuvres sont dans les ténèbres, et ils disent : qui nous voit, et qui nous connaît ? Elle est perverse cette pensée que vous avez, comme si l’argile se révoltait contre le potier, et disait à celui qui l’a formée : « Tu ne me comprends pas ! » (29:15-16). Alors survient Assur et ses armées contre Jérusalem, mais l’intervention d’un ange détruit le « marteau » dont Dieu s’était servi pour frapper Israël (les 200.000 hommes de Sénnacherib périrent en une seule nuit).

Semblablement Attila fut surnommé le « fléau de Dieu », signe que les peuples européens prenaient conscience des désordres qui appelaient sur eux un châtiment. Puis, une fois son oeuvre faite, Attila mourut brusquement, et les Huns se replièrent vers la Volga. La haine d’un Ben Laden contre l’Occident ne doit donc pas nous effrayer, mais nous inviter à trier dans nos cités et dans nos moeurs ce qui vient de Dieu et ce qui vient de Mammon.

Certes, les deux tours du World Trade Center, avec l’hôtel qui les reliait, formaient comme une anti-cathédrale (orientée plein ouest), sorte de temple à deux colonnes érigé pour le culte du veau d’or. Mais il serait à courte vue de s’arrêter sur ce symbole trop évident. Si l’Islam, comme la Bible, condamne le prêt à intérêt1 et donc toute société dans laquelle la finance prédomine sur le capital investi, il est tout aussi vrai que Ben Laden s’est volontiers nourri des revenus permis par l’économie occidentale : ceci relativise beaucoup la valeur morale de son geste. Quelles que soient donc les raisons politiques peut-être tortueuses de Ben Laden, reste que les croyants qu’il a su galvaniser agissent en profonde cohérence avec l’esprit et la lettre de la religion islamique. Dès lors donc qu’il s’agit d’un combat religieux, l’enjeu doit dépasser ce symbole de la finance que représentent les tours, pour atteindre celui d’une « guerre sainte » proprement dite.

Claude Timmerman écrit à ce propos dans une note du 30 septembre :  » Djihad signifie étymologiquement effort. On distingue deux acceptations à ce terme dans la théologie musulmane :

djihad mineur, l’effort individuel du croyant qui cherche à se rapprocher de Dieu,

djihad majeur ou  » guerre sainte  » : l’effort collectif des croyants qui cherchent à faire triompher le règne de Dieu sur terre, au besoin par les armes et au prix de leur vie. « 

Que ce djihad collectif soit une obligation intrinsèque de l’Islam se lit clairement dans le texte de nombreuses sourates, même si certaines traductions récentes s’efforcent d’atténuer ce point nuisible au  » dialogue  » islamo-chrétien1.

Car il s’agit de l’une des cinq grandes obligations auquel tout  » musulman « 2 est tenu, au même titre que l’aumône ou le pèlerinage à la Mecque.

Certes l’Evangile nous enseigne que  » le Royaume de Dieu, souffre violence et les violents s’en emparent  » (Matthieu 11 :12).

Mais il s’agit avant tout d’une violence dirigée contre soi-même, à l’image du Christ3 s’offrant en victime expiatoire en vue de la Rédemption. Tandis que le Coran, note encore Claude Timmerman, exhorte et sacralise le sacrificateur qui étend le dar-el-Islam (le territoire régi par la Chari’a) par l’agression volontaire des populations voisines. De là une ambiguïté certaine de cet acte  » vertueux  » au sens du Coran. Lorsque des paysans de moyenne Egypte ou du Chouf libanais montent à l’assaut d’un village chrétien voisin pour tuer des habitants, razzier les maisons  et détourner les canaux d’irrigation, certes visent-ils la gloire de Dieu par l’humiliation et la réduction des  » mécréants « … Mais, du même geste, ils vont aussi agrandir leurs champs et s’enrichir des dépouilles… La nature humaine restant ce qu’elle est, on comprend que des sentiments plus terrestres puissent se mêler à la pure vertu.

 On comprend aussi comment l’Islam enferme ses fidèles dans une alternance de fanatisme et de fatalisme. Fanatisme chez le fort, captivé par une religion qui baptise  » vertu  » le libre cours donné à ses instincts de domination ; fatalisme chez le faible, qui accepte sa situation par  » soumission  » (c’est le sens du mot Islam) à la volonté souveraine et absolue de Dieu.

C’est pourquoi la coexistence paisible entre les deux religions n’est possible – et l’histoire le démontre abondamment, en particulier celle du Liban – que lorsque les chrétiens dominent les musulmans4. En 1980, la Conférence islamique réunie à Lahore, au Pakistan, avait décidé :  » Les pays islamiques doivent prendre les mesures nécessaires pour écraser les peuples chrétiens du Proche-Orient… et les convertir à l’Islam avant la fin du siècle. …Ces mesures devront débuter au Liban… La Syrie et l’O.L.P. devront y employer le terrorisme contre les chrétiens « 5. L’objectif n’a pas été atteint , non que les musulmans ne l’aient pas voulu, mais parce qu’ils n’ont pas pu.

Le Pasteur Georges Tartar, après un demi-siècle de dialogue et d’évangélisation au Proche-Orient et en Afrique du Nord6, concluaient 1996 : »La confrontation religieuse avec les musulmans est inévitable, du fait que l’Islam est l’adversaire du Christianisme et qu’il s’est fixé pour objectif de combattre la foi chrétienne et de détruire l’Eglise. Dans le passé, il a réussi à démanteler les Eglises orientales et à éliminer le Christianisme du Nord de l’Afrique. De nos jours, il reprend la conquête du monde, non par les armes et la guerre, mais par le nombre, les pétrodollars et des convictions religieuses inébranlables.7« 

Ainsi l’ère ouverte par l' »effort » (djihad) du 11 septembre n’annonce-t-elle pas le choc de deux civilisations : l’occident post-chrétien n’est plus qu’un mode de vie ; l’islam fanatique n’a jamais fait que stériliser en quelques siècles les civilisations conquises (Egypte, Mésopotamie, Perse, Bosnie, etc…). Plutôt, le choc des deux religions, désormais entrelacées pour le combat, annonce qu’il nous faudra « rendre compte de l’espérance qui est en nous » (I Pierre 3:75). La prétendue « laïcité » ne servira de rien pour préserver la vie chrétienne face à un Islam qui ignore tout de cette notion, et la juge même injurieuse pour Dieu : « En Turquie, où l’Etat se dit « laïc », une nouvelle constitution a été adoptée en 1982 et, malgré les assurances qu’elle contient, il n’y a pas de liberté religieuse pour les chrétiens syriaques. Le seul fait d’enseigner la langue araméenne est considéré comme un crime politique. Les lieux de culte chrétiens ne peuvent être réparés. Il en est de même pour les chrétiens arméniens, qui se voient empêchés de rénover leurs églises qui tombent en ruine, bien que les communautés chrétiennes se chargent elles-mêmes de tous les frais occasionnés par leurs églises et leurs prêtres. Par contre les mosquées et les musallahs islamiques ont droit à un soutien financier considérable de la part de l’Etat turc laïc.« 8 La lucidité, tout comme la charité, nous commande donc aujourd’hui une attention et une prière particulière pour ces êtres humains qui vivent enfermés dans les ténèbres de l’Islam.9

Au train où vont les choses, une guerre entre l’Occident post-chrétien et l’Umma musulmane est peut-être en gestation : ce n’est sans doute pas sans arrière-pensées si Ben Laden, puis Bush, ont employé le mot de « croisade ». Mais les chrétiens n’ont pas à s’en effrayer. D’une part, le plan de Satan fait partie du plan de Dieu ; et c’est ici une loi métaphysique plus nécessaire et plus rigoureuse encore que celles de l’optique ou de l’électricité.

D’autre part, la sécurité des biens et des personnes fait partie de ce « surcroît » dont nous ferions injure au Créateur et à Sa Providence en le recherchant au premier chef. En effet : « Pas un passereau n’est en oubli devant Dieu ! Bien plus, vos cheveux mêmes sont tous comptés. Soyez sans crainte ; vous valez mieux qu’une multitude de passereaux. » (Luc 12:7)

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1 Cf. notamment Sourate 3, v. 130.

1  » Lorsque les mois sacrés expirent, alors tuez les polythéistes où que vous les trouviez et capturez-les et assiégez-les, et tenez-vous tapis pour eux dans tout guet-apens.  » (9/5) « Faites la guerre aux gens du Livre (la Bible) qui ne pratiquent pas la vraie religion, jusqu’à ce qu’ils payent le tribut et qu’ils soient humiliés. » (9/29).

2 En arabe,  » musulman  » signifie  » soumis  » (à Dieu). Il est donc conforme à la nature et aux règles de l’Islam d’étendre le règne de Dieu par la contrainte. Les dispositions intérieures (sans lesquelles une  » conversion  » au christianisme constituerait un parjure) ne sont ni nécessaires ni requises. Est musulman quiconque a prononcé la chahada. Il se condamnerait à mort celui qui, le danger passé, reviendrait à sa religion première : la  » liberté de conscience  » n’existe pas en terre d’Islam.

3 A l’exception des changeurs du Temple, qui éprouvèrent sur eux-même les effets de la violence du Maître.

4 Même si Jésus et Marie sont mentionnés dans quelques passages religieux du Coran, l’Islam se présente plus comme une hérésie juive que comme une hérésie judéo-chrétienne. Mais, en théorie, Juifs et Chrétiens sont classés ensemble par le Coran comme « gens du Livre ».

5 Le Figaro du 5 janvier 1984, cité par le Pasteur Georges Tartar dans  » Regard sur l’Islam. Face à l’Islam, que faire ?  » (Centre Evangélique de Témoignage et de Dialogue islamo-chrétien, F-77380 Combs-la-Ville, 1996, p.40).

6 Le Pasteur G. Tartar, né à Damas en 1915, a longtemps prêché l’évangile en terre d’Islam (Syrie, Algérie, Jordanie, de 1947 à 1977) puis auprès des musulmans en France. De là une attitude faite de compréhension profonde et objective de l’Islam, et de charité envers les musulmans, qui donne à son témoignage un grand poids. Démarche pacifique vers les musulmans, semblable à celle entreprise par saint François ou Raymond Lulle, mais non point irénique comme on le voit aujourd’hui avec un dialogue faux, établi sur une méconnaissance de la situation des chrétiens en terre d’Islam.

7 G. Tartar, op. cit. , p.107.

8 Ibid., p.26.

9 A considérer l’histoire (et la géographie) on peut se demander si la secte mahométane n’a pas été la plus belle réussite de Satan pour prévenir et contenir l’impact du message évangélique : il est beaucoup plus difficile, en effet, de convertir un musulman qu’un païen.

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