Trop… c’est trop !… ou le billet d’humeur de Caïn

Par le Dr Pierre‑Florent Hautviffier

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Si l’homme est libre de choisir ses idées, il n’est pas libre d’échapper aux conséquences des idées qu’il a choisies.”
(Marcel François)

Résumé : Si le squelette de Lucy comporte un assez grand nombre d’os, celui d’Abel, découvert au Tchad par le Pr Brunet, se réduit à une mâchoire. L’auteur, sur un ton humoristique, conteste les datations qui ont permis de présenter Abel comme un “grand frère” de Lucy. Et montre aussi la faiblesse de cette affirmation péremptoire : “génétiquement nous sommes des singes”, alors que le génome est fort loin de se lire à livre ouvert.

Les lecteurs du Cep qui me font la charité de se souvenir de quelques‑uns de mes écrits savent que si je préfère, sur le plan scientifique et préhistorique, soulever les hypocrisies et les mensonges rencontrés dans ces domaines (surtout lorsqu’ils sont suscités pour justifier l’évolution des espèces), je ne suis pas enclin à suivre mon humeur.

Mais cette fois‑ci, parce que trop… c’est trop, je prends ma plume pour écrire un billet d’humeur à propos &un fait révélateur de l’état d’esprit des préhistoriens et paléontologistes.

Il s’agit des propos tenus par le professeur Brunet1 devant une assemblée de congressistes composée de chirurgiens‑dentistes, stomatologistes, médecins légistes, gendarmes et officiers de Police judiciaire et réunie sur les termes de la reconstruction faciale et de la détermination de l’âge dentaire2 en octobre 1995.

Cet homme à l’abord sympathique est un excellent orateur, convaincant dans son domaine pour le profane comme le néophyte.

Honnête, il pense ce qu’il dit et dit ce qu’il pense… ce qui West pas toujours le cas.. et ce que Wil dit il l’enseigne à la Faculté et la redistillé pour le docte auditoire du congrès,

Mais pourquoi avoir “si les propos de Michel Brunet, plutôt que ceux &Yves Coppens sur Lucy par exemple ? Tout simplement parce qu’il leva à cette occasion un coin du voile sa découverte du début de l’année, lancée dans le publie un mois plus tard : celle du “grand-père” de l’humanité âgé de 3,5 millions d’années.

Il est l’inventeur d’Abel. Abel ? J’ignore s’il y a quelque malice cachée dans ce nom donne en hommage à Abel Manceau, un chercheur vendéen. Par le jeu des datations et de la classification des africanus et des afarensis, Abd, australopithèque découvert au Tchad devient le “grand‑frère” de Lucy, découverte en Ethiopie de l’autre côté de l’Afrique.

Inventeur est le mot correct pour désigner celui qui a fait la découverte.

Remarquons au passage que mon petit dictionnaire français Larousse de 1956 donne pour définition du mot inventer: imaginer quelque chose de nouveau. Imaginer, donner comme réel: inventer un mensonge”. L’exemple particulièrement savoureux donné par le dictionnaire me laisse rêveur quand je pense aux “inventeurs” qui répondent à cette définition: les inventeurs de l’homme de Piltdown, Nomme de Pékin, l’homme de Java et pourquoi pas de Lucy !…

Michel Brunet est donc l’inventeur d’Abel, gloire lui soit Rendue !.. Nous ne suarons jamais si Abel eut le crâne fracassé à coup de silex biface à l’image de son homologue biblique par un Caïn australopithèque, car de son squelette il ne reste qu’une portion congrue : une mâchoire inférieure d’où quelques malheureuses dents n’avaient pas encore réussi à s’envoler dans les strates sablonneuses du Baharel Ghazal du Tchad. Parce que, considéré comme le grand frère de Lucy ayant émigré vers l’ouest africain, la nouvelle ne fit pas la une des journaux, il y eut comme un relent de pétard mouillé, du “déjà vu” en quelque sorte malgré ses 3 millions d’années et des poussières.

Ainsi Lucy n’était plus orpheline grâce aux retrouvailles du morceau de mâchoire d’Abel.

Conforté par cette “invention” qu’il jugeait formidable et qui justifiait selon ses propos un “West side story” australopithecus afrensis qui allait donner beaucoup de petits et grands frères à Lucy, le professeur Brunet se laissa aller à des confidences.

Confidences qui ont suscité ce billet d’humeur tant elles révèlent l’état d’esprit de sa corporation. Après avoir égratigné ses professeurs et prédécesseurs enseignants et chercheurs au Collège de France et à l’Académie des Sciences qui ne croyaient pas, en 1963, à l’existence possible d’un Homo habilis âgé de 1,8 millions d’années, Ni Brunet déclara avec un trémolo «émotion dans sa voix, mais doublé de l’assurance qui caractérise les propos forts tenus en l’absence de contradicteurs:

“Lorsque le mon* scientifique sera prêt à accepter l’existence d’un homo habilis à 2 millions d’années, nous le trouverons. Lorsqu’il sera prêt pour 2,2 millions au 2,5 ou 3 millions nous le trouverons !

Voilà donc la belle assurance d’un véritable chercheur, qui ne sait pas ce qu’il va trouver, ni où, mais qui l’annonce à l’avance!… Du moment que les datations s’allongent, il n’y a rien à redire. Contredit-­il ses collègues ? Renie‑t‑il un acquis, un enseignement aux datations raccourcies 9 Que nenni, car il prend la précaution de préciser que “Tout ce qui est dit aujourd’hui est la vérité du moment qui sera différente de la vérité de demain”. Carpe diem !

Justement, parlons de la vérité, celle d’hier, d’aujourd’hui, de toujours et qu’il semble nier. Car la vérité West pas à géométrie variable ; il n’y en a qu’une, que l’on “découvre”, que l’on peut approfondir certes, mais qui reste unique. Elle ne se modèle pas au gré des fantaisies et des idéologies des paléontologues.

Mais d’où vient donc cette belle assurance du professeur Brunet lorsqu’il nous annonce ces merveilleuses datations de l’Homo habilis, c’est‑à‑dire du premier homme, de l’ancêtre qui aurait commencé à se servir de ses mains et à tailler des silex ? Elle ne sort pas de son imaginaire peuplé d’Ardépithécus, d’Australopthécus et autres Pithécus?3 et Homo de même acabit… La réponse en est si simple que le lecteur de base du Cep pourra la comprendre à la simple lecture de ces lignes. La datation paléontologique s’obtient en fonction de celle de la couche géologique où se trouve le fossile, plus exactement ‑ en Afrique ‑ en fonction de celle du basalte (lave) le plus proche.

Ainsi, Lucy ayant été trouvée wu une couche de basalte datée à 3 millions d’années s’est vu attribuer un plus grand âge : 3,2 à 3,5 millions d’années.

Donc, datons les laves et cherchons dans les couches sous­jacentes les australopithèques qui nom intéressent. Ainsi seront bientôt inventés les Homo habilis aux âges recherchés et promis,

Repensant aux “des donnés par M‑C van Oosterwyck4,  j’ai voulu connaître les âges des laves, afin de valider la datation de tous ce bestiaire fossile aux nom charmants et évocateurs. Ce que j’ai trouvé contient de quoi donner de nombreux cheveux blancs à tous ces messieurs et je ne peux résister au plaisir de vous en livrer quelques extraits:

‑ Lave du mont HécIda (Islande) : éruption de 1970. Méthode uranium-thorium : 78.000 us. Même méthode sur une autre lave non datée historiquement: 180.000 ans, et 2.800 ans au carbone 14.

‑ Lave du volcan Tchibindo (Kivu, Zaïre) : éruption de 1880 Méthode argon‑potassium : 1,9 millions damées.

‑ Lave du volcan Kilauwea (Hawaï) : éruption de 1750, partiellement sous‑marine. Méthode potassium-argon :

* à 550 mètres de profondeur : 220.WO ans

* à 1.400 mètres: 6,3  0,3 millions d’années

* à 2.590 mètres: 42,9     4,2      “

* à 3.420 mètres: 14,1     1,7      “

* à 4.690 mètres ‑ 30,3    3,3      “

‑ Lave du Lac Victoria (non datée historiquement), méthode potassium‑argon : 14,3 +/‑ 0,7 millions d’années et 6,9 +/‑ 0,5 millions d’années pour un prélèvement voisin dans la même coulée

Que le lecteur ne s’y trompe pas: ce ne sont pas des exemples d’exceptions… ils remplissent des pages dans les parutions spécialisées.

Il en ressort tout simplement que la lave n’est pas datable par une analyse chimique. L’argon résiduel mesuré pour déterminer l’âge n’est pas un chronomètre fiable car sa présence dans la lave présuppose des conditions mu contrôlées et non contrôlables (répartition homogène, formation au moment même de l’éruption et indépendante de la température et de la pression absence d’argon orogénique au départ pas de perte dans le temps due à la porosité de la lave, etc … )

Ainsi, la technique des paléontologues consiste à se servir des cartes géochronologiques établissant l’âge des laves, à choisir la datation désirée, à identifier les gisement de fossiles et à chercher ce qu’ils veulent trouver Ceci éclaire les propos du professeur Brunet C.Q.F.D.

Le seul ennui, c’est que ces datations relèvent de la plus haute fantaisie, quelle que soit la méthode. Dans les milieux de la préhistoire comme de la géologie nul dose l’avouer Il fallait le dire Que l’on se le dise et qu’on se le répète.

*

*      *

Si la réflexion du professeur Brunet citée‑ au début de ce billet ne fut pas consignée dans le compte‑rendu des actes du congrès ‑ il vaut mieux pour lui qu’il en soit ainsi ‑ ses deux conférences furent cependant retranscrites pour la postérité et leur lecture réserve parfois une saveur surprenante. En voici quelques passages.

Morphologiquement nous sommes des hommes, génétiquement nous sommes des singes, c’est scientifiquement prouvé (p. 30)” “Sarich, de l’Université de Berkeley, est celui qui, il y a maintenant un peu plus de deux décennies, a montré que nous étions du singes, nous les hommes. Sarich… est le premier à avoir montré que.. entre un chimpanzé et nous il y avait 99% de choses en commun… A cette époque, la communauté n’était pas prête à entendre que si morphologiquement nous sommes des hommes, génétiquement nom sommes des singes”.

Voilà bien une affirmation qui, même faisant référence à Sarich, un biologiste moléculaire, n’a guère de base scientifique sérieuse, même s’il affirme s’appuyer sur le séquençage des protéines..

Le séquençage protéique cm le code génétique que l’on trouve dans les molécules d’AD.N. du noyau cellulaire. Si l’on peut comparer un s équence (espacement entre les barres), on ne sait presque rien de la signification de la barre elle-même. Il y a 20 ans, la génétique venait de découvrir ce séquençage et balbutiait

La première exploration complète d’un séquençage (sur une algue monocellulaire présentant 1,5 millions de séquences) vient d’être complétée par un laboratoire américan après plusieurs années d’études… Ne parlons donc pas de ceux du singe ou de l’être humain dont l’exploration est très loin d’être achevée5, plus de 25 ans après la découverte du code génétique. Laissons donc à M. Sarich la responsabilité d’une déclaration présomptueuse et peu fondée. Mais intéressons nous au 1% de différence… puisque selon Sarich il y en a quand même une.

L’être humain possède 23 paires de chromosomes (ce sont eux les porteurs de toutes les caractéristiques de l’être, composés d’acides nucléiques dont l’AD.N.). Tandis que le singe en possède une de­ plus. Cette différence est très importante car elle exclut toute possibilité d’ascendance commune. Autant affimer que génétiquement nous sommes des chevaux ou des chiens, l’erreur n’est pas plus grossière qu’avec les singes. Si la génétique est la science du vivant, la paléontologie, science &es squelettes fossiles, est la science de la mort… Comment définir l’électronique d’une fusée détruite, à partir d’un peut morceau de fuselage ou de moteur ? C’est le genre d’obstacle qu’il faudrait vaincre. Or les organes mous représentent 98 % de l’information anatomique définissant un être vivant.

Mais poursuivons la lecture du compte-rendu :

Nous sommes dans le groupe des singes de l’ancien monde “… (p.80)

Il est clair, à l’heure actuelle,… que la bipédie n’est pas l’apanage de l’homme” (p.84). Affirmation rien moins que surprenante ! La marche bipédique est bien l’apanage de l’homme, uniquement Vétérinaires, Kinésiologistes, orthopédistes, ostéopathes, etc… Vous le confirmeront. Intrigué par cette affirmation, un membre de l’assemblée le questionna en privé au sa définition de la bipédie. La réponse : “du moment que les singes ne sont plus dans les arbres et se déplacent sur le sol, ils sont bipèdes”. Admirez au passage le raccourci et la simplification de la définition de la bipédie.

Il y a confusion entre la bipédie simiesque et la bipédie humaine, alors que ce terme recouvre deux choses distinctes : la “bipédie des singes marchant sur les chevilles et en appui avant sur les poignets, (dans une variante de la marche à 4 pattes), et celle de l’homme en appui sur la plante de pieds, dans l’équilibre du pendule inversé, ce qui est totalement différent. Il y a une confusion de langage habilement entretenue par de sincères déclarations. Se voyant peu différent du singes, je comprends mieux ainsi la profession de foi du professeur Brunet : “Génétiquement nous sommes des singes, ça va très loin dans mon esprit” (p. 30)…

Nul doute que la paternité d’Abel et les émotions fortes qu’il a vécues au Tchad ne lui aient fortement renforcé l’esprit de famille et resserré au heu familiaux avec les australopithèques

Nul doute aussi que pour fêter la naissance d’Abel, les lecteurs du Cep offriront à l’heureux papa des cacahuètes et des bananes en attendant la séance d’épouillage

Signé : un Homo amabilis (par éducation) et honorabilis (par conviction personnelle) qui ne souhaite pas longue vie à Abel ;

espérant plutôt le voir rencontrer le Caïn australopithécus…


1 Directeur du Laboratoire de Géobiologie, Biochronologie et Paléontologie humaine de la Faculté des Sciences de Poitiers.

2 5ème congrès de l’Association Française d’identification odontologique et de l’Association Assurance Médecine d’Expertise et Odontologie légale. 6‑7 octobre 1995.

3 Ndlr. Pithécos, en grec, signifie « singe, et le mot désigne parfaitement les divers autralopithèques. Mais les paléontologistes, toujours fidèles à Darwin et Haeckel, malgré les évidences biologiques contraires, veulent absolument trouver des êtres intermédiaires entre l’homme et le singe pour justifier leur idée d’une transistion graduelle. Si leur vérité varie, comme le pense le Pr Brunet, cette persistance dans l’erreur n’en est que plus remarquable et ne peut trouver d’explication qu’en dehors de la science.

4 Les datations des ères géologiques remises en questions, cf. Le Cep n°1,2 et 3.

5 Ndlr. Au VIIème Congrès annuel de Génétique Humaine, en mai 1999 à Paris, on estimait à 3 ou 4 ans le temps nécessaire pour terminer la cartographie du génome humain. Quant à l’usage qui en sera fait, c’est une question d’une tout autre ampleur : certes le génome se présente comme un livre écrit avec 4 lettres seulement, mais il faudrait pour le lire, en connaître le sens des mots et, là, on est loin du compte !

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