Principes de la politique familiale

Par le Dr Emile Tremblay

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Résumé : On peut distinguer, dans la population active, deux grands groupes : l’un avec 2 enfants au plus par femme (24 millions de personnes) ; l’autre avec 3 enfants ou plus (4 millions de personnes). Comme le renouvellement des générations commence à 2,1 enfants par femme, la contribution de ces 2 groupes à l’entretien de l’économie et au paiement des retraites est nettement inégale. Une véritable politique familiale assurerait une répartition équitable des biens entre ces groupes, en reconnaissant pour tel le travail familial et en compensant la contribution supplémentaire apportée par les familles nombreuses.

         A voir le cafouillage actuel dans la politique du gouvernement, et, ce qui est aussi grave, dans l’opinion publique, un rappel des principes de la politique familiale n’est pas superflu. Il est même tout à fait indispensable.

         La désinformation a fait son oeuvre. L’ignorance dans cette question est devenue sinon générale, du moins très étendue. Il est donc nécessaire de rappeler les bases même de la politique familiale. Celle-ci, qui avait été appliquée pendant environ 40 ans, dès la naissance des premières allocations familiales, bien avant la seconde guerre mondiale, a été occultée pendant au moins 25 ans, dès l’offensive malthusienne et anti-familiale américaine, sur laquelle nos dirigeants, en bons malthusiens et en bons subalternes, se sont empressés de s’aligner, complètement indifférents aux réalités démographiques françaises et à l’équité sociale la plus élémentaire.

         Cette politique familiale n’est pas une assistance aux plus démunis, aux plus pauvres, comme on voudra. Ceci relève de la politique sociale. Elle n’est pas non plus une politique fiscale, l’Etat ayant tous les moyens par ailleurs de réaliser ses objectifs fiscaux.

         Il s’agit de tout autre chose.

         Les malthusiens cherchent à privilégier les couples stériles qui, en se dispensant d’assurer la relève des générations et la relève des cotisants des caisses de retraite, s’assurent un niveau de vie bien supérieur aux familles (deux salaires – deux retraites, pas d’enfant, c’est l’idéal économique malthusien). C’est aussi l’idéal financier des homosexuels1 . Si cette conception se généralisait, elle aboutirait à la destruction finale de la collectivité en cause, et à sa mort pure et simple. Très bien, diront les nihilistes, les adeptes de la culture de mort, les malthusiens divers et variés, qui sont nombreux en Europe aujourd’hui2 .

         Ils n’oublient qu’une chose : c’est que, comme il n’y aura personne derrière eux pour payer leur retraite, ils n’auront pas de retraite et devront travailler jusqu’à leur mort pour survivre. Mais, bien entendu, une société qui ne comporte plus in fine que des vieillards invalides, impotents et malades (puisqu’il n’y a plus personne derrière eux) n’a plus de production capable de cautionner la valeur de la monnaie.

         Ils sont invalides, impotents et malades et leur argent ne vaut rien. Ils sont donc en plus dans la misère et livrés à leur propres forces qui s’éteignent.

         Donc, l’idéal malthusien est radicalement suicidaire et conduit à l’extinction, non pas dans l’opulence, mais dans la misère. C’est l’idéal de la culture de mort aujourd’hui triomphante et acceptée par la quasi-totalité de la classe politique, de la classe médiatique et de l’opinion publique.

         Bien sûr, de nombreux malthusiens sont de petits roublards. Ils veulent n’avoir, eux, aucune charge de famille, mais comptent bien se faire entretenir par les enfants des autres pour payer leurs retraites ; ils comptent aussi sur les enfants des autres, devenus adultes, pour produire et maintenir la valeur de la monnaie, donc la valeur de leur argent et de leur biens à eux. Ceux-là, tout compte fait , ne sont pas tellement anti-familiaux pour les familles des autres, car pour vivre à leurs crochets, il faut bien qu’elles existent.

         Certaines familles sans enfants ne le sont pas volontairement. Elles tirent quand même un avantage financier très important de leur situation et bénéficient aussi du travail des familles et du travail des enfants des autres, devenus adultes, comme des cotisations versées par eux.

         A part une minorité de cas pathologiques, la restriction de la natalité, très au-dessous du seuil de renouvellement, est absolument volontaire.

         D’après l’INSEE, on pouvait distinguer en 1982, dans la population française, deux groupes :

         – le groupe 1 (2 salaires, 2 retraites, 0, 1 ou 2 enfants, soit en moyenne 0,8 enfants par femme) : 24 millions de personnes.

         – le groupe 2 (1 salaire, 1 retraite, 3 enfants et plus, en moyenne 3,6 enfants par femme) : 4 millions de personnes.

         Le niveau de vie du groupe 2 varie de la moitié au tiers de celui du groupe 1.

         Depuis 1982, le groupe 1 a augmenté, le groupe 2 a diminué (15 ans de dénatalité de plus).

         La partie malthusienne qui a 0,8 enfant par femme (alors que le taux de simple renouvellement est de 2,1) et jouit d’un niveau de vie deux à trois fois plus élevé que l’autre partie, représente les 6/7èmes de la population française, soit la très grande majorité.

         Il n’est donc pas étonnant que dans un sondage ce soit la partie malthusienne qui l’emporte.

         Au suffrage universel, ils ont la majorité.

         Ce taux de 0,8 enfant par femme  est rigoureusement suicidaire.

         Pour les gens sains d’esprit, c’est-à-dire ceux qui résistent aux pulsions suicidaires collectives, la politique ne saurait être de l’auto-destruction programmée du pays.

         Donc dans l’optique d’une survie collective dans les meilleures conditions, il faut préparer l’avenir en faisant en sorte que le renouvellement des générations soit assuré et que le vieillissement de la population soit stoppé par un redressement adéquat de la proportion des éléments jeunes, c’est-à-dire par une natalité suffisante.

         Le principe fondamental de la politique familiale est donc que les charges de l’avenir soient équitablement supportées par l’ensemble de la population.

         On ne saurait accepter, en cette matière comme dans les autres, l’iniquité dans le principe même des dispositions. Les charges doivent être équitablement réparties pour et sur toute la population, et ne pas reposer uniquement sur une minorité sacrifiée. On sait que les prestations familiales actuelles ne couvrent qu’une petite partie des charges globales supportées par les familles. Il faut donc qu’elles se rapprochent du montant des frais réels. Comme elles en sont très loin, on doit rejeter nécessairement tout plafonnement, tout seuil d’attribution et toute fiscalisation. Ce sont là des principes fondamentaux. Les prestations familiales n’étant qu’une couverture partielle , toute amputation par l’une de ces trois modalité ou les trois ensemble accroît ce caractère partiel de la couverture et de la compensation. C’est clair.

         Une autre mesure de grande importance est l’indemnité de libre choix ou salaire maternel (ou parental). Le travail parental est à distinguer des dépenses parentales. Quand une mère de famille se fait remplacer ou aider par une assistante maternelle, celle-ci est rémunérée pour son travail familial. Il n’y a aucune raison pour que la titulaire de l’activité soit exclue de cette rémunération, alors que sa remplaçante est officiellement rémunérée. Cette exclusion doit cesser. Alors que tout travail mérite salaire3 , il n’y a plus de raison pour que ce travail soit exclu des dispositions communes. Ceci pouvait  se concevoir quand il était généralisé dans la société. A partir du moment où les 6/7èmes d’une population s’en dispensent, soit complètement, soit en grande partie, il n’y a plus de raison pour que ce type de travail ne soit pas honoré comme les autres. L’honorer au sens financier du terme est un moyen de le faire respecter, de le faire apprécier, de le faire estimer par cette grande partie de la population qui aujourd’hui le méprise et le prend de haut.

         Ceci contribuera à rétablir l’équité entre tous face aux charges de l’avenir et applique le principe général d’équité indispensable dans ce genre de problèmes comme ailleurs.              

         Enfin, reste un point très important : l’affaire des retraites…

         Des adultes cotisants passent chaque année dans le groupe des retraités bénéficiaires, et le groupe des cotisants s’éteindra de lui-même s’il n’y a pas de descendants, et s’il n’y a plus personne pour payer les retraites. Est-ce ce qu’on veut ? Ceci est vrai dans le système de financement des retraites par répartition, mais le reste dans le système par capitalisation, car sans population active la monnaie perd toute sa valeur.

         Il y a dans le cas des retraites non seulement le problème des cotisants, mais celui, décisif, du renouvellement des cotisants.

         Un enfant devenu adulte travaillera en moyenne 40 ans et paiera 40 annuités de retraite.

         Avec 3,6 enfants par femme, chaque famille du groupe II donne à la société 40 x 3,6 = 144 annuités retraite.

         Dans le groupe I, avec 0,8 enfant par femme, chaque famille donne 40 x 0,8 = 32 annuités retraite.

         Un couple sans enfants donne 0 annuité retraite. C’est le cas aussi des couples homosexuels.

         Le taux de renouvellement des générations est de 2,1 enfants par femme en occident, mais le taux assurant la correction du vieillissement à des niveaux acceptables est beaucoup plus élevé.

         En admettant provisoirement le chiffre de 2,5 qui atténue l’aggravation du vieillissement et qui, de ce point de vue, est plus satisfaisant que 2,1, il faudrait une moyenne de 40 x 2,5 = 100 annuités retraite par famille. Par rapport à cette somme, le groupe II est créditeur de 144 – 100 = 44 annuités retraite sur la société. Et le groupe I est débiteur de 100 – 32 = 68 annuités retraite. Et, ceux qui n’ont pas d’enfant sont débiteurs de 100 – 0 = 100 annuités retraite, vis-à-vis du régime des retraites.

         Si le groupe II (familles de 3 enfants et plus) est fortement créditeur, le groupe I (0,1,2 enfants)est profondément débiteur et doit régulariser sa situation. Il est impératif que ce débit soit régularisé, de même qu’à l’inverse les soldes créditeurs devraient être compensés financièrement aux titulaires du crédit, c’est à dire aux familles de 3 enfants et plus. Ceci peut se faire en partie par une cotisation retraite équivalence-enfant, et en partie par un reversement aux familles.

         Cette mesure, qui rétablit l’équité en matière de retraite et de renouvellement des cotisants, a en outre l’avantage énorme de contribuer à combler le déficit des régimes de retraite.

         Ce point est essentiel quand le nombre des retraités augmente rapidement jusqu’en 2006 et deux fois plus vite entre 2006 et  2033. Après, les choses changent à nouveau et nécessitent de nouveaux calculs.

         En résumé, la politique familiale n’est pas une assistance aux plus pauvres. Celle-ci , tout indispensable qu’elle soit relève de la politique sociale. Et des familles dans l’extrême pauvreté ont droit, comme les autres français, aux aides dispensées dans ces circonstances et ne doivent pas en être exclues, bien que ces aides ne soient pas familiales.

         La politique familiale vise fondamentalement à faire que les charges de l’avenir soient équitablement supportées par la totalité de la collectivité, et non par une minorité sacrifiée. C’est l’essentiel, le point central de la question. Il n’y a en outre aucune raison pour que le travail familial soit le seul grand travail d’intérêt collectif à ne pas être rémunéré. Cela pouvait se justifier autrefois, quand toute la population l’assumait. Maintenant que les 6/7èmes de la population française l’ont complétement supprimé, ou réduit à sa plus simple expression, préférant travailler à gagner de l’argent, sa rémunération devient indispensable. Peut-être même qu’ainsi d’autres qu’une petite minorité se décideront à effectuer ce travail.  

         Le principe d’équité s’étend aussi à la question des retraites. Actuellement, le renouvellement des cotisants est exclusivement assuré par les familles. Le rétablissement de l’équité est de faire payer par les personnes ou les couples qui se dispensent de ce renouvellement, l’équivalent des cotisations que paiera l’enfant devenu adulte. Ces gens sont des débiteurs, il doivent s’acquitter de leur débit par le paiement de la cotisation retraite équivalence enfant. Ce serait, dans cet important domaine aussi, le rétablissement de l’équité. Il importe que les principes fondamentaux de la politique familiale soient connus de tous les décideurs et même, osons le dire, de toutes les familles, ce qui n’est pas le cas. Il ne doivent pas être connus uniquement d’une petite minorité.

         Remarquons que les grandes lignes de ces principes se réfèrent à la simple équité, au seul esprit de justice sociale, qui ne concerne pas que les rapports entre salariés et employeurs, et que les motifs démographiques n’ont pas été invoqués, à part le choix de base entre la volonté de survie et la volonté suicidaire.

         Bien que ces arguments d’équité se suffiraient en eux-mêmes, la démographie leur ajoute d’autres arguments décisifs eux aussi, qui viennent donc soutenir les arguments d’équité.

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LECTURE

        Suite au “petit rappel des impossibilités du transformisme” (Le Cep n°4) signalons que Jean-François Péroteau a donné un livre décapant : “Le Singe descend de l’Homme” (320 pages).

        Une opportune mise au point, 140 ans après la sortie du trop fameux livre de Darwin.

        A commander chez l’auteur :

M. Jean-François Péroteau

4 rue E. Michelet  F-33 400 Talence

        Prix : 150 FF + Port  25 FF

        (Prix réduit à 120 FF pour lycéens, étudiants, chômeurs, pasteurs, prêtres, rabbins et religieux)


1 L’homosexualité permet la suppression radicale et totale du risque d’enfant dans les relations dites amoureuses : “Double income, no kids” (deux revenus, pas d’enfants) (Valeurs actuelles, n°3161, 28 juin-4 juillet 1997, p.27)

2 Ndlr. A noter que l’Italie et l’Espagne ont dépassé la France en matière de politique antifamiliale, de là des taux de fécondité encore plus faibles.

3 Il y a certes le bénévolat, mais on ne peut pas laisser l’avenir reposer sur le bénévolat. Il faut que les familles mangent comme les autres et ne soient pas réduites à la misère quand les non-familles ont toutes les faveurs économiques de la société.

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