Partager la publication "Critique de l’article du CEP 92 sur le voile de Manopello"
Par Renaud, Marie-Paule
COURRIER DES LECTEURS
De Mme Marie-Paule Renaud (Jura)
Dans le dernier Cep (n° 92, p.73), je n’ai pas été convaincue par les arguments du docteur Rebeillard en faveur de l’authenticité du voile de Manopello1. Je reste sur la ligne du docteur Clercq dans l’article publié dans le numéro 90 qui me semble un travail de référence. Voici quelques notes personnelles sur le sujet :
Le docteur Rebeillard écrit que le tableau de Bellini, peint à Venise vers 1460, s’inspire du voile de Manopello. Ce voile se trouvait donc à Venise avant 1506, date de son apparition mystérieuse à Manopello. Or, 1506 est l’année où le pape Jules II autorise l’église de Chambéry à prendre le nom de « sainte chapelle du Saint Suaire », et autorise une fête annuelle du Saint Suaire, le 4 mai. Curieuse coïncidence ! Nous sommes aussi à l’époque des guerres françaises en Italie : prise de Milan, puis de Gênes, puis de Venise. La sainte Image de Gênes est volée par les Français des armées de Louis XII avant d’être restituée. Le voile de Manopello aurait-il été volé à Venise, ou mis à l’abri par des particuliers pour réapparaître dans une famille de Manopello ?
Après la prise de Constantinople en 1453, de nombreux Byzantins se sont réfugiés à Venise, apportant avec eux leurs reliques. Ce voile en byssus en faisait peut-être partie.
Dans les possessions en Grèce de la famille de La Roche (dont les héritiers rapporteront le Linceul à Lirey), se trouvaient des ateliers spécialisés dans la peinture sur soie et le tissage de la soie teinte dans la masse (technique utilisée, selon moi, pour le Saint suaire de Besançon).
Le docteur Clercq a mis en lumière toutes les différences entre les deux visages de Turin et de Manopello. Il a montré dans ce dernier d’importants défauts de proportion et une disharmonie qui nous donnent une impression de malaise. Que trouver en effet de ressemblant entre ce visage flasque, ces yeux sans expression, cette petite bouche entrouverte aux dents d’enfant, et la majesté du Christ du Linceul qui a donné la tradition du Christ Pantocrator des Byzantins ? Auriez-vous envie de méditer et de prier devant le portrait de Manopello, une fois que vous connaissez le Linceul de Turin ?
Ce visage de Manopello pourrait être une copie médiocre de la Sainte Face de Gênes, mais sur un beau tissu en byssus. À distinguer encore du Voile de Véronique conservé à Saint-Pierre de Rome et vénéré par sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face. Notons que la médiocrité d’une copie n’en altère pas la légitimité. Au contraire ! Par exemple, les copies du Saint Suaire de Besançon n’étaient admises que si elles différaient du modèle, afin de ne pas tromper les fidèles, idem pour le Linceul de Turin.
1 Ndlr. Le CEP n’a pas vocation particulière pour traiter les questions propres au Voile de Manopello, ni surtout pour les trancher. Nous avons jugé bon de faire connaître aux lecteurs l’existence de cette relique, vénérée localement, ainsi que les arguments pour et contre dans de longs articles des numéros 72, 90 et 91. En l’attente d’études scientifiques directes ou d’archives historiques inédites, nous en resterons donc là pour le moment.