Faut-il avoir peur du ridicule ?

Par:Dominique Tassot

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Résumé : L’autorité intellectuelle attribuée à la science, sa certitude supposée, font qu’il est périlleux de soutenir des thèses qui contrarient les croyances communes. Copernic et Darwin ont eux-mêmes longtemps hésité à publier leurs ouvrages, tant ils craignaient les jugements de leurs pairs. On est plus vite et plus complètement récusé par un rire condescendant, que par un argument. La chose n’est pas nouvelle et saint Augustin déclarait ne rien craindre autant que les chrétiens ignorants qui, en se rendant ridicules aux yeux des païens, font ainsi rejaillir de légitimes moqueries sur la religion et même sur les Saintes Écritures, s’il advient qu’elles ont été imprudemment mises au service d’une erreur patente concernant la nature.

         Mais cet argument de bon sens demande à être utilisé à bon escient et la peur du ridicule doit parfois être surmontée. C’est tout particulièrement le cas avec la création divine des êtres vivants « au Commencement », thèse qui s’imposait aux yeux de saint Augustin lui-même tant du point de vue de la raison que de la Révélation. D’une part, Dieu fait que les êtres se « re-produisent » selon leur hérédité, sans qu’on voie apparaître de formes vraiment nouvelles. D’autre part, le sens obvie de la Genèse s’impose aux chrétiens comme une vérité à prêcher « à temps et à contretemps ».

Avec le recul du temps, si on examine les raisons qui freinent la diffusion des idées défendues par le CEP, il semble bien que la plus constante et la plus décisive soit la peur du ridicule. Il existe en effet un « scientifiquement correct », bien plus développé et plus efficace que le « politiquement correct ». La divergence des opinions fait en effet partie des soubassements de la démocratie. Tandis que la cohésion dans une vérité unique et certaine semble un attribut presque évident de la science, démarche dans laquelle l’objectivité va comme de soi.

C’est pourquoi les idées contrariantes ont toujours eu tant de mal à se diffuser dans les milieux scientifiques, indépendamment de la question de savoir si elles étaient vraies ou fausses. On sait qu’en 1523, le pape Clément VII avait offert à son secrétaire privé un authentique manuscrit grec (cadeau très prisés par les lettrés), en remerciements pour un exposé sur le système de Copernic, donné dans les jardins du Vatican.

Mais Copernic demeura coi jusqu’en 1543, sans rien publier, par peur du ridicule. Peur d’être ridiculisé par le vulgaire, certes, car sa thèse contredisait le sens commun : Luther alla jusqu’à le traiter « d’âne » ! Mais aussi et surtout, peur du jugement des astronomes, car son système ne leur apportait rien en pratique : sans être plus précis que celui de Ptolémée pour la prévision des éclipses, il était plus compliqué, comportant 48 épicycles au lieu de 40. Il n’y avait donc aucune raison d’abandonner L’Almageste dont les tables étaient familières à tous les astronomes. Ce furent les lois de Kepler, associées aux calculs de Newton, qui débouchèrent sur de nouvelles tables astronomiques remplaçant le système de Ptolémée. Il fallut même toute l’insistance du jeune Réthicus pour que Copernic, quelques mois avant sa mort, consentît à publier le célèbre De Revolutionibus dont il ne vit que les épreuves et que personne, ou presque, n’a jamais lu.

Une histoire analogue se présente avec Darwin. A ses yeux, les espèces n’étaient que des regroupements taillés arbitrairement dans un continuum de formes en perpétuelle évolution. Il prenait ainsi le contrepied de tous les systématiciens qui, depuis Aristote (et même avant), en passant par Ray et Linné, s’efforçaient de classer méthodiquement et rigoureusement les êtres vivants en espèces, genres, familles, etc. Il écrit dans son autobiographie : « On a dit que le succès de l’origine des espèces prouvait que « le sujet était dans l’air » ou que « les esprits étaient préparés ». Je ne pense pas que cette hypothèse soit strictement exacte, car j’ai sondé à l’occasion plusieurs naturalistes, et je n’en rencontrai jamais qui parût douter de la permanence des espèces. »[1]

Mais, à la différence de Copernic, Darwin savait pouvoir compter sur des sympathisants influents et sur le public « éclairé ». Il disposait à la Royal Society d’un parrain puissant et actif en la personne de Charles Lyell.

Car ses travaux complétaient, pour le monde organique, la besogne que Lyell avait accomplie pour le monde inerte en écartant – sans le dire – le Déluge de la géologie dite « uniformitarianiste », n’y faisant intervenir que des causes uniformes, régulières, sans cataclysme.

Lyell avait démontré que des modifications minimes, accumulées sur de longues périodes, avaient pu causer cette diversité des paysages que nous constatons aujourd’hui ; Darwin le démontrait pour la diversité des êtres vivants. Malgré tout, lui aussi resta près de vingt ans sans rien produire à ce sujet, se contentant de publier une monographie sur les bernacles ; et il fallut l’arrivée d’une communication de Wallace à la Linnean Society pour que Darwin se décidât à rédiger L’Origine des Espèces, afin de préserver son antériorité.

Outre quelques amis bien placés, Darwin pouvait aussi compter sur la sympathie d’un certain public et il devina qu’il pourrait triompher ainsi. Il écrit au botaniste américain Asa Gray, peu après la publication de son livre (en 1859) : « Il est très important que mes idées soit lues par des hommes intelligents, accoutumés aux arguments scientifiques, tout en n’étant pas naturalistes. Cela peut paraître absurde, mais je m’imagine que de pareils hommes entraîneront par après eux les naturalistes qui s’entêtent à croire qu’une espèce est une entité. »[2]

Un siècle et demi a passé et force est de constater que les réticences affrontées par Darwin étaient amplement justifiées. La notion d’espèce stable demeure irremplaçable : on ne pourrait rien dire de précis sur les êtres vivants sans les classer aussi finement que possible et rien ne laisse entrevoir de grande révision dans la classification. Le darwinisme aura même provoqué une régression de la science : les vocations de systématiciens sont peu nombreuses, d’autant que cette discipline passe pour rébarbative.

La réticence devant le changement, la tendance à recourir à l’argument d’autorité ou à la peur du ridicule pour écarter a priori l’idée contrariante, se comprend mieux encore chez les enseignants. Admettre qu’on a pu enseigner une théorie fausse exige courage et humilité, vertus très peu exaltées aujourd’hui.

Pourtant la science, par définition, progresse constamment : souvent par accumulation de données compatibles, mais parfois par confrontation à des « faits polémiques » (selon le mot de Bachelard), à des observations qui remettent en cause, au moins en partie, ce que l’on croyait savoir. Claude Bernard (1813-1878), enseignant autant que chercheur, n’hésitait pas à écrire : « Les théories ne sont que des hypothèses vérifiées par un nombre plus ou moins considérable de faits. Celles qui sont vérifiées par le plus grand nombre de faits sont les meilleures, mais encore ne sont-elles jamais définitives et ne doit-on jamais y croire d’une manière absolue. »

Dans ce contexte, on comprend comment la peur du ridicule sera surmontée : soit par souci de la vérité, soit par désir de notoriété ; car la vanité est souvent le péché mignon des intellectuels, et le désir de laisser son nom à une thèse peut inciter à prendre quelques risques personnels.

Il n’en va plus de même chez ceux qui observent la science en spectateurs, et tout particulièrement chez les théologiens. Il semble que le clergé, formé à une discipline d’autant plus certaine qu’elle se fonde sur une révélation divine, ait plus de difficulté encore à se faire à l’idée que la science se trompe ou, du moins, comporte toujours une incertitude résiduelle liée précisément à l’imperfection de nos sens et de nos pensées. A la différence des sciences de la nature, fondées sur l’induction, la théologie procède par déduction. Elle atteint donc un degré de certitude bien supérieur, d’autant que son objet propre est l’Absolu.

Dans ce contexte, pour quiconque méconnaît les petits côtés de la science – activité humaine, trop humaine ! –  l’autorité des « vérités établies »[3] va comme de soi et le consensus apparent vaut démonstration de certitude.

Alors rien n’apparaît plus dangereux qu’une thèse nouvelle promue par un chrétien : le ridicule en rejaillira sur la foi elle-même, anéantissant ainsi en un instant les patients efforts visant à convaincre les athées du caractère rationnel et raisonnable de nos croyances. Cet argument (propre surtout aux époques déchristianisées) fut longuement développé par saint Augustin dans son De Genesi ad Litteram. Il s’agit du conflit entre une donnée scientifique considérée comme certaine et les thèses erronées d’un croyant qui entend les appuyer sur l’Écriture : « Il arrive en effet très souvent qu’un homme même non chrétien possède sur la terre, le ciel, les autres éléments de ce monde, le mouvement, la révolution, la grandeur même et les intervalles des astres, les éclipses de soleil et de lune, le mouvement des années et des temps, la nature des animaux, des plantes, des pierres, et mille autres choses semblables, des connaissances telles qu’il les tienne pour très certainement démontrées par la raison et l’expérience. Or, il serait très honteux, pernicieux même, et on doit l’éviter par dessus tout, qu’un infidèle en entendant un chrétien parler de ces choses, comme s’il en parlait selon les saintes Écritures, et en le voyant se tromper sur ces matières, comme on dit, de toute la distance qui sépare le ciel de la terre, ne pût s’empêcher de rire. Ce n’est pas qu’il soit bien fâcheux qu’un homme qui se trompe soit l’objet d’un sourire moqueur, mais le mal est que ceux qui ne sont point des nôtres puissent croire que nos auteurs ont pensé ainsi, ce qui les ferait critiquer et rejeter comme des auteurs dépourvus de science, au grand détriment de ceux dont le salut nous est à cœur. Car lorsque ces savants infidèles surprennent un chrétien dans l’erreur, sur des matières qui leur sont parfaitement connues, et le voient affirmer ce qu’il avance comme étant tiré de nos livres, pourront-ils croire à ces livres, qui nous parlent de la résurrection des morts, de l’espérance de la vie éternelle,

du royaume du ciel, lorsqu’ils les verront remplis d’erreur sur des choses qu’ils peuvent connaître par expérience ou découvrir par des nombres indubitables ? On ne peut assez dire la peine et la tristesse que des chrétiens présomptueux causent, par leur témérité, aux hommes prudents, lorsque se voyant repris et convaincus d’erreur, à propos de leurs fausses opinions, par ceux même qui ne croient point à l’autorité de nos livre saints, ils entreprennent de soutenir leurs assertions aussi légères et téméraires qu’évidemment fausses, en apportant ces mêmes Saintes Écritures en preuve, ou en citant même de mémoire des passages qu’ils croient favorables à leur opinion, ne comprenant ni ce qu’ils disent ni la portée de ce qu’ils affirment »[4]  

Certes, qui ne craindrait de voir la religion moquée ou ridiculisée par un amalgame d’ignorance, de bêtise et de citations scripturaires mal comprises ? Qui se réjouirait de voir une lecture erronée de l’Écriture être avancée en lieu et place de preuves scientifiques inexistantes ? Qui ne comprend que la prudence élémentaire commande de ne rien avancer qui ne soit étayé avec soin, surtout lorsque des vérités de foi sont mises en jeu ?

Mais il faut bien noter que cette mise en garde augustinienne se rapporte à des circonstances précises, matière à appréciation. Est-il vraiment imprudent d’affirmer que les chattes donnent des chatons, même si cette vérité bien attestée n’est plus soutenue par la théorie en vogue ? Est-il vraiment coupable de prétendre, avec Pie XII, « qu’entre des vérités de foi certaines et des faits scientifiques établis, la contradiction est impossible »[5], et d’en tirer de légitimes conséquences.

Car cette démonstration de saint Augustin nous est souvent opposée à propos de l’évolution. L’Écriture, en effet, affirme la création directe de tous les êtres vivants : -1. par Dieu ; -2. « au Commencement » ; -3. « selon leur espèce », thèse qu’il est difficile de ne pas opposer mot pour mot à une transformation permanente des espèces au cours du temps et sous l’effet de causes secondes.
     Faut-il alors abandonner le sens obvie du texte sacré et soumettre sans plus y réfléchir nos intelligences à la croyance – certes quasi-universelle – dans le mythe évolutionniste ? Est-ce bien ce que dicte la prudence et ce qu’aurait fait le grand évêque d’Hippone ?

Sur le fond, la réponse à cette question se trouve dans les pages du Livre non terminé sur la Genèse qui précède généralement son De la Genèse (prise) à la lettre, au chapitre 15. Remarquons d’abord qu’il est bien question ici du sens littéral ; c’est l’objet propre de tout ce vaste ouvrage rédigé sur une longue période. Reportons-nous au commentaire de Gn 1, 22 (« Et il les bénit en disant : Croissez et multipliez-vous et remplissez les eaux de la mer, et que les volatiles se multiplient sur la terre »). Saint Augustin n’hésite pas à établir un lien entre le texte inspiré et ses connaissances sur la reproduction (à l’identique) de tous les êtres « portant semence » (à la différence des créatures inertes) : « La bénédiction que Dieu a donnée aux êtres, pour les douer du pouvoir de reproduction, ne créait point de nouvelles créatures, mais conservait par voie de succession celles qui étaient faites. Voilà pourquoi il n’est pas dit, en parlant de cette bénédiction : « et Dieu vit qu’elle était bonne » ; car la chose même dont il confiait la conservation aux semences lui avait déjà plu. »[6]

Admirons au passage la manière dont il tire argument d’un simple non-dit pour étayer sa démonstration ! Puis il précise par l’exemple de la durée de gestation, à quel fin degré de stabilité sont tenues les espèces en raison du « Et il en fût ainsi » qui achève le verset 24 : « Car Dieu ayant donné aux semence des animaux des nombres certains de jours qui se reproduisent avec une admirable constance et un ordre parfait, en sorte qu’après avoir conçu, ils portent dans leur ventre le fruit de la conception chacun selon son espèce, pondent et couvent pendant un nombre déterminé de jours. Cette ordonnance de la nature est conservée par la sagesse divine “qui atteint avec force d’une extrémité du monde à l’autre et dispose tout avec douceur” (Sag. 8, 1). »[7]

Plus loin, au livre 4, saint Augustin s’interroge sur les sens du « repos » de Dieu au septième jour. Tirant argument de la perfection et donc de l’achèvement de Son œuvre au sixième jour, le commentaire poursuit: « On peut encore comprendre que Dieu s’est reposé de faire des genres de créatures, parce qu’en effet, il n’en créa plus de nouveaux tandis que depuis lors jusqu’à présent et désormais il agit en gouvernant les genres qu’il a faits alors.»[8]

Il faut encore noter ici que saint Augustin est le Père de l’Église que les évolutionnistes théistes croient pouvoir invoquer en leur faveur. On se demande s’ils ont lu attentivement ce De Genesi ad litteram ! Il est vrai qu’ils n’y songent peut-être pas, concernant les premiers livres de la Genèse, puisqu’ils y ont renoncé purement et simplement au sens littéral, se repliant sur l’affirmation quelque peu téméraire qu’il ne faut s’intéresser, dans ces passages, qu’au sens spirituel, seul voulu par Dieu. Comment pourraient-ils le savoir ? N’est-ce pas s’opposer une fois encore à saint Augustin, lequel conclut ainsi le chapitre 18 du Livre 1 : «  Ce n’est pas combattre pour le sens des divines Écritures, mais pour notre sens à nous, que de vouloir que notre sens soit celui des Écritures, quand nous devrions au contraire vouloir que ce fût le sens des Écritures qui fût le nôtre. »[9]

Si donc, par saine crainte de ridiculiser le christianisme, il fallait s’écarter ici du sens obvie – du sens manifeste qui a été cru et compris sans difficultés durant tant de siècles – , celui d’une création par Dieu, « au Commencement », « chacun selon son espèce », c’est avec crainte et tremblement qu’il faudrait s’y résoudre, contraint par des preuves indubitables ou des raisons absolument irréfragables. Or tel n’est pas le cas. Selon le mot de Thompson : « Puisque personne ne m’a expliqué de façon satisfaisante comment l’évolution pouvait se produire, je ne me sens pas contraint de dire qu’elle s’est produite. »[10]

Si donc un biologiste reconnu, membre de la Royal Society, sollicité par l’éditeur pour préfacer la réédition du livre de Darwin pour le centenaire de sa publication, ne se sent pas contraint de dire que l’évolution s’est produite, en quoi serait-il rationnel et indemne de ridicule de renier la lettre de la Genèse sans argument scientifique valide, par simple réflexe psychosociologique ?

Il faut de plus rappeler que la « science » dont fait mention saint Augustin est bien différente de la nôtre : les calculs auxquels il fait allusion sont ceux des astronomes de l’époque, aussitôt validés par les observations. On n’y connaît pas ces vastes empilements d’hypothèses théoriques et d’équations qui font de notre astrophysique un monstre conceptuel que nul ne maîtrise plus et dont le statut de vérité apparaît bien faible. Que dire alors de l’évolutionnisme, certes toujours paré des atours de la science, mais qui n’est, au fond, que la projection sur la nature du mythe du progrès ! Or ce sont là les deux grandes constructions savantes qui pourraient entrer en contradiction avec l’Écriture. Mais tel n’est point le genre de conflit dont traite saint Augustin. Car dans le mouvement apparent des astres, les décalages de calendrier, la nature des animaux, des plantes ou des pierres, la science se maintient dans son ordre bien assuré de connaissance du réel observable ; tandis que les théories du Big bang ou de l’évolution se proposent d’expliquer non pas la nature mais l’origine des choses et des êtres, prétention abusive et bien ridicule, s’il l’on y réfléchit.

Les lois de fonctionnement d’un objet ne donnent aucune information sur son origine. Expliquer la Joconde par la mécanique des corps déformables (les poils du pinceau) et la chimie des pigments sera sans doute fort intéressant, mais n’a rien à voir avec les raisons qui ont mû Léonard de Vinci. L’origine d’un modèle de voiture se comprend par la stratégie du constructeur et par la conception de l’usine, nullement par les lois concernant la rigidité du châssis ou la déformation des pneumatiques dans les virages.

Devant nos mythes cosmogoniques parés des atours de la science, il est clair que saint Augustin aurait décelé leur fausse philosophie naturaliste, à laquelle nulle concession n’est justifiée :

« Si, dans (de tels écrits) il se rencontre des choses contraires à nos divines Écritures – notait-il au chapitre 21 – c’est-à-dire à la foi catholique[11], nous devons montrer à l’aide d’un moyen quelconque ou regarder comme étant hors de doute que c’est une complète erreur, et nous tenir attaché à notre Médiateur, en qui sont cachés tous les trésors de sagesse et de science (Coloss. 2, 3) pour ne point nous laisser séduire par les belles paroles d’une fausse philosophie, ni effrayer par les superstitions d’une religion pleine de faussetés.»[12]

On ne voit ici nulle peur du ridicule, nul réflexe de subordination prudente aux dictats de la (fausse) science, mais la volonté de mener résolument le combat intellectuel. Une chose est donc la crainte légitime de ridiculiser la foi par nos insuffisances et nos maladresses, si nous invoquons mal-à-propos les Écritures pour défendre une interprétation erronée d’un fait avéré ; autre chose est de s’incliner d’avance devant l’autorité factice de théories fausses autant qu’impies, puisqu’il s’agit d’armes persuasives conçues et maniées par l’athéisme sous couvert de science.[13] Or la peur est mauvaise conseillère, même en politique. Saint Paul nous exhorte à prêcher la vérité à temps et à contretemps. Il convient donc de s’assurer d’abord du bien fondé des thèses défendues, de leur conformité avec les faits. Mais une fois passé ce test – et il peut durer des années – la peur du ridicule doit être surmontée : il serait même déraisonnable de ne pas la vaincre. Comment bien défendre la foi en reniant pratiquement la supériorité de la Parole de Dieu sur les vaticinations darwiniennes ? Selon le mot d’un académicien, par ailleurs Président d’honneur de la Libre Pensée, le biologiste agnostique Jean Rostand : « Pour expliquer l’évolution des espèces, certains biologistes font appel à de mystérieuses causes directrices. (…) A quoi bon déranger le surnaturel pour ne le faire œuvrer que dans le style de la nature ? »[14]On ne saurait mieux dire !


[1] La vie et la correspondance de Charles Darwin, avec un chapitre autobiographique, publiés par son fils M. Francis Darwin(1887), Trad. fr. Reinwald, 1888, t. I, p. 90.

[2] La vie et la correspondance de Charles Darwin, op. cit., T. II, p. 83., souligné par nous.

[3] Cf. Maurice Allais, « Pour une véritable déontologie scientifique », Le Cep n°36, p. 8 squ.

[4] De Gen. ad Lit., L.I, cap. 19 (P.L. 34, col. 261).

[5] Déclaration aux étudiants catholique de la Sorbonne, 15 avril 1953.

[6] De Gen. ad lit., Imperfectus liber, cap. 15, P.L. 34, col. 240.

[7] Ibidem.

[8] De Gen. ad lit., lib. 4, cap. 12 (P.L. 34, col.304).

[9] Ibid., lib. 1, cap. 18 (P.L. 34, col. 260).

[10] W.R. Thompson, Nouvelle Introduction provocatrice à L’Origine des Espèces, trad. fr. in Le Cep n° 52, p. 21.

[11] Comment d’ailleurs qualifier la foi résiduelle de ceux qui écartent d’un revers de main la lettre de l’Écriture ?

[12] De Gen. ad lit., Lib. 1, cap. 21 (P.L. 34, col. 262), souligné par nous.

[13] « L’évolution est une religion », déclarait un de ses grands-prêtres, Michaël Ruse, le 13 mai 2000 (cf. Le Cep n° 52, p. 9).

[14] J. Rostand, Carnets d’un biologiste, Paris, Stock, 1959, p. 87.

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