Partager la publication "Lettre ouverte à la communauté scientifique"
Par Lerner, Eric
Lettre ouverte à la communauté scientifique1
Résumé: On trouvera ici la traduction intégrale de la Lettre ouverte cosignée par 34 astronomes et astrophysiciens et publiée par le New Scientist en mai 2004. Les scientifiques ayant souhaité s’associer à cet appel étaient déjà plus de 200 en avril 2005, nombre considérable pour un domaine aussi pointu que l’astrophysique, lorsque nous avions publié ce texte pour la première fois, dans Le Cep n°31 ; ils sont plus nombreux encore à présent. Dans ces conditions, comment évoquer un « consensus unanime » quant au Big Bang dans un ouvrage où cette théorie est présentée comme une « preuve » de l’existence d’un Dieu créateur. Le texte original en anglais se trouve sur le site : cosmologystatement.org.
Le Big Bang aujourd’hui repose sur un nombre croissant d’entités hypothétiques, de choses que nous n’avons jamais observées : l’inflation, la matière noire, l’énergie noire en sont les exemples les plus marquants. Sans elles, il y aurait contradiction fatale entre les observations des astronomes et les prédictions de la théorie du Big Bang. Dans aucun autre domaine de la physique ce continuel recours à de nouveaux objets hypothétiques pour combler l’écart entre la théorie et l’observation, ne serait accepté, ou soulèverait, à tout le moins, de sérieuses questions sur la validité de la théorie sous-jacente.
Mais la théorie du Big Bang ne pourrait pas survivre sans ces artifices. Sans l’hypothétique expansion, le Big Bang ne prédirait pas le rayonnement cosmique de fond homogène et isotrope que l’on observe, parce qu’il n’y aurait aucune possibilité que des parties de l’univers ayant maintenant plus que quelques degrés d’écart dans le ciel, pussent atteindre la même température et émettre ainsi la même quantité de rayonnement micro-onde.
Sans une quelconque sorte de matière noire, différente de toute matière observée sur terre malgré vingt ans d’expérimentations, la théorie du Big Bang donnerait des prédictions contradictoires sur la densité de la matière dans l’univers Par exemple, l’inflation demande une densité vingt fois supérieure à celle que suppose la synthèse nucléaire du Big Bang, théorie expliquant l’origine des éléments légers. Et sans énergie noire, la théorie prédit que l’univers n’a que 8 milliards d’années environ, soit des milliards d’années de moins que l’âge de nombreuses étoiles de notre galaxie.
Pire encore, cette théorie ne peut se prévaloir d’aucune prédiction quantitative validée ultérieurement par l’observation. Les succès claironnés par ses partisans consistent en son aptitude à expliquer rétroactivement les observations avec un déploiement croissant de paramètres d’ajustement, comme la cosmologie géocentriste de Ptolémée nécessitait d’empiler les épicycles.
Pourtant, le Big Bang n’est pas la seule trame disponible pour comprendre l’histoire de l’univers. La cosmologie du plasma et l’univers stationnaire font tous deux l’hypothèse d’un univers en évolution, sans commencement ni fin. Celles-ci et d’autres approches alternatives peuvent également expliquer les phénomènes basiques du cosmos, tels que l’abondance des éléments légers, la génération de structures géantes, le rayonnement cosmique de fond, et comment le décalage vers le rouge des galaxies éloignées augmente avec la distance. Elles ont même prédit de nouveaux phénomènes qui furent ultérieurement observés, chose que le Big Bang n’a jamais réussi à faire.
Les partisans du Big Bang peuvent rétorquer que ces théories n’expliquent pas toutes les observations cosmologiques. Mais cela n’est guère surprenant puisque leur développement a été sévèrement entravé par un manque complet de financement. En fait, de telles questions et les solutions alternatives ne peuvent même pas être discutées et examinées librement. Un échange ouvert d’idées fait défaut dans la plupart des grandes conférences. Alors que Richard Feynman pouvait dire que « la science est la culture du doute », dans la cosmologie d’aujourd’hui le doute et le désaccord ne sont pas tolérés ; les jeunes scientifiques apprennent à garder le silence s’ils ont quelque chose de négatif à dire sur le modèle standard du Big Bang. Ceux qui en doutent craignent qu’en l‘exprimant, ils ne perdent leur financement.
Même les observations sont maintenant interprétées au travers de ce filtre tendancieux, jugées vraies ou fausses selon qu’elles confirment ou non le Big Bang. Ainsi, les données discordantes sur les décalages vers le rouge, l’abondance du lithium et de l’hélium dans l‘univers, et la répartition des galaxies, entre autres sujets, sont ignorées ou ridiculisées. Voilà qui reflète une mentalité dogmatique croissante, étrangère à l’esprit de la libre recherche scientifique.
Aujourd’hui, pratiquement toutes les ressources financières et expérimentales en cosmologie sont consacrées aux études sur le Big Bang. Le financement provient de quelques sources seulement, et tous les comités de pairs qui les contrôlent sont dominés par les adeptes de la théorie. En conséquence, la domination du Big Bang en cosmologie s’entretient d’elle-même, quelle que soit sa validité scientifique.
Le fait de ne soutenir que les projets favorables au Big Bang sape un élément fondamental de la méthode scientifique : la confrontation constante entre la théorie et l’observation. Cette restriction rend impossible toute discussion et recherche impartiales. Pour remédier à ceci, nous conseillons vivement aux organismes qui financent la recherche en cosmologie de consacrer une partie significative de leurs financements aux investigations dans les théories alternatives et dans les contradictions constatées du Big Bang. Pour éviter la partialité, les comités de pairs qui allouent les fonds pourraient être composés d’astronomes et de physiciens étrangers au monde de la cosmologie.
Allouer des fonds aux investigations centrées sur la validité du Big Bang et sur les alternatives possibles permettrait au processus scientifique de déterminer notre modèle le plus exact sur l’histoire de l’univers.
Noms des 34 premiers signataires :
Halton Arp, Max-Planck-Institute für Astrophysik (Allemagne) Andre Koch Torres Assis, State University of Campinas (Brésil) Yuri Baryshev, Astronomical Institute, St. Petersburg State University(Russie) Ari Brynjolfsson, Applied Radiation Industries (États-Unis) Hermann Bondi, Churchill College, Cambridge (Royaume-Uni) Timothy Eastman, Plasmas International (É-U) Chuck Gallo, Superconix, Inc.( É-U) Thomas Gold, Cornell University (émérite) (É-U) Amitabha Ghosh, Indian Institute of Technology, Kanpur (Inde) Walter J. Heikkila, University of Texas at Dallas (É-U) |
Michael Ibison, Institute for Advanced Studies at Austin (USA) Thomas Jarboe, University of Washington (É-U) Jerry W. Jensen, ATK Propulsion (É-U) Menas Kafatos, George Mason University (É-U) Eric J. Lerner, Lawrenceville Plasma Physics (É-U) Paul Marmet, Herzberg Institute of Astrophysics (retired) (Canada) Paola Marziani, Istituto Nazionale di Astrofisica, Osservatorio Astronomico di Padova (Italie) Gregory Meholic, The Aerospace Corporation (É-U) Jacques Moret-Bailly, Université Dijon (retired) (France) Jayant Narlikar, IUCAA (emeritus) and College de France (Inde, France) |
Marcos Cesar Danhoni Neves, State University of Maringá (Brésil) Charles D. Orth, Lawrence Livermore National Laboratory (É-U) R. David Pace, Lyon College (É-U) Georges Paturel, Observatoire de Lyon (France) Jean-Claude Pecker, College de France (France) Anthony L. Peratt, Los Alamos National Laboratory (É-U) Bill Peter, BAE Systems Advanced Technologies (É-U) David Roscoe, Sheffield University (É-U) Malabika Roy, George Mason University (É-U) Sisir Roy, George Mason University (É-U) Konrad Rudnicki, Jagiellonian University (Pologne) Domingos S.L. Soares, Federal University of Minas Gerais (Brésil) John L. West, Jet Propulsion Laboratory, California Institute of Technology (É-U) James F. Woodward, California State University, Fullerton (É-U) |
1 Publié dans le New Scientist, le 22 mai 2004. Aimablement traduit par Claude EON.