Partager la publication "La théorie économique des scolastiques"
Par Claude Eon
Résumé : On fait parfois, à tort, commencer la science économique avec Adam Smith. Pourtant Aristote et saint Augustin en avaient posé les bases et les scolastiques développèrent une pensée économique véritable, plus complète d’ailleurs que la pensée moderne parce qu’elle prenait en compte cet acte humain complet qu’est l’acte économique et non les seuls aspects de production et de consommation, qui focalisent l’attention des modernes. De ce fait, comme le notait Schumpeter en 1983, l’analyse économique des scolastiques aurait dû servir de guide. Elle est irremplaçable. Ainsi les concepts d’utilité, de production et de distribution finale furent clairement élaborés, mais avec une idée d’équilibre, appréhendé sous la forme de la justice dans l’échange (justice commutative). Surtout, les scolastiques considéraient que l’utilité, fondement de la notion de valeur économique, relevait toujours d’une fin humaine, attachée donc à une ou plusieurs personnes. Le rat, être animé, est ontologiquement supérieur au pain ; cependant nous préférons avoir du pain à la maison plutôt que des rats. Comme Aristote, les scolastiques prenaient en compte le capital humain, avec son niveau de qualification, ce que les économistes n’ont redécouvert qu’en 1961. Mais l’analyse des scolastiques ne considérait pas la croissance économique, qui ne se produisit que par la suite, alors que cette notion essentielle doit être prise en compte dans la controverse sur l’intérêt. Cette école connut de brillants représentants jusqu’au XVIIe siècle, dont l’héritage fut recueilli par Grotius et Pufendorf : dans ce domaine, les protestants pouvaient enseigner les auteurs catholiques, et réciproquement. Ainsi le XVIIIe siècle, en abandonnant l’utilité et la justice distributive, en ne considérant plus que la production et l’échange, vit naître une théorie tronquée, donc néfaste et réductrice, en faisant de l’intérêt égoïste l’unique moteur de l’économie. Espérons que les économistes ouvriront un jour les yeux et redonneront à leur discipline la complétude hors de laquelle il n’est point de science vraie.
La plupart des historiens de l’économie écrivent qu’Adam Smith fut le premier des économistes. En réalité, la pensée économique est beaucoup plus ancienne, comme en témoigne, entre autres, l’œuvre d’Aristote. D’autre part, les Pères de l’Église traitèrent en maintes occasions de questions économiques, notamment saint Augustin d’Hippone. Au XIIIe siècle, saint Thomas d’Aquin devait réaliser la synthèse de toutes ces sources. En effet, tout acte « économique » est un acte moral, il est donc normal que le théologien moraliste s’intéresse à cette activité humaine quotidienne.
On peut ainsi parler légitimement d’une théorie économique propre aux scolastiques, en vigueur depuis le XIIIe jusqu’au XVIIIe siècle. Dans son Histoire de l’analyse économique (1954, réédit. Paris, Gallimard, 2004), Joseph Schumpeter conclut ainsi son chapitre relatif à cette école :
« Grâce au plus haut raffinement intellectuel des hommes qui l’avaient créée, et à leur distance par rapport aux questions pratiques de politique économique, leur analyse économique avait un caractère original. En l’examinant, nous ne pouvons manquer de relever une formulation plus correcte des problèmes fondamentaux, une vision plus large des problèmes pratiques, qui annoncent d’avance des opinions bien postérieures1. »
Toute la théorie économique peut être reconstruite à partir des quatre éléments que saint Thomas a rassemblés en puisant dans deux sources, Aristote et saint Augustin. Le génie de l’Aquinate est d’avoir reconnu que pour avoir une vue correcte de la nature humaine il fallait assembler les conceptions de ces deux hommes. En outre, la synthèse thomiste contient la première description historiquement complète de ce qui est impliqué dans toute action économique, description non seulement formellement complète, mais valide à tous les niveaux : de l’individu à la famille, à l’entreprise ou à la société à but non lucratif, à la nation, à l’économie mondiale.
Le principe fondamental de la théorie économique des scolastiques peut paraître si évident qu’il semble inutile de le mentionner, mais pourtant son ignorance est la source de bien des embarras des économistes modernes. L’économie est l’étude d’un certain aspect de l’action humaine, et les humains diffèrent qualitativement des autres êtres animés. Les hommes sont des « animaux rationnels » comme le dit Aristote, « faits à l’image et comme la ressemblance de Dieu » ainsi que le dit la Bible (Gn 1, 26). L’intellect – la capacité à saisir et exprimer ce que sont les choses – est ce qui définit la « personne ». Les hommes sont les seuls « animaux » à être des personnes ; les autres êtres animés ont, comme nous, des sens, la mémoire, l’affection, l’aversion et ils font souvent preuve d’intelligence pour calculer leurs moyens, mais ils n’ont pas d’intellect. Les autres animaux peuvent donc exercer des choix, mais non le libre choix : ils peuvent choisir leurs moyens, mais non leurs fins car celles-ci sont prédéterminées par leur inclination naturelle. Les personnes peuvent choisir leurs fins aussi bien que leurs moyens, et le but, la finalité ultime de toute action humaine, est toujours une (ou plusieurs) personne(s).
La théorie économique fondée sur une telle base est à la fois descriptive et normative. Du point de vue descriptif, les scolastiques considèrent qu’il y a trois traits irréductibles inhérents à toute activité économique, qu’il s’agisse de l’individu ou de l’économie mondiale : l’utilité, la production et la distribution finale de la richesse. Ceci correspond, respectivement, au choix des moyens, à la production de ces moyens et au choix des personnes qui sont les raisons ultimes de l’acte économique. Ces trois aspects sont unis sous la condition de l’équilibre que les scolastiques, à la suite d’Aristote, appelèrent la justice dans l’échange, ou justice « commutative ». Puisque ces quatre éléments sont nécessaires, peu importe l’ordre dans lequel on les analyse.
1. Utilité :
La théorie de l’utilité, fondement de la valeur économique, fut suggérée par Aristote puis explicitement formulée par saint Augustin. Lorsque nous considérons les choses en elles-mêmes, nous reconnaissons une échelle dans la hiérarchie des êtres allant des objets inanimés, aux plantes, aux animaux, à l’homme et finalement à Dieu. « Mais cet ordre de préférence est celui de la nature. Il en est un autre fondé sur une estime dépendante de l’usage2. » L’utilité est la valeur d’une chose prise non pas dans sa qualité ontologique, mais comme moyen en vue de la fin poursuivie par celui qui agit, fin qui relève toujours finalement d’une ou de plusieurs personnes. Par exemple, dit saint Augustin, « Qui n’aimerait pas mieux avoir chez soi du pain que des rats, et des écus que des puces ?… La raison veut apprécier l’objet dans sa nature et son ordre, et la nécessité ne connaît d’autre guide que son intérêt… ».
À la différence de l’échelle ontologique, l’échelle de préférence selon l’utilité est affectée par la rareté relative des biens.
Augustin introduisit aussi une distinction fondamentale entre les biens « privés », comme le pain qu’une seule personne à la fois peut consommer, et les biens « publics », comme un concert, ou la police, dont beaucoup de gens peuvent bénéficier en même temps sans en altérer la substance. « Il faut donc entendre, par une chose qui nous est propre et nous appartient comme privément, une chose que chacun de nous possède seul, … et, au contraire, il faut appeler choses communes, et comme publiques, les choses que tous ceux qui les sentent perçoivent sans les corrompre et sans les transformer3. »
Les actes économiques de l’individu ou de la famille concernent surtout les biens privés ; l’économie politique s’intéresse surtout aux biens publics.
2. Production :
L’utilité est à l’origine de la transformation des choses que nous trouvons dans la nature, afin de produire des choses que nous apprécions davantage. Il faut donc expliquer comment les moyens sont produits. Selon Aristote, la propriété est une partie de la famille et l’art de l’acquérir une partie de l’administration familiale, laquelle doit nécessairement recourir à des instruments appropriés. « Les instruments sont soit inanimés, soit animés, par exemple pour le pilote le gouvernail est un instrument inanimé, alors que le timonier est animé (car l’exécutant dans les différents métiers entre dans la catégorie de l’instrument)4. » Certains instruments, votre lit par exemple, satisfont directement le besoin, alors que d’autres servent à fabriquer d’autres outils. Ainsi il existe deux sortes de richesses : ce que les économistes modernes appellent le « capital humain » (les qualités utiles de l’être humain) et le « capital non-humain » (l’utilité des autres choses). Pour produire davantage de l’une et de l’autre richesse, il faut généralement le concours des deux facteurs.
À l’époque d’Aristote les deux sortes de richesses étaient produites dans la famille, et les esclaves formaient la partie principale du capital humain. De nos jours, la conception chrétienne de la personne humaine a conduit à l’abolition de l’esclavage, et les fonctions économiques de l’ancienne famille ont fait place à des entités plus spécialisées, telles que l’entreprise moderne pour la production des biens matériels et la famille pour « produire » et élever les personnes humaines.
Le capital humain :
Par « capital », la plupart des économistes et le public en général pensent à l’argent immobilisé en immeubles, valeurs mobilières, machines, etc. Aristote, cependant, traitant de l’esclavage dans Les Politiques et de sa place dans l’économie domestique, écrivait ceci :
« Or, parmi les instruments [dont l’économie domestique a besoin] les uns sont inanimés, les autres vivants ; par exemple, pour le patron du navire, le gouvernail est un instrument sans vie, et le matelot qui veille à la proue, un instrument vivant5. »
Aristote précise que « les instruments, proprement dits, sont donc des instruments de production ; la propriété au contraire est simplement d’usage », mais dans l’économie domestique dont il traite à cet endroit, celle-ci n’est pas une unité de production mais seulement d’usage, c’est pourquoi l’esclave « ne sert qu’à faciliter tous ces actes d’usage ». A contrario on peut en déduire que dans le cadre d’une entreprise, l’être humain, et pas seulement l’esclave, doit être considéré comme un instrument, c’est-à-dire comme un élément du capital au même titre que le capital matériel, mais « supérieur à ces autres instruments » comme le souligne saint Thomas dans son commentaire.
Cette notion de « capital humain », négligée par la théorie économique depuis les scolastiques, fut redécouverte en 1961 par un article légendaire de l’économiste américain Théodore Schultz6.
Elle fut à la base des travaux, fortement controversés, de cet autre économiste américain, Gary Becker.
« Beaucoup de choses que nous appelons « consommation » constituent un investissement en capital humain. Les dépenses directes pour l’éducation, la santé, les migrations internes pour bénéficier de meilleures situations, en sont de bons exemples. Les revenus sacrifiés par les étudiants et par les travailleurs en formation sur le tas, sont également de clairs exemples. Pourtant, ces dépenses n’entrent nulle part dans nos comptes nationaux. Le temps de loisir pouvant servir à améliorer les aptitudes et la connaissance n’est pas enregistré non plus. Par tous ces moyens et autres semblables, la qualité de l’effort humain peut être fortement améliorée et sa productivité accrue. Je prétends qu’un tel investissement dans le capital humain explique la plus grande partie de la croissance impressionnante du revenu réel par travailleur7. »
Ces conclusions ont été confirmées par les recherches ultérieures de l’économiste John Kendrick. Il ressort de ses études que la croissance du capital humain explique environ les deux tiers de la croissance économique aux États-Unis, tandis que la croissance du capital matériel (y compris les dépenses de recherche et de développement et les investissements en immeubles et machines) explique le dernier tiers. La grande différence entre ces deux formes est que le capital matériel a une rentabilité constante et identique pour tous (si le marché fonctionne correctement), alors que la rentabilité du capital humain évolue selon le cycle de la vie, puisqu’elle est nulle pendant la période d’acquisition des compétences, mais s’accroît pendant la vie professionnelle active où elle passe par un maximum, avant de décliner jusqu’à la retraite. La fiscalité ne tient jamais compte de cette réalité.
Ainsi cette redécouverte du capital humain est une confirmation et une mise au jour de l’analyse aristotélicienne de la production, pour laquelle le philosophe grec distinguait ces deux formes : capital humain et capital non humain (ou matériels tangible et intangible).
3. Distribution Finale :
Selon quels principes distribuons-nous la richesse ? Aristote a noté que toute communauté humaine suit nécessairement un principe de distribution des biens (et des charges) communs, qu’il appela la justice distributive :
« Et ce sera la même égalité pour les personnes et pour les choses car le rapport qui existe entre ces dernières, à savoir les choses à partager, est aussi celui qui existe entre les personnes…
… La justice dans la distribution doit se baser sur un mérite de quelque sorte, bien que tous ne choisissent pas le même mérite8. »
Dans son Commentaire d’Aristote, saint Thomas précise que la distribution de biens communs « devra se faire de façon que soit donnée aux individus une part du commun d’après cette proportion selon laquelle eux-mêmes contribuent au bien commun ». La répartition des charges doit naturellement se faire selon le même principe de proportionnalité. Dans tous les cas les biens sont distribués en proportion géométrique de l’importance ou du mérite des membres de la communauté. Aristote pense surtout ici à la distribution politique et aux différents critères possibles : le statut de liberté pour la démocratie, la richesse ou le statut social pour l’oligarchie et la vertu pour l’aristocratie.
Cette analyse est toujours valable de nos jours. Elle nous dit exactement de quoi nous discutons lorsqu’il s’agit des impôts ou des avantages publics. Nous parlons de deux choses : quelle quantité de la richesse privée (et de qui) sera appropriée comme richesse commune ? quelle sera la part de chacun, à l’actif et au passif ? Tout le monde accepte le principe selon lequel les parts doivent obéir à quelque règle, mais celle-ci fait rarement l’unanimité.
Sans une théorie de la distribution personnelle, cependant, la valeur pratique de cette analyse est limitée car elle ne peut pas expliquer pourquoi ou comment les personnes fondent des familles ou s’unissent en communautés politiques.
Saint Augustin donna une théorie de la distribution personnelle en observant que toute personne, en vertu de son interdépendance naturelle avec d’autres personnes, a également un principe de distribution de sa propre richesse entre elle-même et autrui : le degré de son amour pour les autres et pour elle-même.
Augustin n’est pas le premier à dire que les personnes doivent être traitées comme des fins et non comme des moyens. Ce qui distingue Augustin est son observation que tout acte humain a toujours pour fin une personne : autrui ou soi-même. Aristote, entre autres, s’était demandé si le bonheur consistait à prendre pour bien suprême la richesse ou la célébrité ou la vertu ou le plaisir. Et une doctrine morale philosophique correspondait à chacune de ces options. Augustin dépasse ces considérations :
« Ainsi, malgré l’amour que l’avare éprouve pour son argent, il ne laisse pas que d’acheter du pain et, dans ce but, il donne son argent, qu’il aime passionnément et désire accroître sans cesse ; mais il estime encore plus la vie de son corps que ce pain doit soutenir9. »
En dépit de l’apparence, l’amour ultime de l’avare est lui-même et non l’argent. Mais il n’est pas vrai pour autant que chacun n’agit toujours que dans son propre intérêt. C’est justement ce que chaque personne est libre de décider. Tout choix économique est donc un choix moral. En d’autres mots, chacun de nous a une échelle de préférence des biens comme moyens, mais aussi une échelle de préférence des personnes comme fin de nos actes.
« La société humaine repose sur un commerce de mutuel échange10 », mais ces transactions sont de deux genres essentiellement différents : la vente ou le don. En général nous donnons notre richesse à ceux que nous aimons le plus et nous vendons (ou échangeons) aux autres. Aristote avait établi que d’aimer autrui signifiait lui vouloir quelque bien, Augustin va beaucoup plus loin en expliquant que la part de ses biens que chacun donne aux autres est proportionnelle à l’amour qu’il leur voue.
Deux personnes échangent de la richesse lorsqu’elles prennent des personnes différentes comme fin de leur action : je veux procurer un bien à ma famille, pas à la vôtre, et vous voulez procurer un bien à votre famille, pas à la mienne. Ainsi le caractère spécifique de la relation économique (l’échange) n’est pas l’égoïsme.
4. L’équilibre :
Les trois éléments irréductibles de toute activité économique (utilité, production et distribution finale) sont présents même lorsqu’il n’y a pas d’échange. Mais en général nous ne considérons pas la vie économique de Robinson Crusoë, mais plutôt celle des membres d’une communauté intégrée par l’échange, la monnaie et une production diversifiée. Aristote dit que, dans ce cas, le revenu des producteurs provient de la vente des produits et que la part de chacun dépend de sa contribution à la valeur du produit. « Quand la transaction n’entraîne pour eux ni enrichissement ni appauvrissement, mais qu’ils reçoivent exactement ce qu’ils ont donné, ils disent qu’ils ont ce qui leur revient et qu’il n’y a ni perte ni gain11. » C’est ainsi que l’ont compris saint Albert le Grand, saint Thomas et tous les scolastiques. L’égalité entre la valeur du produit et le revenu des facteurs, ou justice dans l’échange, est nécessaire pour l’équilibre économique et pour la survie du système économique. Mais une telle égalité ne se réalise qu’en l’absence de tout monopole ou autre obstacle au bon fonctionnement du marché, car c’est seulement dans ce cas que personne ne peut truquer les prix en sa faveur. Le prix déterminé dans ces conditions était le « juste prix » des scolastiques appelé maintenant « prix d’équilibre » ; il relève de la justice « commutative ». Dans les économies modernes, la justice dans l’échange est souvent bafouée par les pratiques d’entente entre producteurs, de monopole, de délits d’initiés, de comptabilité frauduleuse, etc.
Le problème moral de la rareté :
Le mérite de la théorie du choix d’Augustin est de décrire les comportements tant du saint que du pécheur.
L’un et l’autre ont besoin de moyens pour vivre, apprécient l’utilité des biens et ont leur propre échelle de préférence quant aux personnes. Le vertueux prend certaines personnes autres que lui-même comme fin et les biens inférieurs comme moyens. Le pécheur considère tous les hommes, sauf lui-même, comme de purs moyens. La norme morale gouvernant les préférences pour la fin et les moyens se résume en deux grands commandements : « Tu aimeras Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force12 » et « Tu aimeras ton prochain comme toi-même13. » Ce ne sont pas là des « conseils de perfection » destinés aux chrétiens ou aux juifs, mais une règle de raison liant naturellement la conscience de tout un chacun, partout et toujours. Il n’y a pas besoin du commandement « tu t’aimeras toi-même », dit saint Augustin, parce que chacun s’aime naturellement. Le vrai problème est de s’aimer soi-même de façon ordonnée, c’est-à-dire en observant la bonne hiérarchie des personnes comme fin et des biens comme moyens.
Augustin et Thomas à sa suite ont placé le fait de la rareté au centre de la décision morale. Au niveau individuel, puisque l’amour signifie toujours vouloir du bien à autrui, aimer son prochain comme soi-même dépend de la nature du bien en question, s’il est « diminué par son partage avec les autres », autrement dit s’il est rare. « Car posséder sans la donner une chose qui se donne sans s’épuiser, c’est ne pas la posséder encore comme il convient14. » Nous pouvons toujours éviter de blesser notre prochain et c’est pourquoi il n’y a pas d’exception aux interdictions de meurtre, de vol, d’adultère, etc. Mais la part de notre richesse pouvant être distribuée aux autres est limitée en pratique parce que personne, quelle que soit sa fortune, ne peut la partager également entre tous et conserver pour lui-même de quoi vivre. Cela signifie que lorsqu’il s’agit de biens rares, « aimer son prochain comme soi-même » ne peut pas vouloir dire aimer son prochain d’un égal amour pour soi-même.
« On doit un égal amour à tous les hommes ; mais comme il nous est impossible de faire du bien à tous, il faut consacrer de préférence nos services à ceux qu’en raison des temps, des lieux, ou de toute autre circonstance, le sort nous a en quelque sorte plus étroitement unis15. » Le bon Samaritain16 est l’exemple classique « d’aimer son prochain comme soi-même ». Cette parabole est intéressante non seulement pour son aspect moral, mais aussi économique. Elle illustre toutes les transactions économiques possibles, décrites par Augustin dans sa théorie de la distribution personnelle, ainsi que les évaluations des autres personnes par rapport à nous-mêmes qui leur correspondent.
Les voleurs se sont donnés une évaluation positive et à la victime une évaluation négative en lui volant ses biens, sa santé et peut-être sa vie. Le prêtre et le lévite ont accordé une importance nulle à la victime en la laissant mourir. Par ailleurs, le Samaritain et l’aubergiste ont accompli entre eux un acte d’échange, signe de bienveillance mais non de bienfaisance, chacun recevant autant que ce qu’il donne. Enfin le Samaritain a donné une évaluation positive à la victime, exprimant son amour de bienfaisance en distribuant une part de ses biens rares à la victime. La mention spécifique de la valeur approximative de ce don montre que l’amour du prochain ne demande pas quelqu’acte héroïque impossible, mais demande seulement, à l’occasion, de surmonter ses propres réticences à faire ce qui demeure possible.
La même doctrine est vraie pour les décisions de nature politique. Les limites imposées par la rareté s’appliquent également : l’égalité des parts peut se réaliser au sein d’une communauté réduite telle que la famille, mais elle ne peut s’étendre à la nation ou au monde. Le fait de la rareté demande que la plus grande part de la richesse soit propriété privée : en effet pour l’administration de biens rares la propriété privée offre le triple avantage d’une meilleure productivité, de l’ordre et de la paix sociale. Cependant la possession de la richesse ne coïncide pas nécessairement avec son usage : c’est tout le problème des décisions sur la distribution finale.
5. La synthèse thomiste :
Ainsi Aristote et saint Augustin sont-ils à l’origine des quatre éléments de toute théorie économique. En les intégrant dans un système cohérent, saint Thomas a donné un outil analytique que les économistes n’ont cessé d’utiliser depuis, permettant d’expliquer n’importe quel événement économique. Mais loin d’être l’apogée de la théorie économique scolastique, l’analyse de l’Aquinate en marque plutôt le commencement.
Ce dernier date approximativement de l’année 1250, lorsqu’Albert le Grand découvrit et traduisit l’Éthique à Nicomaque à l’université de Cologne, assisté de Thomas d’Aquin. Celui-ci, dans son propre commentaire de l’Éthique,traita de trois des quatre fonctions économiques (la distribution, l’utilité, l’équilibre), tandis qu’il décrivit la fonction de production dans son commentaire des Politiques. La même analyse se trouve dispersée dans sa Somme théologique. Malgré saint Thomas, l’apport de saint Augustin a été largement ignoré. L’Aquinate, en son œuvre économique, fut victime de son aristotélisme, encore qu’il s’en fût largement démarqué.
Les « économistes » scolastiques connaissaient très bien la nature et la cause de la richesse des nations. Cependant, « le motif de l’analyse scolastique était manifestement non une pure curiosité scientifique, mais le désir de comprendre ce qu’ils devaient juger d’un point de vue moral… Ils écrivaient pour servir bien des desseins, mais principalement pour l’instruction des confesseurs17 ». Leur théorie contenait tout le nécessaire pour expliquer l’investissement et la croissance économique – laquelle consiste à produire les ressources humaines et matérielles plus vite qu’elles ne sont consommées. Mais, comme la plupart des économistes, ils s’appuyèrent sur quelques hypothèses qui paraissaient justifiées par l’expérience. C’est ainsi qu’ils adoptèrent l’hypothèse aristotélicienne voulant que la population et son niveau de vie n’augmentent pas : l’humanité semblait n’avoir jamais connu une augmentation importante et durable, ni de l’une ni de l’autre. Une des raisons pour laquelle cette augmentation ne se produisait pas était que la durée moyenne de la vie humaine n’augmentait pas.
Or, la durée de la vie est un facteur déterminant du taux d’investissement en capital humain et en capital matériel. L’espérance moyenne de vie en Angleterre aux XIVe et XVe siècles était de 24 ans, soit sensiblement la même que dans la Rome antique. Cette longévité est trop courte pour qu’une personne puisse acquérir beaucoup de capital humain et matériel. Le revenu réel moyen par tête demeurait donc faible et sans croissance. Les choses s’améliorèrent quelque peu aux XIIe et XIIIe siècles, mais la peste noire du XIVe siècle renversa la tendance. Le recul de la mortalité permit à l’espérance de vie en Angleterre, au milieu du XVIe siècle, d’atteindre 34 ans environ. Population et niveau de vie commencèrent alors à croître. Pour l’Europe de l’Ouest, le taux de croissance de la population passa de 0,16 %, pour la période 1000-1500, à 0,26% de 1500 à 1820, et à 0,69% de 1820 à 187018.
Les hypothèses de stagnation retenues par les scolastiques ne tinrent pas compte de cette réalité, alors que leur théorie pouvait parfaitement l’expliquer. Ces hypothèses jouèrent un rôle décisif dans la controverse sur l’intérêt. Comme le note Schumpeter, « le facteur fondamental qui élève le taux d’intérêt au-dessus de zéro est la présence constante de profits commerciaux » ; il est donc évident qu’une économie stagnante produit peu ou pas de profits, et que le rôle de l’argent est différent dans une telle économie de ce qu’il est dans une économie dynamique.
Après saint Thomas, la théorie économique des scolastiques connut un brillant développement du XIVe au XVIIe siècle. Jean Buridan (1300-1358) et surtout Nicolas Oresme (1320-1382), évêque de Lisieux, conseiller écouté du roi Charles V, présentèrent leurs idées économiques dans leurs commentaires des œuvres d’Aristote. Oresme est l’auteur d’un traité, intitulé De origine, natura, iure et mutationibus monetarum, dans lequel il affirmait que la monnaie appartenait au public et non au prince, lequel n’avait donc pas le droit de la dévaloriser en manipulant la matière (or, argent) et le poids des pièces. Il déclara aussi que lorsque deux monnaies de valeur différente circulent dans un pays, la monnaie de moindre valeur chasse la bonne.
Cette loi fut également découverte par Copernic, auteur d’une étude sur la réforme de la monnaie en Prusse, et par Thomas Gresham (1519-1597) qui lui a donné son nom actuel. Saint Bernardin de Sienne (1380-1444) et saint Antonin (1389-1459), archevêque de Florence, reconnurent comme source de valeur l’utilité, la rareté et la complacibilitas ou « aptitude à plaire ». Le juste prix est déterminé par « l’estimation faite en commun par les citoyens de la communauté ». Enfin il faut mentionner le cardinal Cajetan (1468-1524), auteur de trois brefs traités sur l’usure, le cambium (change) et sur le Mont de Piété. Le trait commun à tous ces auteurs est leur intérêt pour les questions monétaires et l’immense question de l’usure, au moment où les techniques bancaires commençaient à se développer et posaient un problème moral que les confesseurs devaient savoir évaluer.
Avec l’École de Salamanque, les questions monétaires vont passer au premier plan à cause de l’afflux d’or et d’argent (d’Amérique) dans l’Espagne d’alors. Les questions juridiques liées aux relations entre les conquérants espagnols et les peuples conquis furent aussi largement traitées. Par exemple, il y eut un grand débat philosophique sur les avantages et les inconvénients de la propriété privée, inspiré par les rapports sur les communautés amérindiennes primitives, spécialement la société collectiviste du Pérou, qui étaient conçues comme des survivances d’un Âge d’or où tout était détenu en commun.
Les problèmes pratiques de la vie économique quotidienne devenaient chaque jour plus pressants. L’inflation offrait des occasions inédites d’enrichissement et les avertissements solennels de l’Église contre un amour immodéré du gain restèrent trop souvent sans effet. La prohibition de l’usure était respectée du bout des lèvres, mais, puisque les théologiens eux-mêmes ne s’accordaient pas sur la définition du terme, les laïcs pouvaient difficilement être blâmés s’ils tombaient dans « l’erreur ». Les formes les plus flagrantes d’usure étaient universellement pratiquées, généralement sous un déguisement inventé pour cacher la véritable nature de la transaction. Il devenait urgent de concilier le nouvel ordre économique avec la doctrine thomiste.
C’est ce que réalisèrent avec un succès certain les théologiens-économistes de l’École de Salamanque19. Le premier d’entre eux et le plus célèbre fut le dominicain Francisco de Vitoria (1485-1546). Parmi ses contemporains, les deux meilleurs auteurs économistes furent Domingo de Soto (1495-1560) et Martin de Azpilcueta Navarro, plus connu sous le nom de Navarrus (1493-1586). En 1556, celui-ci publia la première formulation explicitant le coût élevé de la vie par l’afflux des métaux précieux. La paternité de la théorie quantitative de la monnaie est généralement attribuée à Jean Bodin dans sa Réponse à M. de Malestroit qui date de 1568, donc postérieure de 12 ans au texte de Navarrus. L’École produisit encore de nombreux auteurs jusqu’au XVIIe siècle.
L’héritage de l’École de Salamanque fut recueilli par les auteurs protestants, notamment par Grotius (1583-1645) très influencé par les juristes espagnols. Sa doctrine fut reprise et développée par le luthérien Samuel Pufendorf (1632-1694), dont les écrits furent traduits dans les principales langues européennes et constituèrent jusqu’à la fin du XVIIIe siècle les manuels de droit naturel les plus utilisés. Son œuvre principale, Les devoirs de l’homme et du citoyen tels qu’ils lui sont prescrits par la Loi naturelle20, contient les quatre éléments de base de la théorie économique. Le fait que Pufendorf était un luthérien, qui écrivit une histoire critique de l’Église catholique, et que ses théories furent enseignées à l’université calviniste de Glasgow montre que la conception scolastique de la théorie économique était largement connue et acceptée, tant par les catholiques que par les protestants. Les œuvres de Grotius et de Pufendorf furent continuées en Angleterre par Francis Hutcheson, qui fut le professeur d’Adam Smith. Pufendorf était aussi très lu dans les colonies américaines et chaudement recommandé par Alexander Hamilton, le premier ministre des Finances, qui se garda bien d’appliquer aux États-Unis les conseils du Wealth of Nations d’Adam Smith.
6. L’abandon de la théorie scolastique :
La théorie des scolastiques a régné de 1250 à 1776. L’économie « classique » lui succéda à partir de 1776, lorsqu’Adam Smith réduisit les quatre éléments à deux, en essayant d’expliquer ce qu’il appelait la « division du travail » en ne gardant que la production et l’échange. Smith abandonna la théorie de l’utilité d’Augustin (décrivant la consommation), et il remplaça la distribution personnelle d’Augustin, ainsi que la justice distributive d’Aristote, par le (souvent faux) principe que chaque individu ne recherche que son propre gain. Il défigurait ainsi la notion de « distribution » en réunissant deux éléments soigneusement distingués par les scolastiques : la distribution proprement dite et la justice dans l’échange.
L’élimination par Smith de la théorie augustinienne de la distribution personnelle est manifeste dans le passage suivant : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais de l’attention qu’ils portent à leur propre intérêt. Nous nous adressons non à leur humanité mais à leur amour d’eux-mêmes, et nous ne leur parlons jamais de nos propres besoins mais de leur avantage21. »
Pour Augustin, la principale raison pour laquelle le boucher ou le boulanger ne servent pas leurs clients par bienfaisance n’est pas leur amour exclusif d’eux-mêmes, mais que chacun est confronté à la rareté. Si le boulanger partageait son pain avec tous ses clients au lieu de le leur vendre, il ne lui resterait presque rien pour lui-même et sa famille. La théorie d’Augustin explique aussi pourquoi le boucher, ou le boulanger, partage avec sa famille et ses amis, mais pas avec ses clients : il aime ceux-ci de bienveillance, mais aime sa famille à la fois de bienveillance et de bienfaisance. Il vend ses produits aux clients pour gagner le moyen de nourrir sa famille et lui-même.
La théorie d’Augustin de la distribution personnelle explique la différence essentielle entre le don et l’échange, et elle manifeste dans quelle mesure chacun de nous est motivé par l’amour de soi-même et l’amour du prochain.
Smith n’a pas saisi le fait que le comportement charitable est inconciliable avec une théorie qui réduit toutes les transactions humaines à de l’échange et à de l’égoïsme. Il n’explique pas du tout pourquoi les clients du boucher n’attendent jamais leur dîner de sa bienfaisance, alors que ses enfants, et parfois ses amis, le font toujours.
Pour comprendre l’abandon par Smith de l’économie des scolastiques, il faut souligner deux faits. Premièrement, Smith voulait faire en philosophie morale ce qu’Isaac Newton avait fait pour la science : réduire tous les phénomènes économiques à un principe unique tel celui de la gravité en physique. Dans sa Théorie des sentiments moraux, il réduisit toute la moralité au seul principe de la « sympathie ». Dans la Richesse des Nations, il a essayé de réduire toute l’activité économique au « travail », sans d’ailleurs proposer de conciliation entre ses deux principes fondateurs.
Deuxièmement, ayant abandonné la foi de son baptême chrétien bien avant d’écrire la Richesse des Nations, il était devenu pur stoïcien. Or, la « providence » du panthéisme stoïcien diffère sur deux points de la loi naturelle d’Augustin et de Thomas. D’abord, le dieu stoïcien n’est pas le Créateur, mais l’âme du monde, d’un univers incréé et éternel. Ensuite, il en découle nécessairement que les hommes ne sont pas des créatures dotées de raison et de libre arbitre, mais plutôt des appendices de Dieu, prédestinés dans tout ce qu’ils font, en bien ou en mal. Ce que nous appelons notre raison, prétend Smith, n’est que la rationalisation d’actes que nous ne comprenons pas vraiment. Ainsi, vices et « folies » aussi bien que sagesse et vertu tendent également à produire l’ordre dans la société humaine.
Pour Augustin, au contraire, l’ordre que nous observons dans le marché et dans la société résulte entièrement de la vertu. Ainsi Smith rejeta la théorie scolastique de la distribution finale et de l’utilité parce qu’elle présuppose un comportement rationnel finalisé. Pour Smith, les décisions concernant la fin et les moyens, plutôt que d’être décidées par des êtres humains, leur sont finalement dictées par une impénétrable « providence » stoïcienne.
À partir de 1872, à l’économie « classique » succède l’économie « néo-classique » lorsque trois économistes insatisfaits par la théorie de Smith – Jevons en Angleterre, Menger en Autriche et Walras en Suisse –, indépendamment mais simultanément, réinventèrent la théorie de l’utilité de saint Augustin. Ils avaient trois raisons pour abandonner la vision de Smith. Sans théorie de l’utilité, les « classiques » étaient incapables de répondre à certaines questions, à celle-ci par exemple : pourquoi des biens qu’aucun travail ne peut reproduire ont-ils une valeur ? Les classiques firent aussi des prédictions qui s’avérèrent complètement fausses, comme la loi d’airain des salaires, selon laquelle l’augmentation de la population interdirait la hausse du niveau de vie. Enfin, la théorie classique fut responsable de l’analyse désastreuse de Karl Marx. Les néo-classiques ont donc rétabli l’élément abandonné par Smith, l’utilité, mais il manque toujours, jusqu’à aujourd’hui, une théorie de la distribution finale.
7. Conclusion : les trois visions du monde
Lorsque saint Paul prêchait sur l’agora d’Athènes, parmi ses interlocuteurs se trouvaient « quelques philosophes épicuriens et stoïciens22 ». Étaient ainsi rassemblés les représentants des trois visions du monde : la loi naturelle gréco-biblique, le panthéisme stoïcien et l’épicurisme matérialiste. À chacune de ces conceptions du monde correspond une théorie économique. Pour l’école scolastique, l’économie est une théorie de providence rationnelle, décrivant comment les animaux politiques rationnels, que nous sommes, choisissent à la fois les personnes, comme fin, et les moyens rares utilisés par ou pour ces personnes, s’exprimant par la production et l’échange. En abandonnant la distribution (le choix des personnes comme fin) et la consommation, Smith exprimait le panthéisme stoïcien dans lequel l’homme ne choisissait rationnellement ni la fin ni les moyens : tout individu « ne cherche que son propre gain et, dans ce cas comme dans bien d’autres, c’est une main invisible qui le conduit à promouvoir une fin qui n’était nullement dans ses intentions23 ».
En restaurant l’utilité, le choix des moyens, mais non la distribution finale (le choix des personnes comme fin), l’économie néo-classique exprime le matérialisme épicurien, qui voit en l’homme un animal intelligent sachant calculer ses moyens, mais n’ayant pas d’autre choix que sa propre satisfaction, puisque, comme le dit Hume, « la raison n’est et ne doit être que l’esclave des passions24 ».
Si l’on admet que l’activité économique consiste d’abord à choisir les personnes qui sont la fin de notre action – ce qui détermine notre distribution de biens en leur faveur –, ensuite à choisir les moyens forcément limités et finalement à produire les biens et à les échanger, seule la description, d’ailleurs normative, des scolastiques répond complètement aux exigences de l’économie. Il va de soi que la politique économique doit s’inspirer de cette doctrine au lieu de céder à une idéologie sans fondement rationnel. Nous pouvons donc conclure en disant que l’économie est essentiellement une théorie de la Providence : elle décrit comment nous nous procurons les biens pour nous-mêmes et pour d’autres personnes que nous aimons, en utilisant des moyens rares qui pourraient avoir d’autres usages.
Sources :
MUELLER,John D., Redeeming Economics : Rediscovering the Missing Element, É-U, Wilmington, ISI Books, 2014.
Et nombreux articles du même auteur.
1 J. SCHUMPETER, Histoire de l’analyse économique, Gallimard 1983, T 1, p. 202.
2 AUGUSTIN D’HIPPONE, La Cité de Dieu, XI, 16.
3 Traité du libre arbitre, II, 7.
4 ARISTOTE, Les Politiques, I, 4.
5 Id.
6 Th. SCHULTZ, “Investment in human capital”, The American Economic Review, mars 1961.
7 Id. BECKER est cité par SCHULTZ…
8 ARISTOTE, Éthique à Nicomaque, V, 6.
9 AUGUSTIN, De la doctrine chrétienne, I, 26.
10 AUGUSTIN, Lettre à Simplicius.
11 ARISTOTE, Éthique à Nicomaque, V, 7.
12 Dt 6, 5.
13 Lv 19, 18.
14 AUGUSTIN, De la doctrine chrétienne, I, 1.
15 AUGUSTIN, De la doctrine chrétienne, I, 29.
16 Lc 10, 29-30.
17 SCHUMPETER, Histoire de l’analyse économique, Éd. TEL Gallimard, t. Ier, p. 150-151.
18 Angus MADDISON, Contours of the World Economy, 1-2030 AD, Oxford UP, 2007, p. 377.
19 Voir : Marjorie GRICE-HUTCHINSON, The School of Salamanca, Oxford, UP, 1952.
20 Nous sommes encore loin de la proclamation des seuls droits de l’homme et du citoyen !
21 Recherche sur la nature et les causes de la richesse des Nations (Glasgow, 1776), 4 vol., Paris, Éd. Economica, 2002, t. Ier, 2, p. 20.
22 Ac 17, 18.
23 Richesse des Nations, op. cit., IV, 2, p. 468.
24 David HUME, A Treatise of human nature, (1739), 3 vol., Oxford, Clarendon Press, 1896, II, part. III, section III.