Pour l’honneur d’Alexis Carrel

Par Jacques Chevry

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Résumé : Il est des Prix Nobels connus des seuls spécialistes. Il en est dont l’influence rayonne au loin, tels Carrel et Soljenitsyne qui, pour beaucoup, furent et demeurent une incitation au dépassement de soi et une lumière pénétrante sur les carences morales de notre époque.

         Outre un savant, Alexis Carrel fut aussi un père spirituel éminent pour toutes les générations qui se succèdèrent de 1935 à 1968, puis pour un petit nombre d’êtres épris de perfection. Il y a donc lieu d’honorer sa mémoire à l’heure où des pressions organisées se proposent de ternir son image.

         Sa gloire est d’abord due à ses découvertes scientifiques. Jean Rostand déclarait : “Alexis Carrel est un des très grands savants, l’un des plus grands qu’ait eu la France“. En 1915, il mit au point la fameuse eau de Dakin1 qui, empêchant l’infection des blessures, sauva ainsi la vie de plus d’un million de soldats ; il fut à l’origine de la transplantation d’organes et de la transfusion directe du sang. Il inventa la chirurgie vasculaire et la circulation extra-corporelle.

         Ses travaux sont à la base de la chirurgie thoracique moderne ainsi que de celle de l’aorte ; en 1912 il reçut le prix Nobel de médecine.

         Mais l’oeuvre qui, de loin, laissa la marque la plus profonde dans l’esprit de ses compatriotes fut “L’homme cet inconnu“, livre de portée universelle, qui parut en 1935. Comme Saint-Exupéry et Van der Meersch, il prônait le dépassement de soi-même, l’esprit de recherche et d’aventure ; il déclarait que les valeurs morales et spirituelles avaient plus d’importance que les valeurs intellectuelles, et la formation du caractère plus d’importance que celle de l’intelligence ; qu’il fallait renoncer à la primauté de l’économique et se refaire moralement et physiquement, rechercher la force plutôt que le confort.

         Le succès fut immédiat et foudroyant : les éditions se succédèrent de 1935 à 1939. L’ouvrage fut traduit en 22 langues. Le nombre d’exemplaires vendus en France dépassa le million. La raison de cet immense succès ? Ce livre d’action et d’espoir apportait une solution à la crise de la civilisation, permettait à chacun d’espérer accéder, un jour, à l’élite de la nation, lui ou ses enfants.

         Il fallut attendre notre époque, marquée par une étrange manie de “chasse aux sorcières”, pour voir attaquer Alexis Carrel. Des meutes de nécrophages se précipitèrent soudain, comme au sifflet, sur un mort qui ne pouvait plus se défendre ! Six villes : Limoges, Strasbourg, Sarcelles, Besziers, Mantes-la-Jolie et Perpignan “débaptisèrent” leur rue “Alexis Carrel2 “, ajoutons-y l’université de Lyon qui a renié son nom. Interpellés, certains n’ont pas répondu ; d’autres présentent d’étranges explications.

         Le maire de Limoges nous écrit, le 3 mars 1994 : “Si Alexis Carrel n’a jamais  été jugé, les autorités de la Libération avaient toutefois engagé avant sa mort en 1944 des poursuites contre lui pour des faits notoires de collaboration avec l’Allemagne, de participation au régime de Vichy, et pour des publications racistes qui ont pu armer idéologiquement le nazisme

         Une lecture attentive de l’ouvrage “L’homme cet inconnu” fait apparaître des suggestions particulièrement odieuses“.

         Une accumulation aussi ahurissante de contre-vérités mérite que l’on s’y arrête.

         1) Les autorités de la Libération ont engagé

              des poursuites

         Faux ! Il n’y a jamais eu de poursuites ; le professeur Milliez, membre de la Résistance de la première heure à Paris, nommé directeur de cabinet du professeur Vallery-Radot, Secrétaire d’Etat à la Santé du gouvernement de la Libération présidé par le Général de Gaulle, écrit : “Que je sache, jamais le professeur Alexis Carrel n’a été poursuivi pour intelligence avec l’ennemi… Il n’existe même pas de dossier Carrel dans les ministères ou aux archives3 “.

         2) Faits notoires de collaboration

         Faux ! Malgré tous leurs efforts, ses adversaires ne parviendront jamais à le faire inculper pour collaboration avec l’ennemi : un de ses proches collaborateurs, Raymond Paumier, également résistant, de l’unité “Mère, enfant, école” écrit : “Je ne suis pas très fier, en tant que Français et résistant, qu’on puisse s’en prendre à un patriote comme Carrel“.

         3) Participation au Régime de Vichy

         Faux ! Carrel a toujours refusé d’occuper un poste dans le régime de Vichy. En 1941, il refuse l’offre de Darlan d’assurer les fonctions de ministre de la Santé publique ; en 1942, il refuse à nouveau le même portefeuille ; en 1943, il décline une troisième offre ; en 1944, il refuse le poste d’ambassadeur à Berne.

         4) Publications racistes

         Encore plus faux ! Carrel a fondé un institut de psychobiologie, absolument autonome, ne dépendant en aucune manière de Vichy, en précisant : cette institution se dédiera au service des hommes civilisés “quelle que soit la nation ou la race à laquelle ils appartiennent“.

        En pleine occupation, il a osé déclarer au docteur Gallavardin : “La théorie  raciste des nazis est une ineptie. Les Juifs constituent une bonne race, ils ont très longtemps maintenu leur idéal et c’est d’eux qu’est sortie la chrétienté. L’Allemagne ne possède aucune race pure. Moi, je veux créer une élite intellectuelle, ce qui n’a rien à voir avec l’aristocratie de l’ancien régime ou les méthodes de gangsters des SS d’Hitler”.

         Le docteur Lépine, de l’Institut, déclare : “Rien n’est plus éloigné de la mystique nazie que la pensée de Carrel“.

         Le professeur Arnulph, de l’Académie de Médecine, combattant volontaire de la Résistance, nous dit : “Par l’encouragement volontaire qu’il a donné à mes études sur les immigrés, j’ai pu vérifier qu’il n’avait aucune préoccupation raciste“. Notons que ce fut un Israélite, le professeur Robert Debré, père de Michel Debré, compagnon du Général de Gaulle, qui a pesé de tout son poids pour que l’héritage de la fondation Carrel ne fût pas perdu.

         5) Ses publications ont aidé idéologiquement le nazisme

         C’est matériellement impossible : “L’Homme cet inconnu” a été publié en 1935, Hitler n’a donc pu s’en inspirer. Porté au pouvoir en janvier 1933, il a promulgué ses lois antisémites le 7 avril de la même année ; puis la loi sur la stérilisation des individus frappés de tares héréditaires le 14 juillet, l’interdiction du métissage, en septembre.

         Toutes ces idées, venues des Etats-Unis, existaient d’ailleurs depuis les années 20 ; elles étaient dans l’air du temps4 .

         Toujours à Limoges, un certain Richard Trèves (professeur au CHRU) écrit : “Alexis Carrel se prévalait d’une idéologie éthiquement contraire à sa vocation de médecin… Ses pensées ont peut-être (?!) eu une influence en France. Elles prenaient le relais d’une plus ignominieuse encore, venue d’outre-Rhin : l’eugénisme“.

         Nous venons de voir que les idées en questions ne venaient pas d’Alexis Carrel, mais d’Amérique, et que le nazisme ne lui doit absolument rien.

         Dire que la pensée ou les écrits d’Alexis Carrel ont exercé une influence nocive en France relève donc de l’imagination la plus débridée, à moins que ce ne soit l’indice d’une volonté délibérée de nuire.

         Alexis Carrel a simplement constaté que, de manière générale, les déficients engendrent des déficients. Il citait l’histoire de la famille Ruke : parmi les descendants de deux repris de justice de l’Etat de New York, il y eut 399 prostituées, 181 alcooliques, 170 indigents, 118 criminels et 86 tenanciers de maisons closes ; dans un certain groupe de familles où le père et la mère était faibles d’esprit, il y eut 470 enfants faibles d’esprit et seulement 6 normaux. Alexis Carrel conclut, comme l’aurait fait à sa place tout homme sensé, que “c’est un véritable crime d’engendrer une lignée de malades et de dégénérés, de bandits ou d’idiots ; nous ne devons pas augmenter le nombre des malades, des faibles d’esprit et des déments… Il ne faut pas chercher à accroître le nombre de centenaires avant d’avoir trouvé le moyen de prévenir la dégénérescence“.

         Et le moyen, ce serait l’eugénisme. Ce dernier pourrait exercer une grande influence sur les destinées des peuples civilisés, en empêchant la propagation des fous et des faibles d’esprit. Mais, précisait-il, “l’eugénisme, pour être utile, doit être volontaire“. Et il ajoutait : “On ne règlera jamais la reproduction des humains comme celle des animaux… il faut secourir les faibles, consoler ceux qui pleurent” .

         Tout ceci éloigne radicalement ses thèses de celles des Nazis5 .

         Telle est donc la pensée de celui que Monsieur Trèves poursuit de sa hargne en écrivant dans le “Populaire du Centre” : “L’auteur de ces lignes milite depuis cinq ans contre l’appellation de l’avenue où est situé le centre hospitalier“. Donc depuis cinq ans l’esprit de Richard Trèves, loin d’être préoccupé par les problèmes urgents qui se posent aujourd’hui à nos compatriotes : médicaux, sociaux, éducatifs, se fait l’esclave d’une idée fixe : arracher la plaque Alexis Carrel. Aujourd’hui il est satisfait et déclare : “Mon combat arrive à son terme et à la réparation d’une erreur“.

         On reste abasourdi par un tel comportement, qui n’honore ni le corps médical, ni la municipalité de Limoges.

         Après Limoges, Strasbourg nous offre un bel échantillon de la mauvaise foi des “débaptiseurs”. Son maire, Madame Trautmann, au cours d’une allocution prononcée le 6 juillet 1993 à Hautepierre, à l’occasion de la pose de la plaque “Haidi Hautval”, qui remplace celle d’Alexis Carrel, déclare :

          “Alexis Carrel, grand médecin dévoyé dans les thèses d’un eugénisme violentHaïdi Hautval était une de ces femmes qu’Alexis Carrel voulait reléguer à des rôles subalternes“…

         Passons sur l’accusation “d’eugénisme violent” dont nous venons de voir qu’elle se fait complice d’une odieuse calomnie et attardons-nous sur “le rôle subalterne” qu’Alexis Carrel est censé vouloir réserver aux femmes. Que lisons-nous donc sous sa plume ?

         “En réalité les femmes sont profondément différentes des hommes, elles doivent développer leurs aptitudes dans la direction de leur propre nature. Leur rôle dans le progrès de la civilisation est plus élevé que celui des hommes et il ne faut pas qu’elles l’abandonnent… Les femmes qui n’ont pas d’enfant sont moins équilibrées, plus nerveuses que d’autres… On méconnaît en général l’importance qu’a pour elle la fonction de génération, cette fonction est indispensable à son développement optimum ; aussi, il est absurde de détourner la femme de la maternité… Sur ce plan, il ne faut pas donner aux jeunes filles la même formation intellectuelle, le même genre de vie, le même idéal qu’aux garçons… Les éducateurs doivent prendre en compte les différences organiques et mentales du mâle et de la femelle et leur rôle naturel… Entre les deux sexes il y a d’irrévocables différences, il est impératif d’en tenir compte pour la construction du monde civilisé…

          Il faudrait que les femmes deviennent mères pendant leur première jeunesse ; aussi, elles ne seraient pas séparées de leur enfant par un intervalle temporel si grand que le temps ne puisse combler… La société moderne a commis la sérieuse faute de substituer dès le plus bas âge l’école à l’enseignement familial, elle y a été obligée par la trahison de la femme ; la femme ne peut plus ou ne veut plus faire son métier de femme, d’où un affaiblissement qualitatif autant que quantitatif de la nation. Une autre faute capitale a été de détourner les jeunes filles de leur fonction spécifique en leur donnant une éducation intellectuelle, morale et physique semblable à celle des garçons et en laissant s’implanter en elles des habitudes de vie et de pensées qui les éloignaient de leur rôle naturel ; aucune carrière lucrative ou brillante d’artiste, de docteur, d’avocat n’est une raison valable pour violer, grâce à des techniques anticonceptionnelles, la loi de la propagation de l’espèce.

         Or aujourd’hui, elles abandonnent leur enfant au “Kindergarten” pour s’occuper de leur carrière, de leurs ambitions mondaines, de leur plaisir sexuel, de leurs fantaisies littéraires ou artistiques ou, simplement pour jouer au bridge, aller au cinéma, perdre leur temps dans une paresse affairée ; elles ont ainsi causé l’extinction du groupe familial où l’enfant grandissait en compagnie d’adultes et apprenait beaucoup d’eux… Il faut rendre à l’être humain standardisé par la vie moderne, sa personnalité ; le sexe doit de nouveau être nettement défini ; il importe que chaque individu soit sans équivoque mâle ou femelle…”

        Observons qu’ici Alexis Carrel parle en homme de science et en médecin. Qui pourrait le contester sur ce terrain ? D’ailleurs, tout esprit objectif ne pourra qu’y voir le souci de défendre la femme dans sa véritable nature et authentique vocation dans le domaine où elle est “reine et irremplaçable : celui de Mère, d’Epouse, et d’Educatrice“.

         On est ébahi d’entendre déclarer que cette vocation correspond à “un rôle subalterne”. Madame Trautmann a-t-elle donc adopté la formule “Bébé – nounou – mamy” ? Voit-elle en la machine à écrire un objet plus enrichissant qu’une âme à former ?

         Il n’est pas superflu de noter ici que les municipalités, dont celle de Strasbourg, qui ont “débaptisé” les rues Alexis Carrel sont socialistes ou communistes ; or, dans son discours de Harvard, en juin 1978, Solenitsyne rappelait, en la faisant sienne, la déclaration de l’académicien russe Chafarevitch : “Le socialisme en général, comme dans toutes ses nuances, aboutit à l’anéantissement  universel de l’essence spirituelle de l’homme et au nivellement de l’humanité dans la mort“.

         Mais quittons Strasbourg pour Lyon, et examinons l’attitude surprenante de son université. En 1992, une campagne de presse aussi subite que bien orchestrée présentait Alexis Carrel comme “raciste, eugéniste, collaborationniste”, et allait jusqu’à suggérer qu’il était l’initiateur des chambres à gaz. Une requête fut alors présentée au conseil de la faculté de médecine pour lui ôter le nom d’Alexis Carrel.

         Le doyen, Jean-Claude Evreux2 , et c’est à son honneur, dédramatisa l’affaire, se dégagea des pressions de toutes sortes dont il était l’objet ; et le Conseil de faculté décida, par un vote acquis à une large majorité, de conserver le nom d’Alexis Carrel. C’est alors que, chose incroyable, le Conseil d’administration de l’Université passant outre à l’avis de la Faculté, et “condamnant fermement les thèses qu’Alexis Carrel soutenait dans ses écrits“, inscrivit à l’ordre du jour de la réunion suivante “la question de la dénomination d’une des composantes de l’Université”(sic).

         La proposition de débaptiser la Faculté de médecine, présentée par l’Université, fut mise en échec dans la séance du 14 décembre 1992, la majorité requise n’ayant pas été obtenue. Il convient de souligner ici le comportement exemplaire fait du sens des responsabilités, de solidarité et de sang-froid, du Conseil de faculté de l’époque, comportement sans lequel l’action courageuse du doyen, Jean-Claude Evreux aurait été de peu d’effet.

         Mais le 27 novembre 1995, à la suite d’un harcèlement “anti-Carrel” incessant, le Conseil “renouvelé” se réunit derechef et, selon les termes mêmes d’un membre de la commission de 1992, “pour se débarrasser d’une casserole gênante“, décida de renoncer au parrainage de Carrel. Lorsqu’on apprend que la proposition liminaire précisait “qu’il n’était pas utile d’avoir lu Carrel pour en débattre“, on ne sait trop s’il faut mépriser davantage la haine, l’acharnement et la malhonnêteté des procureurs ou la lâcheté, l’inculture et le conformisme de ceux qui ont laissé faire.

          Les accusations proférées contre Alexis Carrel ne résistent pas à un examen sérieux et honnête ; nous sommes donc amenés à conclure que l’université a cédé aux pressions politiques et syndicales dont elle a été l’objet ; ce spectacle navrant nous remet en mémoire certain passage du discours prononcé par Soljenitsyne à Harvard le 8 juin 1978 :

          “Le courage civique a déserté le monde occidental ; ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la classe dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante…

          Les fonctionnaires politiques et intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes et leurs discours et plus encore dans les considérations théoriques qu’ils fournissent complaisamment pour prouver que cette manière d’agir qui fonde la politique d’un Etat sur la lâcheté et la servilité est pragmatique, rationnelle et justifiée à quelque hauteur intellectuelle et même morale qu’on se place… alors que leur langue sèche et que leurs mains se paralysent face aux gouvernements puissants et aux forces menaçantes, face aux agresseurs et à l’Internationale de la terreur” (L’Express, 19 juin 1978).

         Ces propos de Soljenitsyne semblent, hélas ! s’appliquer de manière exemplaire aux membres du Conseil de l’Université de Lyon, qui n’eurent pas le courage d’ébaucher une réfutation pourtant aisée des accusations calomnieuses dirigées contre leur grand aîné ; ces dernières ne furent d’ailleurs que des prétextes, la raison véritable de la fureur de “la Bête” se situe ailleurs : Carrel, comme Soljenitsyne, allait à contre-courant de l’intelligentsia. Comme lui, il refusait les dogmes et les idées reçues de son époque.

         Nous avons vu plus haut la position d’Alexis Carrel sur la famille : rôle prépondérant de l’épouse, refus de l’avortement et de la contraception ; nous avons vu ses déclarations sur l’importance des valeurs spirituelles, sur la prééminence de la formation du caractère, nous avons vu son refus de la primauté de l’économique, son rejet du luxe, son incitation à l’héroïsme.

         Il déclarait, que la vie moderne loin de favoriser la vie de l’esprit, diminue l’intelligence et la moralité de toute la nation ; que la primauté de la matière et l’utilitarisme conduisent à la suppression de la culture intellectuelle, de la beauté et de la morale ; que la civilisation scientifique nous a fermé le monde de l’âme ; que l’insuccès des médecins vient de ce qu’ils vivent dans un monde imaginaire. Il affirmait la nécessité et la valeur du sacrifice, dénonçait le mythe de l’égalité et affirmait que le principe démocratique contribue à l’affaiblissement de la civilisation en empêchant le développement de l’élite. Il constatait que l’impuissance à élever les inférieurs conduit, pour rétablir l’égalité, à abaisser tous les enfants au même niveau et affirmait que la grandeur d’une nation s’obtient en augmentant le nombre des citoyens supérieurement doués.

         Il déclarait que les principes du manifeste communiste comme ceux de la Révolution française sont des vues philosophiques et non des vues scientifiques. Pour lui la liberté est comme un détonant6 , efficace mais dangereux. Il plaçait l’esprit de synthèse au-dessus de l’esprit d’analyse, l’intuition au-dessus du raisonnement, rendait une place d’honneur au sentiment et à la poésie ; il confirmait que l’ascension de l’esprit est le but suprême de l’existence. Croyant, il admettait le miracle, déplorait la disparition du sens du sacré et affirmait la supériorité de la morale évangélique qui croit au Bien, au Mal, au péché ; il prônait l’amour de la terre où dorment les ancêtres.  Il avait l’audace de déclarer que la cause essentielle du désastre de 1940, qu’il avait d’ailleurs prévu de longue date, était d’ordre moral. Il écrivait : “La jeunesse de la défaite, grossière, débraillée, la cigarette au coin de la bouche, la barbe en collier, le dos voûté, les mains dans les poches, était bien représentative de la barbarie anémique dont s’enorgueillissait la France de cette époque ; son destin était inévitable, la nature annihile ceux qui s’abandonnent à eux-mêmes“.

         Enfin, il nous donnait ce conseil : “Il faut être résolument anticonformiste. Il est impossible d’accepter les modes de vie et de pensée qui se sont propagés des villes jusque dans les plus lointaines campagnes, sans être annihilé spirituellement“.

         Or, aujourd’hui, nous entendons, comme dans un écho, les mêmes propos prononcés par Soljénitsyne, dans son discours de Harvard : “Même la biologie sait cela : il n’est pas bon pour un être vivant d’être habitué à un trop grand bien être… L’autolimitation librement consentie est une chose que l’on ne voit pratiquement jamais… Sous prétexte de contrôle démocratique, on assure le triomphe de la médiocrité… La société s’est révélée mal défendue contre les abîmes de la déchéance humaine, par exemple contre l’utilisation  de la liberté pour exercer une violence morale sur les jeunes en proposant des films pleins de pornographie, de crimes ou de satanisme… La transformation de notre société en la vôtre constituerait un abaissement… Ce serait une dérision de rester à la surface d’un juridisme sans âme, comme vous le faites.

Une âme humaine aspire à quelque chose de plus chaud, de plus pur que ce peut aujourd’hui lui proposer l’existence de masse en Occident, que viennent annoncer, telle une carte de visite, l’écoeurante pression de la publicité, l’abrutissement de la télévision, et une musique insupportable“.

         En 1840, dans ses “Mémoires d’Outre-Tombe”, le Vicomte de Chateaubriand ne disait pas autre chose : “Nous avons perdu dans l’ordre moral ce que nous avons gagné dans l’ordre matériel. Le temps du désert est revenu, le christianisme recommence dans la stérilité de la Thébaïde au milieu d’une idolâtre redoutable, l’idolâtrie de l’homme envers soi”…

         A 50 ans d’intervalle, Soljenitsyne redit le message d’Alexis Carrel et subit la même persécution. Rien d’étonnant à cela : ce n’est qu’un épisode de l’éternel combat entre le Bien et le Mal, le royaume de Dieu et celui de Satan, l’Ange et la Bête, l’esprit droit et l’esprit faux. Mais nous restons pleins d’espérance, car nous en avons la promesse : la Vérité, à la fin, triomphera.

         Alexis Carrel, reposez en paix, sur la même rive que le Vicomte de Chateaubriand, face à l’infini de la mer : vos amis ont promis d’honorer votre mémoire : ils vous défendront toujours et ne vous oublieront jamais.

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        Afin de contourner la “conspiration du silence” sur l’oeuvre profonde salutaire et roborative d’Alexis Carrel, l’auteur a fait rééditer trois ouvrages :

       – Réflexions sur la Conduite de la Vie (22 p.) 120 F

        – L’Homme cet inconnu (442 p.) 150 F

        – Le Voyage à Lourdes (164 p.) 90 F

        Prix franco sur commande auprès de l’Association Credo : 14 rue Isabey    BP 642, 54010 Nancy Cedex.


1 Ndlr. La meilleure preuve de la grandeur de Carrel est la qualité des hommes qui furent ses correspondants et ses associés. Outre Dakin, chimiste qui a laissé son nom au bain désinfectant qui se nommait naguère “eau de Carrel-Dakin”, citons Charles Lindberg, l’aviateur, avec lequel il mit au point le premier coeur artificiel, en 1936. On put ainsi opérer sur un coeur déficient, tandis que le coeur artificiel prenait le relais. C’est en 1905 que Carrel avait réussi la suture des vaisseaux sanguins (ce qui lui valut le Prix Nobel en 1912), et en 1914 qu’il réussit la première opération cardiaque (sur un chien). Quand on y considère les exploits de la chirurgie actuelle, et qu’on y mesure la contribution de Carrel, on ne peut que reconnaître en lui un bienfaiteur de l’humanité.

2 Aux six municipalités citées et faut rajouter : le Grand Quevilly, Belfort, Brest, Montpellier et Bron

3 Ndlr. Lorsque le comité d’épuration de la Fondation française pour l’Etudes des Problèmes Humains se constitua, on fut bien en peine de trouver matière à accusation contre Carrel. La seule pièce fut un carton sur lequel un Prix Nobel allemand, de passage à Paris, se proposait de lui rendre visite. Dans le personnel de l’Institut, on comptait quatre agents de l’Intelligence Service, qui opéraient au su de Carrel. Celui qui, en 1942, alors confortablement installé à New York et comblé d’honneurs, avait choisi de traverser l’Atlantique d’Ouest en Est, n’était certes pas venu soutenir un régime mais, à l’évidence, mettre ses indéniables compétences au service de son pays dans l’épreuve.

4 Ndlr. Les deux déclarations suivantes, données par les plus hautes autorités académiques américaines, le prouvent abondamment. Elles montrent aussi et surtout que le racisme contemporain trouve des racines et ses arguments dans la théorie de l’évolution. Ce n’est pas Moïse mais Darwin qui a inspiré Staline, puis Hitler. En 1921 Edwin G.Conklin, Professeur de Biologie à Princeton de 1908 à 1933, Président de l’AAAS (American Association for the Advancement of Science) en 1936, écrivait : “La comparaison des races modernes avec le Néanderthal ou l’homme de Heidelberg montre que toutes ont changé, mais il est probable que les races négroïdes ressemblent plus au type originel que les races jaunes et blanches. Tous ces éléments devraient inciter ceux qui croient à la supériorité de la race blanche à lutter pour préserver sa pureté et pour instituer et maintenir la ségrégation des races. Car plus longtemps on la maintiendra, plus grande deviendra la prépondérance de la race blanche” (The Direction of Human Evolution, Scribners’s, New York, 1921, p.34).

           En 1926 Henry Fairfield Osborn, Professeur de zoologie à l’Université de Columbia, Président de l'”American Museum de 1908 à 1933, écrivait : “L’intelligence moyenne du nègre adulte est comparable à celle d’un enfant de 11 ans de l’espèce Homo sapiens” (The Evolution of Human Races, Natural History, Jan-Feb 1926, rééd. April 1980, p.129). Après avoir lu de telles citations sous des plumes si autorisées, on comprend cette remarque de Stephen Jay Gould (Professeur de Paléontologie à Harvard, lui-même évolutionniste, mais conséquent avec le marxisme matérialiste qu’il professe) : “Les arguments biologiques pour le racisme peuvent avoir été répandus avant 1859, mais ils se multiplièrent par cent ou par mille avec l’acceptation de la théorie de l’évolution” (Orthogeny and Phylogeny, Harvard Univ. Press, 1977, p.127).

5 Ndlr. Ces esprits chagrins qui s’irritent devant “l’eugénisme” tout théorique et abstrait de Carrel, restent étrangement muet devant l’eugénisme officiel et remboursé qui fait aujourd’hui de l’échographie une obligation administrative. Or le but en est bel et bien de supprimer par avortement des milliers d’êtres humains chez lesquels le gynécologue croit avoir détecté une tare physique.

2 Le Professeur Michel Jouvet, de la région lyonnaise, membre de l’Institut et dont les travaux sur le sommeil ont une notoriété mondiale, s’est publiquement et avec vigueur, opposé à l’abandon du nom de Carrel (émission “Autrement dit“, France 3, 7 mai 1992).

6 Ndlr. Un carburant, par exemple.

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