Le chômage ou l’injustice organisée

Par Yves Germain

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Résumé : On a coutume de relier le chômage à la stagnation économique. Cette analyse à courte vue masque en fait un facteur à long terme autrement décisif : le travail des mères de famille. En développant ce point Yves Germain signale au passage la régression dans l’art de vivre que la femme « libre » induit dans nos sociétés.

Qui ne se plaint du chômage, ou ne le redoute pas ? D’où vient cette situation infernale qui tue spirituellement et parfois physiquement ? Quand on y regarde de très près, il faut bien reconnaître que le chômage est le fils meurtrier de deux idéologies déclinantes !

Qui, au moment du développement de l’informatique et de la robotique, a encouragé la mère de famille à travailler ? Certains libéraux d’abord, puis les socialistes avec M. Roudy : « la femme qui ne travaille pas est un légume ». Il fut entendu, et le salaire parental enterré ! Résultat : au moment où l’on réduisait partout les effectifs, des millions de femmes se présentèrent sur le marché du travail. Premier effet néfaste : la baisse générale des salaires devant l’abondance de la main-d’œuvre. Comme le remarquait « Le Monde » du 5 novembre 1997 : « Elles sont aujourd’hui 11,5 millions à travailler, soit deux fois plus qu’en 1960 ». Près de 6 millions de femmes sont donc venues alourdir le marché du travail depuis 1960, et l’on joue les étonnés, « incompréhensibles, 3 millions de chômeurs ! », sans compter bien entendu quelques millions en situation précaire.

Là n’est sans doute pas la seule raison, mais serait-il pas honnête de reconnaître que nous avons creusé notre propre tombe ? Nous n’avons fait que reprendre un vieux slogan totalitaire : « Arbeit macht frei » c’est-à-dire « le travail rend libre ». En fait, il peut faire le bonheur de l’homme, mais aussi son malheur quand il est injuste. Et n’est-il pas injuste de voir, et parfois dans le même immeuble, des couples travaillant, tandis que leurs voisins chôment à deux ? Comment éviter dès lors, la naissance d’un climat de désespoir et de révolte, favorable au développement de la délinquance juvénile ?

Que l’on nous comprenne bien, nous ne nions pas la nécessité de travailler parfois à deux, de nos jours, pour acquérir un logement par exemple, mais c’est par carence de l’Etat. Autrefois la loi « Loucheur » permettait aux familles disposant de ressources les plus modestes de devenir propriétaires de leur logement…

On nous parlera aussi de « libération de la femme » et des 35 heures… Mais combien d’heures fera finalement une mère de famille qui travaille à l’extérieur ? Et que vaut cette « libération » qui prive l’autre de travail ? On parle beaucoup de cumuls de mandats, mais n’y-a-t-il pas un cumul autrement injuste ? Et à quel prix ?

Prix que doit payer l’enfant : crèche1, cantine, caserne… Tout ce que d’ailleurs l’adulte déteste pour lui, mais qu’il va imposer à son rejeton dès les premières années de la vie : debout à 7 heures, coucher de bonne heure… dépêchons-nous !

Prix aussi que paieront les parents. Cet enfant « bagage », que l’on dépose le matin et reprend le soir, même parfois pendant le week-end, pour voyager libre, annonce le vieillard « meuble » que l’on déposera à l’hospice… Quand l’amour familial n’a pas tissé dès le premier âge des liens solides, le temps transforme rapidement les membres d’une même famille en étrangers…

Entretemps l’enfant privé d’amour étouffera et pour sortir de ce qui lui semble un « enfer », même doré, il cherchera la fugue ou la bande… Et la drogue n’est pas loin pour effacer de sa mémoire un passé qu’il juge malheureux, et lui permettre de « voyager » dans un autre monde, où rêver un moment d’amour et de justice…

Les chiffres sont là : près de 90 % des jeunes délinquants n’ont pas de vie familiale !… Et qui aura le courage de nous donner le prix des destructions à payer par la communauté ? L’augmentation du nombre de policiers ne suffira pas à résoudre un problème spirituel et moral !

Enfin, le chômage mène parfois à la séparation des parents, ce qui entraîne un nouvel appauvrissement (par la prise en charge de deux logements). Ne parlons pas du handicap et du trouble causés aux enfants, de loin le plus important !

L’une des grandes erreurs des libéralismes est de croire que la liberté est suffisante, alors qu’elle n’est que nécessaire. Cette présentation de la liberté éclairant le monde est une vaste duperie rarement dénoncée. La liberté n’éclaire rien ! Elle n’est pas la flamme, elle n’en est que le support. Il est aussi naïf de croire qu’elle permet de gouverner les peuples que de la croire suffisante pour régler la circulation…Quant aux socialistes qui se veulent « égalitaires », les plus grandes inégalités, les plus grands scandales, finissent par les laisser de marbre quand ils ne se suicident pas, dans un moment de lucidité !

Ces deux idéologies reprennent l’erreur des révolutionnaires de 1789 qui croyaient que les limites de la liberté pourraient être fixées par des majorités changeantes… Mme Roland, à l’époque, a vu le danger, mais trop tard ! Avant de monter sur l’échafaud elle eut quand même le temps de nous prévenir :

« Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! »

Deux siècles plus tard beaucoup n’ont pas encore compris.

Nota : La doctrine sociale de l’Eglise préconise un salaire par foyer complété par le salaire parental.


1 Une déléguée syndicale écrivait dans « La Croix » du 16-9-1983, il y a 15 ans : « Un enfant dans une crèche coûte 120 F par jour à la collectivité. Faites le calcul. Trois enfants coûtent environ 10.000 F par mois. Donnez-en la moitié aux femmes pour qu’elles les élèvent chez elles ; ce sera plus logique ». Elle ajoutait qu’après enquête « 80 % des femmes voudraient rester chez elles si leur mari gagnait 1.000 à 2.000 FF de plus ». Coût total du chômage : 1.098 milliards soit 438 milliards de dépenses directes, 146 d’aides indirectes, et 395 de manque de cotisation sociales (Revue « Partage » n° 120).

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