Que nous dit le livre : Les créationnismes ?

Par le P. Raphaël Morey d’Allytis

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Résumé : Deux rédacteurs scientifiques, dont l’un travaille à Science et Vie, viennent de donner un petit ouvrage décrivant les mouvements qui, en France, s’opposent à l’évolutionnisme. Partant du préjugé rationaliste selon lequel la science doit se suffire à elle-même, excluant d’office toute hypothèse inspirée d’un autre mode de connaissance, C. Baudouin et O. Brosseau vont jusqu’à inclure des teilhardiens dans la nébuleuse « créationniste », au motif qu’on  aperçoit  un dieu derrière leur évolutionnisme. Malgré son étroitesse d’esprit, cet ouvrage repose sur une documentation exacte et précise et, à ce titre, peut rendre service même à ceux qu’il caricature comme ne pouvant être de véritables scientifiques dès lors qu’ils récusent le credo darwinien. 

Un petit ouvrage passionnant et bien utile :

En mai 2008 est paru un ouvrage de quelque  130 pages — petit format — intitulé Les créationnismes, une menace pour la société française ? (Paris, Éditions Syllepses, 7€). Intéressant et très informé, il sera profitable à nombre d’entre nous. Non que nous partagions le moins du monde les vues des auteurs, bien sûr, mais ceux-ci au moins nous attaquent avec franchise et détermination, ne cachant rien de leurs motivations. Saluons leur probité !

Les auteurs, Cyrille Baudouin et Olivier Brosseau (tous deux scientifiques diplômés et travaillant dans la communication scientifique, à Science et Vie pour l’un) ont réuni une vaste documentation sur ce thème, objective dans l’ensemble, même s’ils n’éprouvent que compassion et mépris teintés d’ironie envers la dangereuse engeance des «créationnistes». Car ils restent intégralement fidèles à leur vision évolutionniste radicale, et sont donc hostiles à toute forme ou simplement soupçon de «créationnisme» ou de « finalisme ».

Reconnaissons-leur le mérite de présenter sans détours les raisons de cette hostilité aux «créationnistes » et apparentés. Pour eux, la Science a une démarche contradictoire avec celle de toute Foi religieuse ou dogmatique, stérile par nature.

La référence à une Révélation divine est vue par eux comme essentiellement et automatiquement irrationnelle et obscurantiste.

Contenu de l’opuscule :

Quel est donc le fil d’Ariane de nos deux auteurs ? Ils nous le déroulent de but en blanc : «Le créationnisme, voilà l’ennemi !», car c’est le mauvais camouflage de conceptions religieuses qui, par leurs conséquences, vont à l’encontre de la théorie darwinienne de l’Évolution. Or ces conceptions resurgissent, après bien des vicissitudes, à la fin du XXème siècle, avec le mouvement de l’«Intelligent Design». Le créationnisme n’est qu’une croyance associée aux grands monothéismes, judaïsme, christianisme et islam, une pseudo-science confuse de ‘savants’ égarés aux marges de l’incompétence… La chose est dite avec plus d’élégance, mais c’est bien la conviction intime des auteurs, colorant tout l’ouvrage.

En sens opposé, la théorie de l’Évolution, exposée principalement par Darwin, est l’actuel paradigme qui domine la biologie et les sciences de la Terre, le cadre de toute la pensée scientifique actuelle… Matérialisme radical, exclusion du finalisme. On voit vite que « cette explication scientifique du monde met à mal le mythe de la Création selon la Bible », d’où l’apparition de «mouvements créationnistes» en réaction au succès de l’évolutionnisme comme «explication de l’origine de la vie, de l’homme et de la conscience» (p. 12).

Tout naturellement, les « créationnistes » veulent en priorité influencer l’enseignement. Quoi de plus normal, répondrons-nous ! La conviction contraire, l’évolutionnisme, ne s’attache-t-elle pas depuis 150 ans à régenter l’Enseignement à tous les niveaux dans tous les États ? Et elle a réussi au-delà de toute espérance : l’obscurantisme «créationnel» est endigué, enrayé, éliminé, sanctions à l’appui pour les contrevenants – sans nul doute, des irresponsables peu équilibrés –  qui s’y risqueraient.

Aux Etats-Unis, décentralisation de l’enseignement aidant, l’évolutionnisme est vigoureusement contredit, procès à l’appui. La résurgence du créationnisme s’est faite dans les années 80, les années Reagan ; les créationnistes ont tiré les leçons de leurs erreurs passées et de leurs échecs passés, ils ont affiné leur tactique. Désormais, c’est science contre science : le créationnisme se drape dans la Science, avec des hauts et des bas, dont un jugement de la Cour Suprême des États-Unis concluant qu’il ne s’agit que de religion camouflée. Mais la croisade se poursuit, car les créationnistes ont l’esprit missionnaire (p. 17) et beaucoup d’argent (p. 18, note 9).

Ici, deux mots de commentaire : polarisés sur leur vision personnelle, nos auteurs semblent convaincus que les «non évolutionnistes-et-non-matérialistes» ne peuvent être que bassement intéressés et bornés. Apparemment, ils ne conçoivent pas qu’il puisse se trouver parmi eux des chercheurs désintéressés, des découvreurs de « faits » requérant explication – car les faits ont toujours raison…. des penseurs et des scientifiques de haut niveau, enfin des hommes de bonne volonté ; fermons la parenthèse. C’est sans doute pourquoi toute leur documentation est indirecte : ils n’ont cherché à rencontrer  aucun  de ceux qu’ils critiquent.

Toujours dans cette optique, les auteurs s’en prennent longuement aux partisans (mieux peut-être : aux « sectateurs » ?) du Dessein Intelligent (DI), celui-ci épinglé avec sagacité comme «théologie naturelle modernisée». Ces partisans seraient des «universitaires établis» qui se servent de «leurs titres pour défendre cette « théorie »» (p. 20). Le DI n’est qu’un mouvement pseudo-scientifique ; et derrière cette façade pseudo-scientifique, se dissimulent mal des objectifs réellement politiques (pp. 18-20). Ce mouvement a même bénéficié du soutien de George Bush en août 2005, ce Président, en gros, jugeant légitime, de faire connaître aux enfants américains aussi bien le Dessein Intelligent que l’évolutionnisme.

C. Baudouin et O. Brosseau dénoncent le redoutable activisme des créationnistes ; ils s’alarment de la diffusion de leurs idées dans la population américaine, et de la multiplication d’initiatives pédagogiques de qualité (pp. 23-24). À tel point qu’à leur avis, aux États-Unis, les créationnistes «ont gagné la bataille de l’opinion». Maintenant ils s’en prennent à l’Europe, qui est comme qui dirait assiégée. Un symptôme inquiétant, de l’avis des auteurs, en est le renvoi en commission du rapport Lengagne au Conseil de l’Europe. en juin 2007. Intitulé Les dangers du créationnisme dans l’éducation, le rapport fut finalement adopté en octobre 2007 par la Commission de la Culture, de la Science et de 1’éducation, après diverses péripéties parmi lesquelles des pressions du Vatican (cf. pp. 119-121, interview du professeur Lengagne).

Le Rapport résume bien les vues de notre opuscule, qui le cite p. 25 : « Nous sommes en présence d’une montée en puissance de modes de pensée qui, pour mieux imposer certains dogmes religieux, s’attaquent au cœur même des connaissances que nous avons patiemment accumulées sur la nature, l’évolution, nos origines, notre place dans l’univers ». Tout y est : tout dogme, a priori contredit la science, ruine l’éducation, anéantit l’intelligence, attaque les droits de l’homme, et comme le prosélytisme est l’un des symptômes récurrents de cet obscurantisme, il faut prendre des dispositions avant qu’il ne soit trop tard. Manifestement, pour Guy Lengagne, l’heure est grave, le combat est indécis ; il ne faut pas faiblir !

Le chapitre 2 examine longuement les divers « créationnismes » qui sévissent en France. Le CESHE, le CEP, l’UIP – qui se positionne plutôt dans la ligne du P. Teilhard de Chardin, d’un évolutionnisme orienté – et d’autres organisations encore sont scrutées avec minutie, tels les Témoins de Jéhovah, la Scientologie et les organisations créationnistes musulmanes, moins connues. On le voit : nos auteurs ont su réaliser une sorte de petit dictionnaire encyclopédique du créationnisme aujourd’hui, galaxie de tendances diverses. C’est une indéniable réussite.

Le chapitre 3 prospecte les points communs aux différents créationnistes, et analyse l’efficacité de leur prosélytisme. Le cœur du problème apparaît mieux encore, du moins tel que l’envisagent nos deux auteurs: il y aurait, en effet, deux visions du monde inconciliables. La première professe que les trois questions essentielles suivantes, de l’Origine, de la Fin, et donc du sens de l’Univers, sont par définition hors du domaine de la Science (cf. p. 87, citation du philosophe Yvon Quiniou). La seconde soutient qu’elles sont à la base de la Science. Deux visions irréconciliables, qui instaurent entre sciences et religions des relations radicalement divergentes. Pour les auteurs, bien sûr, les religions constituent une pluralité indifférenciée…

Nos auteurs, au chapitre 4, décryptent le créationnisme comme un « enjeu de société ». Comment leur donner tort ? La démonstration nous en est administrée, en particulier à travers de larges citations de plusieurs scientifiques et universitaires. Le nerf de l’argumentation est invariable : la « démarche dogmatique » ruine le développement de la Science – la raison est autonome, et «Dieu» fait partie des hypothèses auxquelles chacun reste libre de s’attacher : on est dans le domaine de l’opinion et du pluralisme – mais il n’est de science que de la Matière.

En traduisant, sans doute sens pour sens plutôt que mot à mot, pour reprendre une pensée de saint Jérôme : le fruit de l’Arbre de Science est toujours aussi séduisant.

On le constatera dans les pages qui suivent, l’opuscule débusque toute forme, toute trace de « créationnisme ». Ainsi, tandis que nous livrons une sorte de « guerre aux vaches sacrées », nos adversaires, quant à eux, nous réfutent moins qu’ils ne crient à la profanation ! En quelque sorte, et sans ironiser, pour eux nous blasphémons l’évangile de l’Évolution générale, le «Fait» majeur qui sous-tend leur Weltanschauung et oriente leurs travaux.

Dès lors, la position de nos deux auteurs est tout à fait logique : les «créationnistes» mettent en grand péril l’enseignement de la biologie et de l’évolution humaine, par leurs manigances conjointes à une redoutable habileté dans l’utilisation des médias, spécialement aux États-Unis. Le créationnisme constitue même un grave danger pour 1’ÉDUCATION. Tout le livre martèle cet avertissement, que dis-je ? sonne le tocsin ! Le discours créationniste est aux antipodes de toute démarche scientifique, puisque toute démarche dogmatique s’oppose à l’acquisition et au fonctionnement de la Science (p. 122)

En somme, LA PATRIE EST EN DANGER, fasse le Ciel — si j’ose dire — qu’il ne soit pas trop tard et que la « laïcité à la française» puisse constituer un rempart suffisant contre cet assaut global du plus hallucinant des obscurantismes !.. Et l’Europe n’est plus à l’abri de ce «message faux » (p. 26), de cette terrible «dérive» (cf. p.104).

Il est intéressant de remarquer ce paradoxe : quand on nous dit que la Science est essentiellement matérialiste, «par construction » si l’on peut dire (cf. p. 81) ; que l’Évolution est un FAIT (p.83) tout comme l’origine commune de l’homme et du singe; que le matérialisme constitue le principe de fonctionnement de la Science (p.81) ; que toute intrusion de la religion — peu importe laquelle, d’ailleurs — dans les sciences et dans l’enseignement est ruineuse, etc., non seulement on donne pour certitude acquise absolument l’hypothèse évolutionniste (ce qui est précisément l’objet central de la controverse !), mais encore on prétend — et cela, après tout, c’est un DOGME rationaliste ! — que la vérité dans les sciences est totalement indépendante des «vérités connues par d’autres voies» ; disons, en nous glissant dans la perspective de nos deux auteurs, indépendante des «opinions philosophiques»1.

C’est là que le Discours de Pie XII au Congrès thomiste de 1955 (voir ci-après) prend toute sa valeur, qui affirme énergiquement : les données et les conclusions des sciences ne peuvent renverser ni subvertir les prémisses philosophiques.

Certes, elles peuvent le prétendre, mais elles se trompent, et deviennent un danger pour l’Humanité. Il en va pareillement, si elles s’opposent aux dogmes de l’Église, ajouterons-nous : par exemple, à la doctrine du Péché originel, à la création immédiate de toutes les âmes par Dieu, à l’historicité de Jésus, à la véracité de l’Église, à la réalité et au mystère d’une Fin de l’Histoire; en d’autres termes, aux vérités du CREDO.

À la base de la Weltanschauung de nos auteurs, il y a en fait une philosophie sinon kantienne, au moins « kantoïde » en toute hypothèse, et l’acceptation tranquille de ce que la Tradition catholique a dénoncé depuis un millénaire comme la «théorie de la double vérité», cette fameuse thèse d’Abélard. Ils nous assurent être de purs scientifiques, mais en réalité ce sont des crypto-philosophes tous azimuts, qui ne disent pas leur nom ! Pour eux, c’est a priori que toute intrusion religieuse dans la Science est une IMPOSTURE. En ce sens, l’ouvrage de C. Baudouin et d’O. Brosseau est très spécialement une attaque frontale contre l’Église, même s’il s’attarde méticuleusement sur le ‘créationnisme en milieu musulman’ ; ce qui d’ailleurs n’est pas dénué d’intérêt, loin de là.

La position de l’église ; Le pape Benoît XVI et le cardinal Schönborn :

Nos deux auteurs dissèquent les positions du Pape et celles du Cardinal, mettant en lumière quelques flottements dans leurs enseignements, repérant des nuances entre Jean-Paul II et son Successeur.

Le cardinal Schönborn a qualifié la célèbre Lettre du 22 octobre 1996 à l’Académie Pontificale des Sciences de «vague et sans importance», et donné de cette appréciation des raisons précises et évidentes; il a dénoncé «les courants matérialistes de l’évolutionnisme idéologique qui remettent en cause la foi chrétienne en la Création» (p. 63) et distingué entre «créationnisme» et «doctrine de la Création» (p. 62 et indirectement p. 66). Il rappelle également « la preuve écrasante d’un ‘design’ en biologie » (cf. p. 59).

Positions ultra-classiques qui se rattachent à celles de l’encyclique Humani Generis, et se démarquent pourtant avec une clarté solaire de tout soupçon de «fondamentalisme» tel que honni par le Chœur Universel du «scientifiquement Correct ».

Dès lors, nos auteurs récusent ces positions de l’Église même atténuées avec la subtilité que chacun reconnaît au Cardinal comme au Saint-Père. Le Pape et le Cardinal se bornent à l’expression du « non-négociable» : ce qui inclut par essence et la doctrine de la Création et une finalité présente en toute créature ainsi que la négation du Hasard (cf. p. 59, note 48 ; et p. 64, note 63). Ce qui ruine «l’idée d’évolution au sens darwinien du terme» (p. 110). Pour eux, c’en est trop !

Où l’on constate une fois de plus in vivo, que les apôtres de l’Évolutionnisme généralisé se heurteront toujours à l’Évangile de l’Église. Et la distinction maintenue par le cardinal Schönborn — si justifiée au demeurant — entre Foi en la Création et créationnisme ne leur rendra pas plus acceptables les positions fondamentales de l’Église vis-à-vis des sciences de la matière !

À titre de confirmation de cette dernière assertion, il suffit de constater qu’Anne Dambricourt-Malassé, qui soutient un évolutionnisme orienté, dans la ligne du P. Teilhard de Chardin, ne trouve pas davantage grâce à leurs yeux (pp. 51-53; et encore p.84). Même Claude Allègre passe en leur compagnie un bien mauvais moment ! Ce qui confirme l’originalité et l’indépendance de ce scientifique (et ancien ministre…) iconoclaste et inclassable (p. 106). Quant à Luc Ferry, il aura dû sentir passer le vent du boulet (p. 97, note 40).

À l’intransigeance inexorable de nos deux compères, n’échappent guère que trois théologiens français — et, à vrai dire, d’extrême justesse ! —justement parce que leur approche, à la fois scientifique, historique et théologique, est (sic) «difficile à décrypter», parce qu’ils critiquent le créationnisme littéraliste et les «dérives» des structures «créationnistes» françaises comme le CESHE et le CEP, et enfin parce qu’ils sont des penseurs de l’évolutionnisme catholique affirmant que la doctrine officielle de Rome s’est démarquée depuis longtemps du créationnisme…

Ce sont les RRPP François Euvé, jésuite et physicien ; Jean-Michel Maldamé, dominicain et docteur en théologie ; et Jacques Arnould, dominicain et ingénieur agronome (pp.64-66). Sans manquer le moins du monde au respect dû à des personnalités éminentes, de surcroît prêtres catholiques, personne ne sera surpris que nous exprimions ici, incidemment, l’incompatibilité foncière de nos vues avec les leurs. Évidemment. Ce qui ne nous empêchera jamais de prendre connaissance de leurs travaux en toute ouverture d’esprit.

Profitons de l’occasion qui nous est donnée par cette allusion à la position des pères Euvé, Maldamé et Arnould relative au CESHE et au CEP, pour signaler que Dominique Tassot et Guy Berthault sont des cibles de prédilection pour nos deux auteurs. D. Tassot est cité abondamment, apparaissant comme le type du créationniste sachant remuer ciel et terre pour parvenir à ses fins, homme d’influence mettant ses compétences au service d’une Cause pour lui fondamentale, à la fois religieuse, théologique, philosophique et scientifique2 ayant des répercussions en tout domaine, particulièrement celui de l’éducation. C’est bien vu. Les auteurs le déplorent naturellement ; mais au moins est-ce une position logique : en réalité aussi logique que la leur.

Guy Berthault est lui aussi le sujet d’appréciations sévères. Ses recherches et expérimentations sur la formation des sédiments? II a réussi à les faire publier dans les comptes-rendus de l’Académie des Sciences, et même jusqu’en Russie où il a trouvé des oreilles complaisantes pour ses théories ruineuses !

… Dangereuses certes, les théories et expériences de notre ami, mais seulement pour la vulgate évolutionniste, car elles remettent en question, par un biais tout à fait inattendu, le dogme central du Matérialisme intégral, le «Cacangile»* de nos deux auteurs, le fragilisant incontestablement.

Il y a quelques années, le magazine Sciences et Avenir a publié un Dossier sur l’Évolution, dans lequel il était fait référence aux travaux de G. Berthault, considéré comme un scientifique dangereux par sa compétence, risquant d’entraîner du monde derrière lui… C. Baudouin et O. Brosseau déplorent cette influence, logiques avec eux-mêmes. Pour ma part,  je trouve que ce sont là des signes encourageants.

Nos deux auteurs font par ailleurs une remarque intéressante : le créationnisme en milieu musulman s’accommode bien de l’ancienneté de la Terre (cf. p. 76), au contraire des créationnistes «scientifiques »3 américains. La raison en est que les premiers se réfèrent au Coran, et les autres à la Bible. Nos recherches sur ce point ont donc également une valeur proprement apologétique, puisque nous affirmons que les découvertes des sciences ne peuvent contredire les affirmations contenues dans les Livres Saints de la Révélation selon l’interprétation authentique qu’en donne le Magistère de l’Église.

Sur ce point, signalons la divergence importante entre «créationnistes», selon qu’ils sont dans la mouvance fondamentaliste protestante, ou se réfèrent à l’optique catholique traditionnelle, spécialement patristique : en récusant le Dogme de l’Église, ceux-là se privent du vrai contenu de la Révélation, en se fiant à la seule littéralité des textes : «La lettre tue, mais l’esprit vivifie.»

Nos auteurs font allusion incidemment, et par deux fois, à cet élément de différenciation, d’abord en citant D. Tassot : «Je ne me présente jamais comme créationniste puisque c’est une étiquette qui sert de tête de Turc. Il faut refuser tous les «- ismes». Je suis anti darwinien, je suis antiévolutionniste » (cf. p. 90).

Ils notent également la conception fixiste de l’espèce chez Cuvier, et la conception transformiste de Lamarck (p. 116); et Corinne Fortin, quant à elle (cf. p. 1l 5), relève qu’il est intéressant d’aborder le créationnisme «historique », c’est-à-dire la version «fixiste», car ces deux conceptions scientifiques divergentes ne s’appuient en rien sur une doctrine religieuse, et leur confrontation peut «outiller les élèves intellectuellement» et leur permettre de «se rendre compte de l’incurie du discours créationniste» (p. 116).

«Incurie» ? Ou plutôt «inconsistance», ou encore «indigence» ? Je ne saurais le dire, mais si l’on saisit bien l’argumentation, le discours créationniste est inefficace et inopérant, par le simple fait qu’il se réfère à des connaissances parvenues à l’Humanité par des voies de Révélation, donc « extra-scientifiques», si l’on définit les sciences comme des interprétations cohérentes et quantifiées du pur donné expérimental, à caractère de «modèle » toujours hypothétique. Je n’exagère pas, Guy Lengagne le dit clairement: «Les gens recherchent des réponses toutes faites qui correspondent plus aux dogmes qu’à la science. Je suis frappé, dès qu’il y a un problème quelque part, les gens souhaitent connaître la vérité. Or la Science est du domaine de l’incertitude. Si une hypothèse n’est pas bonne, ce ne sont pas les faits qui ont tort, c’est que l’hypothèse a été mal formulée. On fait donc une autre hypothèse, et on avance, c’est une démarche scientifique. Mais les gens attendent désormais des réponses toutes faites. C’est ce que les créationnistes leur apportent avec une démarche dogmatique qui s’oppose au fonctionnement de la science.» (p. 122)

Texte d’anthologie qui met merveilleusement en lumière la notion de «science» sous-jacente à l’évolutionnisme matérialiste dans toutes ses acceptions et ses nuances : de ce point de vue, il n’y a de science qu’hypothétique, pragmatique, expérimentale ; il n’est pas de vérité, pas de science certaine, ni de formulations définitives en aucun domaine, sauf à retirer à ces connaissances le label «science».

L’atmosphère est kantienne. Souvenons-nous, dans un passage célèbre, Kant affirme que l’esprit va naturellement — c’est vrai, concède-t-il — vers Dieu, mais que  c’est là une illusion, tout comme au bord de la mer on a l’impression de voir l’horizon plus élevé, alors que c’est une illusion dont nul ne peut se libérer…

D’autre part, n’est-il pas consternant de constater que, pour des figures de la culture contemporaine comme G. Lengagne, l’esprit de recherche indéfinie prend résolument le pas sur la joie que procure au « commun des mortels » le fait d’obtenir une certitude de la Vérité? Pour faire partie de « l’élite » intellectuelle de notre temps, faut-il donc refuser a priori toute connaissance supérieure communiquée par Dieu Créateur et Seigneur du Ciel et de la Terre? Fléchir nos esprits orgueilleux devant les données mystérieuses des onze premiers chapitres de la Genèse, est-ce pour autant prétendre en détenir l’unique et définitive interprétation, en avoir discerné le contenu véritable, en avoir percé les secrets? Non ! C’est simplement tenir compte humblement de ce dont a voulu nous informer Dieu le Créateur Infini sur son Œuvre de création. Qui pourrait formuler l’hypothèse — sans être guidé par un esprit de blasphème — que Celui-qui-Est Sagesse et Science infinies parle pour ne rien dire?

Non ! toute « démarche dogmatique» ne s’oppose pas au fonctionnement de la science ! Et la Foi de l’Église a de nombreux titres à faire valoir pour oser défendre, devant le «tribunal» de la raison humaine, l’affirmation contraire. Mais des mathématiques d’un niveau inaccessible sauf à une élite mondiale restreinte, et des savoirs ou des hypothèses exprimés dans un langage abstrus ont fini par créer, dans les différents domaines de la connaissance, une sorte de société savante confinée dans la haute enceinte fortifiée de ses convictions athées.

D’où cette tendance de nos deux auteurs à considérer toute penseur «non-évolutivement correct» comme un «amateur», un faux savant et un vrai ignorant. D’où encore l’accusation d’«amalgame» lancée contre qui ose parler de rechercher un accord entre les vérités théologiques, philosophiques et scientifiques. Mais comment le leur reprocher?

Dans leur perspective, il est difficile de concevoir que nous ne soyons pas des gens intellectuellement débiles ou malhonnêtes, ou encore des psychopathes. Après tout, Marx l’a dit il y a longtemps : puisque l’Au-delà est une illusion, il appert que les gens qui y croient sont des malades à soigner qui relèvent de la psychiatrie… Certes, ils ne vont pas jusqu’à le dire, mais ils semblent sincèrement donner à le penser.

Mais alors, chers C. Baudouin et O. Brosseau, pourquoi vous irriter de nos efforts et vouloir les contrecarrer? Pourquoi mettre en garde et dresser les gens contre nous ? Pourquoi cette nouvelle «Inquisition» ? Feriez-vous alors partie d’une «Église» profane dont la foi en 1‘Évolution généralisée serait le «kérygme»? Voyez-vous, si l’Univers est bien tel que le décrivez, sans nul doute ira-t-il tout seul vers son «destin », d’ailleurs à jamais inconnu! Pourquoi agir alors, pourquoi — par exemple — exercer des pressions au sein des institutions et organismes internationaux ? Pourquoi vouloir chasser des vastes espaces de la Culture toute notion de «créationnisme », et même toute controverse à son sujet? Pourquoi nous faire le curieux reproche à nous, fidèles catholiques, d’utiliser avec une redoutable habileté et efficacité les médias modernes? Internet, la télévision, les CD, la radio, les livres, nous faisons feu de tout bois en faveur d’une cause à vos yeux exécrable et ruineuse,  mais pourquoi ne le ferions-nous pas? En revanche, votre position intellectuelle prônant l’absence totale de finalité dans l’univers rend tout à fait inintelligible le zèle dont vous brûlez au service de votre Cause.

Pour notre part, nous avons des motivations puissantes et honorables pour agir comme nous le faisons. Vous-mêmes, vous les exprimez très bien à travers deux citations. La première est du R.P. François Euvé : «C’est peu dire que de reconnaître le caractère conflictuel et laborieux de la réception de la théorie darwinienne de l’ évolution dans le monde chrétien» (cf. p. 56).

La seconde, la voici : «De son côté, Charles Susanne (…) résume très bien la position de l’Église catholique : «L’homme n’est pas sur Terre par hasard, même s’il est le produit de l’évolution et, de plus, l’esprit humain est de création divine, non sujette à des changements évolutifs » (cf. p. 64).

Nous donc, nous disons simplement qu’en ce qui concerne l’origine et la fin de l’Univers, sa cause et sa finalité, nous bénéficions d’une source d’informations sûre et pure, puisqu’elle provient du Créateur et Artisan de ce cosmos, cosmos que vous appelez souvent la «Nature». Cet Être  qui s’est fait connaître comme « Je Suis » à Moïse et à Jean (cf. Ex 3, 14 et Jn 1, 18), nous enseigne par SA Révélation interprétée par SON Église (car il y en a beaucoup d’autres !…) que l’homme est «image de Dieu» (cf. Gn 2, 27); c’est là son identité ontologique, et comme tel il est le résumé de toute la Création (la «Nature»). Vous, vous soutenez en fait une conception étonnamment semblable, mais inversée et si bien exprimée par E. Haeckel !

Saint Thomas d’Aquin, synthétisant toute la pensée de l’Église sur ce point, écrit: «L’homme contient en lui, d’une certaine manière (aliquomodo), tous les animaux». C’est la célèbre doctrine de l’analogie, de la participation (cf. Livre de la Sagesse 13, 5 ; Lettre aux Romains, 1,19-20), et de son corollaire : l’homme comme «microcosme»4.

Vous niez que l’Univers soit un langage, un message adressé à l’intelligence humaine, vous niez cette ordonnance du créé empreinte de Sagesse. Vous récusez, bien entendu (et comment vous le reprocher?), la Doctrine de la Chute, ce Péché Originel qui permet de comprendre que les lois connues du Cosmos d’aujourd’hui ne nous habilitent pas à saisir, à déduire ce qui fut « avant » l’Histoire. Dans notre perspective en effet, ce «Péché» a altéré l’équilibre et l’ordre initiaux des étoiles, de la Terre et des atomes, de la moindre particule traversant les espaces, en même temps qu’il a brouillé et obscurci l’intelligence de l’homme, lequel, vivant dans cet Univers,  porte le regard affaibli de son esprit sur ce Cosmos transformé, pour tenter d’en formuler les lois afin de les utiliser à son profit.

Vous considérez qu’il faut écarter impérativement ce Donné révélé, au nom de la Science, de l’Intelligence, des Droits de l’Homme, de la liberté de penser.

Pour vous, c’est l’évolution animale, au sein d’un inexprimable chaos cosmique, depuis la matière des étoiles et des planètes, qui a abouti — au bout de milliards d’années — à l’espèce humaine, à cette Humanité qui, aux yeux de l’idéologie écologiste, ne fait guère qu’endommager la «Terre-Mère». En somme, de votre point de vue, la Matière contient l’Homme «en puissance» ! (ce qui est l’inverse de la Doctrine chrétienne). Dès lors, ne vous fâchez pas contre le «principe anthropique», il ne dit pas autre chose, vous n’avez rien à craindre de lui ! Réfléchissez : l’Homme est apparu parce qu’il devait apparaître ; il émane des énergies cosmiques, comme ça, sans raison, nul ne sait ni ne saura jamais pourquoi, et à vrai dire la question elle- même n’a ni sens, ni signification…, ni le moindre intérêt. Simplement, les constantes étaient réglées comme ça. Et nous sommes là, vous et moi : qu’affirmer de plus? Et pourquoi nous fâcher?

Oh ! Je sais bien ce qui vous dérange dans ce «principe anthropique» : c’est la perception qu’il y a en ce Monde une finalité et un ordre ; c’est la perception de l’insuffisance étouffante d’un rationalisme glacé ; c’est la tentative de s’extraire de l’enceinte barbelée de l’Histoire. Et cet effort vous paraît néfaste et intolérable, alors qu’il trahit la plus haute nostalgie de l’Homme, celle de reconnaître la Lumière vivante dont il est issu, son Créateur Infini. Vous aussi, chers Olivier Brosseau et Cyrille Baudouin, vous en êtes issus. En niant ce point majeur, vous êtes les disciples d’un rationalisme absolu qui exclut ne serait-ce que la possibilité d’une révélation. L’Homme est seul en ce bas monde, personne n’en a conçu les «plans» ; personne ne s’intéresse à lui, personne ne l’attend après cette vie…

Cette vision des choses, qui est la vôtre, n’est pas vraiment nouvelle, elle n’est pas du tout «moderne» ! Vous la trouverez lumineusement exprimée dans le Livre de la Sagesse, au chapitre 2 ; vous y trouverez toutes vos argumentations, déjà exposées dans ce Livre sacré qui vous attend depuis presque trois millénaires. Lisez-le, vous n’y perdrez rien !

Maintenant, faisons une hypothèse, pour rester dans le domaine d’une glorieuse « incertitude », suivant en cela – provisoirement certes ! — les traces du professeur Lengagne (relisons la p.122 de notre précieux opuscule).

Soyons enfin « scientifiques »et admettons –  en lieu et place du célèbre « Fait de l’Évolution » – comme un Fait avéré – quoique révélé, la Chute originelle, avec ses conséquences, telles que l’on peut les appréhender à partir de la doctrine de l’Église. On réalise bien vite l’inadéquation radicale — et cela dans une authentique perspective « scientifique » – de l’actualisme de Lyell, ainsi que l’impossibilité de remonter l’échelle des temps en-deçà de la Chute. En effet, ce que nous observons, géologiquement et astronomiquement parlant, est le Monde, le Cosmos d’après la Chute. En toute logique, l’Homme, disons : l’Humanité, a dû apparaître au début de cette Histoire géologique, stratigraphique, géographique et astronomique. À nous de nous servir de ces données révélées et de ce qu’on en peut déduire, en les comparant aux faits, car «ce ne sont pas les faits qui ont tort.» L’audacieux J.-J. Rousseau disait, pour sa part : «Ecartons les faits !». Nous ne sommes pas de ses disciples.

Croisons donc ces données révélées avec ces faits avérés. De ces recherches, de ces observations, de ces réflexions, jaillira toute une série d’hypothèses nouvelles dans le domaine le plus strictement scientifique5, hypothèses à infirmer ou à confirmer, à vérifier ou à «falsifier» – au sens de Karl Popper.

Voilà un travail passionnant, et par ailleurs totalement dans la ligne de l’œuvre apologétique de l’Église. Ce travail intellectuel et scientifique, qui s’est toujours fait au sein de l’Église, correspond intimement à sa Doctrine6, à cette harmonie fondamentale, « fontale » dirai-je, entre Foi et Raison, pour cause d’une unique Origine tri-personnelle, transcendante et sage : Dieu Infini, Dieu créant l’homme, «homme et femme» à son image et ressemblance, s’incarnant en la Personne du Verbe, connu dans l’Histoire comme l’Homme Jésus-Christ (cf. 1 Timothée 2,5) opérant la Rédemption de l’Humanité enveloppée de la ténèbre de la Chute.

Qu’y a-t-il d’étonnant à admettre que le Créateur puisse nous faire connaître quelques-uns des événements historiques spécialement importants, dans le contexte de cette Rédemption (tels la Chute, le Déluge, Babel), quand la Foi catholique nous enseigne par ailleurs le Mystère de l’Eucharistie en tant qu’intervention quotidienne divine dans l’Histoire, celle que nous vivons actuellement en compagnie d’Olivier Brosseau, Guy Lengagne. George Bush, Jean Staune et Benoît XVI ? Dès lors, il devient évident, contrairement à ce que prétend le rationalisme protéiforme actuel, que les apports de la Révélation ne peuvent qu’enrichir, rectifier et même restaurer les sciences.

Remarquons ceci en passant : un certain nombre d’auteurs rappellent à ce sujet, dans le but de contrecarrer les présentes observations, que le pape Pie XII a admis (dans Divino afflante Spiritu) la réalité des «genres littéraires» et a affirmé (dans Humani Generis) que les 11 premiers chapitres de la Genèse ne sont pas «historiques» au sens actuel. Mais l’existence de «genres littéraires» est une évidence, et il est triste qu’un Pape soit obligé de le rappeler. Quant aux premiers chapitres de la Genèse, je dirais volontiers : Dieu merci qu’ils ne soient pas «historiques» au sens actuel ! Notre Histoire, ou plutôt nos reconstitutions de l’Histoire sont tellement conjecturales. Et les dernières décennies ont montré de manière impressionnante la nécessité de révisions déchirantes sur nombre de points importants. Pensons aux remarquables travaux et recherches des Régine Pernoud, Jean Dumont, Jacques Heers, Jean Servier et, tout récents, à ceux de Sylvain Gouguenheim, ou encore de Nina Mur Nemé. On peut dresser également un inventaire dans les domaines de la paléontologie, de l’économie, de la physique, de la médecine… Un nom célèbre, celui de Maurice Allais, brille au firmament d’une révision générale… Dans tous les domaines de la connaissance, la contestation des «acquis» s’amplifie !

Mais également les découvertes qui vont avec… Ainsi, il n’y a qu’une dizaine d’années que l’on a eu connaissance d’un événement géologique majeur (7000 ans, selon l’échelle admise !), qui s’est donc déroulé dans la période dite «historique» : le remplissage de la mer Noire réalisé en quelques années, probablement par des chutes d’eau gigantesques formées suite à un violent séisme, dont le détroit des Dardanelles constitue tout ce qu’il en reste. Événement d’une ampleur énorme, qui avait échappé à la sagacité des géologues ! Des ruines sous-marines de cités anciennes prouvent  cette surprenante et rapide montée des eaux. L’éruption explosive du Mont Saint-Helens près de Seattle, en 1980, atteste de transformations grandioses sur de vastes superficies, et ce en quelques minutes, et confirme la réalité de phénomènes de stratifications ultra-rapides – en l’espace de quelques heures –  là où la «communauté des géologues» aurait vu l’œuvre de millions d’années d’érosion, si la catastrophe n’avait pas eu l’heur de se dérouler sous l’œil des caméras.

Enfin, des calculs assez simples laissent entendre qu’il est difficile de faire remonter l’antiquité de l’humanité à plus de 11000 ans, vu les paramètres de la courbe de population de notre beau globe. Rien à voir avec les 7.000.000 d’années hypothétiques de Toumaï, déjà durement contestées par son découvreur !

On aurait tort de sous-estimer l’impact scientifique et le retentissement médiatique de ces récentes découvertes ou observations. Tôt ou tard, on sera confrontés à la nécessité d’un réexamen global de la Weltanschauung actuellement enseignée dans les écoles et les Universités comme une sorte de dogme laïc.

Que de «gloires» historiques, dans les sciences «dures» ou «molles», nettement revues à la baisse et redimensionnées par de très grands scientifiques écœurés par le conformisme étouffant du «scientifiquement Correct» et du Mensonge obligatoire.

Alors, de grâce, ne dogmatisons pas des reconstitutions fragiles et incurablement idéologiques (style La Guerre du Feu ou autres films et documentaires de propagande, dans la ligne très «Correct» du Pr. Yves Coppens, films qui sont d’ailleurs techniquement de vraies réussites!), en éludant les seules connaissances rationnellement et historiquement dignes de confiance, celles de l’Écriture Sainte !

Ce n’est pas là faire œuvre de «fondamentalisme», ce forfait impardonnable abominé par les médias de toutes tendances.

En effet, ce qui nous distingue, nous autres catholiques, de nos frères chrétiens créationnistes qui sont dans la mouvance de la Réforme, ce ne sont pas des compétences supérieures, ou des secrets bien gardés. Des amitiés se nouent, des informations innombrables s’échangent pour l’utilité de tous : on nous traite de «fondamentalistes», avec tout le mépris que cela comporte, c’est tout juste si l’on ne nous accuse pas d’être des terroristes ! Nous partageons volontiers cet opprobre dans le bon combat en faveur de la vérité.

La différence «fondamentale» -justement ! — réside tout simplement en ceci : c’est que nous nous attachons à interpréter l’Écriture à travers le Dogme de l’Église ; en d’autres termes, à travers sa Tradition. Cette divergence dans l’interprétation, encore une fois, est capitale, mais elle n’est pas nouvelle ; sans elle, nous ne serions pas catholiques. Voilà d’ailleurs pourquoi il ne peut y avoir de fondamentalisme catholique : il n’y en a pas besoin.

Conclusion :

En terminant ces remarques suggérées par votre opuscule sur Les créationnismes, chers C. Baudouin et O. Brosseau, laissez-nous vous dire encore ceci : réfléchissez bien et constatez à quel point vous dépendez d’une métaphysique discrète (honteuse ?) qui imprègne toute votre pensée. Pêle-mêle : le refus de la « quête de sens» et de toute finalité, le «créationnisme » comme « menace» et «cancer très avancé» (p. 37), votre notion réductrice de la Science comme se devant d’être matérialiste pour être digne du nom de science, votre identification de toute «intrusion spiritualiste» à une imposture, votre affirmation massive de l’évolution comme «Fait», ou de l’origine commune de l’homme et du singe, votre engagement passionné en faveur de la célèbre «laïcité à la française», l’incroyable reproche que vous nous faites de recourir avec compétence aux médias actuels, tout cela laisse perplexe sur la valeur de la cause que vous défendez, et même sur ses fondations. A vrai dire, il vous est bien permis de «douter», le Professeur Lengagne ne se fait-il pas le chantre de «l’incertitude» comme élément constitutif de la Science (cf. p. 121)?

Nous aussi, chacun dans son domaine de compétence, nous doutons, nous cherchons, nous formulons des hypothèses ; et comme vous, nous avons des certitudes et des convictions… Il est vrai : pas les mêmes ! Mais acceptez qu’il y ait une place au soleil pour nous aussi ; nous ne sommes pas des monstres, nous ne voulons faire «avouer» personne et nous n’avons jamais «torturé » qui que ce soit ! Nous ne sommes pas les héritiers de quelque peste «brune» ou «rouge » ! Quel terrible danger représentons-nous ? Quel virus redoutable et mortel sommes-nous donc, pour qu’à travers les grands médias dont vous disposez quasiment sans restriction, vous fassiez … « de la prévention » ? Vous exploitez une philosophie camouflée qui se sert du paravent de la Science. Fort bien ! Laissez-nous en faire autant, mais au grand jour. Notre «philosophie » à nous, c’est la sagesse de la Révélation du Christ, qui Seul peut nous porter des nouvelles de l’Éternité, et qui est Seul habilité à nous faire l’exégèse des secrets ultimes de Sa Création : ce que vous appelez la «Nature». En cela, nous sommes pleinement cohérents avec nous-mêmes dans les domaines incriminés que sont la théologie, la philosophie, et les « sciences » au sens moderne. Reconnaissez que nous sommes logiques avec nous-mêmes et que nous allons, sans mensonge ni méchanceté, jusqu’au bout de cette logique. N’en faites-vous pas d’ailleurs autant, de votre côté, avec vos présupposés et avec vos préjugés, aussi, parfois?

Alors, en tout respect et toute amitié, nous vous dirons tout simplement : que les meilleurs gagnent ! Mais ne l’oubliez pas, quand même, nous avons un avantage sur vous, un avantage auquel vous ne croyez pas, certes, car pour VOUS c’est une chimère. Avec confiance, nous demandons au Créateur et Artisan de toutes choses, à travers sa Révélation, de nous donner quelques indications, quelques éléments de sagesse et de science à glaner à propos de ce magnifique Univers des étoiles et des atomes, afin de mieux vivre et de parvenir avec le plus grand nombre de nos frères humains à notre destinée éternelle, finalité secrète de toute la Création. Puisse le Seigneur vous accorder un jour Sa grâce !


1 Dans cette optique, en effet, que peuvent être la philosophie ou les « sciences molles », sinon le domaine privilégié de la pure opinion ?

2 En cela, D. Tassot est accusé de « mélange des genres », et même de « rapprochements incohérents » (p. 84, note 5). Il se retrouve en compagnie de Jean-Paul II accusé pareillement de « mélange entre science et religion ».

* Ndlr. À l’év-angile (bonne nouvelle), le préfixe grec eu signifiant « bon », le P. Morey s’amuse à opposer un « cac-angile », du grec kakos signifiant « mauvais ».

3 On a mis « scientifiques » entre guillemets, comme le font nos deux auteurs : car pour eux, être « créationniste », c’est sortir de la Science, c’est une contradiction dans les termes, une vraie chimère.

4 Sainte Hildegarde affirme que, quand Jésus dit, en saint Marc : « Annoncez l’Évangile à `toute´ créature », il parle de l’être humain qui, pour ainsi dire, les résume et les contient toutes. Même notion chez saint Thomas d’Aquin, pour qui l’homme est « quodammodo omnia ».

5 Au sens même de nos deux auteurs.

6 Il faut, nous rappelle saint Pierre, «rendre compte de l’Espérance qui est en nous», ce qui est d’une étonnante modernité ! Et c’est une constante bimillénaire de l’enseignement de l’Église. Dans une optique très proche, sainte Catherine de Sienne affirmait que « la Foi est la lumière de la raison ».

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