Partager la publication "Le signe du prophète Jonas et ses confirmations modernes"
Par Ambrose John Wilson
Ambrose John Wilson1
Résumé : Nonobstant le caractère miraculeux de l’histoire de Jonas, l’intervention divine qui le ramène, bon gré mal gré, à sa mission envers les Ninivites, il est utile d’examiner la vraisemblance de ce récit. Le Pr. Wilson montre ici que le cachalot peut sans difficulté engloutir un homme et rapporte deux cas de marins qui y ont survécu : celui de James Bartley en 1891, et celui de Marshall Jenkins en 1771. Il faut aussi ajouter la manière dont Jésus-Christ évoque l’histoire de Jonas, non comme une parabole, mais comme le prototype de sa résurrection, après trois jours et nuits.
Peu d’histoires de la Bible ont fait davantage l’objet de critiques hostiles que celle de Jonas et du « grand poisson ». Dans sa franche naïveté, elle se lit comme une fable. La simple suggestion qu’un homme pourrait être avalé par un poisson et survivre paraît si invraisemblable à notre expérience quotidienne qu’elle semble une absurdité contre laquelle nous sommes toujours prêts à accueillir des preuves. Il y probablement une autre raison, plus subtile. Lorsque Thomas Hobbes de Malmesbury, qui tenta de fonder toutes les vertus sur l’égoïsme, affirme que la pitié consiste à imaginer ce que nous ressentirions si nous étions nous-mêmes dans la situation suscitant la pitié, il touche un instinct naturel indubitable. Pitié à part, nous ne pouvons éviter de nous mettre à la place de Jonas, dans cette situation horrible même pour l’imagination. En conséquence, l’histoire est très souvent réduite au statut de mythe pédagogique, ou, pour les plus croyants, à un miracle arrivé une fois grâce à l’intervention divine et qui, espérons-le, ne se reproduira plus jamais.
Ces points de vue appellent une évaluation. Si le Modernisme exige que la Révélation soit testée scientifiquement, il est évident que la science utilisée devrait elle-même être au-dessus de tout soupçon.
Lorsqu’une telle aventure est enregistrée dans un texte sérieux comme un fait parmi une suite d’événements historiques, elle mérite d’être traitée sérieusement.
Non pas en se fiant aux impressions ou au sentiment mais en recourant aux tests rationnels de la physiologie et de l’histoire. L’objet de cet article est d’évaluer l’aventure de Jonas de cette manière.
Mais avant cela il faut, par souci de clarté, examiner de plus près l’objection habituelle qu’il s’agit d’un événement miraculeux, donc impossible. Par là on veut sans doute donner à entendre qu’il était dû à une intervention divine violant les lois de la nature. Ceci appelle une distinction qu’il sera bon de garder en mémoire. Si le miracle, dans son sens commun, présuppose l’intervention divine – ce qui est indispensable s’il est vraiment scripturaire – cette intervention divine peut néanmoins s’exercer de deux façons différentes. Il n’y a pas forcément violation des lois naturelles. Elle peut aussi bien utiliser soit des lois de la nature encore ignorées, ou, si elles sont connues, qui restent hors de portée des pouvoirs humains, soit des lois de Dieu qui transcendent les lois naturelles qu’Il a promulguées.
La révolte moderne contre le miraculeux est probablement dirigée surtout contre l’intervention divine contraire à la nature. De là cette tendance à expliquer le miraculeux par l’emploi de forces naturelles inconnues de l’homme – et il est évident qu’il en existe beaucoup – ou inaccessibles à ses pouvoirs. Mais il faut bien comprendre que toute tentative d’inclure ces miracles, ces « signes » ou « pouvoirs » dans les limites des lois naturelles et de les traiter comme des interventions providentielles n’exclut nullement le miracle au sens spécifique d’une intervention divine directe. L’Ecriture reconnaît clairement les deux cas.
Il semble ici que nous ayons affaire à un miracle au sens large. Lorsque dans un langage adapté par sa simplicité aux lecteurs de ces premiers témoignages, le récit biblique dit « le Seigneur a préparé un grand poisson« ; « le Seigneur a parlé au poisson » il ignore les causes secondes et attribue au Créateur un contrôle direct – en ce sens miraculeux – sur ses créatures marines.
Ceci est en harmonie avec les différents exemples dans l’Evangile montrant Notre Seigneur exerçant un pouvoir semblable sur les poissons. Dans les deux cas, ce sont manifestement des forces naturelles qui sont mises en œuvre, mais d’une façon miraculeuse car échappant totalement aux pouvoirs humains.
Passons maintenant à l’application des deux tests déjà mentionnés et d’abord au test physiologique.
Le gros poisson en question devait être un cachalot, une espèce qui habite les eaux méridionales où Jonas voyageait et que l’on rencontre dans toutes les mers tropicales et subtropicales, remontant éventuellement l’été jusqu’aux Shetland et même jusqu’en Islande. Le cachalot se distingue de la baleine ou du mysticète des mers septentrionales par des dents sur sa mâchoire inférieure (au lieu d’un fanon) s’adaptant aux alvéoles de la mâchoire supérieure. Il atteint une très grande taille pouvant mesurer 15 à 21 ou 24 mètres de longueur. La tête massive, tronquée verticalement, renflée en avant, atteint le tiers de la longueur du corps.
Il est donc raisonnable, en accord avec Sir John Bland Sutton, de supposer pour Jonas un cachalot de 18 mètres (2,70 mètres de moins que le spécimen du Musée de South Kensington) avec une gueule de 6 mètres de long, 4,60 mètres de haut et 2,70 mètres de large. Comparée à une chambre réelle de maison, on peut être enclin à accepter son estimation qu' »une telle chambre pourrait facilement contenir 20 Jonas se tenant debout« . A cela, il a été objecté que le cachalot « a aussi une énorme langue« . Mais cette idée vient de la confusion habituelle entre le cachalot et la baleine. C’est celle-ci qui a une énorme langue. Herman Melville, le pêcheur de baleine, ayant une connaissance unique et minutieuse de la cétologie pratique, souligne que le cachalot n’a pas de langue ou du moins une très petite, à peine quelque chose ressemblant à une langue, très petite pour un si gros animal. Elle est presque incapable de mouvement, un peu comme chez l’oiseau.
De toute façon Jonas n’eut pas l’occasion d’expérimenter la station debout car il passa rapidement dans le ventre de la baleine.
Ici nous rencontrons les critiques les plus habituelles de l’histoire. Toujours et encore on allègue l’impossibilité pour cette raison que « l’œsophage ou le gosier est trop étroit« .
Cette erreur provient de nouveau d’une confusion avec la baleine qui « a une très petite gorge et se nourrit de petits animalcules« , « de petits crustacés et mollusques » qui abondent dans les mers arctiques. Mais les biologistes nous disent qu’en règle générale « le gosier des poissons est petit, court, large et extensible« . Sir John Bland Sutton, dans sa conférence, montre « l’avaleur noir » (Chiasmodon nigrum) « avalant un poisson plus gros que lui« , de même que le boa constricteur avalera facilement un chevreau pourtant plus large que sa bouche non distendue. La baleine n’a aucune raison d’élargir son œsophage. Le cachalot lui, a une raison permanente : « Il nage avec sa mâchoire inférieure pendante et son énorme gosier béant comme une caverne sous-marine. » Rien de plus facile que d’être avalé par lui !
Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas de possibilités calculées mais de faits expérimentés. Le cachalot vit essentiellement de poulpes « dont les corps, bien plus grands qu’un corps humain, ont été retrouvés entiers dans l’estomac« . « De grandes masses de substance semi-transparente, de taille gigantesque et de forme irrégulière- morceaux de seiche – bloc massif- tentacule ou membre aussi épais qu’un corps d’homme corpulent« . « Baleine capable de dévorer de gros animaux« , « des seiches presque éléphantesques« . Franck I. Bullen a donné des témoignages visuels dramatiques de bataille titanesque « lorsqu’un cachalot rencontre une seiche de dimension presque égale« . Le gérant d’une station baleinière de l’extrême nord de l’Angleterre a déclaré que ce qu’ils avaient trouvé de plus gros dans un cétacé était « le squelette d’un requin de 4,90 mètres de long« . L’objection de la difficulté due à l’œsophage le fit sourire et il expliqua que la gorge d’un cachalot peut avaler des bouchées de 2,40 mètres de diamètre. Quand on lui demanda s’il croyait à l’histoire de Jonas et de la baleine il répondit : « Certainement. C’est certes un miracle que Jonas restât vivant, mais sur la possibilité qu’il ait pu être avalé, il ne peut y avoir aucun doute…
On peut raisonnablement douter de la survie du prophète après avoir été avalé, mais il ne fait aucun doute que certaines espèces de cétacés peuvent avaler un homme sans le moindre inconvénient pour elles-mêmes. »
Alors, y-a-t-il eu un miracle après tout ? Voici le nouveau le point à étudier : est-ce qu’un homme peut survivre dans une baleine ? La réponse semble être qu’il le pouvait en effet, bien qu’avec un grand inconfort. Il avait de l’air pour respirer – enfin un genre d’air – ceci est indispensable pour permettre au cétacé de flotter. La chaleur devait être très étouffante : 40°C, selon l’opinion d’un expert, situation due « à sa couche de graisse, souvent très épaisse mais nécessaire pour qu’il puisse résister au froid de l’océan et qu’il se sente à l’aise par tous temps, dans toutes les mers, époques et marées. C’est pour la même raison qu’un nageur voulant traverser la Manche se recouvre de graisse. » Cette température de forte fièvre, pour un être humain, n’est cependant pas fatale pour la vie humaine. De même le suc gastrique devait être très désagréable, mais pas mortel. L’animal ne peut pas digérer de la matière vivante, sinon il digérerait les parois de son propre estomac.
Combien de temps alors pouvait-il survivre ? « Jusqu’à ce qu’il meure de faim« , estime James Bartley, opinion fondée, comme nous allons le voir, sur son expérience pratique. Voilà pour le test physiologique.
Voyons maintenant le second test, historique. Une aventure aussi surprenante que celle de Jonas, presque universellement tenue pour unique, même si l’on montre qu’elle ne contredit pas les lois naturelles, serait fortement corroborée et éclairée si elle pouvait être comparée à une situation semblable. Or tel fut le cas de James Bartley, pas plus tard qu’en 1891, comme l’expose Sir Francis Fox dans son livre « Sixty-Three Years of Engineering« . Mais avant de donner les détails, il faut souligner que toute l’histoire a été soigneusement examinée non seulement par Sir Francis Fox, mais par deux savants Français, dont l’un était feu M. de Parville, l’éditeur scientifique du « Journal des Débats » à Paris, « l’un des savants les plus consciencieux et méticuleux d’Europe« .
Il conclut son enquête en affirmant sa conviction que le récit du capitaine de l’équipage du baleinier anglais était digne de foi. « Il existe de nombreux exemples de baleines qui, dans la furie de leur agonie ont avalé des êtres humains. Mais ceci est le premier exemple contemporain où la victime est ressortie saine et sauve« .
A la suite de cette illustration récente, il déclare : « Je finis par croire que Jonas est réellement sorti vivant de la baleine, comme le dit la Bible. »
Le meilleur moyen de donner les grands traits de l’histoire est de citer le récit de Sir Francis Fox, avec son aimable autorisation. En février 1891, la baleinière « Etoile de l’Orient » se trouvait au voisinage des îles Falkland lorsque la vigie repéra un grand cachalot à 5 km de distance. Deux canots furent mis à la mer et rapidement l’un des marins réussit à harponner l’animal. Le second canot attaqua mais fut renversé d’un coup de queue et les marins jetés à la mer. Un homme se noya et l’autre, James Bartley, disparut et ne put être retrouvé. Le cachalot fut tué et au bout de quelques heures il était amarré le long du bateau où l’équipage s’affairait armé de haches et de pelles, à récupérer la graisse. Ils travaillèrent toute une journée et une partie de la nuit. Le lendemain matin, avec un palan, l’estomac fut hissé sur le pont. Les marins furent intrigués par quelque chose à l’intérieur qui donnait des signes spasmodiques de vie et ils y trouvèrent le marin disparu plié en deux et inconscient. Il fut allongé sur le pont et un bon seau d’eau de mer le ranima rapidement… Pendant deux semaines il demeura fou furieux… A la fin de la troisième semaine il avait entièrement récupéré de son choc et reprit son travail.
Mais laissons-le évoquer sa survie dans un tel environnement. Bartley affirme qu’il aurait sans doute pu vivre dans sa maison de chair jusqu’à mourir de faim, car il s’évanouit de peur et non par manque d’air. Il se souvient d’avoir été éjecté du canot dans la mer… Il fut alors enveloppé d’une grande obscurité et sentit qu’il glissait le long d’un passage lisse qui semblait le faire avancer. La sensation ne dura que peu de temps et il réalisa qu’il avait davantage d’espace. Il tâta autour de lui et ses mains entrèrent en contact avec une substance visqueuse, molle, qui semblait se contracter à son toucher.
Il lui vint finalement à l’esprit qu’il avait été avalé par le cachalot… Il pouvait facilement respirer, mais la chaleur était terrible. Elle n’était pas de nature à brûler ni à suffoquer, mais paraissait ouvrir les pores de sa peau et en extraire la vitalité…
Les parties de la peau exposées à l’action du suc gastrique : le visage, le cou et les mains, prirent une teinte de pâleur mortuaire et les apparences du parchemin…(et) ne retrouvèrent jamais leur aspect naturel, (mais sinon) sa santé ne parut pas autrement affectée par cette terrible expérience.
Le réalisme frappant de ces détails semble porter le sceau de la vérité, en dehors même de la vérification due à l’examen scientifique méticuleux de M. de Parville. Mais voici une nouvelle confirmation avec l’accident rapporté par Sir John Bland Sutton et arrivé un siècle plus tôt à Marshall Jenkins dans les mers du Sud. Le journal « The Boston Post Boy » du 14 octobre 1771 rapporte -« d’après une sources incontestable« , dit-il – qu’une baleinière d’Edgartown (USA) après avoir frappé une baleine eut l’un de ses canots mordu et coupé en deux par l’animal « qui prit Jenkins dans sa gueule et plongea avec lui ». En revenant à la surface, la baleine l’avait éjecté avec les épaves du canot brisé « plein de contusions mais sans blessures sérieuses« .
De chacun de ces récits on peut tirer un parallélisme au moins partiel avec l’aventure de Jonas. Dans le dernier exemple, ce fut la baleine qui restitua sa victime. Dans le premier, il y a une similitude chronologique très intéressante. Il faut remarquer dans ce récit que la détention de James Bartley » dans le vil cachalot » fut – comme celle de Jonas – d’un jour complet entre deux nuits et deux parties de journées. Que dit le texte ? « Quelques heures passèrent après que la baleine eût été arrimée » ; mais une partie du jour précédent et une partie de la nuit avaient déjà été occupées à tuer et arrimer l’animal. Après cela, à l’aube du deuxième jour le travail commença. « Pendant toute une journée et une partie de la nuit (laseconde nuit) ils travaillèrent avec leurs haches et pelles » à leur tâche principale. Puis après cette seconde nuit, « le lendemain matin » ils procédèrent à l’étape suivante qui aboutit à la libération de l’homme.
Ainsi le test historique paraît amplement satisfait avec les deux cas semblables, mais plus récents, de James Bartley et Marshall Jenkins. Subsisterait-il encore un obstacle à la réalité historique de l’aventure de Jonas ?…
Maintenant que l’événement est confirmé de manière scientifique comme tout à fait possible en soi, le récit de la Bible prend sa place comme un récit historique ordinaire demandant à être soumis aux tests habituels de l’Histoire. Il y a cependant un argument de la critique moderne qui le rejette en affirmant que le Livre de Jonas a été écrit quelque 700 ans après les faits. Il n’y a de cela aucune preuve, c’est une pure conjecture. Comme cependant cet argument porte non seulement sur ce cas mais sur de nombreuses questions d’histoire du passé lointain, il vaut la peine d’examiner attentivement au bout de combien de temps l’écoulement des années tend à vicier la vérité des récits historiques.
Il y a deux sources à partir desquelles un auteur tardif peut tirer les faits de son récit, a) les archives publiques, b) la tradition. Dans les deux cas la conservation de l’histoire sera proportionnelle à la nature surprenante de l’événement.
a) En ce qui concerne l’existence d’archives primitives, bien avant l’époque de Jonas, la déclaration du Professeur A.H. Sayce, le célèbre égyptologue, suffira comme preuve. Il écrivait, le 7 juillet 1927 : « L’hypothèse « critique » sur la date tardive des œuvres littéraires et des codes juridiques dans l’ancien Orient est morte depuis longtemps. Outre le grand code babylonien d’Hammourabi pourtant fondé sur des lois sumériennes antérieures , nous avons maintenant les codes syrien et hittite, sous leur deux formes primitive et plus tardive, celle-ci datant d’environ 1400 ans avant Jésus-Christ. »
Quant à la littérature, les femmes aussi bien que les hommes s’écrivaient sur leur affaires quotidiennes longtemps avant la période d’Abraham. Les principales villes d’Asie mineure possédaient leurs bibliothèques publiques, et des « chroniques » comparables à celles du Livre des Rois (ou de la Genèse) avaient été compilées pour les lecteurs « populaires » à partir des annales primitives.
Je viens juste de traduire quelques lettres écrites par des membres d’une « société » représentant l’une des firmes de Babylone exploitant les mines d’argent, de cuivre et de plomb du Taurus, 2300 ans avant Jésus-Christ. Elles provenaient des rives du fleuve Halys, non loin de Césarée en Cappadoce, et elles auraient pu être écrites aujourd’hui d’après leur style et le genre de leur questions. »
b) La tradition offre également un sujet fascinant. Une tradition peut-elle survivre 700 ans ? Une génération moyenne , de père en fils est d’environ 30 ans ; la génération pour les besoins de la tradition, de grand-père à petit-fils est donc de 60 ans. Il suffit alors de 12 générations successives pour porter pendant 700 ans toute tradition digne de mémoire. Si l’événement est suffisamment exceptionnel, la tendance universelle est de le perpétuer ainsi à travers les générations, même s’il s’agit d’un fait local. Un exemple typique suffira sans doute. A l’orée de la forêt de New Forest dans le Hampshire il existe un « gué de Tyrrell » sur la rivière Avon et près de là le village d’Avon Tyrrell. Peu d’événements dans l’histoire d’Angleterre firent davantage sensation à l’époque que la mort soudaine, accidentelle (?) de Guillaume II le Roux au beau milieu de la tyrannie que lui-même et son conquérant de père exerçaient. Que soit correcte ou non la croyance populaire sur la main qui décocha la flèche, la tradition que c’était celle de Walter Tyrrell survit encore dans les noms et l’esprit des gens bien que 827 ans se soient écoulés.
Résumons. L’histoire de Jonas se présente dans la littérature et la tradition hébraïques comme un fait historique. On ne peut contester que les contrôles auxquels il est soumis doivent être, en toute justice, les plus rigoureux, exacts, et impartiaux que la science et l’histoire peuvent offrir. Or les tests physiologiques démentent la prétendue impossibilité de cette aventure. L’étude de la morphologie du cachalot et de sa configuration démontre parfaitement possible qu’un homme soit avalé vivant et rejeté après un certain temps, et qu’il puisse survivre pendant deux ou trois jours à l’intérieur du cétacé. L’Histoire a montré qu’un fait semblable s’est produit ultérieurement au moins une fois.
Par ailleurs, il est tout à fait possible qu’une mémoire authentique s’en soit conservée, même sur une période bien supérieure à 700 ans.
Il est évident que toute cette affaire concerne directement la Christologie.
Notre Sauveur s’y réfère au cours de Son enseignement le plus solennel. Si ce n’était pas vrai, alors à quel titre l’utilisait-il ? La prenait-Il pour une fiction ou non ?
Toute l’attitude de ce Maître, de l’aveu général, dénote un respect absolu de la vérité. Il est totalement invraisemblable qu’Il ait pu endosser une histoire aussi unique et improbable sans vérification soigneuse. « Mais que ce soit par ignorance ou erreur » – déclare l’argument courant – « qu’est que cela peut faire ? Il utilisait cette histoire bien connue simplement une comme parabole ! ». Si l’histoire était impossible, l’argument serait recevable. Mais l’impossibilité une fois écartée, son utilisation par le Maître dans son enseignement demande manifestement une enquête plus sérieuse et profonde. S’il s’agissait d’une parabole, quelle leçon entendrait-elle donner ? La folie de la révolte contre Dieu ? Le devoir de sacrifice de soi-même pour l’avancement de Son règne ? Non, car les écrits de l’Ancien Testament fourmillent d’avertissements sur un sujet aussi élémentaire.
En réalité Il déclare Lui-même ce qu’Il a en vue. Ce n’était pas une parabole mais un parallèle prophétique. L’inhumation marine et la résurrection de Jonas, événement vraiment unique, préfigurait un autre événement encore plus unique et capital : « de même que Jonas… de même le Fils de l’homme« . De même que l’aventure de Jonas sous la main de Dieu était pour les Ninivites la garantie de sa mission divine, de même la résurrection de son grand « Contretype » fonde le pouvoir et l’attrait de Son Evangile de salut.. Quelle solennité n’y avait-il pas dans Sa pensée, Lui qui annonçait le moment crucial du salut du monde et qui, par l’évocation d’un événement passé en garantissait un autre à venir. C’est la méthode de cette garantie qui doit retenir toute notre attention. Le lien entre les deux est la période de « trois-jours ».
Notre Sauveur l’a utilisée à de multiples reprises comme un élément essentiel de Sa prophétie sur le sort qui l’attendait. « En trois jours« , « le troisième jour« . Mais il peut avoir échappé à l’attention des exégètes du Nouveau Testament grec que chaque mention de cette durée est frappée de solennité comme pour une durée de la plus grave signification. Etant le Maître qu’Il était, il paraît inconcevable qu’Il ait utilisé pour un tel enseignement ce qu’Il aurait su n’être qu’un mythe ou une fable.
Que penser alors de l’autre hypothèse, celle de son ignorance ?
Pour y répondre il est bon de renverser le processus normal du raisonnement. Il y avait en Lui une telle perspicacité surhumaine que prophétiquement, il sut prédire Sa propre mort et Sa résurrection. Comment cette perspicacité aurait-elle pu Lui faire défaut dans cette bien moindre affaire de juger de la vérité de l’histoire passée de Jonas?
Autre objection courante avancée contre la précision de l’estimation elle-même de « trois jours et nuits ». Se trompait-Il en cela, s’agissant de Lui-même ? Mais s’Il connaissait d’avance les Jours de son séjour « dans les entrailles de la terre« , ce serait folie, de Lui refuser une égale connaissance des heures de sa durée d’autant plus que celle-ci était entièrement sous Son Vouloir, Lui qui avait le « pouvoir » sur Sa propre vie « de la déposer et de la reprendre« . Pourtant, exprimé dans le style compréhensif de l’Orient, Il identifie l’emprisonnement de Jonas dans le passé au Sien propre dans l’avenir, si bien que, quel que soit le nombre d’heures impliqué dans un cas, ce nombre l’est également dans l’autre. L’arme se retourne dans les mains du critique. L’exemple de Jonas évoqué par le Christ n’apporte aucune preuve de Son ignorance, mais au contraire, en dressant le parallèle historique, Il « parlait de ce qu’Il connaissait et témoignait de ce qu’Il avait vu« , ayant devant Lui la vision du passé et de l’avenir et connaissant les secrets de la Nature et ceux des Enfers . Vraiment nous pouvons le dire, cet homme n’était pas un rustre ignorant. En vérité, Il était le Fils de Dieu.
(Texte aimablement traduit par M. Claude Eon)
1 Professeur au Queen’s College d’Oxford, Ambrose J. Wilson avait donné cet article dans la Princeton Theological Review en 1927 (t. 25, p.630-642).