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Par Dr Louis Murat
REGARD SUR LA CRÉATION
« Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu,sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nuquand on Le considère dans ses ouvrages. » (Romains, 1 : 20)
De la peau et de ses organes[1]
Dr Louis Murat[2]
Résumé : La peau est un merveilleux et complexe ensemble, assumant de multiples fonctions. La plus manifestement intelligente est le refroidissement du corps par la chaleur latente absorbée pour l’évaporation de la sueur issue des innombrables glandes sudoripares. Leurs canaux excréteurs, infimes tubes enroulés en spirale, une fois mis bout à bout, feraient le tour de la Lune ! Concernant le tact, on dénombre à la pulpe des doigts, point le plus sensible, jusqu’à 400 corpuscules de Meissner par millimètre-carré. Quant aux poils, chacun est muni de 2 ou 3 muscles permettant l’horripilation. Si l’on y ajoute le renouvellement régulier de l’épiderme, si nécessaire, les rôles protecteurs bien connus de la peau et ses missions esthétiques, on comprend immédiatement que la conception d’un tel ensemble requiert un prodigieux génie créateur.
Nous ne décrirons pas en détail la constitution des tissus tégumentaires : épiderme (dans lequel Ranvier distingue sept couches cellulaires), derme, couche cellulaire sous-cutanée. Étudions seulement l’appareil réfrigérant dont les organes sont disséminés sur toute la surface du corps humain, les glandes sudoripares que contient le derme, au nombre de deux millions et demi. Ces glandes sécrètent en moyenne 1200 grammes de sueur par jour.
Cette dernière, en s’évaporant, refroidit la surface du corps, surtout lorsque l’effort prolongé ou violent (course, travail manuel, etc.) échauffe à l’excès la machine organique. Ainsi la température interne est exactement régularisée et maintenue à 37° degrés centigrades. Des températures internes de 42° (hyperthermie fébrile) sont le plus souvent mortelles, de même que des températures de quelques degrés au-dessous de la normale.
Chaque glande sudorifique est formée d’un tube pelotonné (glomérule) et s’ouvre à la surface de la peau par un petit entonnoir qui constitue l’extrémité du long canal excréteur. Ce dernier est contourné en serpentin dans l’épiderme épais de la plante des pieds et de la peau des mains, en particulier, où il présente 10 à 30 tours de spire. Le tube formé par la glande pelotonnée et son canal excréteur aurait, déroulé, l’apparence d’un fil à peine visible d’une dimension d’un mètre cinquante à deux mètres. On a dit que, si tous les tubes des deux ou trois millions de glandes sudoripares étaient mis bout à bout, ils auraient une longueur assez grande pour faire à peu près le tour de la surface du satellite de la terre.
La paroi du canal excréteur est formée d’une double couche de cellules cylindriques et d’une membrane propre. Le tube du glomérule est constitué par une rangée de cellules glandulaires qui sont entourées de fibres musculaires. Celles-ci sont, dans leurs fonctions, sous la dépendance du système nerveux. En outre, elles tiennent ces canaux plus ou moins fermés, lorsqu’elles se contractent par l’action du froid extérieur. Chaque glande sudoripare est entourée d’un riche réseau de vaisseaux sanguins dont les branches se comptent par centaines. Ces réseaux vasculaires tranchent sur la pâleur du reste du derme pauvre en vaisseaux sanguins.
La peau renferme encore, comme organes spéciaux, des glandes sébacées, des corpuscules du tact et des corpuscules de Pacini. Les corpuscules du tact sont très nombreux à la pulpe des doigts et des orteils où ils sont exclusivement localisés. On en a compté jusqu’à 400 dans un espace de deux millimètres carrés.
Les fibres nerveuses y constituent, avant de retourner au cerveau, un appareil en forme de ressort à boudin, qui perçoit avec précision les différentes qualités des pressions.
Dans le derme s’implantent en outre les poils et cheveux. On compte 272 cheveux en moyenne par centimètre carré (Hilgendorf). Sur le même espace la peau du mouton présente 60 poils, celle de la taupe 200 et celle de l’ornithorynque 400. Pour une tête humaine, le nombre total des cheveux serait en moyenne de 150.000, s’il s’agit de cheveux blonds; de 105.000 pour des cheveux châtains et de 30.000 dans le cas de cheveux roux. Nous n’étudierons pas ici la structure microscopique si compliquée d’un poil et des annexes d’un follicule pileux. Disons seulement que chaque poil est mû par deux ou trois petits muscles qui produisent l’horripilation de la peau. On voit quel luxe de tels organes, quel nombre prodigieux d’appareils moteurs du système pileux renferme, par exemple, la peau d’un chien ou d’un chat, animaux qui se hérissent à volonté.
Énumérons les principales fonctions de la peau. La surface lisse, qui favorise le glissement des corps contondants, la résistance, l’épaisseur et la mobilité des téguments externes s’opposent à la pénétration des instruments produisant un traumatisme. La peau étale les chocs, elle se prête jusqu’à un certain point à la distension et préserve ainsi efficacement les tissus et les organes profonds contre nombre de blessures, etc. Le coussinet graisseux sous-cutané contribue également avec efficacité à atténuer l’effet des traumatismes. La présence des corps gras qui imbibent la peau, fait de cette dernière un isolant, un corps mauvais conducteur de la chaleur et de l’électricité. La graisse rend difficile l’évaporation à sa surface de l’eau des tissus. L’absorption des liquides par la peau est nulle pour la même raison.
La peau sécrète le sébum et excrète la sueur, extraite du sérum sanguin. Par ses nerfs vaso-moteurs elle diminue ou accroit la quantité de l’excrétion sudorale et, comme nous l’avons dit, régularise ainsi la température. La peau débarrasse en outre l’organisme de produits toxiques. Elle excrète par la sueur deux grammes d’urée par jour.
C’est également de la peau que partent les réflexes qui excitent les mouvements de la respiration. Plusieurs fois, des enfants pris comme figurants dans certaines fêtes et que l’on avait eu la malencontreuse idée de peindre de couleurs non toxiques sont morts par suppression de ces fonctions. On connait d’autre part l’action eupnéique de la brise, du grand air, au sortir d’une pièce fermée, etc., sur les terminaisons nerveuses tégumentaires du visage, des mains et surtout de l’orifice des narines et de la bouche, où le réflexe dermo-pulmonaire atteint son maximum d’énergie. La poitrine se dilate; l’amplitude des mouvements respiratoires est considérablement accrue.
La peau est très sensible à la douleur, beaucoup plus que les tissus sous-jacents. Une brûlure superficielle, des piqûres d’aiguille aux doigts sont presque insupportables. Un arrachement même très limité de la peau est autrement douloureux qu’un coup de couteau profond, lequel, sans le contrôle de la vue, ne donne guère parfois que l’impression d’un coup de poing. Sans la peau les traumatismes ne détermineraient que des sensations obtuses. Grâce au contraire à la susceptibilité de la peau à l’égard de la douleur, nous évitons soigneusement toute blessure, tout heurt.
Les terminaisons intradermiques du dos de la main permettent à la peau d’apprécier de délicates différences de température. Les corpuscules de Meissner (corpuscules du tact) constituent le sens du toucher. Les corpuscules de Pacini, situés au voisinage des articulations, apprécient également les phénomènes de pression. Certains physiologistes pensent que les sensations de pression, de tact et de température sont toujours perçues par des points distincts de la peau.
Ajoutons à ces fonctions de la peau un rôle qui n’est pas signalé par les auteurs et qui nous parait non moins important que les précédents. Par la chute continuelle des couches superficielles de son épiderme qui se régénère de la profondeur, la peau entretient la propreté de la surface du corps et la possibilité des autres fonctions que nous lui avons énumérées. Les matières étrangères : poussières, etc., qui s’accumuleraient, comme sur les autres corps inertes, tombent avec l’épiderme et l’humidité de la sueur et se fixent sur le linge de corps, lorsqu’elles ne sont pas enlevées entièrement et toutes à la fois par un bain.
L’organisme, faisant régulièrement « peau neuve » par la chute de l’épiderme vieilli, se maintient propre, ou du moins est en mesure de le redevenir peu à peu, et les pores de la sueur ainsi ne restent pas obstrués. Enfin la peau fournit chez les animaux des organes protecteurs spéciaux fourrures, plumes, écailles, etc., qui, d’autre part, sont un ornement dont on peut voir toute l’importance à ce point de vue si l’on compare l’animal, un oiseau par exemple, à ce qu’il apparait une fois privé de ces productions cutanées. Dans l’espèce humaine, la finalité esthétique de la peau se traduit par la blancheur satinée du visage et par la production de cheveux soyeux, ondulés, aux teintes brunes, blondes, dorées, etc., que font valoir l’art et la science de la coiffure, ou qui, simplement noués, bouclés, tressés on flottants, constituent la plus gracieuse des parures enfantines et virginales
[1] Repris des Merveilles du corps humain, Paris, Pierre Téqui, 1912, pp. 538-545.
[2] Auteur, en collaboration avec son frère le Dr Paul Murat, de publications scientifiques récompensées par l’Académie de Médecine et l’Académie des Sciences. A collaboré avec Albert de Lapparent, fondateur de la chaire de géologie à l’Institut catholique.