La mort clinique de Jésus sur la Croix – Considérations médicales

Par Dr Jean-Maurice CLERCQ

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Résumé : S’appuyant d’une part sur une étude attentive des plaies du Crucifié (telles que nous les connaissons par le Linceul de Turin et le récit des Evangiles), et d’autre part sur les connaissances scientifiques actuelles (notamment médico-légales), le Dr Clercq tente une reconstitution des phases successives de cette mort lente que constitua la Passion : hématridose (sueur de sang), tétanie, acidose, déshydratation, ictère, etc., s’achevant par la perforation du poumon et du coeur. Outre son intérêt historique et scientifique, ce travail trouve son écho spirituel : s’identifier au Christ dans sa vie publique tout en négligeant son chemin de croix favoriserait le risque de graves illusions sur la nature de la vie chrétienne. De même, si tant est que l’épouse accompagne partout son époux, il est inévitable que l’histoire de l’Eglise connaisse une période analogue, de quelque manière, à la Passion. La méditation sur les causes qui ont agi il y a deux mille ans, pourrait ainsi ouvrir l’intelligence aux diverses causes aujourd’hui à l’oeuvre dans ce que certains auteurs1 ont perçu comme une agonie de l’Eglise.

         Lorsque les soldats romains arrivèrent à Jésus, après avoir brisé les jambes des deux autres crucifiés, ils constatèrent qu’Il était déjà mort. Un des soldats prit sa lance et l’enfonça profondément dans le côté droit.

         Saint Jean, qui se tenait tout près de la croix avec Marie, vit alors sortir de la plaie, coulant sur les bords du fer de la lance, de l’eau et du sang. Ce geste du soldat romain signait la mort légale du condamné et Saint Jean qui en avait été témoin l’atteste : “Celui qui l’a vu en a rendu témoignage et son témoignage est vrai afin que vous croyiez aussi“.

         Les Saintes Femmes, présentes elles aussi sur les lieux, virent donner le coup de lance, et, si elles avaient encore pu conserver un doute sur la mort effective de Jésus, dès ce moment elles n’en n’eurent plus. Ceux qui par la suite ont gardé le tombeau du Sauveur le savaient, eux aussi,  sinon Pilate n’aurait jamais consenti à restituer le corps de Jésus. Et cette garde, ce que ne précise pas l’évangéliste, était juive et a été montée dès la mise au tombeau, pour 24 heures d’abord, parce que c’était l’application stricte de la loi judaïque. Puis, devant le refus de Pilate d’envoyer une relève romaine, elle continua d’être assurée par le Temple jusqu’au matin de la Résurrection.

         Les prêtres du Temple, les témoins de la Croix, tout comme les soldats romains et Pilate, savaient donc d’une manière indiscutable que Jésus était bien mort à la 9ème heure de ce vendredi, veille du sabbat qui était aussi celle de la Pâque juive.

          Aussi, lorsqu’au matin de la Résurrection les Saintes Femmes virent les anges et le tombeau vide, puis Jésus ressuscité, elles accoururent de toutes leurs forces au Cénacle où les Apôtres étaient toujours réfugiés pour leur annoncer cette nouvelle incroyablement extraordinaire : “Jésus est ressuscité !” Nul doute qu’ils leur crurent l’esprit dérangé par tous les événements qu’elles venaient de vivre. Cependant Jean et Pierre, intrigués, voulurent vérifier.

         Lorsque Pierre vit le tombeau vide, avec le suaire plié, et le Linceul toujours en place mais vidé de son contenu, comme affaissé sur lui-même, gardant encore en mémoire la forme du corps qu’il avait contenu avec, autour, les liens qui avaient servi à le fermer, il ne “comprit” pas, -ce qui était dans la logique des choses. Mais Jean, par une lumière de l’Esprit-Saint, eut l’intelligence ouverte. Il crut alors à la résurrection du Sauveur et  comprit le sens des Ecritures qui lui avait été caché.

         Le soir même, Jésus apparut aux disciples toujours enfermés dans le Cénacle. Il leur montra ses mains et son côté. Mais Thomas, l’un des douze, était absent et ne voulut pas croire en la résurrection du Maître malgré tous les témoignages de ses compagnons qui s’efforçaient de le convaincre. “Si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous et si je ne mets pas ma main dans la plaie du côté, je ne croirai pas“. Ne critiquons pas Thomas. Croiriez-vous en la résurrection d’un condamné à mort qui a été exécuté en public et qui de surcroît a reçu le coup de grâce ? Il était donc normal et légitime que Thomas désirât voir les plaies des clous, preuves de la crucifixion, et celle du coeur, preuve de la mort. Ainsi put-il croire à l’incroyable.

         Il est  évident que la résurrection d’un corps mort cliniquement par supplice est un fait impossible auquel l’esprit se refuse d’adhérer. Et tel est bien le problème auquel se heurtent les rationalistes athées : le Christ n’a pu ressusciter ! Si celui qui s’est montré au Cénacle n’est pas un sosie, ce que les Evangiles affirment, Il n’a pu mourir sur la croix ; donc la mort n’était qu’apparente, un évanouissement profond ou un coma léger dont Il est ressorti ; le coup de lance ne fut que superficiel et non mortel, et c’est une fois rétabli qu’Il se montra à ses disciples. Nous avons sûrement tous, un jour ou l’autre, lu ou entendu ce genre d’argument de la part de ceux qui se refusent à croire en la Résurrection du Christ.

         Puisque de nos jours, il n’existe plus aucun doute, tant sur le plan historique que scientifique ou épistémologique, que l’Homme du Linceul est bien Jésus de Nazareth, examinons les traces sanglantes que porte ce linge sous un angle médico-légal. En d’autres termes, analysons ce document qui est parvenu jusqu’à nous, pour chercher les preuves de la mort clinique du Christ.

         Jésus a été la victime d’une crucifixion atroce que nous allons essayer de reconstituer sous l’angle médical.

       Jésus fut allongé sur le sol, le corps dénudé ; les bourreaux maintinrent les bras sur le patibulum, partie horizontale de la croix, que le condamné portait attaché sur les épaules en se rendant sur les lieux du supplice. Puis à coups secs de maillet ils enfoncèrent un gros clou, terminé par une sorte de chapeau , dans chaque poignet, entre les os carpiens et l’os du radius du bras. En pénétrant dans cet espace2 , le clou, long d’une douzaine de centimètres, ne fracturait aucun os et permettait une fixation solide sur le bois ; en revanche, en pénétrant dans le muscle du pouce, il lésait le nerf moteur sensoriel médian. Cette lésion provoquait immédiatement le repli réflexe du pouce vers la paume de la main et générait une vive douleur brûlante irradiant dans tout le bras et remontant jusqu’au cou où telle éclatait en une sorte de décharge électrique affreuse qui aurait dû provoquer l’évanouissement.

         Ensuite, le patibulum était hissé et emboîté sur le sommet du montant vertical de la croix, fiché à demeure en terre, le stipes. Les pieds pendants étaient alors saisis par les bourreaux, appliqués à plat sur le stipes et fixé par un clou, pied par pied.  Ce dernier enclouage était effectué entre le deuxième et le troisième métatarse, au centre du pied, lésant probablement les principaux nerfs. Si cette partie de la crucifixion était moins effroyable que celle des mains, les douleurs occasionnées n’en étaient pas moins vives, capables aussi à elles seules de provoquer un évanouissement. Le pied gauche revenant  sur le pied droit3 verrouillait en quelque sorte les jambes par sa position semi-fléchie.

         La crucifixion en elle-même n’engendre que peu de saignements, car elle ne lèse pas d’artères importantes, mais elle génère des douleurs atroces auxquelles  très rapidement s’ajoute toute une série de crampes. Une tétanie musculaire extrêmement douloureuse envahit les jambes puis remonte dans presque  tout le corps, de sorte qu’elle rend encore plus pénible la respiration, qui ne peut plus être qu’abdominale. Ces crampes résultent d’une accumulation de déchets métaboliques créant une acidose élevée dans les muscles (causée par la présence d’acide lactique).

         Ainsi pendu aux clous de la croix, le corps de Jésus était envahi de haut en bas par la souffrance, incapable du moindre mouvement, la moindre parole devenant presque impossible.

         Mais, par la position du corps en croix, la crucifixion, provoquait encore bien d’autres modifications biologiques, sources de nouvelles douleurs de nature différente.

         La sueur de sang (ou hématridose) de la nuit de Géthsémani, provoquée par une détresse psychologique intense, suivie de l’interrogatoire sous les coups, avait provoqué un affaiblissement important de Jésus, affaiblissement qui fut dramatiquement aggravé par une flagellation d’une violence inouïe4 . Ce supplice avait déclenché une détresse cardio-respiratoire consécutive aux oedemes importants engendrés aux séreuses du coeur et des poumons. Une telle diminution physique du Christ fit craindre aux bourreaux qu’il ne pût marcher jusqu’au Golgotha ; aussi lui enlevèrent-ils la pièce horizontale de la croix (le patibulum, pesant environ 20 Kg) qui lui était attachée aux épaules et dont le poids avait déjà causé plusieurs chutes.

         Ainsi, l’affaiblissement de Jésus au Golgotha était tel que son organisme ne pouvait être en mesure de trouver en croix une “compensation systémique” efficace, mettant en oeuvre des mécanismes compensatoires de manière à accroître l’oxygénation des organes et des muscles, et à les débarrasser des déchets métaboliques lorsque les mécanismes locaux étaient défaillants.

         Cette compensation systématique s’effectue d’ordinaire par une augmentation de l’oxygénation grâce à l’accroissement de la cadence et de l’intensité respiratoire, et une adaptation locale de la musculature pour favoriser la circulation sanguine par l’ouverture de pré-capillaires et la fermeture d’anastomoses artéro-veineuses, mais aussi par l’augmentation du débit cardiaque et une redistribution du volume du sang vers les muscles au détriment de l’irrigation de la peau, du système digestif et des reins. Quand ces mesures compensatoires systémiques fonctionnaient, le crucifié pouvait rester des jours à survivre sur la croix, avant de mourir de soif. On comprend mieux l’horreur qu’inspirait la crucifixion, réservée aux esclaves et aux criminels, et par laquelle Jésus a voulu passer pour la Rédemption de nos fautes.

         L’Homme du Linceul présente une forte dilatation de la poitrine, ainsi qu’une rigidité cadavérique installée qui indiquent que son organisme n’a pas été en mesure de mettre en oeuvre la “compensation systémique efficace” que nous venons d’évoquer, mais qu’il a été victime d’un phénomène de “décompensation systémique” qui s’est achevé dans la mort.

         Cette décompensation provoque :

         – l’augmentation de la température du corps (41° et plus) : dans le cas de contractures isotoniques des muscles, la totalité de l’énergie musculaire se transforme en chaleur et l’organisme met en oeuvre un mécanisme de refroidissement par radiation et transpiration, réalisé par la dilatation des vaisseaux sous-cutanés, au détriment de l’apport sanguin aux muscles, provoquant une déshydratation secondaire du corps.

         – il en résulte une acidose métabolique importante (acide carbonique et acide lactique) produite par les muscles privés d’oxygène. Cette acidose n’arrive plus à être neutralisée, d’autant que la capacité respiratoire se trouve déjà réduite.

         – la transpiration intense entraîne une déshydratation de l’organisme du crucifié avec perte de sels minéraux, et diminue encore le volume du sang circulant (déjà réduit par la sueur de sang, la flagellation, le port de la couronne d’épines et l’enclouement des membres), ce qui amenuise la circulation. Le rythme cardiaque commence à faiblir, réduisant encore l’oxygénation des muscles et l’élimination des déchets acides. Les muscles, devenant ischémiques (anémie locale par manque de sang), utilisent alors un métabolisme anaérobie, épuisant le sérum et accroissant encore l’acidose systémique. La soif devient intense. Elle nous est  confirmée dans le texte évangélique.

         – la redistribution du sang dans l’organisme ainsi épuisé est impérieuse pour retarder l’apparition de la mort par “choc hypovolémique” (insuffisance de masse volumique du sang). Le cerveau, le coeur, les muscles du diaphragme de la poitrine et de l’abdomen deviennent prioritaires, au détriment des membres (dont les extrémités se voient privées de sang). Cette compensation circulatoire augmente encore l’hyperthermie du corps, le taux d’épinéphrine dans le sérum, ainsi que l’excitation orthosympathique ce qui a pour conséquence de dilater plus encore le diaphragme de la cage thoracique et de rendre la respiration de plus en plus haletante et la parole quasiment impossible, sauf au prix d’un violent effort.

         – l’augmentation importante de l’acidose métabolique déclenche un ictère hépatique (jaunisse) de type hémolytique, (c’est-à-dire une destruction massive des globules rouges et de l’hémoglobine du sang, qui ne peut plus coaguler), processus, en lui-même létal à terme, ici interrompu par une mort précoce.

         – l’acidose continuant à s’élever atteint alors un tel niveau, qu’elle empêche la formation d’ATP (adénosine triphosphatée), ce qui met fin à la fonction métabolique des fibres musculaires, entraînant la mort et, aussitôt, l’apparition de la rigidité cadavérique dans les membres. Cette hyperextension de la cage thoracique et la rigidité des membres sont nettement constatables sur le Linceul de Turin.

         On comprend ainsi pourquoi Jésus est mort après avoir poussé un dernier cri : “Père, entre tes mains je remets mon esprit!”

         Il existe donc une parfaite concordance entre les textes évangéliques, l’image de Linceul et l’aspect médical de la crucifixion de Jésus-Christ. L’examen de l’homme du Linceul, qui est Jésus de Nazareth, suffit à lui seul pour établir qu’il est bien décédé des suites d’une crucifixion et qu’il était déjà en rigidité cadavérique lorsque l’image s’est formée :

         – cage thoracique en hypertension

         – pouces des mains rétractés

         – jambes en position semi-fléchie (attitude sur la croix)

         – tête inclinée sur l’avant de 25° (mesurée par la distance bouche-articulation sternoclaviculaire : de 16 cm sur un sujet de   1 m 78, ici de 9 cm seulement).

         Rappelons pour mémoire : la rigidité cadavérique s’installe vers la troisième heure en temps normal ; ici elle apparaît dans les minutes qui suivent la mort, à cause des mécanismes de décompensation systémique, en commençant de haut en bas pour disparaître dans le même ordre deux à trois jours plus tard. L’image du Linceul, de ce point de vue, est donc conforme au délai évangélique (l’image s’étant formée à l’instant infime précédant la résurrection, soit 36 heures après la mise au tombeau).

         Nous allons maintenant pousser plus en avant l’examen en nous attardant sur la plaie du coeur.

PLAIE DU COEUR

        A- ASPECT

         1- Position :       – sur le côté droit de la poitrine

                                      – entre la 5ème et la 6ème côte, c’est-à-dire dans

                                                  le 5ème espace intercostal

         2- Dimension :  –  48 mm de longueur et 15mm de largeur

                                       – de forme ovale

         3- Aspect de la tache : 

       – nature : du sang humain (groupe AB)

       – dimension : 6 cm au plus large par 15 cm de hauteur

       – coulée : irrégulière, ondulée par la saillie des côtes  

         moyennes et du muscle grand dentelé         

       – la tache est plus épaisse dans sa partie supérieure

       – couleur : carminée  (caractéristique du sang)

       – des plages plus claires : présence d’un deuxième liquide

         incolore  entremêlé au sang  (sans s’y mélanger)

B- EXAMEN APPROFONDI

        1- La forme de la plaie :

elle est caractéristique, par sa forme et ses dimensions, de la trace d’un coup de lance romaine (type feuille de laurier) donné sur un cadavre (le coup porté à droite dénote une habitude militaire : éviter le côté gauche, protégé par le  bouclier).

         Pourquoi sur un cadavre et non un être vivant ?… Les lèvres d’une plaie de ce type restent ouvertes sur un cadavre alors qu’elles se referment sur un corps vivant.

        2- La tache de sang :

Nous avons fait remarquer que le sang provient d’un cadavre : le sang reste liquide à l’intérieur des vaisseaux d’un cadavre, mais, si la mort est récente, il coagule à sa sortie. Tout cela est conforme. Le fait que la tache de sang soit plus épaisse dans sa partie supérieure indique que la plaie a produit une coulée rapide et massive de sang. Si la coulée avait été lente, l’inverse  se serait produit : le sang s’épaissit et coagule alors au fur et à mesure de l’écoulement.

         D’où vient ce sang ? Certainement pas de la perforation du poumon droit, qui n’aurait provoqué qu’un très faible saignement. Il provient donc du coeur.

        3- Le liquide incolore :

Intéressons-nous au trajet effectué par la lance pour atteindre le coeur.

                 Trajet : entre la 5ème et la 6ème côte, un peu en oblique.

         1- Perforation de la plèvre pour atteindre le poumon :

La flagellation avait provoqué une pleurite séreuse traumatique (pleurésie traumatique) : cette inflammation aiguë de la plèvre avait provoqué un épanchement très important de liquide pleural qui s’est échappé par la plaie. Ce liquide est incolore.

         2- Perforation du poumon droit :

Comme nous l’avons dit, cela ne provoque pratiquement pas de saignement.

         3- Perforation de la plèvre du poumon droit à la sortie de la lance qui arrive maintenant au coeur et qui libère à nouveau du liquide pleural.

                  Trajet effectué : 8 cm

         4- Perforation du péricarde (séreuse qui enveloppe le coeur) :

La flagellation avait aussi entraîné une hydropéricardite séreuse traumatique, c’est-à-dire un épanchement important de liquide péricardique, lui aussi liquide incolore qui s’échappe par la plaie ouverte.

         5- Perforation de l’oreillette droite, remplie de sang (ainsi que la veine cave supérieure qui l’alimente).

Sous la pression orthostatique, le sang jaillit le long de la lance à travers la plaie. Si la lance avait atteint le ventricule droit ou l’oreillette gauche, qui sont vides de sang, il ne se serait rien écoulé.

         Les liquides pleural et péricardique sont incolores et ne se dissolvent pas dans le sang. Ils se sont écoulés et se sont mêlés au sang, ce qui est nettement visible sur le linceul. Ces parties claires ne peuvent pas avoir été provoquées par une rétraction du caillot ou une exsudation du sérum (partie liquide), car le sérum se serait alors étalé autour du caillot (et non pas mêlé). Ce liquide incolore ne peut être la conséquence d’un transsudat post-mortem : ceux-ci s’effectuent  au bout de 48 h ; on peut estimer que la flagellation avait augmenté la quantité du liquide péricardique de 10 à 20ml et pleural de 100 à 200ml.

C- CONCLUSION MEDICALE

         1- La cage thoracique en hyperextension, la rétraction des pouces de la main, la position semi-fléchie des jambes et la tête relevée de 25°, indiquent que le crucifié du Linceul était déjà en rigidité cadavérique lors de la mise en tombeau.

         2- La forme de la plaie du côté indique que lorsque le coup fut porté, le crucifié était déjà mort.

      3- Le coup de lance porté sur le côté droit eût été mortel à lui seul (s’il n’eût porté sur un cadavre) : la coulée de liquide incolore entremêlée avec la coulée sanguine indique que le coup a pénétré jusqu’au coeur.

     4- Cet écoulement de liquide pleural et péricardique signe le fait que Jésus est mort très rapidement sur la croix, victime d’un phénomène de décompensation systémique fortement aggravé par une détresse respiratoire avec suffocation intense et par une détresse cardiaque aux douleurs précordiales déchirantes accompagnée d’une angoisse intense.

         L’examen médico-légiste de l’image du Linceul du Christ, complété par la lecture des Evangiles, permet ainsi de dresser une liste non exhaustive des pathologies entraînées par Sa Passion :

        – détresse psychologique intense avec angoisse (Gethsémani),

        – hématidrose (sueur de sang),

        – froid,

        – contusions diverses (coups, chutes lors du portement de la croix),

        – faim par le jeûne absolu,

        – fracture du nez,

        – hémorragies (flagellation, couronnement d’épines, crucifixion),

        – lésion des nerfs médians par l’enclouement des poignets,

        – lésion des nerfs par l’enclouement des pieds,

        – contractures et tétanie généralisées des membres et des muscles,

        – détresse cardio-respiratoire intense provoquées par :

                     – les hémorragies,

                     – la pleurite exudative hémorragique et l’oedème

                       pulmonaire dus à la flagellation

                       (contusion pulmonaire)

                     – la péricardite (oedème cardiaque par le liquide

                       entourant le coeur) due à la flagellation ;

        – suffocation respiratoire et asphyxie partielle sur la croix,

           entraînant une hypertension du thorax,

        – épigastre rentré, hypogastre distendu,

        – anémie secondaire,

        – déshydratation totale avec soif intense,

        – hémoconcentration,

        – jaunisse hémolytique entraînant une anémie hémolytique,

        – hyperpotassémie,

        – altération de la thermorégulation,

        – syndrome de déconditionnement,

        – collapsus orthostatique.

         On comprend ainsi pourquoi la survie de Jésus de Nazareth sur la croix n’a durée que trois ou quatre heures. Elle fut très courte, car habituellement chez les condamnés elle pouvait s’étendre sur une semaine selon la saison et leur condition physique. Généralement on mourait de soif sur la croix et il n’était pas rare que les crucifiés implorassent les passants de les lapider afin d’abréger leur supplice. La crucifixion était considérée comme la condamnation à mort la plus horrible qui soit et était habituellement réservée aux esclaves ou aux assassins.

***

         Affirmer que l’Homme du Linceul n’était pas mort de sa crucifixion relève donc d’un mensonge flagrant au simple examen médico-légiste de l’image mystérieuse qui nous est parvenue à travers 20 siècles.

* **

         Cependant, l’examen de l’aspect médical de la Passion de Notre Seigneur permet de se demander si le Sauveur est bien mort d’une défaillance cardio-respiratoire ou, simplement, parce que sa Mission rédemptrice était achevée ?

          Compte tenu du degré d’affaiblissement de Jésus à l’issue de sa nuit d’agonie morale à Gethsémani, et qui ne fit que s’accentuer violemment, le Sauveur aurait dû mourir au cours de la flagellation, si ce n’est dès la mise en croix. Que Jésus ait encore survécu sur la croix pendant trois longues heures est une impossibilité médicale : la mort aurait déjà dû survenir après plusieurs évanouissements précédant une syncope mortelle. Or cette dernière n’est pas apparue, même après l’enclouage. Notre Seigneur est toujours resté conscient en croix. Il en ressort que Jésus a voulu “boire la coupe jusqu’à la lie” comme Il l’avait accepté à Gethsémani ; Il a voulu souffrir jusqu’au bout et toucher le fond de la douleur dans sa globalité, comme aucun être humain ne l’a jamais vécu et n’aurait pu le supporter, vivant dans son esprit et dans sa chair toutes les formes de souffrances possibles, sans chercher à y échapper, de sorte que toute souffrance humaine de quelque nature et de quelque intensité qu’elle soit , tant physique que psychologique ou psychique, puisse rejoindre pour s’y fondre une des formes subies et acceptées par Jésus, du Mont des Oliviers au Calvaire.

         Nous touchons ici le mystère de la Rédemption et de l’union à ce mystère par la souffrance chrétienne. Jésus accepta de mourir lorsque “tout” fut achevé, c’est-à-dire lorsqu’Il eut accompli toutes les formes et tous les degrés de souffrance nécessaires au rachat de l’humanité. Autrement dit, Il accepta d’achever sa mission lorsqu’elle arriva à son terme ; Il mourut lorsqu’Il le décida, confirmant ainsi que l’heure finale de sa mort provenait d’un libre choix en dépassant les limites des contraintes biologiques qu’Il transcendait. Sa mort résulta de l’acceptation de son sacrifice rédempteur par le Père et non d’une déficience biologique mortelle, sinon Il fût mort bien plus tôt.

         Cette souffrance de la Passion que nous percevons à travers les Evangiles et les aspects médicaux, n’est en réalité que la partie infime d’un drame gigantesque dont les aspects psychologiques, psychiques et métaphysiques nous échappent. Nous ne saurons jamais en ce monde toute la grandeur et toute la profondeur de cet événement salvateur et douloureux qu’a voulu vivre Notre Seigneur.

Bibliographie

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l 2-BONNET-EYMARD Bruno : Le Saint Suaire, tome II-CRC,1990

l 3-CENTRO ESPAGNOL DE SINDONOLOGIA : Linteum 12- 13, 1994

l 4-Identification scientifique de l’Homme du Linceul : Jésus de Nazareth ; Actes du Symposium scientifique international de Rome 1993-F-X de Guibert, 1995

l  5-Congrès de Calgari 29-30 avril 1990 : El Sudario de Oviedo y la Sindone de Turin, dos reliquas complementarias

l 6-DEBOUT Michel, DURIGON Michel : Médecine légale clinique, médecine et violence, Ellipses, 1994

l 7-GRABWSKI-TOTORA : Principes d’anatomie et de physiologie -De Boeck Université, 2ème édition, 1994

l 8-LIBERSA Claude : Myologie, angéiologie, neurologie, topographie, fascicules 3 et 4.

l 9-OLIVIER Georges : Ostéologie et arthrologie, fascicule 2 : le squelette axial -Vigot, 1990

l 10- WIJFFELS Frans J.M. : Medical aspect of roman crucification,

1 Notamment le Cardinal Siri dans l’ouvrage intitulé précisément “Gethsémani

2 Appelé espace de Destot ; le clou pénétrait entre l’os crochu, le grand os du carpe, le demi-lunaire et le pyramidal.

3 C’est-à-dire que le pied droit, fixé en premier sur le bois de la croix, se trouve à nouveau transpercé par le clou du pied gauche posé sur le pied droit.

4 La loi judaïque interdisait, en cas de flagellation, de dépasser le nombre de 40 coups de fouets : ils pouvaient déclencher une crise cardiaque susceptible d’entraîner la mort. Aussi pour être ainsi certain que ce nombre ne serait pas dépassé, les condamnations du Temple limitaient les flagellations à 39 coups. Pour ce qui concerne le Christ, le supplice, exécuté par des Romains, ne connaissait pas de limite au nombre de coups. Sur le Linceul, les traces visibles des coups (porté par un flagrum à deux lanières lestées aux extrémités) ont permis de les estimer à une centaine … Ce qui donne une idée de la violence de cette flagellation qui ne s’est arrêtée que lorsque la fureur des bourreaux s’est appaisée devant le corps effondré de Jésus : ils craignirent de le tuer s’ils continuaient

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