Partager la publication "Les effets de la musique sur la maturation cérébrale de l’enfant"
Par le Dr Minh Dung Louis Nghiem
« Les rationalistes fuient le mystère pour se précipiter dans l’incohérence » (Bossuet)
Dr Minh Dung Louis Nghiem1
Résumé : La maturation cérébrale de l’enfant passe par des stades bien identifiés depuis les travaux de Roger Sperry entre 1960 et 1970. Le cerveau droit, centre des émotions, des affections et de l’intuition, se développe le premier, jusqu’à 3 ans. Puis le cerveau gauche, centre cognitif qui gère l’analyse et la synthèse, prend le relais.
Les musiques qui ont imprégné l’enfant au cours de la grossesse puis jusqu’à 3 ans ont ainsi une influence déterminante sur les comportements ultérieurs. Les musiques à 2 temps suscitent l’agitation et facilitent la mise en transe qui était recherchée par les orgies dionysiaques de la Grèce antique tout comme aujourd’hui par les « ravers ». La musique à 3 temps, le troisième temps étant vu comme un temps de repos, facilite l’apprentissage du contrôle de soi et l’accès aux émotions supérieures de l’art et de la culture.
Il s’opère ainsi, consciemment ou non, un choix de civilisation par l’environnement de l’enfant à son foyer ou à l’école.
Beaucoup de gens considèrent que la musique est un genre mineur. Du reste, la musique n’adoucit‑elle pas les moeurs? Pourtant bien des rockers n’ont‑ils pas battu et même achevé à la main leurs « compagnes » ? L’étude de la physiologie du cerveau et de sa maturation permet de comprendre que l’écoute de certaines musiques peut d’une part produire la transe, c’est‑à‑dire obnubiler la conscience et libérer des comportements animaux, et d’autre part entraver la maturation cérébrale et conduire ainsi à fabriquer des êtres immatures, agités et instables.
Ces jeunes seront donc difficiles à discipliner, à instruire et finalement à « intégrer » dans une société ayant un long passé de civilisation.
1) Les neurosciences :
Les neurosciences regroupent toutes les spécialités résultant de l’étude du neurone même. En effet, la cellule peut être stimulée directement « in situ » (par l’électricité ou une substance chimique), fixer une molécule radioactive ou se manifester dans le phénomène de la résonance magnétique nucléaire etc.
Entre 1960 et 1970, les Américains des instituts de Californie leur ont fait faire d’énormes progrès: Roger W. Sperry (prix Nobel) et ses élèves ont pu étudier séparément les deux lobes cérébraux de l’homme. Car, dans certains cas d’épilepsie non contrôlables par le traitement médical de l’époque, afin de prévenir l’extension des ondes électriques anormales à tout le cortex cérébral (ce qui détermine une crise généralisée qui a la réputation de détériorer les neurones), on a recouru à la commissurotomie, c’est‑à‑dire à la section de la « commissure » ou faisceau nerveux reliant les deux lobes cérébraux.
On a ainsi appris que les fonctions des deux cerveaux droit et gauche sont différentes et en général complémentaires.
1) Le cerveau gauche est dit « cognitif » puisqu’il manipule les connaissances. Il est responsable de la conceptualisation, de la symbolisation, de l’analyse et de la synthèse, donc finalement de la perception et de la reconnaissance du monde, autrement dit de la conscience.
2) Le cerveau droit, « émotionnel », gère les émotions (colère, terreur) et l’humeur (gaieté, plaisir, tristesse), mais encore l’intuition ou vision globale et générale, la rêverie, l’ imagination et la croyance. Il raisonne par analogie, par comparaison d’images.
3) Il faut ajouter encore le cerveau dit « reptilien »2, qui fonctionnellement fait partie du cerveau droit.
Il contrôle le comportement animal de l’homme grâce, en particulier, à un centre de la jouissance (dont la stimulation provoque le plaisir jusqu’à l’orgasme), à un centre de l’agressivité (chez le chat il produit des pulsions d’attaquer, de tuer) et au centre de la sexualité. Le centre de la jouissance émet des prolongements diffus, de sorte qu’il puisse être intéressé par une stimulation suffisamment forte des deux autres centres. Il s’ensuit
que, par exemple, une excitation de l’agressivité peut procurer de la jouissance; d’où la naissance du sadisme. En tout cas, selon certains neurologues, c’est en associant une perception sensorielle
initialement neutre à une stimulation du système de la jouissance qu’on forme le goût et la sensibilité.
Le cerveau fonctionne globalement, en établissant des liaisons entre les différents « modules » (ensemble de neurones assumant une fonction déterminée). Ainsi, lorsqu’on parle, le cerveau gauche contrôle l’information (le sens de la parole) pendant que le cerveau droit gouverne l’intonation. Celle‑ci dépend de l’émotion et de l’humeur.
2) Comment agit la musique sur le cerveau :
La musique peut agir de plusieurs manières sur l’homme. Elle est l’art combinant plusieurs facteurs perceptibles, dont la mélodie, l’harmonie et le rythme.
La mélodie est réalisée par une suite de « tons » (l’air de la chanson). Et, dans la civilisation classique, elle essaie d’imiter les bruits de la nature (le vent, l’écoulement de l’eau, etc.) et reproduit souvent les intonations d’un idiome (ainsi le « bel canto » résulterait du parler latin ou italien). C’est pourquoi elle exprime souvent la sensibilité d’une nation, d’une civilisation et suscite la nostalgie chez un expatrié. Elle ne peut être appréciée que grâce à une initiation. En France, le showbiz essaie de remplacer la mélodie latine par celle des Anglo‑Saxons par l’intermédiaire de musiques « afro ». Aussi peut‑on devenir un déraciné dans son propre pays. C’est le choc des civilisations à domicile !
La mélodie s’adresse directement au cerveau droit « émotionnel ». Quant à l’harmonie et au rythme, ils stimulent surtout le cerveau gauche, celui de l’analyse et de la connaissance technique, théorique et/ou empirique. L’harmonie est l’art de combiner plusieurs mélodies tout en respectant les lois de l’euphonie régissant les accords (intervalles entre les tons graves et aigus) propres à une ethnie. Ce qui plaît à une oreille latine ne plaît pas toujours à un « afro », et réciproquement. La description de la mélodie est donc difficile. Ici, il faut noter qu’un excès de raisonnement nuit à la qualité forcément subjective (propre à une éducation) de la mélodie !
Finalement le rythme constitue l’élément principal des musiques populaires contemporaines, à cause de l’abaissement du niveau culturel des masses. En effet, jusqu’aux années 1950 l’idéal des peuples était de monter vers les élites. Mais à partir des années 1960, on s’aperçut qu’il était plus avantageux de vendre peu cher (donc de basse qualité) à un immense peuple sans goût que de vendre peu (à une élite) mais cher (de qualité). Tel est le credo des financiers mondialistes. Et nos hommes politiques eurent la faiblesse de se mettre à quatre pattes devant le Veau d’or. D’où la démocratie par nivellement par le bas, et le remplacement de la vraie civilisation européenne par la « Culture », c’est-à-dire la production des industries du loisir, du showbiz. D’où l’importation de musiques « tam-tam » (vers 1960) puis la création locale du rock, du rap et de la techno dits « français » (à partir de 1962) imposés aux « jeunes » dans les diffusions musicales publiques. Gare aux mécontents : les protestations étaient déclarées « racistes » (sic) « bourgeoises » (sic), voire « fascistes » (sic), puisqu’on osait ne pas aimer les musiques « jeunes » et « afro ». En tout cas, ce sont les amabilités que j’ai reçues dans mon enquête. Quoi qu’il en soit, cette politique d’intimidation a bien réussi à substituer les musiques tam-tam à la traditionnelle valse musette. De nos jours, où que l’on aille, il faut supporter la bamboula. Il n’existe plus d’orchestre sans batterie ! Chez les sauvages, le tam-tam seul suffit à faire danser, comme dans la « rave ».
Il a toujours existé deux façons de se faire plaisir (d’exciter son cerveau reptilien) : on peut s’exciter modérément, tout en se contrôlant et en recherchant la joie.
Même dans la danse, on se limite aux mouvements des seules jambes, sur un rythme lent à trois temps (de la valse) dont le troisième est un temps de déflation émotionnelle (temps faible, de repos). En somme, on cherche à ne jamais perdre le contrôle de ses sentiments ou de son corps, puisque le « port » doit toujours demeurer correct, digne ! Voilà comment se divertissent les hommes civilisés.
Il existe hélas une seconde façon de se divertir, et même de se défouler (c’est-à-dire de se laisser aller jusqu’à oublier les règles de la vie civilisée, les tabous en général). On n’hésite pas à aller jusqu’à l’exaltation, la transe et l’orgasme (avec sécrétion d’endorphines dans le cerveau) mais avec une inconscience totale ! On connaît bien le mécanisme de la transe maintenant ; j’en ai donné un résumé par ailleurs (11).
Grosso modo, on peut dire que la transe survient lorsqu’il y a « restriction sensorielle » (4, 11), c’est-à-dire diminution de l’afflux des informations sur l’environnement provenant des organes des sens. Alors l’éveil décline et le cerveau s’assoupit. On sait que la stimulation lumineuse intermittente (SLI), à une certaine cadence, déclenche une crise de convulsion chez l’épileptique. Par analogie, on pense que les pulsations sonores, formant le rythme, croissant en fréquence, finissent par déclencher la transe. Dans les années 1990, les promoteurs de rave-parties (to rave, en anglais, veut dire délirer) firent varier la fréquence des musiques tam-tam afin de déterminer le moyen le plus économique de déclencher une transe. Il semble que le rythme critique soit proche de 120 battements par minute. Mais d’autres facteurs interviennent. D’abord l’agitation musculaire : certes, chaque battement de tam-tam envoie une impulsion électrique au cerveau. Les efforts, les gestes et les contractions musculaires en général augmentent encore l’afflux des stimulations au cerveau. Et d’ailleurs on n’y danse pas à l’européenne en faisant un pas par mesure (de la musique).
Mais on trépigne, autrement dit on se tortille avec au moins deux flexions de jambe pour chaque pas, on gesticule et on bat des épaules afin d’accroître l’agitation musculaire et d’exciter davantage encore le cerveau. Et si l’agitation musculaire et l’excitation par la musique ne suffisent pas, on complète par l’action de drogues psychostimulantes (hachisch, cocaïne, amphétamines, etc.)
On sait que le passage d’une onde électrique (ou influx créé par une stimulation) modifie l’état du neurone (« dépolarisation »). Et celui-ci doit se restaurer (« polarisation ») avant de pouvoir conduire un second influx. Si donc l’afflux des ondes électriques est trop important, le neurone se paralyse, cessant d’assumer sa fonction de conduction. L’agitation du « raver » dans une ambiance de techno aboutit donc à submerger son pauvre crâne de stimulations électriques. Et les circuits de neurones les plus délicats du cerveau gauche sont quasiment paralysés. Il en résulte une altération de la conscience, puisqu’il y a restriction sensorielle par réduction des circuits neuronaux servant à conduire l’afflux des informations sensorielles.
D’autres mécanismes de la transe ont été invoqués. En effet, on sait qu’il existe un antagonisme entre la raison (conscience) et la sensibilité et l’imagination, donc l’ « émotionnel » (autrement dit entre le cerveau droit et le cerveau gauche). Chateaubriand l’a constaté au XIXème siècle en faisant l’étude comparée des littératures classiques, gréco-latines, et des littératures « barbares » (saxonnes, celtiques et norroises (3). Récemment (1998) on a montré en Amérique qu’une forte émotion « débranche » le cerveau gauche (1). Alors c’est le cerveau reptilien (ou cerveau animal de l’homme), responsable de l’automatisme des comportements, qui prend les commandes. Les gestes deviennent moins précis mais plus rapides et échappent à la conscience.
Dans tous les cas la transe résulte d’une extrême excitation par les sens, d’une exaltation avec une obnubilation variable de la conscience (« état altéré de la conscience » selon les psychiatres) et malheureusement une libération de l’ « inconscient », donc des comportements animaux.
Les rave-parties et les concerts rock et rap encombrent les urgences chirurgicales environnantes de blessés par armes blanches !
Ce que je viens de relater semble être une découverte de la science moderne. Certes depuis les années 1955 des chercheurs se sont attelés au problème de la restriction sensorielle, en prévision de l’envoi des cosmonautes dans l’espace. On a pu préciser le mécanisme de la transe. Mais très vite on s’est rendu compte que nos Anciens et même ceux qu’on a classés comme « primitifs » ou « sauvages », en savaient autant que nos savants !
On se souvient des « rapports » d’Hérodote et de bien d’autres où il est question de bacchantes, de Dionysos, etc. Et, de fait, dans ce culte qui remontait jusqu’à Orphée et qui sévissait à la frontière du monde hellénique (la Thrace surtout), les adeptes de Dionysos pratiquaient des orgies, des cérémonies où l’on entrait en transe, et où l’on déchirait à la main une victime animale ou humaine, pour la manger crue. Il ne faudrait surtout pas nous étonner si demain quelques rave-parties s’achevaient en festins cannibaliques ou en tueries monstrueuses ! N’oublions jamais les foules révolutionnaires !..
3) La maturation cérébrale :
Il existe deux aspects de la maturation cérébrale. D’une part, à mesure que l’individu grandit et vieillit, son cerveau se structure et son comportement se modifie et se fixe suivant un certain modèle idéal défini par l’éducation et l’instruction reçues. C’est la maturation individuelle ou ontogenèse. D’autre part la civilisation, c’est-à-dire, selon les ethnologues des années 1930 dont Bronislaw Malinowski, l’ensemble des sciences, des arts, des institutions et des lois, détermine la culture de l’individu ; et celle-ci induit sa vision du monde. La civilisation constitue cet environnement que J.P. Changeux, professeur au Collège de France, a identifié à la « mémoire extra-cérébrale de l’homme » (sic). Elle propose à chacun un modèle à imiter et à reproduire, qui ne cesse d’évoluer, mais très lentement. Ainsi, depuis une cinquantaine d’années les différents lobbies liés au showbiz cherchent à imposer aux « jeunes » la culture afro.
Mais, dans l’ensemble, les Français demeurent des latins. Et les valeurs morales des peuples européens restent chrétiennes, car il n’est pas facile de changer d’environnement (langue, cuisine et aliments, cadre de vie, etc..) si bien que finalement, en cas de carence parentale, c’est l’environnement (civilisation) qui éduque. Aussi, à long terme, l’homme sera toujours assimilé par le terroir. D’autant que la tendance générale de l’être humain est d’imiter (c’est la « mimésis » de l’anthropologue René Girard, synonyme du conformisme classique) ; on reviendra sur cette maturation collective d’une communauté forcée de tendre vers un but.
I. La maturation ontologique :
Il est admis que le développement du corps et des organes est génétiquement programmé : à un certain âge, un groupe de neurones atteint une maturité suffisante et, sous l’action d’une stimulation appropriée, se connecte, formant un circuit électrique (éléments en résonance) et, en fonctionnant, assume un comportement défini.
L’entraînement, par la répétition du comportement considéré, renforce et stabilise le circuit électrique. En revanche les neurones non-utilisés s’atrophient, meurent et disparaissent sans être remplacés. Et malgré la redondance neuronale initiale, à mesure que le cerveau se développe, le nombre des neurones diminue pendant que les structures histologiques se mettent en place et se complexifient.
Selon Konrad Lorenz, prix Nobel de médecine, cette maturation quoique programmée ne se déclenchera que si, dans un intervalle d’âge précis, elle est convenablement sollicitée. Ainsi, la « période critique » pour l’apprentissage de la parole et de la marche est située entre la naissance et l’âge de trois ans. Passé cet âge limite, l’enfant jusqu’alors négligé, ne pourra plus acquérir un comportement humain (cf. les enfants-loups). Dans le domaine de la musique, on peut citer les faits suivants :
a) l’ « oreille absolue » ou faculté de reconnaître un « ton » (note de musique) sans recourir à un diapason n’est possible que chez les enfants ayant reçu une initiation musicale précoce, avant l’âge de trois ans, semble-t-il.
b) le fœtus entend dès l’âge de six mois de la vie intra-utérine. Chez bien des Africains, les femmes enceintes trépignent toute la journée, même au travail. Aussi, dès la naissance, les enfants connaissent-ils déjà le rythme du tam-tam et savent-ils aussi jouir des effets de l’agitation musculaire du trépignement ! Plus tard ces Africains trépigneront naturellement pendant que leurs homologues blancs demeurent « empotés, n’ayant pas le rythme dans le sang » (sic). Mais ils auront du mal à se tenir tranquilles.
c) M. Hess, sociologue, a montré que les Français dansaient naturellement la valse alors que 3% des Noirs seulement y parviennent. La valse est la danse typiquement latine, descendante du tripudium, danse des prêtres du culte de Cérès (6, 8) ; elle a sélectionné depuis au moins quinze siècles une « race » d’hommes aimant le rythme ternaire et, surtout, ayant une certaine conception des attitudes, du « port », de l’étiquette, de la hiérarchie. Il faut se souvenir que les hommes civilisés, aussi bien en Grèce qu’en Chine, détestent l’excès et ont le culte de la raison, de l’ordre. Il s’ensuit qu’ils rejettent l’orgie et le défoulement dionysiaques, et même le tumulte gaulois.
L’organisme grandit et se structure en trois phases. La première débute bien avant la naissance pour ralentir ensuite jusqu’à l’âge de deux à trois ans. Puis la croissance se poursuit de l’âge de 4-5 ans à l’âge de 8-12 ans, à vitesse fixe ou lente (selon une droite). Ensuite elle s’accélère de nouveau, et c’est la « préadolescence » qui s’achève bientôt vers 12-15 ans avec la puberté. Enfin, elle ralentit pour atteindre un pallier final entre 25 et 30 ans, qui marque le début de la vieillesse. On peut donc distinguer la petite enfance de 0 à 3 ans, l’enfance de 5 à 10 ans, l’adolescence de 14 à 17 ans et l’âge adulte après 18-20 ans.
On a essayé de faire correspondre à ces différents stades de la croissance globale du corps en poids et en taille, l’évolution du psychisme de l’homme.
Dans les toutes premières années de la vie, le fonctionnement du cerveau droit (émotionnel) prédomine ; d’où une émotivité excessive : l’enfant se comporte par intuition, comprend bien les émotions et l’humeur de ses parents, ne donne de l’importance qu’aux faits concrets. Il est instable et passe du coq à l’âne, de la joie à la tristesse, etc..
Dans l’éducation idéale d’avant Mai 1968, l’enfant acquiert la notion du Bien et du Mal, du beau et du propre avant l’âge de 3 ans. Et dans les classes moyennes, où l’enfant jouit d’un « appui familial » (aide culturelle), il apprend à raisonner de manière discursive, hypothético-déductive, à partir de l’âge de 5-7 ans.
Il maîtrise de mieux en mieux son « émotionnel ». Et sa personnalité s’achève entre 7 et 12 ans, selon les milieux. La notion de personnalité est difficile à définir : grosso modo, c’est la capacité à maîtriser ses pulsions animales (agressivité, tendance à la jouissance et sexualité) donc à contrôler son cerveau reptilien de la haine et de la jalousie. Pour les psychiatres, la personnalité se mesure en termes de degré d’intro et d’extraversion (l’extraversion est synonyme de désinhibition, par exemple sous l’effet des boissons alcooliques).
L’immaturité d’un enfant est révélée par un tableau d’instabilité émotionnelle, et d’une certaine agitation, comparable au syndrome de défaut d’attention avec hyperactivité.
II) Maturation collective d’une communauté :
Le problème suppose que chaque nation a son modèle de l’homme idéal. Actuellement nous sommes en pleine confusion. Nous ne savons même plus que tous les groupes humains, pour ne pas dire « races », ont une origine commune. Mais au XVIème siècle grâce aux découvertes des voyageurs, certains (Montaigne par exemple) pensaient que toutes les communautés humaines (nations) évoluaient suivant les mêmes étapes, mais selon des vitesses différentes, dépendant des techniques découvertes. De là naquit la notion de maturité des peuples.
Et à la fin du XIXème siècle, le Dr Gustave Le Bon (9), qui appliquait les méthodes cliniques à l’étude de relations de voyage et de rapports de police, concluait que l’homme « civilisé » pouvait, en tombant en transe, régresser jusqu’au stade mental d’un « sauvage » (on dit plutôt de nos jours « un primitif »); et que celui-ci était comparable à celui d’un enfant. Et c’était pour mettre en garde les juges contre le témoignage des enfants et leur « suggestibilité » (ou hystérie). Le Bon découvrit ensuite l’ « effet de groupe » : dans la foule ou dans les rassemblements, les excitations mutuelles et réciproques pouvaient conduire à la transe, à la violence et à la cruauté (foules révolutionnaires, émeutes, lynchage, hooliganisme avec tueries, voire cannibalisme rappelant les orgies dionysiaques). Souvent après la crise, les auteurs des « atrocités » ne se souvenaient plus de rien ; il y avait amnésie tout comme dans l’épilepsie. Ce qui permet de penser qu’il y a inconscience totale pendant la transe (10,11).
Vers le milieu du XXème siècle, des médiévistes tels que Marc Bloch (2) et Johan Huizinga (7) s’aperçurent que l’homme du moyen-âge était instable, « suggestible », violent, cruel, souvent victime d’hallucinations (visions sans objet, tels les combats de monstres dans un ciel d’orage), et de « pâmoisons ». Il tombait facilement en transe. Ainsi le duc Guillaume de Normandie en colère mordait ses pages, se roulait par terre et broutait le tapis (7). Charles le Téméraire ne valait guère mieux ; il perdait la mémoire et ne savait plus qui il était après une colère. Bref, l’homme du Moyen-Âge, tout comme le sauvage, était souvent hystérique ou immature selon les critères de la médecine moderne.
4) Conclusion :
Le comportement des « jeunes » a changé depuis une génération. Est-ce la conséquence à long terme de la culture afro avec son amoralité, sa musique tam-tam, ses jeans et ses baskets ? Bien sûr la révolution culturelle de Mai 68 est passée par là.
Avant Mai 68, vers 1960-1970 dans les hôpitaux de Paris, on a cherché (à ma demande) en vain à me montrer un cas d’hystérie dans la forme spectaculaire avec crise convulsive ou catatonique (raideur des membres).
De telles crises avaient pourtant fait la gloire de certains services de neurologie au début du XXème siècle. De nos jours, on pense (4) qu’ « il subsiste, chez certains peuples sous-développés des comportements qui sont périmés chez les peuples plus évolués ». Les grandes crises de colère, de nervosité, ou de « pâmoison », enfin d’hystérie (ou de pithiatisme) du Moyen-Âge ou de la Belle-Epoque ont disparu ; car même les maladies mentales suivent la mode, se pliant aux préjugés, au conformisme. En d’autres termes, l’hystérie persiste, mais se manifeste sous d’autres formes mieux admises par l’opinion publique ! On ne « fait plus son cinéma » (sic), mais on se montre volontiers « nerveux », agité, instable émotionnellement et « suggestible ». Des grandes crises de colère avec actes de violence et de cruauté sont possibles (rockers battant sauvagement et même tuant à la main et « sans préméditation » leurs « compagnes », car rien n’est prévisible chez de tels individus !).
L’étude génétique des asociaux ou antisociaux, des délinquants, des toxicomanes, montre l’existence d’un terrain commun. De plus ils ont souvent des antécédents d’hyperactivité (attention deficit hyperactivity disorder). Quoi qu’il en soit, on a l’impression que tous ces individus ont un air de famille : ils ressemblent à nos hystériques. Il existerait une prédisposition à la violence et la cruauté, à la drogue, et même à la toxicomanie, à l’agitation, au déficit de l’attention, à l’instabilité émotionnelle, au retard scolaire, etc. Mais les spécialistes de la toxicomanie reconnaissent que « c’est l’occasion qui fait le larron » (5). La « culture » soixante-huitarde amorale et laxiste sur certains terrains, produit sûrement une inflation de la voyoucratie. La transe qui favorise l’inconscience, entrave certainement la maturation cérébrale. La recherche du défoulement (du refus de la responsabilité d’adulte) finit par faire tomber dans la sauvagerie due à la perte de la civilisation parentale. L’homme naturel est sauvage, il n’est pas bon, mais hystérique, c’est-à-dire violent, cruel et haineux, un peu comme un rocker (son cerveau reptilien de la haine est libéré de toutes entraves).
Dans les pays de vieille civilisation, l’éducation a pour but de former la personnalité de l’enfant en le disciplinant, en lui apprenant à contrôler ses émotions et à les manifester de manière « convenable », compte tenu de sa place dans la hiérarchie sociale.
La musique tam-tam, qui exacerbe l’émotivité des « jeunes », s’oppose donc à l’éducation traditionnelle et accentue la jouissance née du désordre et de l’agitation, voire de la confusion des êtres (le rocker « se sent fondre dans la masse des copains » et en jouit, selon les réponses aux enquêteurs). En somme la musique tam-tam est une musique qui renforce le sentiment communautaire. Ce qui est une régression par rapport à la civilisation occidentale gréco-latine et judéo-chrétienne qui nous préparait depuis des siècles à l’individualisme. Pour le chrétien l’esprit de vendetta est inadmissible ; la responsabilité ne peut être qu’individuelle, personnelle (ce qui est tout à fait révolutionnaire !), tout comme le salut ou la damnation. La civilisation est un tout. Le christianisme n’est pas compatible avec le rythme lancinant du tam-tam ni avec la notion d’âme collective (braham) des hindouistes ou du New Age.
Bibliographie :
(1) Arnsten A.F. Goldman-Rakic P.S. Noise stress impairs prefrontal cortical cognitive function in monkeys : evidence for a hyperdopaminergic mechanism. Archive of general psychiatry.1998 April ; 55 (4) :362-8
(2) Bloc Marc. La société féodale. Albin Michel, Paris , 1973
(3) Châteaubriand François-René de. Etudes historiques. Œuvres de Châteaubriand. Tome IX – 1857. Paris. Dufour, Mulat & Boulanger édit.
(4) Chertok Léon. L’hypnose. Payot, Paris, 1965 et réédit.2002
(5) Giros Bruno. Des transporteurs à ne pas bloquer. In « La drogue et le cerveau ». Science et vie N° 217 (hors série), Décembre 2001
(6) Hess Rémi. La valse. A.M. Métaillié, Paris, 2000
(7) Huizinga J. Le déclin du Moyen –Âge. Payot, Paris, 1967
(8) Lantéri Roger Xavier. Les mérovingiennes. Perrin, Paris, 2000
(9) Le Bon Gustave. Psychologie des foules. P.U.F. Paris 1895 et réédit.1998
(10) Nghiem Minh Dung. La violence des jeunes et le cerveau reptilien. Consep, Versailles, 2002
(11) Nghiem Minh Dung. Musique, transe et extase. In « Musique de vie, musique de mort ». Cahiers St Raphaël, N° 61 – 3e réédition. 2003.
1 Le Dr Nghiem, cardiologue et pédiatre, a donné une passionnante conférence à la journée parisienne du CEP, le 19 février, disponible sur cassette ou CD.
2 Ndlr. Ainsi nommé car son aspect évoque la peau écaillée d’un reptile.