L’œil est fait pour voir (3ème partie)

Par le Dr Louis et Paul Murat

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L’œil est fait pour voir (3ème partie)1

Regard sur la création :

« Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu quand on Le considère dans ses ouvrages. » (Romains, 1 : 20)

Résumé : Darwin écrivit que l’œil, rien qu’à y penser, lui donnait la fièvre! Encore n’avait-il de cet organe qu’une connaissance très sommaire, suffisante toutefois pour montrer que la sélection naturelle ne pouvait manifestement pas en expliquer l’apparition: une ébauche d’œil, non fonctionnelle, ne saurait constituer un avantage sélectif dans la lutte pour la vie! Avec les progrès ultérieurs du microscope optique, l’anatomie de l’œil (ou plutôt du « système visuel ») révéla un luxe incroyable de sous-organes minutieusement et intelligemment disposés. Comment des esprits rationnels, prétendument objectifs, peuvent-ils encore prétendre que le hasard ait quelque fonction causale que ce soit dans la réalisation d’un système d’un tel niveau de complexité, puisque la vison engage, outre l’œil proprement dit, un ensemble coordonné de muscles, et un bon million de fibres optiques réparties entre 800 faisceaux afin d’agir adéquatement sur le milliard de cellules de la zone cérébrale affectée à la vison. Car à l’extrémité de chaque fibre se place une arborescence la mettant en relation avec plusieurs cellules du cerveau, phénomène sans doute nécessaire à l’acuité visuelle et à la reconnaissance des formes. Ce n’est pas une simple fièvre que le système visuel devrait occasionner aux évolutionnistes, mais un coma cataleptique !

Le nerf optique, câble formé de filaments nerveux, transmet donc immédiatement, comme un véritable téléphote, au cerveau, récepteur électrique central, l’impression instantanée et d’une extrême complexité que donnent les myriades de rayons lumineux formant à chaque instant une nouvelle image.

A cette télévision de nos neurones cérébraux se rattachent les phénomènes de résistance électrique des conducteurs fibrillaires venus de l’appareil visuel périphérique, cônes et bâtonnets, résistances variables suivant leur épaisseur, leur longueur, etc. Ces questions ont déjà fait, de la part de certains biologistes, l’objet de travaux intéressants.

« Différents de longueur et d’épaisseur, diversement résistants aux électricités de tensions différentes en raison de leur longueur et de leur épaisseur, les ramuscules du plexus (quintuple plexus rétinien) livrent passage, suivant leur résistance, à des électricités de tensions différentes. Ainsi se trouvent divisés et répartis les éléments différents de l’impression, et nous ne pouvons qu’y reconnaître le mécanisme élémentaire de la sélection ou intellection des courants nerveux. L’intellection a pour siège le plexus et pour objet la séparation diélectrique des courants, en raison des tensions et des résistances« 1.

Le trajet des fibres du nerf optique, depuis les cônes et les bâtonnets jusqu’au cerveau, est le suivant :

Les cellules visuelles (cônes et bâtonnets) recueillent les rayons lumineux et en transmettent l’impression, par les pinceaux de fibrilles nerveuses qui constituent leur prolongement basal, aux grains de cône ou de bâtonnet, petites sphères brillantes suspendues dans le filament (premiers neurones périphériques). Ceux-ci la transmettent par un pinceau nouveau aux cellules bipolaires (deuxièmes neurones) qui, à leur tour, la communiquent de la même manière aux cellules ganglionnaires (troisièmes neurones).

Chaque fois le pinceau fibrillaire constituant un tronc unique s’engrène avec l’article suivant par un véritable chevelu des fibrilles. On dirait des arbres superposés, les racines étalées de l’un venant au contact des branches de celui qui est au-dessous.

Ces arborisations nerveuses n’offrent pas moins de divisions dans leur riche ramure qu’un grand chêne dépouillé de ses feuilles ne présente de brindilles.

Le dessin de ce dernier est du reste imité d’une façon saisissante par l’image micrographique. Telle est la chaîne des neurones périphériques ou cellules nerveuses formant chacune, avec ses prolongements, comme un tout indépendant.

D’après Cajal, les buissons nerveux terminaux que l’on constate ainsi dans les diverses couches de la rétine et qui produisent pour chaque cône de multiples surfaces de contact des fibrilles qui en sont issues « ont pour effet de rendre possible l’existence d’un grand nombre de voies de transmission assez distinctes sur un petit espace de la rétine« 2.

Après avoir donc été en rapport avec les divers éléments des couches de la rétine –corbeilles fibrillaires, sphères, fuseaux, cellules en forme d’araignées, cellules en forme d’étoiles, etc., éléments dont certains, comme les cellules horizontales, sont des neurones d’association et peut-être de coordination ou de différenciation- les fibres nerveuses se portent par la surface interne de la rétine (couche des fibres nerveuses) jusqu’à la papille optique, puis suivent le nerf optique dans toute son étendue.

Parvenues ainsi à la base du cerveau, les fibres se rendent d’abord au chiasma où la moitié d’entre elles se croisent avec celles du nerf opposé. Le nerf optique est dès lors composé d’un faisceau direct et d’un faisceau croisé.

Le croisement incomplet des fibres a pour but de favoriser la vision binoculaire qui présente de multiples avantages (appréciation de la distance, perception du relief, etc.), et de déterminer la coordination parfaite et la solidarité des mouvements conjugués des deux yeux. Ceux-ci marchent sympathiquement quoique des mouvements différents soient nécessaires pour regarder un même objet et porter son image sur la tache jaune de chaque œil.

Les réflexes de direction et de convergence sont de précieux et parfaits viseurs.

Point n’est besoin ici pour chacun des organes, comme dans les appareils photographiques, d’un viseur particulier, viseur clair redresseur ou à visée horizontale dans toutes les positions ; point n’est besoin de niveau à bulle d’air, d’aiguille de mire, etc.

Ajoutons que « l’amplitude de convergence et l’amplitude d’accommodation sont deux fonctions synergiques« 3.

Enfin, de même que la diffusion des impressions rétiniennes dans les plexus de la rétine par enchevêtrement des éléments conducteurs, le croisement incomplet dans le chiasma permet une analyse plus précise et plus complète des impressions et une suppléance, au besoin, entre les conducteurs.

Quand le chiasma est lésé, on constate un rétrécissement particulier du champ visuel, dit hémianopsie hétéronyme. Le syndrome morbide chiasmatique s’accompagne de troubles des mouvements associés binoculaires, d’hémianopsie bitemporale, etc.

A la base du cerveau, les fibres du nerf optique gagnent la région pédonculaire, le corps genouillé externe, le pulvinar, les tubercules quadrijumeaux, qui constituent, suivant l’expression des physiologistes, des protoneurones sensoriels centraux, des premiers et des deuxièmes neurones de relais.

Enfin ces fibres se jettent dans le centre ovale, traversent le cerveau et viennent émerger au niveau des lobes occipitaux dans le manteau des hémisphères où elles constituent les neurones corticaux de perception.

Ces derniers sont reliés, d’autre part, au labyrinthe acoustique en vue d’une action synergique dans les complexes fonctions d’équilibration dans l’immobilité, dans la marche, etc. (E. de Cyon).

Tels sont les centres cérébraux visuels, récepteurs télégraphiques compliqués, on le voit, où aboutissent les impressions venues des appareils analysateurs externes.

Dans cette projection de la rétine sur l’écorce cérébrale, les impressions des éléments rétiniens transmises à la surface des hémisphères –images ou représentation des images- y restent renversées. Notre esprit redresse les images par le fait de l’habitude ou par une disposition préétablie.

Faut-il supposer dans l’écorce des lobes occipitaux à nouveau un appareil terminal aussi complexe que celui de la périphérie, l’œil lui-même, pour la transcription distincte de tous les détails et de toutes les nuances, leur traduction et comme leur communication en clair au moi psychique, appareil non discernable évidemment et caché dans la profondeur et le mystère de l’infini ultramicroscopique ?

De quelle manière les impressions physiques peuvent-elles devenir des sensations ? « Voilà ce qui reste toujours pour nous une énigme », écrit Max Verworn. (Physiologie générale, 1900).

Et quand on songe que des pigeons voient sans cerveau ou que des grenouilles et des chiens entièrement décérébrés (Schrader, Goltz, etc.) non seulement voient, mais regardent et se dirigent très sûrement à travers les obstacles malgré l’absence de tout aboutissant intracérébral, on se demande comment de tels phénomènes peuvent se produire et s’expliquer, et l’on pressent, dans le mécanisme organique préétabli et les dispositifs de suppléance, des abîmes nouveaux de merveilles finalistes au seuil desquels s’arrête la science humaine, impuissante à nous guider.

Ce n’est là qu’un faible exemple des miraculeuses énigmes toujours insondées que recèlent la vie et le moi des êtres.

En ce qui concerne la structure du nerf optique, disons que ce dernier « est constitué par des gaines et des faisceaux de fibres. Celles-ci seraient au nombre de 1 000 000 suivant Krause, groupées en de nombreux faisceau – environ 800 – séparés par des tractus conjonctifs nourriciers. » P. 397).

On constate, ajoutent ces auteurs, que les cônes et les bâtonnets sont plus nombreux que les fibres et que chaque fibre semble être reliée dans les parties latérales de la rétine à trois cônes et même à sept bâtonnets. Salzer avait déjà estimé à 500 000 le nombre des fibres. Ces fibres représentent des cylindres-axes, prolongements nerveux, jusqu’aux organes périphériques, des cellules nerveuses (neurones) de l’écorce cérébrale.

Le cylindre-axe de chaque cellule, strié en long, est « composé de fibrilles très fines juxtaposées » (Debierre, Le cerveau, 1907), « qui semblent accolées » (Laumonnier).nous avons compté en moyenne cent vingt fibrilles par cylindre-axe dans les images micrographiques des préparations de Cajal (Histologie du système nerveux, 2 vol. gr. In-80, 1910), Golgi, Kossel et Schiefferderker, etc.

Ramon y Cajal a appliqué sa remarquable méthode de coloration aux neurofibrilles de la rétine. Ce célèbre histologiste, aujourd’hui lauréat du prix Nobel, a observé qu’à chaque cône, dans la tache jaune, correspond une cellule bipolaire. Chievitz a constaté que chaque cellule bipolaire est à son tour reliée à une cellule multipolaire spéciale d’où part une fibre. Ainsi, en ce point, chaque impression est transmise au nerf optique par un cylindre-axe isolé traversant des cellules particulières échelonnées (relais, transformateurs, etc.).

Pour le reste de la rétine, un cylindre-axe ou pinceau de fibrilles transmet au cerveau les impressions de plusieurs cônes ou bâtonnets. (Voir « Etude cytologique et physiologique sur la rétine ciliaire, » in Archives d’anatomie microscopique, 3o juillet 1910.)

Bartels, par la méthode de Bethe (1909) au bleu de toluidine, a trouvé que chaque cône dans la tache jaune reçoit plusieurs fibres nerveuses.

Les cônes et les bâtonnets étant plus nombreux dans les zones latérales que les neurones périphériques et ceux-ci que les neurones centraux, il en résulte une apparence de condensation dans la marche de l’influx nerveux vers le cerveau ; mais, malgré les groupements progressifs, il reste toujours les striations fibrillaires initiales.

Chaque cône ou bâtonnet recevant en définitive, au moins un filament distinct relié au nerf optique, on établit, en prenant pour base les chiffres de cônes et de bâtonnets, apparemment plutôt faibles, fournis par Lubbock, qu’il y a ainsi trente-trois millions de fibrilles nerveuses — ou de faisceaux de fibrilles en ce qui concerne surtout les fibres de cônes — s’épanouissant sur la rétine et desservant ses éléments terminaux.

Le million de fibres, striées longitudinalement, qui ont été constatées dans le nerf optique, se divise et se subdivise en de nombreux filaments d’une excessive finesse, dont les plus ténus formés de neurotagmes, particules longitudinalement striées,« é chappent à l’observation microscopique ». (Prenant, Bouin et Maillard, Traité d’histologie, en voie de publication, t. I, p. 324.) Les pinceaux de fibrilles arrivant à chaque cône rendent compte, comme nous l’exposerons, de la vision des diverses couleurs.

Chaque fibrille montre, en outre, nous l’avons vu, à plusieurs étages de la rétine, tout un chevelu de divisions. Il y a, de la sorte, dans l’épaisseur de la rétine, pour chaque élément de multiples associations de fibres, par des filaments enchevêtrés qui vont des unes aux autres et font communiquer plus ou moins, pour des buts encore très incomplètement connus, l’influx entre les différents éléments de la même couche.

C’est ainsi que la couche plexiforme interne et la couche intergranuleuse en particulier — quatrième et sixième couches — forment un réticulum touffu de milliards apparemment de fibres nerveuses, qui réalisent sans confusion leurs fonctions conductrices propres. La couche intergranuleuse est formée par des cellules dites amacrines. Ces cellules sont « des éléments équilibrateurs des impressions reçues et de contre-sensation, agissant comme des vases communiquants ». (William Nicati, Physiologie oculaire, gr. in-8, 1909.)

Elles diffusent les courants et atténuent les chocs nuisibles, sur les éléments si délicats de la rétine, des impressions trop vives. Elles dessinent entre elles des tubes en U à large base et à courtes branches, et rayonnent de leur pourtour un nombre très élevé de divisions. Les arborisations se dirigent en sens inverse de celles des autres cellules et servent aussi aux contre-courants. « Ces fibres représenteraient des terminaisons cylindraxiles apportant une excitation d’origine centrale et seraient peut-être un chemin de retour pour les sensations extérieures, ce qui permettrait d’expliquer comment le souvenir, le rêve, l’hallucination, font revoir pour ainsi dire, avec une remarquable.intensité, des images antérieurement perçues. » (Laumonnier, Physiologie générale, 1897, p. 582.)

Aux trente-trois millions de cônes et de bâtonnets correspondent enfin autant de corps lentiformes, de cellules bipolaires en fuseaux, de cellules araignées, etc., échelonnés sur les conducteurs.

Ajoutons que si, d’une part, « chaque cône communique avec plusieurs cellules bipolaires et chacune de celles-ci avec plusieurs cellules ganglionnaires, de même qu’à l’extrémité intracérébrale chaque fibre nerveuse se termine par une arborisation en relation avec plusieurs cellules » (Berdal), d’où la diffusion possible des impressions en dehors même des éléments horizontaux, — d’autre part, d’après Cajal, la rétine pourrait concentrer facultativement les impressions lumineuses à mesure que celles-ci avanceraient dans ses diverses couches.


1 Extrait des Merveilles de l’œil, Paris, Bloud et Cie, 1911, pp. 35-46.

1 Nicati, Physiologie oculaire, in-8°, 1909.

2 Druault, in Traité d’anatomie de Poirier, t. V, fasc.II. Masson, éditeur, 1906.

3 Lagrange, loc.cit., p.38.

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