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Par Marie-Cousté Eddy

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Propos sur le langage1

Résumé : Les oiseaux nous charment par leurs chants et leurs ébats : ils communiquent ainsi entre eux avec dextérité et précision. Mais ce que nous appelons proprement le « langage » est hors de portée de leur minuscule cervelle. L’homme, lui, dispose d’un cortex volumineux où se logent les aires cérébrales nous permettant de commander les multiples muscles du larynx (aire de Broca) et, surtout, de faire le lien entre les sons et le sens à leur donner (aire de Wernicke). L’apprentissage du langage par le petit enfants bébés demeure éminemment mystérieux : dans ce domaine propre à l’homme, rien ne se comprend qu’en référence au Créateur : Il veut que nous puissions communiquer avec Lui.

« Où est Dieu, mon auteur […], qui nous rend plus avisés que les bêtes de la terre, plus sages2 que les oiseaux du ciel ? » (Jb 35, 10-11).

Les oiseaux ont des facultés étonnantes. Leurs manœuvres aériennes font pâlir d’envie les ingénieurs de l’aéronautique. Certaines espèces parcourent des milliers de kilomètres au-dessus des océans, où les points de repère sont inexistants, et atteignent infailliblement leur destination.

Un autre talent remarquable des oiseaux, qui révèle aussi la sagesse du Créateur, est leur capacité à communiquer par des appels et des chants.

Les petits de certaines espèces commencent à communiquer avant même leur éclosion de l’œuf. Par exemple, la caille pond au moins huit œufs, à raison d’un par jour. Si tous se développaient au même rythme, l’éclosion s’étalerait sur une période équivalente de huit jours… La mère se heurterait donc à la tâche difficile consistant à s’occuper de poussins d’une semaine, déjà actifs, tout en couvant encore un œuf. Au lieu de cela, les huit cailleteaux de la couvée sortent de leur coquille en l’espace de six heures seulement. Comment est-ce donc possible ? Selon des chercheurs, une raison fondamentale serait que les embryons de caille communiquent entre eux depuis l’intérieur de l’œuf et parviennent à orchestrer une éclosion presque simultanée.

Chez les oiseaux adultes, ce sont en général les mâles qui chantent. Ils le font particulièrement pendant la saison des amours pour marquer leur territoire ou attirer une femelle. Chacune des milliers d’espèces a pour ainsi dire sa propre langue, ce qui permet aux femelles d’identifier les mâles de leur espèce.

Ce n’est pas sans raison que les oiseaux chantent surtout le matin de bonne heure et au coucher du soleil. En effet, le vent et les bruits de fond sont moins forts à ces moments-là. Des spécialistes ont découvert que les chants d’oiseaux s’entendent jusqu’à 20 fois mieux le matin et le soir qu’en pleine journée.

Si ce sont souvent les mâles qui pépient, les femelles émettent, elles aussi, une diversité de cris, ou de sons courts, aux significations distinctes. C’est ainsi que le « vocabulaire » des pinsons se compose de neuf appels. Le cri qu’ils lancent pour avertir d’une menace aérienne, ainsi celle d’un rapace en quête de nourriture, diffère de celui qu’ils utilisent pour avertir d’un danger terrestre.

La sagesse instinctive des oiseaux est assurément impressionnante, mais l’aptitude des humains pour communiquer l’est bien plus encore. Dieu nous a rendus « plus sages que les créatures volantes des cieux » (Jb 35, 11). La capacité à transmettre des pensées et des idées abstraites et complexes, par des sons produits au moyen des cordes vocales ou par des gestes, est spécifique au genre humain.

À la différence des animaux, les bébés humains semblent programmés pour apprendre des langues complexes. Certains enfants parviennent à apprendre une langue même quand leurs parents ne leur parlent pas directement dans cette langue ; des enfants sourds iront jusqu’à inventer leur propre langue de signes, si on ne leur en apprend pas une à la maison. La capacité à communiquer nos pensées et nos sentiments par la parole ou par des signes est vraiment un merveilleux don de Dieu. Néanmoins, l’aptitude à communiquer avec Lui par la prière est encore plus précieuse, surtout qu’Il nous invite à plusieurs reprises à nous adresser à Lui :

 « Ayez recours à YHWH et à son appui, cherchez continuellement sa face ! » (1 Ch 16, 11).

« Demandez, et l’on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira » (Mt 7, 7).

« Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation ; l’esprit est bien disposé, mais la chair est faible » (Mt 26, 41).

« Jésus leur adressa une parabole pour montrer qu’il faut toujours prier, et ne point se relâcher » (Lc 18, 1).

« Faites en tout temps par l’Esprit toutes sortes de prières et de supplications. Veillez à cela avec une entière persévérance, et priez pour tous les saints » (Ep 6, 18).

« Ne vous inquiétez de rien ; mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces » (Ph 4, 6).

« Priez sans cesse ! » (1 Th 5, 17).

La plupart des neurones qui se trouvent dans la couche externe du cerveau, le cortex cérébral, ne sont pas reliés directement aux muscles ou aux organes sensoriels. C’est le cas, par exemple, des milliards de neurones du lobe frontal. Des observations du cerveau par IRM montrent que le lobe frontal s’active quand on pense à un mot ou que l’on fait fonctionner sa mémoire. Si nous sommes ce que nous sommes, c’est notamment à la partie antérieure de notre cerveau que nous le devons.

Le cortex préfrontal joue un rôle important dans l’élaboration de la pensée, de l’intelligence, de la motivation et de la personnalité. Il met en relation les éléments du vécu nécessaire à la production d’idées abstraites, du jugement, de la persévérance, de la planification, du souci des autres et de la conscience. Ce qui est élaboré dans cette région distingue l’être humain de l’animal. Nous avons des preuves de cette distinction grâce aux œuvres humaines, sur tout le globe, dans des domaines aussi variés que les mathématiques, la philosophie ou la justice, qui font appel principalement au cortex pré-frontal.

Pourquoi les êtres humains possèdent-ils un cortex préfrontal souple et volumineux, qui leur confère de puissantes facultés mentales, alors que, chez les animaux, cette région du cerveau est rudimentaire, voire inexistante ? Le contraste est si frappant que les biologistes défenseurs de l’évolution parlent d’une « mystérieuse explosion de la taille du cerveau3».

À propos des dimensions remarquables de notre cortex cérébral, les scientifiques ne comprennent pas très bien pourquoi et comment cela est arrivé. Se pourrait-il que ce soit parce que l’homme a été créé avec cette capacité cérébrale sans équivalent ?

 D’autres parties du cerveau contribuent à notre unicité. À l’arrière du cortex préfrontal se trouve une bande transversale le cortex moteur. Il contient des milliards de neurones connectés à nos muscles. Lui aussi possède des caractéristiques qui nous rendent très différents des singes et des autres animaux. Le cortex moteur primaire nous donne :

  • 1) « la capacité exceptionnelle d’utiliser la main, les doigts et le pouce pour accomplir des tâches manuelles exigeant une grande dextérité » ;
  • 2) « la faculté d’utiliser la bouche, les lèvres, la langue et les muscles faciaux pour parler. »4

Considérons pendant quelques instants ce qui se passe dans le cortex moteur pour que nous puissions parler. Plus de la moitié de cette région du cerveau est consacrée aux organes de la communication, ce qui explique les incomparables talents communicateurs des êtres humains. Bien que les mains interviennent dans la communication (écriture, gestes, langage des signes), c’est généralement la bouche qui tient le rôle principal. Le langage humain, du premier mot prononcé par un bébé en réponse à la voix d’une personne âgée, est incontestablement un prodige. Entre la langue, les lèvres, la mâchoire, la gorge et la poitrine, c’est une centaine de muscles qui agissent de concert pour produire une infinité de sons. Quel contraste ! alors qu’une cellule du cerveau peut commander 2 000 fibres musculaires du mollet d’un athlète, celles qui sont dévolues au fonctionnement du larynx peuvent n’agir que sur 2 ou 3 fibres seulement. N’est-ce pas là un indice que notre cerveau est spécialement conçu pour parler !

Chaque phrase que nous prononçons, aussi courte soit-elle, requiert un ensemble spécifique de mouvements musculaires.

Le sens de la moindre expression peut changer en fonction de l’ampleur du mouvement et de la coordination extrêmement précise de plusieurs dizaines de muscles. À vitesse normale, nous émettons environ 14 sons à la seconde. C’est deux fois la vitesse à laquelle nous sommes capables de maîtriser notre langue, nos lèvres, notre mâchoire et les autres parties de notre appareil vocal quand nous les animons séparément. Mais quand on les sollicite toutes ensemble pour parler, elles se comportent comme les doigts d’une dactylo ou d’un pianiste virtuose. Leurs mouvements se chevauchent en une symphonie d’une précision magnifique!

« Comment vas-tu aujourd’hui ? » L’information dont nous avons besoin pour poser cette question simple est stockée dans ce qu’on appelle l’aire de Broca, une région du lobe frontal, que certains considèrent comme le centre de la parole. Rien chez les primates supérieurs ne correspond à l’aire antérieure du langage découverte par Broca. Même si l’on trouve un jour des aires similaires chez des animaux, cela ne changerait rien au fait que les scientifiques ne parviennent à faire prononcer à des singes que quelques sons très simples du langage articulé. Rien à voir avec le langage complexe que nous sommes capables de produire en combinant des mots selon la syntaxe de notre langue. L’aire de Broca nous y aide, tant à l’oral qu’à l’écrit.

Bien sûr, le miracle de la parole ne peut s’opérer qu’à la condition de connaître au moins une langue et d’en comprendre les mots. Cela fait intervenir une autre partie du cerveau appelée aire de Wernicke. Là, des milliards de neurones discernent la signification des mots prononcés ou écrits. L’aire de Wernicke permet de saisir le sens des déclarations, de comprendre ce que nous entendons ou lisons, de sorte que nous sommes à même d’assimiler une information et d’agir en conséquence.

Mais notre capacité d’élocution implique d’autres choses encore. Par exemple, un simple « bonjour » peut vouloir dire beaucoup de choses. Le ton sur lequel nous le prononçons indique si nous sommes heureux, excités, ennuyés, pressés, irrités, tristes ou effrayés ; il peut même traduire certains degrés dans ces états affectifs.

La composante émotionnelle du langage dépend d’une autre région de notre cerveau. Ainsi, lorsque nous communiquons, diverses parties de notre cerveau sont mises à contribution.

Des chimpanzés ont appris quelques éléments du langage des signes, mais l’utilisation de ce dernier se limite essentiellement à réclamer de la nourriture ou faire connaître des besoins élémentaires. Le professeur David Premack fait partie de ceux qui ont enseigné à des chimpanzés des éléments simples de communication non verbale. « Le langage humain – dit-il– est bien embarrassant pour la théorie évolutionniste, car il est infiniment plus puissant que ce que nous pouvons en expliquer. »

Nous pourrions nous demander : « Pourquoi donc les humains sont-ils dotés de ce don merveilleux de communiquer leurs pensées et leurs sentiments, de se poser des questions et d’y répondre ? » Un ouvrage de référence (The Encyclopedia of Language and Linguistics) fait observer que « le langage [humain] est spécial » et que « la recherche de précurseurs dans la communication animale ne permet guère de combler le fossé énorme qui sépare le langage et la parole de comportements non humains ». Résumant cette différence, le professeur Ludwig Koehler écrit : « Le langage humain est un secret ; c’est un don divin, un miracle. »

Quelle différence entre les signes utilisés par un singe et l’aptitude d’un enfant à manier une langue complexe ! John Eccles5 fit un jour allusion à ce que la plupart d’entre nous avons déjà observé, à savoir la capacité « que déploient nos enfants, dès la troisième année, dans le déluge de questions par lesquelles ils cherchent à comprendre leur univers ». Et il ajouta : « Les anthropoïdes, eux, ne posent pas de questions. » De fait, les humains sont les seuls à formuler des interrogations, des interrogations concernant notamment le sens de la vie…


1 Mis en ligne le 17/12/19 sur le site theonoptie.org

2 L’hébreu du Texte biblique renvoie ici à חכמה chokmah, la « sagesse ».

3Ndlr. Sir Arthur KEITH (1866-1955), l’anthropologue disciple de Darwin, parlait de « Rubicon cérébral ».

4 Arthur GUYTON, Textbook of Medical Physiology (1956), 13e réédition Elsevier, p. 712.

5 Sir John Carew ECCLES (1903-1997) reçut le prix Nobel de physiologie pour ses travaux sur les synapses cérébrales.

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