La vérité comme événement

Par P. Ignace de la Potterie

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Résumé : Nous avons hérité de la pensée grecque une notion intellectuelle de la vérité : adéquation entre le mot et la chose, entre l’idée et le fait. Il importe au chrétien de découvrir le sens que prend le mot vérité dans l’Ecriture sainte, formulée pour tous les hommes mais dans le cadre de la pensée hébraïque. Pour l’auteur, ancien professeur à l’Institut Biblique Pontifical, la vérité au sens biblique est l’avènement de l’Homme-Dieu. Dès lors tout doit être regardé et jugé selon la perspective ouverte par l’Incarnation.

Qu’est-ce donc que la vérité pour les chrétiens ? Interrogeons la révélation chrétienne. Dans toute l’histoire humaine et parmi toutes les religions du monde, le judéo-christianisme est la seule religion à base historique.

Faisons deux comparaisons.

Le fondement des religions mystiques orientales, par exemple, est plutôt l’expérience directe de l’absolu, la vision d’un prophète ou la communication de cette vision. Pour l’Islam, le Coran est un livre tombé du ciel.

Le christianisme, non : la Bible n’est pas un livre tombé du ciel. C’est un livre qui raconte une série d’événements réels dans une histoire de salut, qui va du commencement à l’eschatologie. Que la religion chrétienne soit intéressée par l’histoire est donc une chose qui ne sera jamais assez soulignée…

La vérité, donc, est un événement, mais un événement qui révèle quelque chose… La vérité, selon la Bible, est la révélation du plan de salut de Dieu dans l’Histoire, une révélation que raconte le texte biblique. Ce n’est pas un principe de raison, mais un événement de révélation qui se « concentre » en Jésus-Christ.

Pour la Bible, la vérité est le dévoilement du plan salvateur de Dieu qui advient dans l’histoire : ce sont des événements historiques qui révèlent ce que Dieu a voulu pour nous, pour notre salut… La notion biblique et chrétienne de vérité n’est ni celle d’Aristote, ni, si nous voulons adopter un point de vue extrême, celle de saint Thomas. C’est autre chose : elle vient de l’Ancien Testament et se concentre dans l’avènement de Jésus-Christ. Le Christianisme est donc sans aucun doute un événement révélateur, l’avènement de Jésus-Christ… La question n’est donc pas « qu’est-ce que la vérité ? », mais « qui est la vérité ? » : Dieu en soi-même, ou l’homme Jésus-Christ (1 Tm 2.5) ? …

Réduire le christianisme à une doctrine théologique ou à une métaphysique (Dieu est vérité), c’est du platonisme. Jésus ne dit jamais que Dieu est vérité. Mais il l’est, réplique tout le monde ! Moi aussi, je dirais qu’il l’est, mais selon d’autres catégories de pensée. En réalité, dans la langue de saint Jean, Dieu en soi-même n’est pas vérité : Dieu n’est pas un événement de l’histoire. Il est « là-haut » dans la transcendance absolue. Un événement, lui, se tient dans l’histoire. Or, la question de fond que je pose est : qui est vérité ? L’homme Jésus-Christ ou le Verbe en Dieu ? C’est l’homme Jésus-Christ en tant qu’il révèle son mystère de Fils unique du Père. Tout est centré sur l’Incarnation… Il me semble assez significatif que cela n’existe pas dans les autres religions. Et comme confirmation du point de vue chrétien, je trouve… cette belle phrase de Jean-Paul 1er : « Le vrai drame des chrétiens qui veulent être modernes, c’est la tentative de corriger par des règles la stupeur face à l’événement Jésus-Christ». C’est bien cela : on a toujours la tentation de réduire le christianisme à une éthique, un code de règles, une doctrine, ce qui est une démarche rationaliste. Il n’est ni l’un ni l’autre : c’est un événement historique, mais un événement révélateur.

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