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Par:Jean-Marc Berthoud
La vision chrétienne de la famille1
Résumé: Prédicateur dans l’Église réformée, l’auteur anime depuis 30 ans l’Association vaudoise des Parents chrétiens. C’est dire qu’il a longtemps réfléchi sur la vision chrétienne de la famille, première cellule politique, mais aussi cadre intemporel fixé par Dieu pour la naissance, la première éducation, la vie affective, économique et sociale et l’acheminement de tous vers une fin supraterrestre. À ce titre, la tentative moderne de faire de la famille une convention arbitraire et modulable au gré des hommes, constitue un rejet de la Création divine, donc une révolte insensée contre les sages mais inaltérables prescriptions des Saintes Écritures, c’est-à-dire de l’Ancien (le Tanak) et du Nouveau Testament (le Témoignage apostolique).
Introduction
Quelques remarques préliminaires sont nécessaires avant d’entrer au cœur du sujet ; ces remarques, allusion au deuxième terme de notre titre, concernent le christianisme.
Qu’entendons nous par « christianisme »? Il s’agit de bien distinguer entre ce qu’on peut appeler le «christianisme historique» et ce qu’on appelle, à défaut d’une meilleure expression, le «christianisme moderne». Tout ce qui va être dit ici au sujet du rôle de la famille dans le christianisme le sera en relation avec la foi chrétienne historique et non avec sa contrefaçon moderne qui de nos jours se fait, hélas, trop souvent passer pour l’original. La distinction sur laquelle nous attirons votre attention ne porte pas sur la différentiation verticale (ou confessionnelle) entre les diverses branches de l’Église (orthodoxe, catholique romaine, protestante ou évangélique), mais elle est une démarcation horizontale qui coupe tous ces segments de la foi chrétienne.
Vous trouverez au sein de toute dénomination chrétienne aussi bien des partisans de la foi chrétienne historique, que des adeptes de sa version travestie « moderne ». Je vais parler de la véritable foi chrétienne, non de son travestissement, de son apostasie.
Comment distinguer l’original de la version travestie? Nous donnerons ici quatre réponses.
– La première a pour objet l’attitude du « croyant » face à la Bible. La Bible – le Tanak hébreu (l’Ancien Testament) et le Témoignage apostolique (le Nouveau Testament) – est-elle la Parole inspirée de Dieu, et en tant que telle, l’autorité finale pour l’enseignement de la foi chrétienne? Ou la Bible juive et chrétienne n’est-elle qu’une parole humaine, certes utile et qui nous inspire, mais forcément faillible, comme toute entreprise humaine, et en aucun cas normative pour tous les hommes, en tous lieux et en tout temps ? La question de l’autorité finale est au cœur de toute foi religieuse. Cette autorité n’est-elle qu’humaine, comme dans la version « moderne » frauduleuse de la foi chrétienne ? Est-elle uniquement rationnelle, scientifique, expérimentale, bref « critique » à l’égard de la révélation divine?
Ou l’autorité du Tanak et du Témoignage apostolique est-elle pleinement divine, comme l’affirme la foi chrétienne historique pour laquelle l’autorité finale est inscrite dans la texture verbale même des Saintes Écritures ? La foi historique de l’Orthodoxie d’Orient (saint Jean Chrysostome et le P. Justin Popovitch, par exemple), du catholicisme romain (saint Thomas d’Aquin et le pape saint Pie X, par exemple), du protestantisme (Jean Calvin et Cornelius Van Tu, par exemple) et du mouvement évangélique (John Bunyan et Louis Gaussen, par exemple), à la suite du témoignage même des Écritures, tient fermement à l’infaillible autorité divine de la Bible.
Ainsi, dans la perspective de la foi chrétienne historique, le critère absolu pour définir le rôle de la famille sera l’enseignement de la Bible, tel qu’on le trouve dans le Tanak et dans le Témoignage apostolique. Cette vérité normative ne peut se trouver ni dans l’expérience indépendante de l’Église ni dans l’expérience autonome de l’homme; elle ne se rencontre ni dans les leçons de l’histoire ni dans la sociologie.
Je m’empresse d’ajouter ici qu’il n’est absolument pas question de négliger toute information utile servant à faciliter notre lecture du texte sacré que l’on peut, à la lumière de ces mêmes Écritures Saintes seules normatives, glaner dans ces différents domaines de la recherche humaine.
– Deuxièmement, la Foi chrétienne a un caractère proprement historique. Je veux dire par là que, dès le début de l’histoire, la confrontation entre la Foi chrétienne historique et les erreurs qui n’ont cessé de l’attaquer, ont conduit à une meilleure compréhension, tant de ses affirmations fondamentales, que des erreurs qui ont constamment cherché à la détruire. La Foi chrétienne historique confesse donc d’une seule voix la confession de foi fondamentale de l’Église primitive: le Symbole des Apôtres, la Confession de Nicée, les définitions du Concile de Chalcédoine, qui sont tous restés fidèles à leur fondement scripturaire. Dans notre entreprise de définition du rôle assigné à la famille par le christianisme, nous tiendrons compte de l’accumulation, à travers l’histoire, de cette sagesse doctrinale soigneusement formulée. Les attaques dirigées contre la famille, par exemple, celles d’hier comme celles d’aujourd’hui, nous ont permis, en nous obligeant d’y répondre, à mieux comprendre la nature, le caractère et la fonction de la famille.
– Troisièmement, la foi chrétienne historique tient à une épistémologie réaliste. Ce qui veut dire que le contenu intellectuel de la Foi peut être déterminé par la formulation de concepts soigneusement définis. Donc, si ces concepts sont vrais dogmatiquement, les affirmations de leurs contraires sont nécessairement fausses. En ce qui concerne la famille, il est donc possible, du point de vue de la foi chrétienne historique, non seulement de définir avec précision l’origine, le caractère, le rôle, les obligations et la finalité religieuse de la famille, mais il est aussi possible de réfuter les déformations qui l’ont attaquée à travers les siècles et qui aujourd’hui cherchent désespérément à la détruire.
– Et enfin, quatrièmement, la foi chrétienne historique n’est pas simplement une doctrine, une théorie, mais la vie, une façon de vivre, une obéissance éthique, sociale et personnelle, reçue comme un cadeau de Dieu.
Elle cherche donc à se conformer à la Volonté révélée de Dieu, à sa Loi, contenue dans les Écritures entières, le Tanak et le Témoignage apostolique. Ceci veut dire que dans le contexte de la foi chrétienne historique, le rôle de la famille doit être représenté dans l’histoire et qu’il doit faire preuve de sa vérité en se manifestant concrètement dans la vie de tous les jours de la société. Il est clair que la restauration des structures et des fonctions créationnelles de la famille passeront par la destruction de leurs imitations et contrefaçons qui réapparaissent régulièrement au cours de l’histoire.
Ces quelques remarques préliminaires étant faites, nous allons pouvoir aborder notre thème : Le rôle de la famille dans le christianisme. Le rôle que la foi chrétienne historique assigne à la famille ne peut être correctement appréhendé sans une bonne compréhension de son origine et de son caractère (son rôle et ses fonctions), de ses obligations et de sa finalité. Voyons brièvement chacun de ces aspects.
I. L’origine de la famille:
Les Écritures, le Tanak et le Témoignage apostolique, nous enseignent que la famille, comme l’homme lui-même, la terre et la mer et tout ce qu’elles contiennent, est une créature, c’est-à-dire une forme sociale créée directement par Dieu, et que ses membres – chacun d’entre nous, sans exception – sont en fin de compte redevables à Dieu de la façon dont ils traitent cette institution. La famille a donc le caractère d’une forme substantielle permanente (comme les espèces biologiques ou les éléments chimiques) et par conséquent, comme pour toutes les formes créées, elle ne pourra jamais être détruite par l’homme. Et nous pouvons en tirer les conclusions suivantes : la famille créée est constitutive de la race humaine et, même si elle est aujourd’hui durement attaquée, elle ne peut disparaître ; tout être humain, de par sa nature même, appartient à la famille; tous les humains, sans tenir compte de leurs croyances religieuses (ou irréligieuses) ne peuvent pas plus échapper à ce cadre divinement établi qu’ils ne peuvent s’arrêter de respirer, ou refuser d’utiliser leur système digestif, ou encore se passer de leur circulation sanguine.
Cette permanence de la famille, à laquelle on ne peut échapper, est la raison de notre rencontre ici à Genève (en des temps plus anciens – et meilleurs – une citadelle exemplaire de la foi chrétienne historique), car ce qui nous a rassemblés aujourd’hui, c’est notre conviction commune du caractère de fondement social de la famille, laquelle, en tant qu’institution créationnelle, nous inclut tous sous l’égide de son autorité. Ce qui nous console dans la bataille que nous livrons tous pour la défense de la famille créée, c’est son caractère indestructible, aussi indestructible que l’ordre universel lui-même.
Comme ils sont vains et futiles, les efforts de ceux qui cherchent à la détruire! La nature même que Dieu leur a donnée les force, de génération en génération, à ré-établir la famille.2
Nous ferons bien de commencer nos considérations sur le rôle de la famille dans le christianisme par l’écoute du témoignage de la Torah, telle qu’il est consigné dans le Livre de la Genèse, puis par celle du témoignage du Messie Lui-même, tel qu’il est rapporté par le Témoignage apostolique de Marc, sur l’origine divine et le caractère créationnel de la famille.
YHWH Dieu dit. Il n’est pas bon que l’homme soit seul; je lui ferai une aide qui sera son vis-à-vis. (…) Et l’homme dit : Cette fois c’est l’os de mes os, la chair de ma chair. C’est elle qu’on appellera femme, car elle a été prise de l’homme. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. (Gn 2, 18 et 23-24)
Dieu créa l’homme à son image: il le créa à l’image de Dieu, homme et femme il les créa.
Dieu les bénit et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui rampe sur la terre. (Gn 1, 27-28)
Voilà pour la Torah, voyons maintenant le Témoignage apostolique.
Les pharisiens abordèrent [Jésus-Christ] et, pour l’éprouver, lui demandèrent s’il est permis à un homme de répudier sa femme. Il leur répondit : Que vous a commandé Moise? Moïse, dirent-ils, a permis d’écrire un acte de divorce et de répudier sa femme. Et Jésus leur dit : C’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse a écrit pour vous ce commandement. Mais au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme ; c’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et les deux [époux] deviendront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni. (Mc 10, 2-9).3
Nous voyons donc que la Torah et le Témoignage apostolique, tant Moïse que Jésus-Christ, témoignent de la divine origine de la famille créationnelle, de son unité fondamentale, de sa permanence et de son caractère strictement exclusif et monogame. Car la famille, création de Dieu, est une forme substantielle bien réelle, «une seule chair», qu’aucun « homme » (y compris bien sûr le Population Council de New York et les lobbies homosexuels du monde entier !) ne doit s’aviser de « séparer », c’est-à-dire de détruire. Les deux aspects de la famille ressortent du texte de la Genèse:
a) la communion et l’aide mutuelle entre mari et femme, si merveilleusement et si délicatement décrites dans le Cantique des cantiques, dans le dernier chapitre des Proverbes et au chapitre cinq de l’Épître de Paul aux Éphésiens ; et
b) la consommation naturelle du mariage dans la procréation de nombreux enfants, la fécondité étant toujours considérée dans la Bible comme une bénédiction divine4.
Les écrits du Témoignage apostolique, le Nouveau Testament, font abondamment écho à ces enseignements du Tanak.
II. le caractère (ou la structure) de la famille:
L’idée que l’on se fait aujourd’hui du modèle de la famille chrétienne, c’est-à-dire de la famille occidentale moderne constituée par l’union temporaire de deux partenaires fonctionnellement interchangeables, accompagnés de un, ou tout au plus, de deux enfants dont la conception a été explicitement désirée et «planifiée», est une idée très éloignée de la norme biblique de la famille. La famille chrétienne biblique a un caractère bien différent. C’est surtout une Institution hautement complexe et organisée. Par certains aspects, on peut dire qu’elle est monarchique, par d’autres, aristocratique, et par certains côtés on peut même considérer qu’elle a un caractère démocratique. Elle a ainsi un caractère éminemment politique.
Elle est tout d’abord monarchique. Mari et femme sont tous deux créés à l’image de Dieu. À cause de la chute, ils sont tous deux également pécheurs et les objets du jugement de Dieu comme de sa grâce. À cet égard, il n’y a pas de différence spirituelle fondamentale entre homme et femme5, ce qui n’exclut pas qu’il y ait une hiérarchie dans la structure de la famille. L’institution de la famille est en fait strictement monarchique dans le sens que le mari, loin d’être l’« égal » mathématique de son épouse, est assurément son supérieur institutionnel. Tant le Tanak que le Témoignage apostolique sont clairs sur ce point : l’homme est légalement le chef de la femme.
L’explication de cette hiérarchie conjugale est de nature fondamentalement religieuse : le Tanak et le Témoignage apostolique nous enseignent tous les deux que la relation entre le mari et sa femme constitue une image de la relation entre Dieu et sa création, entre le Seigneur Dieu et son peuple allianciel, Israël, mais également entre Jésus-Christ – la deuxième personne de la Trinité – et le peuple de sa nouvelle Alliance, l’Église chrétienne. Cette dernière est constituée d’hommes et de femmes de toutes nations, qui, par leur foi au Messie, sont devenus héritiers des promesses faites à Abraham.
Le rétablissement de la structure biblique de la famille doit donc s’accompagner d’un rejet total de l’égalitarisme pseudo-mathématique professé par la société contemporaine, en particulier en ce qui concerne la relation entre mari et femme. Il nous faut absolument revenir à la structure hiérarchique de la famille biblique. Mais comme il ressort clairement de l’enseignement tout entier de la Bible, cette hiérarchie structurelle et institutionnelle ne tolère en aucun cas la domination tyrannique du mari sur sa femme. Elle ne tolère pas non plus la domination féministe de l’homme par la femme, telle qu’on la connaît aujourd’hui dans nos sociétés occidentales. Mais ce qui est encore pire, c’est une famille (ou une société) menée par les caprices des enfants6. Ce dont il est question ici, c’est de la structure des institutions dont est constituée la société : dans ce cas, la famille. Il ne s’agit pas ici de l’infériorité ou de la supériorité intrinsèque d’êtres humains différents. La lecture du dernier chapitre du Livre des Proverbes et un examen attentif du rôle vital joué par les femmes dans le ministère de Jésus-Christ et dans celui de l’apôtre Paul devraient amplement suffire à nous éclairer sur ce point7.
Mais il faut ajouter que la famille biblique est structurée également d’une manière hiérarchique, aristocratique. Si le père est, comme nous l’avons vu, le Roi de la famille, son épouse en est la Reine. C’est la raison pour laquelle en Europe occidentale la cérémonie du mariage chrétien a été pendant si longtemps célébrée comme un couronnement (ainsi dans les Flandres, par exemple, jusqu’au temps de Breughel l’Ancien au XVIe siècle). C’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui dans la tradition orthodoxe.
Ensemble, mari et femme forment le gouvernement de la famille. La famille chrétienne n’est donc pas gouvernée par la seule autorité monolithique (moniste) du père et mari, mais par une sorte de système de gouvernement à deux chambres. L’autorité de l’épouse fait ainsi contrepoids à celle du mari, tout en lui restant subordonnée. C’est pour cela que le Témoignage apostolique parle du péché originel non pas comme étant d’abord celui d’Ève (malgré le fait que c’est elle qui le commit en premier), mais comme le péché d’Adam, parce que, en tant qu’époux, c’était lui qui, en dernier lieu, était tenu pour responsable par Dieu de tout ce qui se passait sous son autorité. La raison théologique de cette forme de double gouvernement – une garantie contre l’absolutisme arbitraire masculin – se trouve dans le fait que si d’une part l’homme et la femme sont personnellement créés à l’image de Dieu, de l’autre, la famille est, elle, créée à l’image de la Famille céleste, de la Trinité, Père, Fils et Saint Esprit, trois Personnes divines, Un seul Dieu8.
Enfin, dans la perspective chrétienne, la famille a, jusqu’à un certain point, un caractère démocratique. Non pas que dans la famille ce soit la majorité des voix qui établisse la loi ou manifeste la vérité, comme c’est le cas partout aujourd’hui en Occident, où est pratiquée une forme pervertie de la démocratie qui en fait n’est rien d’autre qu’une divinisation de l’Homme et du Nombre.
Mais dans les familles chrétiennes (familles au sens large), tous les membres, enfants et parents, domestiques et employés9 – étant tous créés à l’image de Dieu – ont droit, selon leur âge et leur condition, à s’exprimer sur les affaires de la famille. Ceci naturellement sous la direction des parents et de l’autorité finale du père. Là aussi nous observons les effets bénéfiques du modèle divin de la famille, la Trinité. Car dans la structure de la famille biblique, ces deux éléments aussi ressortent: ceux de l’unité et de la diversité. L’apport des enfants à la gestion de la famille ira en grandissant avec l’âge jusqu’au moment où « … l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme; et ils deviendront une seule chair. » (Gn 2, 24) La femme passera de l’autorité de son père à celle de son mari. C’est ce que l’on voit encore aujourd’hui dans la cérémonie du mariage où, selon la coutume, la fiancée entre dans l’Église au bras de son père et la quitte à celui de son mari. Le couple ainsi uni établira une nouvelle famille sur la base du modèle qu’ils ont reçu de leurs parents.
Cette nouvelle branche de la famille, par le fait qu’elle peut (et doit) se détacher du tronc patriarcal, s’ouvre à l’innovation, ce qui lui permet de lutter contre la sclérose qui risquerait de menacer l’institution familiale si elle restait fermée sur elle-même. Mais, par ailleurs, son attachement au modèle de base lui assure la continuité, luttant ainsi contre cet autre danger, la rupture d’avec la tradition et l’héritage familial. Cette structuration complexe et cette diversité au sein du modèle biblique de la famille produisent une institution extraordinairement dynamique et flexible, capable d’agir en commun (les ordres doivent être suivis!) et dotée de la force nécessaire pour résister aux prétentions totalitaires des institutions plus larges de la société, qu’elles soient de nature politique ou religieuse10.
III. Les rôles et les fonctions de la famille:
Nous avons examiné les origines de la famille, son caractère profond et sa structure; voyons maintenant quel en est le rôle fondamental, ou plutôt quels sont les nombreux rôles qu’elle est appelée à jouer. Il nous faut remarquer tout d’abord que la famille a, dans nos sociétés occidentales actuelles, une fonction extrêmement limitée. Et ce modèle de famille, de par la domination politique, économique et culturelle de l’Occident, a un grand pouvoir d’attraction sur toutes les familles du monde. Mais ce modèle occidental, lorsqu’on le compare au modèle biblique (et au modèle très largement répandu parmi les nations, même non chrétiennes, au cours de l’histoire), représente en fait une image profondément déformée de la vraie famille telle que Dieu l’a voulue.
En fait la famille nucléaire, typique de l’Occident post-chrétien, ne reflète ni le vrai caractère de la famille, ni les tâches que cette institution est appelée à accomplir. Le modèle occidental actuel de la famille – un regroupement temporaire, fragile et non structuré d’individus égaux et interchangeables – n’a en fait plus grand-chose à voir avec la famille telle qu’elle est révélée dans l’enseignement des Écritures. Cette vision occidentale réductionniste de la famille est une anomalie11 sociologique et historique, une aberration philosophique12, et du point de vue de la foi chrétienne historique, elle est, sur le plan théologique, indiscutablement hérétique. C’est un modèle à rejeter résolument si nous voulons nous attaquer aux nombreux problèmes que son adoption vient d’apporter à notre civilisation.
a) La famille en tant qu’élément fondateur de la société:
Comme en témoigne clairement la Torah, la famille possède une priorité temporelle sur toute autre institution sociale. Dieu a d’abord créé Adam, puis d’Adam il a tiré Ève et ensemble ils ont mis au monde des enfants. Toutes les institutions sociales – religieuses, politiques, économiques, culturelles et autres – ont leurs racines en cette famille originelle. La famille naturelle est l’élément fondateur de la société.
Mais il nous faut dire encore beaucoup de choses. Avec la diversification de la société, les fonctions qui par le passé étaient tenues exclusivement par la famille dans les domaines de la religion, de la politique, de l’économie et de la culture, se sont vues déléguées à des institutions extérieures à la famille, jugées plus aptes à les accomplir, telles l’État, l’Église, les organisations commerciales, les écoles, les crèches, etc. il n’en reste pas moins que ces fonctions, même si elles sont aujourd’hui tombées en désuétude, font néanmoins toujours partie de la vocation fondamentale de la famille.
Une chose est de déléguer les responsabilités de la famille à d’autres organisations. Tout autre chose est d’abandonner le principe même de l’exercice des fonctions politiques économiques, éducatrices et religieuses de la famille à l’État, à l’Église, aux organisations commerciales ou aux écoles. Une telle démission constitue un détournement illicite de la vocation de la famille à l’exercice de ses vraies fonctions. La famille occidentale a en fait renoncé à pratiquement toutes les fonctions que Dieu lui avait attribuées en abandonnant leur exercice à l’État devenu véritable providence terrestre. Elle n’a dès lors été qu’une coquille vide, un assemblage temporaire et socialement insignifiant d’individus, menacé à tout moment d’être dispersé. Malgré leurs prétentions à la liberté et l’autonomie, ces individus déracinés de leurs structures familiales ancestrales sont devenus en fait totalement dépendants des bons offices du nouveau Léviathan, l’État bureaucratique moderne.
Comme nous nous sommes aujourd’hui éloignés de cette réalité sociale qu’exprime si bien le proverbe anglais: Every man’s home is his castle, le foyer de chaque homme est pour lui un château.
Nous allons maintenant examiner en quoi consiste cette vision biblique de la famille.
b) La famille en tant qu’ordre politique miniature:
Dans la perspective biblique, le mot, gouvernement ne s’applique pas en premier lieu au gouvernement de l’État. Les hommes et les femmes doivent d’abord savoir se gouverner eux-mêmes avant de vouloir gouverner les autres. Une fois acquise cette maîtrise de soi, mari et femme peuvent alors s’efforcer de gouverner leur maisonnée. Puis vient le gouvernement d’organisations plus larges, telles que l’Église, les entreprises commerciales, et toutes sortes d’associations volontaires. Et c’est seulement après que l’on parle de gouvernement en tant que gouvernement de la société au sens large: commune, canton, province, et enfin, la nation. On ferait bien de se rappeler qu’au début (c’est-à-dire à la création du monde), la famille biblique constitua la première organisation d’ordre politique. De par sa nature même, cette famille représente une société politique ayant sa propre indépendance. Elle détient une autorité à caractère présidentiel en la personne du père; un gouvernement de type différencié sous la forme d’une direction commune de la famille par les parents. Soumis comme ils le sont à l’autorité suprême de la Loi de Dieu, les parents, véritables gouverneurs de la famille, disposent du pouvoir de légiférer, c’est-à-dire d’établir les règles par lesquelles l’institution familiale fonctionne; la famille exerce donc une fonction à proprement parler législative. Par ailleurs, au sein de la famille les parents constituent une véritable autorité judiciaire qui, de son propre chef, peut juger les actes de ses membres qui enfreignent les lois familiales. Enfin, la famille exerce, dans une certaine mesure, des fonctions policières évidentes puisqu’elle possède l’autorité biblique lui permettant de punir les actes contraires aux lois de son modeste État. Parmi ces mesures punitives se trouve la fessée traditionnelle si contestée aujourd’hui.
Ajoutons ici que, si l’on prive ce petit État familial de la capacité de sévir contre les infractions à ses propres règles, on en assure à court terme la dissolution.
Voilà les privilèges et devoirs qui, dans une perspective biblique, font de chaque famille un ordre politique indépendant. Bien sûr, ce microcosme politique ne vit pas dans un vide social et juridique. Il n’est pas indépendant d’un ordre politique plus large, celui de l’État, placé lui aussi sous l’autorité dernière de la Loi de Dieu. Par ailleurs, cette institution familiale doit, pour son bon fonctionnement, être attentive à la signification exacte des enseignements de la Parole de Dieu la concernant. Cet enseignement est donné par le magistère normal de l’Église fidèle.
L’État est obligé, chaque fois que cela s’avère nécessaire, de punir tout crime perpétré au sein du microcosme politique qu’est la famille. Mais l’intervention d’une telle autorité externe doit se limiter strictement aux véritables crimes sanctionnés par le Droit et doit être entreprise avec prudence. Car c’est aussi une des fonctions de l’État, tel que la Bible les comprend, que de veiller au maintien de l’indépendance des ordres politiques intermédiaires (c’est-à-dire placés entre l’individu et l’État) dont la famille n’est pas le moindre. Ce que nous observons de nos jours en Occident, c’est l’action persistante de l’État sécularisé (c’est-à-dire fonctionnant sans la moindre référence au Créateur et à ses Lois), qui cherche par tous les moyens à usurper les fonctions politiques légitimes de la famille et donc à les réduire à néant.
Pour prendre un exemple: dans mon pays, la Suisse, l’autorité spécifiquement paternelle a été légalement abolie au nom d’une égalité (et même d’une interchangeabilité) fonctionnelle entre mari et femme.
Les noms même d’ « époux » et d’ « épouse » n’apparaissent plus dans la loi matrimoniale fédérale où ils ont été remplacés par celui de « partenaire ». Dans certains pays européens, les punitions corporelles que la Bible ordonne aux parents d’appliquer à leurs enfants peuvent aujourd’hui aisément conduire les parents qui les appliquent devant les tribunaux, et même jusqu’en prison! Et nous nous enfonçons aujourd’hui toujours plus loin dans la dévaluation de la famille biblique.
C’est ce dont témoigne la dernière lubie de nos autorités: projet de donner un statut légal aux soi-disant « couples homosexuels », ce qui les rapprocherait de la situation légale des couples mariés.
Cette aberration, tant par rapport à l’ordre de la nature qu’à l’ordre moral, a récemment été introduite dans le droit français, droit qui suit ainsi l’exemple dévoyé des Pays-Bas, du Danemark, de la Suède, de la Norvège et de l’Islande. Il est évident aujourd’hui que la plupart de nos nations « post-chrétiennes » ont perdu tout sens de ce qu’est l’ordre de la nature et même de la finalité qui devrait être celle de toute famille. Bien des nations non-chrétiennes n’ont pas encore atteint un stade aussi avancé de corruption intellectuelle, morale et sociale. Entre autres normes immuables, elles conservent encore – mais pour combien de temps? – un sens de la signification créationnelle de la famille.
c) La famille en tant qu’ordre économique miniature:
La vision biblique de la famille implique également un haut degré d’autonomie sur le plan économique. La famille est essentiellement conçue comme un organisme économique indépendant. Donc, d’un point de vue chrétien, l’élément économique de base de la société est la famille. En ce sens, tous les membres de la famille ont à jouer un rôle décisif, mais différencié, dans l’économie familiale. Le père porte la responsabilité fondamentale de pourvoir à l’essentiel des besoins matériels de la famille. En cela, il est secondé par les activités très variées de son épouse – dont le travail touche principalement à la construction du foyer – ainsi que par celles des enfants qui, en grandissant, deviennent des aides de plus en plus utiles au bon fonctionnement du « ménage ».
Les domestiques, et dans certaines sociétés les esclaves, sont, du point de vue biblique, à considérer comme faisant partie de la maisonnée et doivent dès lors être traités, en quelque sorte, comme des membres de la famille. Bien sûr, en se mariant, les enfants quittent leurs parents pour constituer à leur tour un nouveau foyer indépendant. Mais les liens latéraux unissant les familles parentes restent forts.
Ces essaimages de la famille originelle forment ainsi de nouveaux organismes politiques et économiques familiaux, fonctionnant indépendamment des parents, mais restant néanmoins attentifs à leurs responsabilités à l’égard de ceux-ci.
La relative autarcie économique de la ferme familiale a été, jusqu’à un passé assez récent, un phénomène très commun en Europe. Un autre exemple d’indépendance économique de la famille était la petite échoppe artisanale13. En tant que famille, nous avons nous-mêmes fait l’expérience de l’efficacité et du pouvoir d’un tel organisme familial, surtout dans la bataille que nous livrons depuis quelque vingt-cinq ans pour la défense de la famille traditionnelle en Suisse Romande. Sans l’aide constante de mon épouse et de mes enfants, qui ont tous collaboré de bon cœur à cette œuvre dans le cadre de notre Association vaudoise de parents chrétiens, notre action n’aurait jamais pu connaître une pareille envergure14.
Mais ce n’est pas tout. Une vision aussi hautement fonctionnelle de la famille implique une attitude positive à l’égard de la naissance des enfants. Dans la perspective biblique, la naissance d’un enfant est toujours perçue comme une grande bénédiction et la croissance de la famille est considérée comme un accroissement de pouvoir. En effet, une famille bien organisée, hiérarchique et disciplinée, est une organisation particulièrement efficace et puissante. Et c’est bien pour cela que l’État moderne athée s’acharne à la détruire.
Car une telle famille est non seulement une institution très productive, mais constitue en plus un élément fondamental et très efficace dans l’exercice de l’assistance sociale.
Dans une famille ainsi structurée les parents âgés ne sont pas privés de toute fonction économique et sociale par l’obligation, souvent cruelle, de prendre leur retraite à un âge arbitraire, lorsqu’ils pourraient encore être utiles à leur entourage. Mais, leurs forces diminuant, ils peuvent progressivement réduire leurs activités. Leurs vieux jours sont assurés, non par les plans de retraite fragiles et impersonnels de l’État, mais par le soutien personnel qui leur est apporté par leur nombreuse progéniture, pour qui honorer son père et sa mère garde toute sa signification. Au sein d’une structure aussi forte et flexible, il est également aisé d’intégrer les membres non mariés de la famille ainsi que ceux qui ont de la peine à entrer dans le circuit économique normal. Ainsi, tous – jeunes et vieux, mariés et célibataires, forts et faibles – jouent un rôle important dans les multiples facettes de la vie de la famille. Le ressort remarquable d’une telle famille en fait un organisme capable de soutenir ses membres en situation de crise, en cas de maladie, par exemple, de deuil ou de perte d’emploi. Une institution aussi forte et flexible est un véritable rempart contre les assauts totalitaires de l’État bureaucratique moderne.
d) La famille en tant qu’organisme culturel et éducationnel
En Occident, il est considéré comme normal que la famille ne soit pas directement impliquée dans l’instruction scolaire des enfants. En général, cette tâche est déléguée au système éducationnel de l’État. Mais l’enseignement biblique est à ce sujet très clair: cette tâche est un devoir qui incombe aux parents, qui sont eux responsables devant Dieu de l’éducation religieuse, morale, intellectuelle et pratique donnée à leurs enfants15. Les parents peuvent décider de déléguer cette autorité qui leur est propre à des organisations externes à la famille, à des écoles privées par exemple, qui enseignent leurs enfants dans un cadre qu’ils approuvent. Ces parents n’en demeurent pas moins personnellement responsables de l’éducation donnée à leurs enfants.
Le mouvement Christian Home School (École chrétienne à la maison) qui a pris tant d’ampleur depuis sa création aux États-Unis il y a à peu près vingt ans et qui aujourd’hui prend racine dans de nombreux autres pays, a beaucoup contribué à la restauration de cette fonction éducationnelle vitale pour la famille16. Les résultats académiques et éducationnels en ont été remarquables. Mais ce n’est pas tout; la restauration de cette fonction parentale entraîne aussi des effets exceptionnels sur la vie même, la structure et la cohésion des familles impliquées.
Le retour des parents à cet aspect de leur obéissance active aux conditions de l’alliance biblique amène avec lui de grandes bénédictions. Non seulement, les enfants sont élevés dans la foi chrétienne de leurs parents, mais les parents eux-mêmes redécouvrent les richesses immenses et inattendues de l’institution que Dieu leur a confiée. Ce chemin mène à la restauration de la famille en tant qu’institution fondatrice de la société et au détrônement des prétentions religieuses – dans ce cas culturelles et éducationnelles – de l’État et de sa domination arrogante et contre-nature sur les institutions de la société. Le retour à ce chemin d’obéissance à Dieu ne peut que mener à la construction de structures sociales saines dans nos pays.
e) La famille en tant qu’institution religieuse:
II n’est évidemment pas possible de parler du rôle de la famille dans le christianisme sans mentionner son rôle religieux. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, la famille est indestructible, car en tant qu’institution créationnelle, elle porte l’image de la Famille céleste, la Sainte Trinité, Un Dieu en Trois Personnes divines: Père, Fils et Saint Esprit. Nous avons vu aussi que la relation entre l’autorité pleine de bonté du mari et la soumission consentie et confiante de l’épouse, constitue une image vivante de la relation qui unit Jésus-Christ à son Église, l’Église représentant ici les prémices de la nouvelle création.
Dans la perspective du Christianisme historique, qu’il s’agisse de l’orthodoxie orientale, du catholicisme romain, de l’évangélisme ou des confessions réformées, la famille est partout considérée comme une institution à caractère allianciel.
La famille est donc vue comme une institution placée sous la protection spéciale de Dieu. Depuis la fin du XVIIe siècle, ce caractère allianciel de la famille a été remplacé en Occident par la notion sécularisée selon laquelle la famille ne serait qu’une institution contractuelle, et en tant que telle, dissoluble à volonté. La vision de la famille en tant que forme créée stable (catégorie substantielle permanente semblable aux espèces en biologie, ou aux éléments en chimie) a bel et bien été abandonnée à la faveur d’une notion purement individuelle (un nominalisme privé de toute catégorie substantielle stable) selon laquelle les individus (comme les atomes isolés de la physique newtonienne gouvernés seulement par les lois mathématiques) peuvent « faire » (ou « défaire ») la famille à volonté.
L’Occident a donc abandonné toute perception du caractère sacré de la famille17. Cette sécularisation de la famille est le fruit de la perte de finalité et de sens de la pensée occidentale. Il s’agit de priver la réalité sociale et politique de l’ordre que lui a donné le Créateur. Cette « athéisation » des structures mêmes de la société ne peut que conduire à la perte de tout discernement et au chaos social qui en est, en droite ligne, le résultat. Aujourd’hui, avec la reconnaissance légale des soi-disant » mariages homosexuels » nous avons franchi un seuil de plus. Nous n’arrivons même plus à reconnaître la normativité et le caractère naturel de la famille normale. L’état de perdition biblique n’est-il pas – entre autres – une perte de tous repères? C’est le retour au chaos.
En tant qu’institution religieuse, la famille a la priorité temporelle et pratique (sinon spirituelle) sur l’Église. Au commencement, et en la personne de nos premiers parents, Adam et Ève, la famille-type représentait déjà l’Église. Il est intéressant de faire remarquer que les premiers sacrifices, ceux de Caïn et d’Abel, furent offerts dans le cadre de la famille.
Cela vaut aussi pour Noé au temps du Déluge, ainsi que pour les sacrifices offerts par Abraham, Isaac et Jacob. Cet état de choses changea quelque peu avec l’instauration des cérémonies cultuelles publiques définies par la Loi mosaïque et, plus tard, également avec la forme ecclésiastique d’adoration de Dieu instituée par l’Église apostolique. Dans l’Église apostolique des premiers temps, la maisonnée biblique servait souvent de noyau d’où partait l’implantation de nouvelles Églises locales. Aujourd’hui encore le père garde une autorité spirituelle qui fait de lui non seulement le chef politique, judiciaire et économique de son microcosme social, mais également le chef religieux du groupe familial.
Nous avons vu que, dans la perspective chrétienne, le gouvernement a d’abord un caractère personnel; puis le gouvernement est celui de la famille par les parents; enfin, nous arrivons au gouvernement politique de la cité. De manière analogue, la relation du chrétien avec Dieu est tout d’abord intimement personnelle; puis elle s’exprime dans le contexte plus large du culte familial; pour finir elle prend une forme ecclésiastique. Nous avons montré à quel point, dans la perspective chrétienne, la famille naturelle représente l’élément social fondamental. Nous voyons maintenant que cela est vrai aussi dans la sphère religieuse. Car si la famille est spirituellement déboussolée, la communauté religieuse souffrira des mêmes troubles. Et à leur tour, de tels désordres religieux auront des conséquences très fâcheuses sur la société tout entière.
Conclusion:
Il est temps de conclure notre rapide survol du rôle que joue la famille dans la vision chrétienne de la réalité. Ce que j’ai brièvement tenté d’évoquer n’est manifestement pas la description sociologique de la condition actuelle de la famille dans ce qu’il nous reste aujourd’hui d’une chrétienté autrefois florissante, dynamique et généreuse. L’image que j’ai tenté de peindre devant vous est bien plutôt celle d’un modèle à imiter, modèle dont tous ceux qui souhaitent la restauration de la famille doivent s’inspirer.
Ce but à atteindre n’est rien moins que l’actualisation du modèle original de la famille établi par Dieu pour tous les hommes. Ce modèle est certes déformé par notre péché. Ce péché n’est autre que notre désobéissance aux exigences de la Loi de Dieu telles qu’elles sont révélées dans la Torah, dans tous les commandements contenus dans le Tanak ainsi que dans le Témoignage apostolique, cette Nouvelle Alliance qui, en Jésus-Christ, n’est rien d’autre que le couronnement de l’Ancienne. Mais malgré nos défaillances nous devons persévérer dans la mise en application du modèle divin de la famille que nous révèle la Bible.
Aujourd’hui les pouvoirs omniprésents de l’utopie athéiste (et panthéiste), du globalisme s’acharnent à faire disparaître de la surface de la terre le peu qui, dans nos nations, perdure de ce modèle d’origine divine. Mais l’assaut que livrent ces forces contre la famille – il s’agit d’une véritable guerre politique, économique, culturelle et spirituelle – doit être compris comme un signe tangible du mécontentement terrible du Dieu Saint envers la complaisance actuelle de l’humanité à l’égard de son péché. En conséquence de la montée formidable du mal dans notre monde, le Dieu véritable, fidèle à sa Parole, déploie contre nous les jugements consignés dans son traité d’Alliance avec les hommes. Il paraît évident, à ceux qui ont des yeux pour voir, que Dieu aujourd’hui retire sa main protectrice des familles et des nations de la terre. Il nous faut confesser que ce jugement divin sur les familles du monde frappe d’abord, avant tout et le plus fort, nos nations dites chrétiennes – les nations d’une chrétienté impie, immorale et apostate. Il reste toujours possible de détourner le courroux de Dieu, mais cela ne peut se faire autrement que par des actions qui manifestent une repentance véritable et sincère : par l’abandon de nos mauvaises voies et notre retour à l’adoration du seul vrai Dieu et à l’obéissance à ses commandements. Le chemin de cette délivrance est clairement révélé dans les Écritures saintes, divinement inspirées, du Tanak et du Témoignage apostolique, et manifesté publiquement dans l’Incarnation, la mort sur la croix au Golgotha et la Résurrection du Fils unique de Dieu, le seul Messie d’Israël, notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.
L’Alliance établie au commencement par Dieu avec nos premiers parents, Adam et Ève, fut brisée par leur désobéissance. Mais Dieu, dans sa grâce et sa patience infinies a, à travers l’histoire des patriarches avant le déluge et plus tard avec les descendants d’Abraham, œuvré dans l’histoire au rétablissement de son Alliance avec les hommes. Une des fonctions de la famille chrétienne est de témoigner clairement de cette œuvre de rédemption, celle-ci impliquant pour cette famille la délivrance de tous ses ennemis. L’Alliance établie avec Adam, renouvelée avec Noé et Abraham, Moïse et David, a été finalement, complètement et définitivement établie par l’Incarnation, la mort et la Résurrection du Seigneur Jésus-Christ. Ce n’est que par l’adhésion humble et confiante au témoignage vivant de cette Alliance immémoriale que nous pourrons espérer voir de nos yeux la défaite définitive de ces pouvoirs maléfiques. Dieu brisera ainsi l’ambition perverse de ces hommes sans foi ni loi d’usurper le trône de Dieu, manifestant leur haine de la famille divine par leurs efforts acharnés pour détruire son image, la famille humaine. En ces temps dangereux, nous tirons notre consolation et notre espoir des paroles du prophète Ésaïe, paroles fidèlement consignées pour nous tous dans le Tanak d’Israël:
Il rendra à chacun la rétribution qu’il mérite : la fureur à ses adversaires, à ses ennemis ce qu’ils méritent, aux îles la rétribution qu’elles méritent. On craindra le Nom de YHWH depuis le couchant et sa gloire depuis le soleil levant; quand l’adversaire viendra comme un fleuve, l’Esprit de l’Éternel le mettra en fuite. Un rédempteur vient pour Sion, pour ceux de Jacob qui se détournent de leur crime – Oracle de l’Éternel. Quant à moi, voici mon Alliance avec eux, dit l’Éternel: Mon Esprit, qui repose sur toi, et mes paroles, que j’ai mises dans ta bouche, ne se retireront pas de ta bouche, ni de la bouche de tes enfants, ni de la bouche des enfants de tes enfants, dit l’Éternel, dès maintenant et à toujours. (Is 59, 18-21).
1 Repris de Création, Bible et Science, Lausanne, l’Âge d’Homme, 2008, pp. 139-154. Il s’agit ici d’une conférence donnée à Lausanne le dimanche 2 juin 2002, jour de l’acceptation par une écrasante majorité du peuple suisse de la « solution des délais », autorisation légale accordée à tout un chacun d’assassiner librement ses propres enfants de moins de douze semaines.
2 Sur le thème du fondement biblique de la famille, je vous recommande la lecture de deux brillantes dissertations, très détaillées, sur l’application concrète des Dix Commandements: Pierre Viret, L’Instruction chrétienne en la Loi et l’Évangile, qui pour la première fois depuis sa première parution en 1564 est en voie de réédition aux Éd. de l’Âge d’Homme, à Lausanne; et : Rousas John Rushdoony, The Institutes of Biblical Law, vol. I, Presbyterian and Reformed, Philadelphia, 1973, vol. II, Law and Society, 1982 and vol. III, The Intent of the Law, 1999, les deux derniers publiés par Ross House Books (P. O. Box 67, Vallecito, California 95251), volumes qui sont pour notre génération ce que les œuvres de saint Jean Chrysostorne et de Pierre Viret furent pour les leurs.
3 Voir aussi les versets suivants : Mt 19, 3-9 ; 1 Co 6, 16 ; Ép 6, 31.
4 Voir entre autres les Ps 127 et 128.
5 Cette égalité « spirituelle» s’applique aussi à d’autres catégories sociales. Mais elle n’abolit pourtant pas les distinctions et hiérarchies créationnelles sociales telles que celles qui existent entre esclaves et hommes libres, Grecs et Juifs, Chinois et Africains, soldats et officiers, enfants et parents, anciens d’Églises et paroissiens, etc. Voir Ga 3, 28 et Col 3, 11.
6 Sur ce sujet vital, voyez l’enseignement du prophète Ésaïe et notre étude : Jean-Marc Berthoud «L’Humanisme: la confiance en l’homme, ruine des nations. Ésaïe chapitre 3 », dans Résister et Construire, n° 41-42, 1998 (Case postale 468, 1001 Lausanne, Suisse).
7 Sur ces questions capitales voyez : Stephen B. Clark, Man and Woman in Christ. An Examination of the Roles of Men and Women in Light of Scripture and the Social Sciences, Servant Books, Ann Arbor, 1980; John Piper and Wayne Gruden (Editors), Recovering Biblical Manhood and Womanhood. A Response to Evangelical Feminism, Crossway Books, Wheaton (Illinois), 1991; Évelyne Sullerot, Le fait féminin. Qu’est-ce qu’une femme?, Paris, Fayard 1978; Quels pères, quels fils ?, Paris, Fayard, 1992; J. David Pawson, L’autorité une affaire d’homme, Librairie chrétienne Carrefour, Nyon (Suisse), 1992 ; enfin, l’ouvrage capital de Leon J. Podles, The Church Impotent. The Feminization of Christiany, Spence, Dallas, 1999.
8 Voyez entre autres textes: Ép 3, 14-15.
9 Dans la société biblique, et à diverses époques de la chrétienté, les esclaves (ou les serviteurs) faisaient partie intégrante de la famille élargie, de ce que l’on appelait le « ménage ».
10 Frédéric Le Play, L’organisation de la famille selon le vrai modèle signalé par l’histoire de toutes les races et de tous les temps, Tours, Mame, 1875.
11 J. D. Unwin, Sex and Culture, Oxford University Press, Oxford, 1934; Hopousia or the Sexual and Economic Foundations of a New Society George Allen and Unwin, London, 1940.
12 Une aberration philosophique: dans son rejet nominaliste des universaux (catégories stables correspondant à un aspect particulier de l’ordre stable de la création); ici la catégorie créationnelle niée est celle de la famille. Voyez l’étude de Georgette Papacostoula, Les conceptions d’Aristote sur la famille et l’éducation morale, Athènes, 1956.
13 Sur la nature de la famille européenne au XIXe siècle et son indépendance économique, voir les travaux de Frédéric Le Play: Les ouvriers européens, Tours, Alfred Mame, (6 vol.), 1878 (1855); L’organisation du travail selon la coutume des ateliers et la loi du Décalogue, Tours, Alfred Mame, 1870; La réforme sociale en France déduite de l’observation des peuples européens, Tours, Alfred Mame, 1874 (3 vol.); La constitution de l’Angleterre considérée dans ses rapports avec la loi de Dieu et les coutumes de la paix sociale, Tours, Alfred Mame, 1875 (2 vol.) ; etc.
14 Le roman épique Le cheval rouge (Milan, 1983, l’Âge d’Homme, 1996), du romancier italien catholique romain Eugenio Corti, fournit un récit détaillé de la façon dont a fonctionné une telle famille en Europe pendant la période précédant et suivant de près la Seconde Guerre mondiale. Ce livre, qui en est déjà à sa dix-huitième réimpression en Italie (et ceci malgré une totale ignorance de la part de la presse séculière !) a été traduit et publié en français, en anglais, en japonais et en espagnol.
15 Voyez par ex. Dt 6, 4-9, et le Livre des Proverbes qui abonde en conseils en directives sur la responsabilité essentielle de la famille dans l’éducation de ses enfants.
16 Voir Samuel Blumenfeld, Homeschooling. A Parents Guide to teaching children, Citadel Press (Carol Publishing Group, 120 Enterprise Avenue, Secaucus NJ. 07094), 1997.
17 Voir Alfred Dufour, Droits de l’Homme, droit naturel et histoire, P.U.F., 1991; Mariage et société moderne, Fribourg, Éd. Universitaires, 1997.