L’ADN “poubelle”

Par Hugh Owen

, , , , , ,

Hugh Owen[1]

Résumé : L’expression “ADN poubelle”[2] est apparue en 1972 pour qualifier les portions d’ADN ne codant pas pour des protéines, donc sans fonction apparente, soit plus de 90% du génome. Puis en 1976, dans son célèbre livre Le Gène Egoïste, Richard Dawkins vint expliquer que ces séquences non codantes étaient tout simplement des vestiges laissés par l’évolution de séquences qui avaient été fonctionnelles lors d’étapes antérieures de la phylogenèse. Cette explication fut prise au sérieux au point que, lors du projet de séquençage intégral du génome humain, nombreux furent ceux qui doutèrent du bien-fondé du projet. Aujourd’hui où apparaît la fonctionnalité de l’ensemble du génome, on peut donc se demander s’il faut faire confiance aux affirmations des mêmes biologistes sur la non dangerosité des OGM.

Il est bien connu que l’expression « ADN poubelle » est due à un article du Dr. Susumnu Ohno de 1970 dans lequel celui-ci disait « de même que les fossiles d’espèces disparues encombraient la géologie, de même l’ADN ayant perdu ses fonctions encombre le génome humain ».[3] Bien que quelques scientifiques aient soutenu que l’ADN ne se serait pas conservé pendant les millions d’années supposées de l’évolution s’il n’avait pas de fonction, l’expression « ADN poubelle » commença à être largement utilisée pour décrire la majeure partie du matériel génétique humain ne codant pas pour des protéines.

En 1976, le biologiste évolutionniste Richard Dawkins publia The Selfish Gene (Le Gène Egoïste), son livre avant-gardiste dans lequel il prétendait que des parties d’ADN sont des « réplicateurs égoïstes ». En raison de l’énorme quantité d’ADN paraissant n’avoir aucune fonction dans le génome, il écrivit:

« Les biologistes se creusent la cervelle pour comprendre à quels usages sert cet excédent apparent d’ADN dans le génome. Mais du point de vue des gènes égoïstes eux-mêmes, il n’y a pas de paradoxe. Le véritable « but » de l’ADN est de survivre, ni plus ni moins. La façon la plus simple pour expliquer le surplus d’ADN est de supposer que c’est un parasite, ou au mieux un passager clandestin inoffensif mais inutile dans les machines de survie créées par le reste de l’ADN… ».[4]

En 1980, deux articles clés publiés dans Nature associèrent le concept d’ « ADN poubelle » à celui de « gène égoïste » de Dawkins.[5] Pendant les années 1980, la plupart des biologistes pensaient que le génome était bourré et encombré par un excès de séquences non fonctionnelles (non codantes) issues de la réplication « égoïste ». En conséquence, certains mettaient en doute le besoin de séquencer ou d’étudier les sections prétendues non codantes du génome humain que l’on croyait alors constituer environ 97% de l’ADN total. Lorsque Robert Sinsheimer, René Dulbecco et Charles DeLisi proposèrent de séquencer la totalité du génome humain (connu ensuite sous le nom de Projet du Génome Humain), de nombreux biologistes moléculaires s’opposèrent à l’idée parce que tellement d' »ADN poubelle » serait séquencé.[6]

Le Projet Génome Humain débuta officiellement en 1990 et les données qu’il découvrit furent une grande surprise. Tout d’abord, on trouva beaucoup moins de « gènes » qu’espéré. Ensuite, le gène humain total était semblable, de façon frappante, à celui de d’autres organismes, comme la mouche.

Avec la publication des schémas du chimpanzé, du rat, du chien, de l’opossum, il devint également évident que les séquences d’ADN diffèrent principalement par les zones dites non codantes. Puis, en 2007, avec les résultats du projet ENCODE[7] devenus disponibles, il apparut clairement que les facteurs les plus importants pour le fonctionnement du génome se trouvaient dans l’ADN non codant. Ces découvertes contredisaient ce qui était devenu le « dogme central » de la génétique, à savoir que l’ADN produit l’ARN, lequel fabrique la protéine qui constitue l’élément significatif de la vie organique.

La découverte qu’au moins 98% du génome humain ne codait pas de protéine, obligea les scientifiques à regarder de plus près « l’ADN poubelle » (l’ADN non codant).Ce type d’ADN se divise en trois grandes catégories: pseudogènes[8], rétrovirus[9] apparents et rétrotransposons[10].

Les pseudogènes sont censés être les vestiges de gènes ayant perdu leur capacité à coder pour des protéines et ayant acquis des mutations depuis la perte de leur fonctionnalité. Mais des recherches récentes ont prouvé la fonctionnalité des pseudogènes. Selon un récent article de Nature, une équipe de scientifiques du Cold Spring Harbor Laboratory à New York a découvert une fonction des pseudogènes pour contrôler l’expression du gène.[11]

La seconde grande catégorie d’ADN non codant contient des morceaux mobiles d’ADN. Ceux-ci comprennent des éléments génétiques mobiles de classe 1, appelés rétrotransposons qui se permutent au sein du génome en étant transcrits en ARN puis de nouveau en ADN. Jusqu’à une date récente on croyait généralement que les rétrotransposons étaient des restes inutiles d’infections virales. Une étude publiée dans le journal Developmental Cell a montré l’erreur de cette croyance. Selon un article du site Eureka, des chercheurs ont découvert que l’expression des gènes dans les œufs de souris et dans les embryons très jeunes est activée partiellement par des secteurs de l’ADN appelés rétrotransposons, qui peuvent provenir de rétrovirus. Ces secteurs trouvés dans l’ADN de l’homme, des souris et autres mammifères par centaines de milliers d’exemplaires, sont appelés rétrotransposons parce qu’ils ont la capacité de se propager et de s’insérer à différents endroits du génome. Cette recherche, publiée dans le numéro d’octobre 2004 de Developmental Cell, laisse entendre que les rétrotransposons ne sont pas « l’ADN poubelle » que l’on croyait, mais seraient, au contraire, un vaste regroupement de promoteurs d’où partent les expressions du gène. Par conséquent, plus du tiers des génomes de la souris et de l’homme, précédemment estimés non fonctionnels, peut jouer quelque rôle pour la régulation de l’expression du gène et la promotion de la diversité génétique.

L’un des pionniers ayant établi la fonctionnalité de « l’ADN poubelle », le Pr John Mattick, a déclaré récemment que « le fait de n’avoir pas reconnu les implications de l’ADN non codant passera pour la plus grosse erreur dans l’histoire de la biologie moléculaire. »[12] Cette prédiction se réalisera très probablement, non seulement parce que le concept « d’ADN poubelle » a retardé la recherche scientifique sur le matériel génétique ne codant pas de protéine, mais, et c’est peut-être plus important, parce que ce concept d’inspiration évolutionniste a retardé la compréhension médicale et le traitement de graves désordres génétiques.

Ces exemples de dégâts que la foi en l’évolution a causés à la recherche scientifique offrent une objection à l’acceptation aveugle de l’évolutionnisme par tant d’avocats des aliments génétiquement modifiés. La foi en l’évolution a conduit la majorité des biologistes à considérer l’ADN régulateur, complexe et entièrement fonctionnel, comme un « ADN poubelle » ayant subsisté tout au long des siècles de l’évolution. Maintenant, selon la même foi en l’évolution responsable des idées dominantes sur « l’ADN poubelle », on nous dit que nous n’avons pas à nous inquiéter à propos des insertions aléatoires de matériel génétique d’un organisme dans un autre, les virus servant de promoteurs dans des plantes qui serviront à l’alimentation. Il semble que ceux qui ne croient pas en l’évolution progressive ont de bonnes raisons d’appeler à la prudence parce que la modification génétique des plantes alimentaires ne manquera pas d’affecter des structures génétiques complexes que nous ne comprenons pas, selon des voies que nous ne savons pas prévoir et avec des conséquences potentiellement néfastes.

Quelle crédibilité accorder aux scientifiques que leur foi en l’évolution avait conduit à embrasser la fausse notion « d’ADN poubelle », lorsqu’ils bannissent aujourd’hui nos inquiétudes sur les conséquences imprévisibles du bricolage génétique des plantes alimentaires ?


[1] Hugh Owen est le Directeur du Centre Kolbe (Kolbe Center for the Study of Creation) qui s’attache à diffuser la doctrine catholique sur la Création. On se reportera avec intérêt au site Kolbecenter.org et à son bulletin de liaison accessible par internet.

[2] Nom péjoratif donné aux régions non codantes d’un génome. Certaines séquences sont transcrites en ARN mais non traduites en protéines, et c’est l’ARN qui a un rôle fonctionnel dans la cellule. Enfin, certaines séquences peuvent aussi ne pas avoir de rôle, ou encore avoir un rôle pour l’instant inconnu. En 2012, 80% du génome humain est considéré comme fonctionnel, lié à une activité biochimique spécifique.

[3] Cf. » So much ‘junk DNA’ in our genome » Brookhaven Symposium on Biology 23: 366-370

[4] Dawkins, R. The Selfish Gene, Oxford University Press, New York-Oxford, 1976, p. 47.

[5] Orgel, L.E., Crick, F.H.1980. “Selfish DNA: the ultimate parasite”, Nature 284: 604-607.

[6] Doolittle, W.F., Sapienza, “C. Selfish genes, the phenotype paradigm and genome evolution”, Nature 284: 601-603.

[7] Comme environ 50% des gènes étudiés par le programme ENCODE ont été choisis au hasard, les chercheurs supposent que ceci pourrait être vrai pour l’ensemble du génome humain

[8] Gène inactif au sein d’un génome, du fait d’altérations génétiques le rendant non-fonctionnel et donc incapable de conduire à l’expression d’une protéine.

[9] Virus composé d’un ARN monocaténaire et d’une enzyme virale : la transcriptase inverse qui rétro-transcrit leur génome d’ARN en ADN pour être intégré par la suite dans le génome de la cellule.

[10] Séquences d’ADN endogènes capables de se déplacer et de se multiplier dans le génome de l’hôte, donnant naissance à des séquences répétées dispersées.

[11] Tam, O.H., Aravin, A.A., Stein, P. Girard, A., Murchison, E.P., Cheloufi, S., Hodges, E., Anger, M., Sachidanandam, R., Schultz, R. M., Hannon, G.J. “Pseudogene-derived small interfering RNAs regulate gene expression in mouse ovocytes”, Nature. 2008 May 22; 453(7194):534-8. Epub 2008, Apr 10.

[12] « Genius of Junk (DNA) » Catalyst, Thursday, 10 July 2003; cf. le site

http://www.abc.net.au/catalyst/stories/s898887.htm (accès le 3-10-09).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Retour en haut