L’embryon aurait-il des branchies ?

Par le Dr. Jean-Maurice Clercq

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Résumé : Parmi les soi-disant « preuves » de l’évolution trans-spécifique, figure la présence de « branchies » chez l’embryon des mammifères. L’ontogenèse démontrerait ainsi qu’une phase aquatique a précédé la vie terrestre dans le « phylum évolutif » : les branchies de l’embryon seraient un « vestige », aujourd’hui désuet, de l’organe respiratoire des lointains ancêtres marins… Mais, comme pour les chaînons manquants de l’évolution darwinienne, la preuve – si convaincante vue de loin – s’évanouit, telle un mirage, au fur et à mesure qu’on s’en approche. L’auteur montre ici comment les sillons qui apparaissent très tôt entre la tête et l’abdomen de l’embryon ne justifient en rien l’idée d’un lien, quel qu’il soit, avec un appareil respiratoire.

Il est un domaine peu connu que parasitent les théories évolutionnistes : l’embryologie des mammifères et l’embryologie humaine.

En effet, l’idéologie a prédominé sur la recherche pour essayer d’induire des preuves qui n’ont jamais été trouvées ; de ce fait, toute la compréhension du mécanisme de formation de la tête humaine et de l’axe vasculaire lors des premiers mois de la vie, a été faussée et la recherche retardée depuis plus d’un siècle.

1. Historique :

De 1825 à 1832, Rathke publia les observations qu’il avait effectuées sur des embryons de mammifères. Lors de la cinquième semaine de la vie embryonnaire il avait remarqué la formation de « sillons » dans la partie cervico-céphalique. Il y vit comme des « fentes branchiales » à l’image de celles que l’on trouve chez les poissons.

Von Baer confirma peu après les découvertes de Rathke et le nom d’arc branchial leur fut attribué, car on commençait déjà à supposer que l’homme était le dernier maillon issu d’un long processus évolutif et que la vie primitive avait été aquatique.

Ainsi Rathke comme Von Baer, suite à cette simple observation de « sillons », posèrent une relation directe entre les stries visibles chez l’embryon des mammifères, et les branchies des vertébrés inférieurs.

Pour eux, ce point devenait – et il l’est resté depuis – capital pour démontrer et confirmer, par cette « récapitulation » du développement, l’unité évolutive de tous les vertébrés.

Ce qualificatif nullement démontré : « branchial », persiste de nos jours malgré les contestations qui se sont élevées dès le début, vu l’absence de démonstration anatomique sérieuse montrant une relation quelconque entre ces sillons et des branchies.

A la suite de cette découverte, von Baer publia de 1828 à 1837 de nombreux articles qui posèrent les lois de l’embryologie dont voici l’expression actuelle :

1- Au cours du développement de l’œuf, les caractères les plus généraux se développent avant les caractères particuliers.

2- A partir des caractères généraux se développent ceux qui sont moins généraux, et finalement les caractères spéciaux.

3- Ainsi, durant son développement, l’organisation d’un animal s’écarte de plus en plus de celle des autres animaux.

4- Les stades embryonnaires d’un animal ne ressemblent pas aux formes adultes d’animaux situés plus bas dans l’échelle des êtres, mais à leurs stades embryonnaires.

Plus tard, en 18661, Haeckel publia dans « Generale morphologie der organismen » sa fameuse « théorie de la récapitulation » qui était la première tentative de synthèse des rapports entre l’ontogenèse et la phylogenèse intégrant les notions évolutionnistes en cours :

« L’ontologénie est une récapitulation brève et rapide de la phylogénie ; elle résulte des fonctions physiologiques de l’hérédité (reproduction) et de la nutrition (adaptation)« .

« Dans sa courte évolution, l’individu reproduit les plus importantes des métamorphoses que ses ancêtres ont subies, durant la lente et longue évolution paléontologique, conformément aux lois de l’hérédité et de l’adaptation« 2.

Ainsi, grâce à Haeckel, l’embryologie venait au secours de l’évolutionnisme et lui apportait la base scientifique qui lui manquait3.

Cependant, bien que les progrès des connaissances dans le domaine de l’embryologie aient montré l’absence de relation fondée entre ces sillons et les fentes branchiales, la notion d’arc « branchial » demeure toujours en usage sous cette appellation et selon cette conception.

2. Discussion :

Les « arcs branchiaux » apparaissent d’une manière fugitive à la cinquième semaine de la vie embryonnaire, lorsque l’embryon mesure 5mm. Ce sont des sillons d’ampleur décroissante à partir de la tête et situés sur la région ventrale (l’enroulement accentue les sillons en forme de fentes aveugles) Les sillons séparent les différents segments d’organisation du corps embryonnaire. Cette organisation est commune à tous les vertébrés.

Les données apportées par les connaissances actuelles en embryologie appellent plusieurs remarques :

1- L’aspect de structure « branchiale » de l’embryon du mammifère demeure très éloigné de la forme accomplie des branchies.

2- On attribue aux mammifères un caractère spécialisé sur une partie de leur embryon à un stade où seuls les grands caractères généraux (tête, ventre, dos) se laissent discerner.

3- Au stade de développement où apparaît le système dit branchial, on distingue en réalité la première ébauche du système nerveux (tube neural), qui est le plus spécialisé.

Il devrait pourtant, selon la théorie de la récapitulation, apparaître plus tard et en dernier.

4- La structure spécifique d’un arc branchial selon la loi de la récapitulation devrait, par le rôle vasculaire qu’on lui attribue, aboutir à  la formation de l’arc aortique et des poumons, ce qui n’est pas le cas.

5- Le premier arc branchial ne donne pas naissance au maxillaire supérieur  et aux dents, la première fente à la bouche, et le deuxième arc à la mandibule – comme on l’a enseigné – mais il constitue en fait le squelette de l’ensemble du bourgeon fronto-nasal.

6- Il n’y a pas de « fentes » branchiales, car on n’y trouve aucune ouverture. Rien ne justifie cette appellation.

7- Il est donc injustifié d’admettre la notion « d’arc », de « fente » ou de « système » branchial, et cependant l’idée même, son rôle et sa signification n’ont jamais été remis en question. Ceci touche pourtant un point essentiel en embryologie.

3. Les conséquences :

Cette structure, dite « branchiale », se trouve à la jonction de la sphère somatique (c’est-à-dire du système nerveux central où siègent la conscience et la volonté) et de la sphère viscérale (qui assure la fonction d’assimilation de l’organisme). La dénomination de « branchiale » ne peut rendre compte des orientations propres de cette structure. Elle la centre sur l’aspect viscéral et fait abstraction de sa finalité somatique, alors que cette dernière organisation est le trait le plus caractéristique chez les vertébrés.

« La notion d’arc branchial introduit un caractère restrictif à la spécificité des sphères somatique et viscérale et les dissocie ainsi artificiellement du contexte embryologique… au détriment de la perception de l’harmonie qui règne dans l’ensemble : l’embryon constitue par essence une unité »4.

L’idée d’un appareil « branchial » a donc été favorisée pour des raisons idéologiques, et non pour sa pertinence scientifique : elle est le fruit de la théorie qui affirme que le monde animal des mammifères est issu de la vie aquatique par un processus évolutif, et cela aux dépens de la vraie science.

Le caractère abusif de la spécificité « branchiale » qui a été introduite en embryologie, a faussé lourdement les interprétations de l’organo-genèse et de la morpho-genèse et, par là, retardé le progrès des connaissances dans le domaine de l’embryologie ; d’autant plus (en supposant un instant qu’elle pût réellement exister) qu’elle favorisait l’aptitude de cet organe (virtuel) pour assurer l’oxygénation en milieu aquatique et excluait, du fait de cette aptitude, le même organe pour la même fonction en milieu atmosphérique.

Ainsi, même si cette réminescence d’arc branchial s’était avérée exacte, elle aurait, par l’interprétation erronée donnée par Haeckel, faussé le progrès de la science embryologique.

4. Conclusions :

La dénomination d’arc branchial est une erreur épistémologique fondamentale parce que des faits sensés relever de l’observation ont été orientés par la théorie de l’évolution avant même leur observation détaillée. Par des sous-entendus scientifiques qui n’ont jamais été ni démontrés ni confirmés, elle induit une perversion de l’embryologie, permet d’accréditer un passé évolutionniste de l’homme et donc de légitimer, par le biais de la science médicale, toutes les notions connexes aux théories de l’évolution des espèces.

Il n’y a pas lieu de s’étonner si nombre de chercheurs en embryologie s’élèvent aujourd’hui contre le fait que les termes « arcs » et « fentes branchiales » n’ont toujours pas été évacués de cette science alors qu’ils ne correspondent à aucune réalité.


1 Ndlr. C’est en 1866 que Haeckel rendit visite à Darwin. Il se fit dès lors le vulgarisateur et le traducteur de Darwin en langue allemande. (cf. D. Tassot, La Bible au risque de la Science, F.-X. de Guibert, Paris, 1997, pp.296-299).

2 Haeckel, Anthropogénie, Paris, Reinwald, 1877, p.1.

3 Ndlr. La « loi » de Haeckel relève de la fraude caractérisée, dénoncée comme telle par le jury de l’Université d’Iéna (où enseignait Haeckel). Mais il fallut attendre 1996 pour que les faits expérimentaux contraires fussent publiés (cf. Le Cep n°6 : Haeckel démasqué (février 1999)

4 La notion d’appareil branchial et l’embryologie cervico-faciale, F. Leperchey, Le Chirurgien-dentiste de France, n°746-747, avril-mai 1995.

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