La chute de Napoléon III et la question romaine

Par l’Abbé Marie-Léon Vial

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La chute de Napoléon III et la question romaine1

« Si l’homme est libre de choisir ses idées, il n’est pas libre d’échapper aux conséquences des idées qu’il a choisies. »
(Marcel François)

Résumé : Le Cep n°10 signalait combien l’Histoire est « divine », en décrivant pour exemple l’étonnant parallèle entre Lincoln et Kennedy. La prophétie donnée par Notre-Dame à la Salette en 1846 en est une antre démonstration. Elle y annonce le règne de Napoléon III, alors relégué dans les oubliettes de l’histoire. Elle y prédit sa chute brutale « quand il voudra être à la fois pape et empereur ». L’abbé Vial, éclaire ici d’un jour lumineux ce second empire que les historiens laïcistes peinent tant à bien juger.

La bourgeoisie voltairienne de Louis-Philippe, cousue d’or repue de bonne chère et de plaisirs, ne se souvenait guère de Dieu que pour le blasphémer ; elle ne se souvenait de ses reproches, de ses préceptes, que pour les violer.

« Enrichissez-vous ! Enrichissez-vous ! » telle fut sa devise ! Son Dieu, ce fut la pièce de 20 francs !

Et c’est pour honorer ce dieu, pour réaliser cette devise, qu’elle obligeait le pauvre ouvrier à suer un jour de plus par semaine, le dimanche ! tandis qu’elle-même faisait bombance chaque jour, sans en excepter les vendredis, même de Carême !

Marie vint à la Salette, rappeler la loi de pénitence, celle du repos dominical et le respect du nom de Dieu !

« Je ne peux plus retenir le bras de mon Fils ! »

Inutiles menaces ! vains avertissements ! « Animalis homo non percepit ea quae sunt spiritus Dei« , dit saint Paul (I Cor. II, 14). Et le bras de Dieu s’abattit sur cette tourbe qu’elle poussait à l’égout, avec son Roi, d’un tour de main !

Ce fut la rafale de 1848 !

Le crime révolutionnaire avait continué ! le châtiment aussi.

Voici Napoléon III, l’héritier de celui que Madame de Staël appelait « la Révolution à cheval ! »

De celui-là aussi « la Reine de France » nous avait tracé le portrait, le jour même, 19 septembre 1846, où elle avertissait Louis-Philippe à la Salette :

« Que le Vicaire de mon Fils, le Souverain Pontife Pie IX… se méfie de Napoléon. Son cœur est double et quand il voudra être à la fois Pape et Empereur,1 bientôt Dieu se retirera de lui.

« Il est cet aigle qui, voulant toujours s’élever, tombera sur l’épée dont il voulait se servir, pour obliger les peuples à le faire élever. »

(Secret de Mélanie, bergère de la Salette).

« Son cœur est double  ! » Quel coup de pinceau ! quel éclair ! quel jet de lumière !

« Son cœur est double !… »

« Son cœur est double », en 1849, quand il envoie Edgar Ney (lettre du 18 août), signifier à Pie IX, alors à Gaëte, que « le Pouvoir temporel ne peut être rétabli qu’à la condition (expressément repoussée par la Chambre française) qu’Il y introduise des réformes selon les Droits de l’homme !« 

« Son cœur est double », en 1854, quand il déclare la guerre à la Russie, pour le compte du Grand Turc, à qui il ne songe nullement à imposer des « réformes selon les Droits de l’homme ! »

« Son cœur est double », en 1856, quand il admet ce même Grand Turc à discuter, au Congrès de Paris, la question romaine, où il n’a rien à voir, mais refuse d’y admettre le Pape, qui a tout à y voir, puisqu’il  s’agit du droit onze fois séculaire de la Papauté, du Pouvoir temporel constitué par Pépin le Bref et Charlemagne, odieusement mis en discussion par l’Empereur des Droits de l’homme !

Les avertissements du Cardinal Pie :

C’est ce que sut fort bien lui dire en face, un prélat non domestiqué, le cardinal Pie, évêque de Poitiers, dans la célèbre audience du 15 mars 1859 :

« Ah ! Sire ! lorsqu’on se rappelle que pendant onze siècles, la politique de l’Europe chrétienne fut de combattre le Turc, comment n’éprouverait-on pas quelque étonnement de voir le Souverain d’un pays catholique, se faire le soutien de la puissance ottomane et aller, à grands frais, assurer son indépendance ?

Or, ne suis-je pas fondé à dire que c’est par là même « assurer des abus » ? Car enfin qui protégeons-nous ?

Il y a à Constantinople un homme, ou plutôt un être que je ne veux pas qualifier, qui mange, dans une auge d’or, deux cents millions prélevés sur les sueurs des chrétiens.

Il les mange avec ses huit cents femmes légitimes : ses 36 sultanes et ses 750 femmes de harem, sans compter les favoris, les gendres et leurs femmes !

Et c’est pour perpétuer et consolider un tel état de choses, que nous sommes allés en Orient !

C’est pour en assurer l’intégrité, que nous avons dépensé deux milliards, soixante-huit officiers supérieurs, trois cent cinquante jeunes gens, la fleur de nos grandes familles et mobilisé deux cent mille Français !

Après cela, nous sommes bien venus à parler des « abus de la Rome Pontificale » !…

Excusez-moi, Sire ! mais à ce Turc, non seulement nous avons dit : Continue à te vautrer comme par le passé dans ta fange séculaire ; je te garantis les jouissances et je ne souffrirai pas qu’on touche à ton empire. Mais nous avons ajouté :

Grand Sultan ! jusqu’à présent, le Souverain de Rome, le Pape, avait présidé aux conseils de l’Europe.

Eh bien ! nous allons avoir un Conseil européen ; le Pape n’y sera pas ; mais toi tu y viendras, toi qui n’y était jamais venu !

Non seulement tu y seras, mais nous ferons devant toi le cas de conscience de ce vieillard absent ; et nous te donnerons le plaisir de nous voir étaler et soumettre à ton jugement, les prétendus abus de son gouvernement !2

En vérité, sire ! n’est-ce pas là ce qui s’est fait ? Et après de telles tolérances, pour ne rien dire de plus est-on bien en droit d’alléguer des scrupules, qui nous seraient venus au sujet des abus d’un gouvernement, qui est bien, à n’en pas douter, le plus doux, le plus paternel, le plus économique des gouvernements de l’Europe ? »

Terrassé par cette loyale parole, droite comme une épée, fulgurante comme un éclair, le fourbe ne sut que balbutier :

« Mais enfin, Monseigneur, n’ai-je pas fait suffisamment mes preuves de bon vouloir, en faveur de la Religion ? La Restauration elle-même a-t-elle plus fait que moi ? »

L’évêque rend ironiquement hommage aux intentions de l’homme au « cœur double », mais ajoute, en lui rappelant la vocation de la France :

« Ni la Restauration, ni vous, n’avait fait pour Dieu ce qu’il fallait faire, parce que ni l’un ni l’autre, n’avez relevé son trône ; parce que ni l’un ni l’autre, n’avez renié les principes de la Révolution, dont vous combattez cependant les conséquences pratiques, parce que l’Evangile social, dont s’inspire l’Etat, est encore la Déclaration des droits de l’homme, laquelle n’est autre choses, sire ! que la négation formelle des Droits de Dieu.

Or, c’est le droit de Dieu, de commander aux Etats comme aux individus.

Ce n’est pas pour autre chose, que Notre-Seigneur Jésus-Christ est venu sur la terre !

Il doit y régner en inspirant les lois, en sanctifiant les mœurs, en éclairant l’enseignement, en dirigeant les conseils, en réglant les actions des gouvernements, comme des gouvernés.

Partout où Jésus-Christ n’exerce pas ce règne, il y a désordre et décadence.

Or, j’ai le devoir de vous dire, qu’Il ne règne pas parmi nous…

Notre droit public établit bien, que la religion catholique est celle de la majorité des français ; mais il ajoute que les autres cultes ont droit à une égale protection. N’est-ce pas proclamer équivalemment, que la Constitution protège pareillement la vérité et l’erreur ?

Eh bien ! Sire ! savez-vous ce que Jésus-Christ répond aux gouvernements, qui se rendent coupables d’une pareille contradiction ?

Jésus-Christ, Roi du ciel et de la terre leur répond : « Et Moi aussi, gouvernements qui vous succédez, en vous renversant les uns les autres, Moi aussi je vous accorde une égale protection !

J’ai accordé une pareille protection à l’Empereur votre oncle ; j’ai accordé la même protection aux Bourbons ; la même protection à la République et à vous aussi, la même protection vous sera accordée ! »

– Mais encore, objecte l’Empereur, qui connaissait déjà le cardinal Pie, croyez-vous que l’époque où nous vivons comporte cet état de choses et que le moment soit venu d’établir ce règne exclusivement religieux que vous me demandez ? Ne pensez-vous pas que ce serait déchaîner toutes les mauvaises passions ?

– « Sire ! quand de grands politiques, comme votre Majesté, m’objectent que le moment n’est pas venu, je n’ai qu’à m’incliner, parce que je ne suis pas un grand politique. Mais je suis un évêque et comme évêque je leur réponds : Le moment n’est pas venu pour Jésus-Christ de régner ? eh bien ! alors le moment n’est pas venu pour les gouvernement de durer ! »

L’audience avait duré une heure moins cinq minutes. Le récit, relevé immédiatement, sous la dictée de l’évêque, par son secrétaire M. l’Abbé Héline, figure dans la Vie du Cardinal Pie, par Mgr Baunard, à qui nous l’avons emprunté.

Le dernier empereur de la Révolution :

Ceci se passait le 15 mars 1859.

Un mois et demi après, le 2 mai, Napoléon déclarait la guerre à l’Autriche. Pourquoi ?

Parce que, avant la réception de l’évêque de Poitiers aux Tuileries, il y avait eu, six mois plus tôt, l’entrevue de Plombières (septembre 1858) entre Napoléon et le ministre piémontais Cavour ;

Qu’il y avait été convenu, que le Piémont, soutenu de l’empereur, envahirait la Lombardie autrichienne, dont la conquête lui ouvrirait le chemin de Rome, but final et unique du projet de l’unité italienne2 ! Nous disons unique :

Personne dans le monde maçonnique, ni Napoléon, ni Cavour, n’eut songé à l’unité italienne, si cette unité n’avait dû aboutir à la conquête de Rome, c’est-à-dire à la destruction du Pouvoir temporel.

Sur la parole de l’Empereur, le Piémont se préparait donc à envahir la Lombardie.

L’Autriche lui déclara la guerre ! (23 avril).

Et Napoléon la déclara à l’Autriche, qui voulait barrer la route à son cher allié ! (2 mai).

Il entendait lui, Napoléon , que le voleur de grand chemin, son protégé, eut la route et les mains libres, pour dépouiller tout à son aise l’auguste Vieillard du Vatican.

La ruine du Pouvoir temporel, voilà donc l’explication intégrale, complète, péremptoire de la guerre d’Italie !

Mais alors, comme aujourd’hui, suivant l’expression du frère Briand, à propos de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, il s’agissait de « procéder par étapes ! »

Comprenez-vous maintenant pourquoi le fourbe dit à l’évêque de Poitiers qu’il « ne croyait pas le moment venu d’établir » ce qu’en bon « carbonero », il appelait un « règne exclusivement religieux » ?

Je crois bien ! Le moment ne pouvait être venu de rétablir en France, ce qu’il songeait à détruire à Rome, de refaire de la France, ce qu’elle fut 1400 ans, « le royaume du Christ », lorsqu’il s’apprêtait à dépouiller le Vicaire du Christ. De son royaume de Rome !

« Son cœur est double ! » avait dit « la Reine de France ».

« Son cœur est double », en 1858, quand ne pouvant fermer la bouche à Celle qui avait dénoncé sa duplicité, en nous prêchant la pénitence, à la Salette, il fait du moins fermer la Grotte, où elle vient à nouveau nous la prêcher, à Lourdes !

« Son cœur est double », en 1860, à l’entrevue de Chambéry où il dit à Cavour, d’achever ce qu’ensemble ils avaient si bien commencé ! Vous avez volé la Lombardie ! il reste les Etats du Pape : « Faites, mais faites vite ! »

[ Cavour somme le pape de dissoudre les volontaires français, belges, suisses et autrichiens qui, sous le nom de zouaves pontificaux, forment l’armée commandée par Lamoricière. Pie IX refuse, et le général Cialdini, à la tête d’une armée, envahit les états de l’Eglise. Cialdini bat Lamoricière à Castelfidardo. Lamoricière capitule à Ancone. La pape perd l’Ombrie et les Marches annexées au Piémont. Seuls, Rome et ses environs, occupés par les Français depuis 1849, restent soumis à Pie IX. Celui-ci refuse toujours de reconnaître ces annexions au royaume sarde. En mars 1861, le parlement piémontais, après un débat solennel, revendique l’union à l’Italie, de Rome « capitale acclamée par l’opinion nationale ».

Tant que la garnison française est maintenue à Rome, les Italiens ne peuvent rien entreprendre contre la ville, sans s’exposer à un conflit avec la France. Au mois d’octobre 1867, Garibaldi lance ses bandes contre Rome, les Français commandés par Failly le battent à Mentana.

Napoléon III donnait des assurances formelles aux catholiques français. Une circulaire du ministre Roulard aux évêques disait : « L’empereur y a pensé devant Dieu, sa sagesse et sa loyauté bien connues ne feront défaut ni à la religion, ni au pays, il est le plus solide soutien de l’opinion catholique, et veut que le chef de l’Eglise soit respecté dans tous ses droits de souverain temporel« .]

« Son cœur est double », en juillet 1870, quand sous l’inspiration de sa créature, Mgr Darboy, il songe à retirer ses troupes de Rome, pour empêcher le Concile de définir l’Infaillibilité !

M. Emile Olivier, son premier ministre, s’y opposa ! ce qui l’honore ! Et d’ailleurs Dieu ne lui en eût pas laissé le temps. Le 13 juillet, le dogme était défini ! Cinq jours après, la dépêche falsifiée d’Ems obligeait Napoléon à déclarer la guerre à la Prusse (18 juillet).

Au surplus, la mesure est comble ! c’est l’heure du châtiment et l’échéance sera lourde !

Dieu va régler, d’un seul coup, les terribles comptes du dernier Empereur de la Révolution !

La pourriture de l’empire :

Ce pressentiment est dans l’air ! Le crime attire le châtiment, comme le paratonnerre, la foudre.

Or, regardez ce tableau de « Bas-Empire », brossé par un maître, en 1872 :

« C’était en cette époque disparue, où la France était proclamée par la diplomatie, la première nation du monde, où l’Exposition universelle (1867) attirait à Paris la terre entière et où sous mille formes, l’orgueil humain disait, comme à Babel : « Nous pouvons nous passer de Dieu » !

C’était le moment ou l’empire tout-puissant semblait assis à jamais dans sa force et où, devant les douanes abolies et le spectacle de tant de richesses, la multitude humanitaire affirmait en ses ligues honnêtes que « la paix éternelle avait enfin commencé pour le globe » !

Tous les égoïsmes étaient satisfaits, tous les appétits en train de se repaître, tous les plaisirs à la portée des lèvres.

Sur l’asphalte de tous les trottoirs, sur les planches de tous les théâtres, sur l’estrade flamboyante des cafés-chantants, la chair humaine toute étincelante de soie, de pierreries, de chrysocale et de nudités, faisait fortune en se vendant.

La luxure prodigue, s’amusait à jeter en terre cinquante millions, c’est-à-dire de quoi nourrir pendant un an, plus de cent mille pauvres familles ; la luxure jetait en terre cinquante millions pour se construire un temple, le plus vaste du monde et elle l’appelait l’Opéra.

Invisible et cachée dans les violons d’Offenbach, de Strauss ou de Musard, Circé faisait de la musique devant l’innombrable troupeau des compagnons d’Ulysse et des disciples d’Epicure.

Parmi ceux-là l’Art, devenu immonde, se vautrait particulièrement dans la boue et se congratulait en son ignominie. Courbet et je ne sais quels autres régnaient ; les galeries et les musées étaient de plus en plus les vestibules des mauvais lieux. Il y avait un ministère des beaux-arts et de la maison de l’Empereur.

Il y avait, pour nourrir le peuple, la littérature Flaubert et la littérature du Terrail. Il y avait un grand journal, le plus grand qui eût jamais paru, car c’est par millions et par millions qu’il comptait ses lecteurs et ce grand journal du grand peuple, c’était le « Petit Journal ». En religion, il y avait Proudhon, c’est-à-dire la haine ; il y avait Jules Simon, c’est-à-dire la sottise ; en politique il y avait le « siècle », c’est-à-dire tout à la fois. C’était là le pain quotidien. On était coupable, impie et imbécile.

Thérésa paraissait et excitait les trépignements de la tourbe dorée et de la tourbe dédorée.

Renan publiait son livre et savourait les mêmes bravos. On plaisantait aussi. La Prusse avait planté au beau milieu de l’Exposition universelle, le plus gros canon d’acier qui eût jamais été fondu sur le globe, et on riait à gorge déployée devant cette énormité ; et on disait : « Elle est mauvaise ! » et on criait « Je la connais ! » et on répétait : « On ne me la fait pas ! » La langue française se pourrissait. Et toutes choses marchaient à souhait. Travaillant dur, semaine et dimanche ; vendant cher, gagnant gros  ; contents de sentir le sol solide sous leurs pieds, les laboureurs labouraient, les commerçants commerçaient, les agioteurs agiotaient. Tout allait pour le mieux dans le pire des mondes.

C’est alors qu’errant un jour, avec un camarade, dans les jardins cosmopolites de l’exposition universelle, je rencontrai un homme, oui, c’était un homme ! Sa tête étrange et fulgurante, sa tête aux cheveux légèrement épars, était illuminée par deux yeux qu’on ne peut oublier. Ils étaient tout remplis de cette flamme semi-douce et terrible, de cette lumière supérieure, que les hommes ont appelée le Génie. Le dos légèrement voûté, comme celui d’Atlas, semblait courbé sous le poids de quelque invisible Univers.

Cet homme m’aborda et, faisant un geste fatidique, me dit gravement ce seul mot :

« Mon ami, je m’étonne ! »

Je le regardai comme pour lui demander ce qui causait sa stupeur… Il reprit :

– « Je viens de passer devant les Tuileries et elles ne brûlent pas encore ! »

Ce fut à mon tour d’être stupéfait. Il le vit et ne s’en troubla point. Il leva sa main, comme les Prophètes des temps disparus, et me montra la ville immense.

Puis, comme si, dans les profondeurs de sa pensée ou par de là les horizons, il eut entrevu je ne sais quelles multitudes en marche, il ajouta lentement ces paroles, dont j’entends encore l’accent indéfinissable :

– « Les Barbares tardent bien à venir !… que fait donc Attila ? »

Et, rentrant dans son silence, il me quitta et je l’aperçus longtemps encore au milieu de la foule, poursuivant sa promenade et continuant sa rêverie.

Cet homme, c’était Hello !

– « Il est fou, me dit mon compagnon. » (Henri Lasserre)

L’ultime châtiment :

Trois ans plus tard, 18 juillet 1870, éclatait la guerre. Attila arrivait ! Le « fou » avait prophétisé !

Et quelle guerre !

Guerre unique dans notre Histoire, et peut-être dans l’Histoire de l’humanité, où éclate, à en crever les yeux, le châtiment Providentiel !

Jamais, depuis que la France est France, on n’avait rien vu de pareil, rien, pas même dans la guerre de Cent ans !

Jamais on n’avait vu des Français se lancer aussi follement d’un « cœur aussi léger », dans une guerre d’extermination, à un contre trois : 200.000 contre 500.000 !

Et avec quelle assurance ! « Nous sommes prêts, archiprêts, il ne nous manque pas un bouton de guêtre ! »

Jamais on ne vit pareils désastres, se succédant avec une telle rapidité !

Crécy, Poitiers, Azincourt, Verneuil, s’échelonnèrent du moins sur une période de cent ans !

C’est en un mois !… que se succèdent Woerth, Reichsoffen, Forbach, Borny, Rezonville, Gravelotte, Bazeilles, Sedan !

Et quels désastres !

Dans la seule journée du 6 août, les trois déroutes de Woerth, Froeschviller, Reichsoffen, infligé par 160.000 Allemands aux 40.000 Français de Mac-Mahon, nous coûtent : 10.000 morts, 9.000 prisonniers, 28 pièces de canon, 5 mitrailleuses, bagages et fourniment de guerre à l’avenant !

Le même jour, 6 août, Frossard battu à Forbach, sans être secouru, ni de Bazaine à gauche, ni de Failly à droite, qui entendent la canonnade, laisse sur le champ de bataille 4.000 morts ! et aux mains de l’ennemi 1.400 prisonniers ! soit pour la seule journée du 6 août : une perte totale de 14.000 morts, de 11.000 prisonniers ; en tout : 25.000 hommes ! Tout un corps d’armée !…

Huit jours après, 14 août, c’est Borny, où Bazaine perd 3.600 hommes tués ou blessés !

Deux jours après, 16 août, c’est Rezonville, Mars-la-Tour, Vionville, qui coûtent à Bazaine : 17.000 hommes tués, blessés ou disparus !

Deux jours après, 18 août, c’est Gravelotte : morts, blessés ou prisonniers : 12.275 hommes !

Soit au total pour ces trois journées : 32.875 hommes de perdus ! Un nouveau corps d’armée !… mais autrement formidable que le premier !

Et Bazaine, avec le reste, bloqué dans Metz !

Si seulement nous étions au bout de nos malheurs !

Mac-Mahon, qui s’est reconstitué à Châlons, avec les débris de Woerth, de Froeschviller, de Spikeren, veut fort sagement se retirer sous Paris.

Il reçoit de Paris même, l’ordre de voler au secours de Bazaine ! Mais l’ennemi en force, lui barre la route et le rejette sur Sedan, où il s’enferme le 31 août.

Il s’agit maintenant de rompre le cercle de fer et de feu, où l’ennemi cherche à l’enlacer, comme Bazaine dans Metz !

C’est Bazeilles ! (1er septembre). Mac-Mahon est blessé. Le lendemain, 2 septembre, la bataille continue folle, héroïque ! »

Oh ! les braves gens ! » s’exclame Guillaume, qui observe, d’une éminence voisine, la charge légendaire de nos chasseurs d’Afrique.

Mais que peuvent 100.000 braves, contre 200.000 Prussiens qui les débordent ?

Le cercle se ferme ; les voilà bouclés comme au fond d’un entonnoir, pendant que des milliers de bouches à feu, hérissant la crête des collines qui encadrent la ville, s’apprêtent, s’ils remuent, à en faire de la chair à canon !…

Que faire ?

Mourir ou capituler !

C’est à ce dernier parti que se décide Napoléon !

C’est le désastre de Sedan !

Le Compte de l’Empereur :

Si nos premiers désastres de 1870, furent sans égal dans l’Histoire, que dire de Sedan qui les couronne ?

En voici le bilan :

25.000 tués ou blessé ;

88.000 soldats, 2.300 officiers prisonniers ;

10.000 chevaux, 650 pièces d’artillerie livrées à l’ennemi.

Napoléon prisonnier !

Le 2 août il était l’arbitre de l’Europe et du monde !

Le 2 septembre, il n’est plus qu’un vil prisonnier de guerre sans couronne et sans épée, puisqu’il a rendu son épée à Guillaume !

Je ne crois pas que, depuis Clovis, il y ait eu un Souverain français tombant, aussi honteusement, en pareille catastrophe !

François Ier , après Pavie, écrivait à sa mère : « Madame, tout est perdu, fors l’honneur !« 

Napoléon, lui, peut écrire à l’Impératrice : « Madame, tout est perdu, même l’honneur !« 

N’est-ce pas la réalisation à la lettre du mot de Notre-Dame-de-la-Salette, le 19 septembre 1846 :

« Quand il voudra être à la fois Pape et Empereur, bientôt Dieu se retirera de lui. Il est cet aigle, qui voulant s’élever, tombera sur l’épée dont il voulait se servir« ?

Quant il voudra….

C’est en juillet 1870, qu’il « voulut » intervenir au Concile !

« Bientôt », un mois après, le 6 août – « Dieu se retirait de lui ! » à Woerth, à Froeschviller, à Reichsoffen, à Forbach !

Et cet abandon lui coûtait 25.000 hommes !

Et, un mois après, 2 septembre, « il tombait » à Sedan, « sur l’épée dont il avait voulu se servir », contre le Pape !

Y a-t-il prophétie au monde qui se soit plus ponctuellement réalisée ?

Est-il complet cet abandon ?

Est-elle définitive cette chute ?

A-t-elle dit vrai « la Reine de France » ?

Ah ! oui, il a son compte, avec usure, « l’homme au cœur double » !

Il reste celui de sa complice, la France .

(A suivre dans le prochain numéro)

Une date à retenir

Prochain colloque du CEP : les 29 et 30 septembre à Nantes.

Thème : Qu’avons-nous fait de la Création ?

Avec la participation déjà annoncée de Mme Dominique Florian (L’agriculture, la forêt et la société rurale dans la mondialisation de l’économie et des échanges), Jean Boucher (L’harmonie des éléments biotiques), Jean-Louis Laureau (La nécessité du lien de l’homme à la terre : vocation prophétique du paysan aujourd’hui), Dr François Plantey (Les impasses de la neuropsychiatrie à la lumière de l’anthropologie des Pères de l’Eglise), Georges Hadjo (L’aide du diagnostic par la mesure des états énergétiques),

Dr Jean-Maurice Clercq (Le Nouvel Age : un piège à dépasser),

P. André Boulet (La théologie de la Création), Benoît Neiss (Faire place à la Beauté) et Dominique Tassot (L’homme : parasite ou bien finalité de la Création ?).

Retenez dès à présent cette date. Le programme détaillé et les formulaires d’inscription seront joints au prochain bulletin.


1 Extrait de « Jeanne d’Arc et la Monarchie« , publié en 1909 à l’occasion de la béatification de Jeanne par Pie X, rééd. Expéditions pamphiliennes, BP 51, 67044 Strasbourg, pp.502 squ. A ce texte de l’Abbé Vial, nous avons cru utile d’ajouter certaines précisions apportées par Gille Lameire dans son remarquable ouvrage « Le Déluge de sang » (1972) diffusé par T.R.C. (BP 6034, 78103 Saint-Germain en Laye Cédex). Ces ajouts figurent entre crochets.

1 Voilà certes ! une prophétie dont personne ne contestera la réalisation. Elle disait cela le 19 septembre 1846, quand personne ne songeait à Napoléon, alors exilé ; et la même prophétie qui annonçait son avènement, annonçait sa chute et les circonstances de sa chute, « quand il voudra être Pape et Empereur  ! » Or, les premiers jours de juillet 1870, Napoléon voulait intervenir, au Concile du Vatican, pour l’empêcher de définir l’Infaillibilité ! Le 18 juillet, la guerre avec la Prusse éclatait ! « Quand il voudra être Pape et Empereur !… »

2 Ndlr. Plus d’un siècle a passé et nous voyons aujourd’hui les pilotes de la Communauté Européenne y forcer l’inclusion de la Turquie afin que l’Europe ne soit plus « un club chrétien » (selon le mot de Jacques Attali). Les hommes passent mais les grands objectifs ne changent pas..

2 Ndlr. Il semble difficile d’expliquer la politique européenne à cette époque (notamment la guerre de Crimée et la Marche sur Rome) sans évoquer l’influence de Sociétés secrètes. Cf. Lady Quennborough, Occult Theocrasy, 1933 (diffusé par Omni Christian Book Club of America, P.O. Box 900566, Palmdale, California 93590, USA) aux entrées Mazzini, Gambetta ou Bismark.

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