Courrier des lecteurs : remarques critiques à propos de Descartes sur l’article « Une science athée est-elle possible » dans Le Cep n° 24

Par Monsieur  M. L. (Yvelines)

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C’est toujours avec intérêt que je reçois la revue « Le Cep ». Je la  lis avec attention d’un bout à l’autre. Cette fois encore je n’ai pas été déçu par le n°24 et je vous en remercie ainsi que vos collaborateurs. Permettez-moi toutefois de réagir face au résumé de l’excellent article intitulé « Une science athée est-elle possible ? » En effet ce résumé débute par une attaque en règle contre Descartes. Je cite : « Depuis le rejet des causes finales par Descartes, la science s’est peu à peu engluée dans un athéisme « épistémologique ». On n’interdit pas au scientifique de croire en Dieu, mais il ne doit pas en faire état dans ses travaux. N’a-t-on pas ainsi perdu en intelligibilité ce qu’on croyait gagner en objectivité ? L’exemple du langage le montre bien (…) ».

Cette attaque est d’autant plus surprenante qu’elle n’est pas étayée dans le corps de l’article. S’il est un savant qui fait souvent état de Dieu dans ses travaux y compris purement physiques, c’est bien Descartes. Même, à la question « Une science athée est-elle possible ? », il répond par la négative en de multiples endroits. Par exemple dans le Discours de la Méthode : « Et il est évident qu’il n’y a pas moins de répugnance que la fausseté ou l’imperfection procède de Dieu, en tant que telle, qu’il y en a que la vérité ou la perfection procède du néant. Mais si nous ne savions point que tout ce qui est en nous de réel et de vrai vient d’un être parfait et infini, pour claires et distinctes que fussent nos idées, nous n’aurions aucune raison qui nous assurât qu’elles eussent la perfection d’être vraies » (IV).

Ou bien dans les Principes, voici le titre de l’article 13 : « En quel sens on peut dire que si on ignore Dieu, on ne peut avoir de connaissance certaine d’aucune autre chose » (1,13).

Descartes n’est donc pas responsable de l’athéisme « épistémologique » que vous dénoncez dans la science actuelle.

(…) Ainsi, Descartes écrit : « Surtout, nous tiendrons pour règle infaillible que ce que Dieu a révélé est incomparablement plus certain que le reste, afin que, si quelque étincelle de raison semblait nous suggérer quelque chose au contraire, nous soyons toujours prêts à soumettre notre jugement à ce qui vient de sa part ; mais pour ce qui est des vérités dont la théologie ne se mêle point, il n’y aurait pas d’apparence qu’un homme qui veut être philosophe reçût pour vrai ce qu’il n’a point connu être tel, et qu’il aimât mieux se fier à ses sens, c’est-à-dire aux jugements inconsidérés de son enfance, qu’à sa raison lorsqu’il est en état de la bien conduire » (Principes I, 76).

(…) Ce n’est pas parce qu’un homme use de sa raison qu’il est rationaliste. Ne serait-ce pas à désespérer d’être homme ? Aussi je vous trouve bien sévère envers Descartes. Pourtant j’apprécie beaucoup ce que vous faites, et je trouve admirable votre dernier article sur « l’origine du langage ». Je crois même que vous trouveriez en Descartes un renfort sur bien des points pour la cause que vous défendez. En particulier, dans ses divers écrits sur la différence entre l’homme et l’animal, il était clair que les expériences sur le langage des singes par nos modernes scientifiques étaient d’avance vouées à l’échec.

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