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Par John Bohannon
La conférence scientifique au Vatican offre un message ambigu1
Résumé : Au compte-rendu donné par Maciej Giertych, présent personnellement à cette session de l’Académie Pontificale, on comparera utilement l’article rédigé par un journaliste de la revue américaine Science, à partir d’échos glanés auprès de quelques participants. Seul point intéressant pour lui: savoir si l’Eglise va aller plus loin dans l’acceptation de l’évolution. Sa déception est perceptible, et il ne retire de positif qu’une prise de distance, par le cardinal Schönborn, à l’égard de l’Intelligent Design.
Les scientifiques réunis au Vatican la semaine dernière pour une conférence à huis clos sur les origines de l’univers et de la vie selon l’évolution, sont ressortis avec un avis mélangé. Ceux qui avaient espéré une claire déclaration en faveur de l’évolution de la part de l’Eglise catholique, s’en sont retournés les mains vides. D’autres, espérant peu, se satisfont d’une approche détendue des rapports entre science et foi.
Mais certains critiquent ce qu’ils ont entendu de la part du cardinal autrichien Christoph Schönborn, la tête de file controversée du Vatican sur cette question de l’évolution. « Il croit qu’il y a des intervalles à combler (gaps) dans l’évolution, et que Dieu agit là2, dit John Abelson, un spécialiste de biologie moléculaire ayant quitté son Université de Californie pour venir à la session. Pour Abelson, il s’agit d’une vision remontant « presque au 19ème siècle », venant appuyer le mouvement de l’Intelligent Design. Le pape Benoît XVI n’a donc pas clarifié ses déclarations ambigües sur l’évolution.
La réunion était organisée par l’Académie pontificales des Sciences, un groupe international de savants destiné à conseiller le Pape.
L’astrophysicien Stephen Hawking, de l’Université de Cambridge, le biochimiste et Prix Nobel Marshall Nirenberg et d’autres encore firent des exposés sur les origines, depuis les galaxies de l’univers primitif jusqu’à l’apparition des premières cellules vivantes sur la Terre. Tout se passait comme dans beaucoup de symposiums scientifiques, avec cette différence que le Pape est venu bénir la session et que l’exposé introductif, intitulé « Les réflexions de Joseph Ratzinger, Pape Benoît XVI, sur l’évolution », fut donné par Schönborn, un théologien. En fait Schönborn s’était signalé au monde savant il y a trois ans, lorsqu’il signa dans le New York Times, peu après l’élection du nouveau pape, un éditorial qui appuyait ouvertement l’Intelligent Design (Science, 12 août 2005, p. 996)3. « L’évolution dans le sens d’une descendance commune peut être vraie, écrivait l’archevêque de Vienne, mais l’évolution au sens néodarwinien – celui d’un processus de variation aléatoire et de sélection naturelle sans plan et sans guide – ne l’est pas« . L’exposé préparé par Schönborn pour la session ne fit pas l’objet de controverses. « C’était vraiment très abstrait, dit Gereon Wolters, un philosophe des sciences de l’Université de Constance (Allemagne). Il présentait la vision classique que l’évolution est acceptable, mais que « l’évolutionnisme » – un terme utilisé par les croyants conservateurs pour désigner la promotion de l’athéisme grâce à la biologie de l’évolution – ne l’est pas. » Certains scientifiques ont discerné des progrès lors de l’exposé. « J’ai été rassuré de voir que le cardinal prenait clairement ses distances par rapport à l’Intelligent Design, dit Francis Collins, ancien directeur de l’Institut national de recherches sur le génome de Bethesda (Maryland), considérant ce courant de pensée comme ayant fait des erreurs. » Des étincelles jaillirent lorsque le cardinal répondit aux questions. « Il a toujours exprimé des réserves sur la question de savoir si l’évolution peut rendre compte de tous les aspects de la biologie », dit Collins, y compris l’apparition des espèces.
« C’était grotesque! », dit Abelson, qui considère la session comme un « pas en arrière » dans les relations de l’Eglise avec la science. Wolters aussi fut désappointé: « Schönborn a les mêmes intentions que le pape – lutter contre l’évolutionnisme – mais il ne fait que répéter le baragouin créationniste utilisé aux Etats-Unis par les tenants de l’Intelligent Design ». Wolters ajoute : « Lutter de cette manière contre la science, c’est jouer perdant. » D’autres savants présents à la conférence interprètent les choses autrement. Pour Werner Arber, un généticien de l’Université de Bâle, coorganisateur de la réunion, les doutes du cardinal par rapport à l’évolution ne constituent pas un conflit entre l’Eglise et la science : « Les relations restent bonnes. » Et pour Peter Raven, Directeur des Jardins botaniques du Missouri à Saint-Louis et membre de l’Académie : « Schönborn a donné un exposé confus, mais la position de l’Eglise sur l’évolution, si tant est qu’on puisse dire qu’elle en a une, est inchangée…C’est la croyance en un créateur qui existait avant le big bang et qui a mis l’univers en mouvement, et c’est là quelque chose qui ne peut être ni prouvé ni démenti par la science. »
1 Repris de Science, vol. 322, 14 nov. 2008 (original sur sciencemag.org)
2 Ndlr. C’est la thèse d’un « God of the gaps », d’un Dieu des intervalles à combler: Dieu ferait la soudure lors des « sauts » trop grands pour être assurés par des mécanismes évolutifs aveugles et limités. On parlait jadis d’un Deus ex machina!
3 Ndlr. On se rapportera sur cette affaire au Cep n° 33 et 35.