Ressemblance et descendance: homologie ou analogie fonctionnelle?

Par:Jean-François Moreel

                       

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Résumé : Parmi les tautologies du discours darwinien, il en est une qui semble échapper aux critiques, peut-être parce qu’elle demande à être bien comprise : le concept d’homologie. Sont dites « homologues » les ressemblances organiques qui proviennent d’un ancêtre commun. Cela étant posé (qui présuppose donc l’existence de l’ancêtre commun), on va utiliser comme « preuve » d’une ascendance commune toute ressemblance entre deux structures chargées de la même fonction : tautologie pure et simple ! Or il existe une autre explication à de telles ressemblances : l’analogie fonctionnelle.Si des roues se rencontrent dans une imprimante aussi bien que sous une voiture, ce n’est pas que l’imprimante « descende » de la voiture, mais parce que la fonction de rotation nécessite la roue ou toute autre forme circulaire adéquate. Or il existe des cas, en biochimie notamment, où la même réaction peut être assurée par plusieurs composants différents. Ainsi une structure moléculaire, l’enzyme ThyA, assure généralement la synthèse de la thymidine (une des bases de l’ADN). Les darwiniens y virent aussitôt une « preuve » de l’ascendance commune de tous les êtres vivants. Or, on a découvert en 2002 une autre enzyme nommée ThyX, qui exécute la même fonction, parfois chez des êtres vivants appartenant au même genre ! L’embryogenèse montre également que des gènes qualifiés d’homologues occupent des localisations bien différentes chez l’embryon, ce qui réfute complètement l’hypothèse d’un ancêtre commun. Que peut bien valoir une théorie qui repose sur de telles tautologies, même si le grand public n’a pas toujours les éléments pour s’en rendre compte ?

Les arguties tautologiques du discours darwinien ont été maintes fois dénoncées par de nombreux philosophes, mais l’une d’entre elles, la plus fréquemment rencontrée de nos jours, semble échapper à toutes les critiques. Il s’agit du concept d’homologie et de l’usage qu’en font ses adeptes. Pour ces derniers, deux structures sont « homologues » si elles dérivent d’une même structure hypothétique présente chez un ancêtre commun. Il faut bien noter que dans cette acception, l’homologie suppose déjà la filiation entre les espèces ; elle serait indépendante des similitudes que peuvent présenter lesdites structures homologues.

Ainsi, c’est parce que l’homme et le cheval sont dits « descendants du même ancêtre » que notre main est dite « homologue » au pied antérieur du cheval. Or, il est faux de dire que l’homologie des membres antérieurs prouve une ascendance quelconque, commune ou non. Ainsi les membres antérieurs des différents vertébrés (ici la main humaine et le pied antérieur du cheval) se ressemblent moins que ne se ressemblent les membres antérieurs et les membres postérieurs d’un même organisme. Or, on ne parle jamais d’homologie entre les antérieurs et les postérieurs lesquels, pour les darwiniens,  sont hétérologues : les antérieurs sont censés dériver des nageoires pectorales des poissons alors que les postérieurs viendraient des nageoires pelviennes, lesquelles n’ont pas du tout la même structure[1]. D’après les théories actuelles, si les membres antérieurs et postérieurs de chaque individu ont la même structure, jusque dans le détail des différences du cinquième doigt, c’est purement fortuit, ou pour parler plus « darwiniennement » : « c’est un phénomène de convergence » (traduit en langage commun, le terme darwinien de « convergence » donne : « dû à un inexplicable hasard »). Malgré tout ce qui précède, Darwin a cru pouvoir utiliser le concept d’homologie à l’envers, pour « démontrer » la filiation entre les espèces, considérant même qu’il s’agissait de la meilleure « preuve » de sa théorie !

Peu après la Seconde Guerre mondiale, l’homologie reçut un coup qui aurait dû lui être fatal lorsque les embryologistes montrèrent que nombre de structures déclarées « homologues » ne dérivaient pas des mêmes structures embryonnaires.

Il est depuis lors impossible d’invoquer la plupart des « homologies », y compris à l’intérieur des différentes classes de vertébrés. En effet, si deux structures dérivent d’une même structure ancestrale, elles devraient nécessairement prendre naissance dans la même structure embryonnaire durant le développement des individus.

Or, tel n’est pas le cas dans la plupart des exemples qu’avaient donnés les darwiniens. A partir de ce moment, il redevint brutalement évident que l’homologie n’était qu’une conséquence de la thèse de la filiation des espèces, mais que cette dernière ne reposait sur rien d’autre que la foi de ses partisans.

Mais à la fin des années 1970, les résultats de la biochimie et de la biologie moléculaire permirent de redonner une nouvelle jeunesse au concept darwinien d’homologie, et c’est sur des données issues de la génétique moléculaire qu’il fait depuis le bonheur des évolutionnistes. Ces derniers ont trois bonnes raisons pour incorporer de telles données dans leur propos. Tout d’abord, la vérification et l’analyse de ces faits sont hors de portée du grand public auquel est adressé ce discours. Ensuite, de tels arguments, issus des plus récentes techniques d’investigation biologique, redorent le blason du darwinisme en lui offrant une image de modernité sans égale. Enfin, s’il est facile de simplifier abusivement ce genre de résultats pour en tirer des arguments controuvés, il est en revanche difficile, même pour le spécialiste, d’expliquer aux néophytes en quoi les faits avancés ne s’accordent pas avec l’hypothèse de la filiation des espèces qu’ils sont censés soutenir. Cependant, comme nous allons le voir, de récentes données permettent de remettre les choses à leur place et de rendre à l’homologie et à la phylogénie leur nature d’arguments tautologiques réciproques.

Il est bien connu que certaines fonctions nécessitent l’utilisation d’une structure bien précise. Cela est vrai à notre échelle (une voiture roule sur des roues et non sur des cubes), comme à celle des molécules (une réaction chimique peut nécessiter une structure bien particulière pour avoir lieu). Dès lors, si la fonction est conservée, la structure le sera également. C’est ce qu’en science, depuis plus de deux millénaires, nous appelons l’analogie fonctionnelle (l’analogie est déjà présente dans la science archimédienne).

C’est elle qui explique que la roue se retrouve depuis la brouette jusqu’à l’avion, en passant par la montre et les imprimantes. Il est bien évident que l’analogie fonctionnelle ne soutient aucunement l’idée d’une filiation génétique entre la brouette, l’avion et l’imprimante.

Elle se contente de rappeler qu’une fonction peut nécessiter l’emploi d’une structure adaptée bien précise, et que la présence de l’une entraîne la présence de l’autre.

Au sein des cellules vivantes, certaines réactions indispensables à la vie nécessitent la mise en œuvre de structures moléculaires très précises pour se produire. Il semble évident que ces fonctions, étant présentes chez pratiquement tous les êtres vivants, les structures qui les remplissent le sont également. Par exemple, on a longtemps cru qu’une seule et unique structure pouvait permettre la synthèse de la thymidine, une des  bases azotées de l’ADN. Cette structure (ThyA) est retrouvée pratiquement identique dans tous les genres d’organismes, depuis les bactéries jusqu’à l’homme. Cette conservation est aujourd’hui expliquée par l’analogie fonctionnelle, mais cela n’a pas toujours été le cas. En effet, en sciences du vivant, à la différence de la physique et de la chimie, l’analogie s’est trouvée en concurrence avec l’homologie pour expliquer ces structures moléculaires communes dans le vivant.

Dans le discours darwinien, dès leur découverte, les structures moléculaires communes (comme celles de ThyA) ont été qualifiées d’homologues et donc interprétées comme prouvant la filiation de toutes espèces au travers de l’ensemble du vivant. La ressemblance « prouvait » la descendance… Notons bien qu’alors c’est l’homologie qui « prouve » la phylogénèse; cette dernière découle alors du concept d’homologie, et non plus l’inverse comme c’était le cas dans la définition initiale: deux structures sont « homologues » si elles dérivent du même ancêtre commun. De là est tiré un raisonnement circulaire tautologique : notre bras est l’homologue de la patte du cheval car il y a ancêtre commun, et l’ancêtre commun se « prouve » par l’homologie !

Au début des années 1980, le qualificatif « d’homologue » a été donné par les darwiniens aux structures moléculaires communes, ceci en remplacement de celui « d’analogue » que leur avaient donné initialement certains biochimistes.

À l’époque, seuls quelques rares naturalistes universitaires se sont aperçus de la supercherie et ont essayé de prévenir les biochimistes de la manœuvre en préparation.

Cependant, les biochimistes et autres biologistes moléculaires de l’époque (dont nous faisions partie), souvent totalement ignorants de l’histoire naturelle et du darwinisme lui-même, n’ont rien compris aux polémiques des naturalistes portant sur la différence sémantique entre les mots « homologue » et « analogue ». Ils s’en sont totalement désintéressés.

Résultat : dès 1985, le parti du darwinisme étant resté celui de l’élite biologique et médicale en poste, c’est son vocable qui fut imposé pour désigner les structures communes, considérées comme issues d’une même structure ancestrale. De là, le terme « homologue » a été retenu, mais avec le sens qu’avait « analogue » chez les biologistes moléculaires. Ainsi, les néo-darwiniens utilisèrent le flou créé autour du terme « homologue » pour affirmer que la biologie moléculaire confirmait ce qu’avait précédemment mis en doute l’embryologie, c’est-à-dire la parenté entre tous les êtres vivants.

Durant les vingt années qui ont suivi, les rares spécialistes assez pointus pour s’opposer au discours darwinien n’ont généralement pas trouvé d’oreilles attentives dans les médias ou de la part des éditeurs (contrairement aux quelques pontes du darwinisme dont les ouvrages s’empilent sur les rayons de toutes les grandes bibliothèques).

Cependant, les récentes données accumulées par les divers programmes de décryptage des génomes nous apportent aujourd’hui des arguments irréfutables contre l’homologie darwinienne. Par exemple, en 2002, une seconde enzyme de synthèse de la thymidine (différente de ThyA précédemment citée) a été découverte et nommée ThyX. Cette enzyme permet la synthèse de la thymidine à partir d’autres substrats, ceci en catalysant d’autres réactions chimiques (aboutissant au même produit), ce qui explique qu’elle possède une structure différente. Elle a été rapidement retrouvée dans des microorganismes de divers groupes taxonomiques et même chez au moins un eucaryote. Or, pour soutenir l’homologie, il faudrait que chacune des deux formes, ThyA et ThyX, soit trouvée chez des organismes en suivant la phylogénie, ce qui n’est pas le cas.

Bien au contraire, l’une et l’autre sont présentes dans divers organismes du même genre (chez les Leptospira ou les Helicobacter par exemple) et même, parfois, au sein du même organisme (par exemple Mycobacterium tuberculosis).

De plus, et peut-être surtout, la présence de ThyX chez les eucaryotes implique, selon l’homologie, qu’il y ait eu au moins deux apparitions indépendantes d’une « première » cellule eucaryote, l’une issue d’un procaryote à ThyA et l’autre issue d’un procaryote à ThyX. Hypothèse qui, même pour les darwiniens, est insoutenable. Ces derniers reconnaissent d’ailleurs que la répartition des deux formes ThyA et ThyX « échappe à toute hypothèse phylogénétique ». En d’autres termes, seule l’analogie fonctionnelle peut être retenue pour expliquer la conservation de l’une comme de l’autre de ces deux formes d’enzyme de synthèse de la thymidine. Il en est de même pour de nombreux autres cas de conservation de structures moléculaires, ainsi pour l’enzyme catalysant la  synthèse du tryptophane ou encore celle de l’anthranilate.

Malgré la démonstration toujours plus flagrante de l’analogie fonctionnelle pour expliquer la présence de structures communes, certain partisans du darwinisme veulent continuer à parler d’homologie en se basant sur la similitude de profils d’expression génique, c’est-à-dire sur la similitude des parties de l’embryon à l’intérieur desquelles s’exprime tel ou tel gène codant pour une structure/fonction conservée. Hélas, il suffit de regarder les profils d’expression en question pour s’apercevoir que deux gènes dits « homologues » en raison de leur fonction s’expriment dans des parties d’embryons qui sont très différentes et toujours non-équivalentes. De plus, dans l’exemple le plus prisé des darwiniens – les comparaisons entre la souris et la mouche – les organismes en question sont totalement incomparables du point de vue embryologique (la larve de mouche subissant une métamorphose complète après être devenue une masse de débris organiques informes dans laquelle flottent quelques amas de cellules appelés disques imaginaux).

De surcroît, dans les quelques rares cas de gènes analogues ayant quand même des profils d’expression comparables, l’analogie reste la seule explication valide.

En effet, les fonctions nécessaires au bon déroulement de l’embryogénèse, et en particulier celles qui sont indispensables à la régulation de l’expression des gènes, ne sont efficaces que si elles sont remplies au niveau d’une structure bien précise de l’embryon et à un moment opportun.

Il y a ici nécessité d’une régulation spatiotemporelle tout comme il est évident que les roues d’une voiture ne sont efficaces que lorsque la voiture roule et si elles sont situées en dessous. Comme ces fonctions nécessitent des structures bien particulières, il y aura conservation de l’ensemble structure-fonction en même temps que de la localisation et du stade embryonnaire de leur action. Ici encore, l’analogie rend compte des données et de toutes les données.

Concluons en constatant que, tout comme à ses débuts, la version « scientifique » du darwinisme ne repose que sur des arguments mensongers et des schémas falsifiés. Le fait que l’homologie est un concept qui découle de la théorie d’une évolution avec filiation entre espèces, se trouve aujourd’hui totalement occulté, d’autant plus que c’est ce même concept qui est utilisé maintenant comme « preuve » d’une telle évolution. Une fois de plus, le serpent se mord la queue : on nous présente une conséquence de la théorie comme en étant la donnée empirique fondatrice.


[1] Ndlr. Qui plus est, comme le faisait remarquer Claude Timmerman dans sa conférence au dernier colloque du CEP à Orsay, les membres postérieurs des vertébrés terrestres sont plus puissants que les membres antérieurs. Or le Périophtalme, qui semble l’unique poisson « adapté » temporairement à une vie aérienne et à une locomotion en milieu non aquatique, développe ses capacités locomotrices à partir de ses seules nageoires antérieures. En réalité, les poissons dits “pulmonés” (Sarcoptérygiens) n’ont pas de vie terrestre au sens propre : leur existence non aquatique se limite en effet à un état de vie ralentie – un genre d’hibernation – dans le limon du lit des rivières asséchées et les lagunes où leurs poumons sacculaires très élémentaires n’effectuent que des échanges gazeux extrêmement limités, incompatibles avec une activité physique vitale normale. Imaginer qu’ils réalisent une transition vers une vie terrestre pérenne est donc très abusif!

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