Accueil » La question des dents de sagesse ou leur devenir dans le cadre de l’évolutionnisme

Par Docteur Jean Maurice Clercq

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Résumé : L’étudiant en chirurgie dentaire apprend que notre dentition évolue vers une simplification avec, notamment, la diminution du nombre des dents de sagesse. Et de fait, « l’agénésie » fait que certains naissent sans la possibilité de développer toutes leurs dents. L’auteur montre que la nécessité fréquente d’extraire les dents de sagesse s’est produite en deux générations seulement et résulte du développement insuffisant des os de la mâchoire : avec la tétine molle du biberon et les aliments « mixés », le besoin de mastiquer disparaît et les muscles cessent de solliciter les os. Il s’agit donc d’un facteur réversible, lié au mode de vie, sans lien avec une hypothétique évolution.

Pourquoi s’intéresser aux dents au cours d’une étude sur la Préhistoire et l’évolutionnisme ? Il suffit de rappeler l’importance des dents pour les paléontologues : elles sont les derniers vestiges intacts d’un animal fossile lorsque le squelette a parfois totalement disparu, ceci de par leur hyper-minéralisation.

Elles permettent de déterminer l’espèce, l’âge, la taille, mais aussi les habitudes alimentaires et le milieu de vie ; elles sont caractéristiques de l’espèce disparue et, pour les évolutionnistes, de son évolution.

Lorsque j’étais étudiant en chirurgie dentaire, on nous présentait la troisième molaire, appelée communément « dent de sagesse », comme amenée à disparaître de la mâchoire humaine : nos descendants lointains n’auraient plus, avec l’évolution de l’Homo Sapiens, que 28 dents au lieu de 32.

Après nous avoir montré toute une série de têtes de nos prétendus ancêtres (le primate à 44 dents, le lémur, l’oréopithèque, l’australopithèque, le sinanthrope…), on nous faisait remarquer l’importance initiale de l’appareil manducateur qui, ensuite, régresse avec l’évolution des espèces modernes (après le néanderthalien et le Cro-magnon) pour voir enfin sur l’homme une formule dentaire réduite : la dentition ayant diminuée en taille comme en nombre et ayant une forme plus simple. Alors la conclusion tombait : à l’avenir, l’homme aura moins de dents, car sa dentition se simplifie, elle se « déspécialise ». Les premières à disparaître seront les dents de sagesse. En effet, elles trouvent de moins en moins de place sur notre arcade dentaire pour pouvoir sortir normalement. Elles ne sont quasiment plus fonctionnelles. Un signe confirme cette évolution : elles ont déjà commencé à disparaître de la mâchoire d’un petit nombre de personnes : leur radiographie fait apparaître l’agénésie de ces dents, c’est-à-dire l’absence totale du germe dans la mâchoire. Ces agénésies, plus fréquentes sur les troisièmes molaires inférieures, touchent aussi d’autres dents : les deuxièmes prémolaires, les deuxièmes incisives (incisives latérales), c’est-à-dire la fin des séries de nos différentes sortes de dents. C’est donc une évidence : notre formule dentaire évolue en se réduisant.

L’affirmation d’une future disparition de la dent de sagesse inférieure s’appuie donc sur trois arguments :

1. Il existe dans de rares cas une réduction naturelle du nombre de nos dents ; l’agénésie de nos dernières molaires inférieures en est la plus fréquente : c’est donc le signe d’une évolution vers une diminution de notre formule dentaire.

2. Il arrive aussi, mais encore plus rarement, que nous possédions des dents surnuméraires qui pourraient être le rappel d’une formule antérieure plus complexe.

3. Nos mâchoires deviennent plus petites :

a) le manque de place pour l’alignement des dents entraîne des malpositions dentaires. De là, de plus en plus fréquemment, des traitements correctifs orthodontiques pour nos enfants ;

b) nos dents de sagesse (3ème molaire), en particulier les inférieures, ont de plus en plus de difficulté à sortir. Ne trouvant pas la place de s’insérer naturellement, dans la mâchoire, leur éruption est entravée ; ou bien elles ont tendance à l’inclusion dans la mâchoire. Tout ceci entraîne des accidents infectieux graves, des douleurs, etc… et le chirurgien-dentiste est souvent conduit à pratiquer l’extraction de ces dents.

Discussion

I. Agénésies – Dents surnuméraires :

1) Les agénésies, comme les dents surnuméraires, sont rares, donc non significatives : environ 5 % de la population. Dans les cas rencontrés, il y a parfois – mais non systématiquement – un caractère héréditaire qui peut être très variable : une agénésie dentaire d’un parent ne se trouve pas systématiquement chez l’enfant ; et lorsqu’elle est constatée, elle ne porte pas obligatoirement sur la même dent. Elles ne sont pas souvent symétriques. Elles se rencontrent plus souvent chez les femmes, en Europe du Nord, dans la race jaune, et sont pratiquement inexistantes en Afrique noire1. D’autre part, la génétique n’a pas encore pu cerner ce problème. Il y a donc une grande variabilité qui démontre que ce caractère n’est pas acquis ou transmissible définitivement dans le sens de l’hypothèse transformiste. On ne peut donc tirer aucune conclusion sérieuse.

Et malheureusement, il n’existe pas, à ma connaissance, d’études statistiques et épidémiologiques solides sur ce sujet, qui éviteraient ces échafaudages d’hypothèses imaginaires.

2) On nous dit que les agénésies indiquent l’évolution de notre formule dentaire, et que les dents surnuméraires sont le rappel d’une formule antérieure plus ample, lorsque nous étions à un autre stade d’évolution. On pourrait tout aussi bien dire le contraire. Mais j’opposerai quelques objections :

a) Les dents surnuméraires sont pour la plupart des dents anormales dans leur structure, dans leur forme et leur position : ce sont des anomalies accidentelles ne pouvant être prises pour une étape dans la série transformiste.

b) La formation du genre dentaire commence dès le troisième mois de la vie intra-utérine et la calcification de la couronne de la dent se fait, en taille et en forme définitive à l’intérieur de la mâchoire, des années avant son éruption sur l’arcade dentaire, lorsque celle-ci présente la taille nécessaire pour lui permettre de sortir (environ 5 à 10 ans avant, selon les dents).

c) Les différences anatomiques entre l’homme moderne et l’homme fossile ne concernent que quelques points mineurs (accentuation du modèle de la dent, avec une taille un petit peu supérieure chez l’homme fossile) qui vont de pair avec les différences constatées sur le squelette.

Certains des auteurs acceptant le transformisme2 concluent même « qu’en réalité, ce sont les hominidés fossiles que nous connaissons qui dérivent d’une des étapes évolutives parcourues par l’homme actuel (et non l’inverse). Ces formes vont en accentuant leurs caractères de spécialisation, processus auquel nous avons échappé » !

Ainsi, pour eux, l’homme paléontologique ne serait plus un ancêtre, mais un « cousin » qui aurait évolué dans un autre sens ! Ils concluent par ailleurs : « La génétique et l’embryologie, il nous semble, pourraient, mieux que la paléontologie, résoudre le problème des dents surnuméraires ».

Car la formule dentaire à 32 dents est éminemment stable chez l’homme et chez nos ancêtres depuis « 35 millions d’années« .

d) Dans le système transformiste, l’homme est au sommet, à la perfection de l’évolution, ce qui fait dire à certains auteurs « que la réduction de la forme dentaire représente une spécialisation« , alors que pour d’autres3, si le sens de ces altérations n’est pas connu, la tendance évolutive va vers la réduction volumétrique et une simplification des formes, donc, vers une déspécialisation.

e) Dans un village du Massif Central bien connu, la majorité des habitants (suite aux nombreux mariages consanguins) possèdent six doigts par main. Doit-on conclure que nous allons vers ou venons d’une espèce ayant douze doigts et douze orteils ? Les orteils soudés entre eux sont-ils le rappel d’une vie aquatique antérieure, ou la prochaine adaptation prévue pour les amateurs de natation et de bains de mer ?

II. La taille de nos mâchoires diminue :

1) Tous les auteurs s’accordent pour constater que les os de la face, et spécialement des mâchoires, sont très fortement influencés ou tributaires dans leur taille et leur forme, des sollicitations musculaires. C’est-à-dire : de la puissance musculaire de l’individu (donc de la stature physique et du type morphologique), de son mode de vie, de son alimentation, de son langage (de par la position de la langue dans la cavité buccale), de ses mimiques, de la durée de la succion du pouce, etc…

Les problèmes de malposition dentaire existaient chez l’homme fossile comme chez l’homme moderne, bien qu’ils soient en recrudescence importante chez l’occidental depuis plusieurs décennies, ce qui met en cause son mode de vie actuel.

2) La mandibule est influencée dans sa croissance par la traction musculaire, essentiellement représentée ici par la langue (le langage) et les muscles masticateurs.

Dès sa naissance, l’enfant occidental moyen boit la tétée au sein – qui fait travailler et se développer tous les muscles de la bouche – remplacée par un biberon dont la tétine sera de préférence molle… la mère étant pressée. Puis dès que possible, on passera à la bouillie, puis aux aliments passés au mixer. Ainsi l’enfant ne prendra goût qu’aux nourritures molles et tendres. Nous reverrons cet enfant, peu habitué à mastiquer, présenter vers l’âge de 10 ans, un sourire agrémenté de dents souvent cariées, se chevauchant dans une mâchoire trop étroite.

a) Les statistiques montrent que 30 % environ des enfants ont un besoin important de traitement orthodontique, sans compter les cas mineurs. Cette aggravation est un phénomène nouveau, propre au XXème siècle, dû surtout à notre changement de mode alimentaire.

b) Je soigne régulièrement dans ma campagne vendéenne des familles d’agriculteurs dont les grands-parents présentent des dents parfaitement rangées sur une arcade harmonieusement développée, dont les parents ont parfois quelques problèmes avec la dent de sagesse inférieure, surtout lors de sa sortie, mais dans lesquelles les enfants ont des mâchoires trop courtes, comportant des malpositions dentaires et dont on devra probablement extraire les dents de sagesse inférieures pour leur éviter de graves ennuis. Les citadins connaissent le même problème avec une ou deux générations d’avance.

c) Les gens de race blanche ayant une alimentation plus traditionnelle ne présentent pas ce problème avec la même acuité (ainsi au Mexique, en Amérique du Sud…). Je me souviens d’un Mexicain que j’ai soigné ; on aurait pu placer sans aucun problème une 4ème molaire supplémentaire derrière ses dents de sagesse inférieures bien sorties.

d) Il y a deux siècles, Pierre Fauchard4 considéré comme le père de la dentisterie moderne, n’évoque l’extraction de la dent de sagesse inférieure que dans les cas de délabrement par carie.

Il ne signale pas l’extraction par manque de place, et n’en parle que pour sa difficulté d’accès du fait de sa position fort arrière dans la mandibule.

Les problèmes modernes de cette dent semblaient donc inexistants à l’époque (actuellement les techniques d’extraction de la dent de sagesse, de par les difficultés présentées, occupent une place primordiale dans les manuels).

J’ai aussi soigné un certain nombre d’Antillais. Le même problème se posait selon leur degré d’accès « à la vie moderne » occidentalisée (même constatation chez les Africains examinés). Ainsi, de deux Antillais cousins germains de même constitution et même type physique, l’un ingénieur agronome, fils de médecin, me consultait pour des problèmes infectieux provoqués par la poussée de sa dent de sagesse inférieure qui n’avait pas de place ; l’autre, son cousin qui vivait frustement dans la montagne ne présentait aucun problème, sa dernière molaire était harmonieusement rangée sur son arcade dentaire.

e) J’ai obtenu d’excellents résultats thérapeutiques chez des enfants pour lesquels une « rééducation masticatoire » était entreprise lorsque le diagnostic indiquait une mâchoire étroite pour cause d’insuffisance de mastication depuis la tendre enfance : prises à temps, ces rééducations permettaient d’obtenir une bonne compensation de la croissance osseuse maxillaire, lorsque celle-ci n’était pas terminée.

f) La paléontologie ne nous apprend rien sur cette question. L’étude des mâchoires humaines ne semble pas montrer que l’homme de Néandertal ou de Cro-Magnon souffrît de ses dents de sagesse.

Conclusion

Le problème du manque de place pour la dent de sagesse inférieure est un problème récent lié à une atrophie de la mandibule, et qui ne touche que l’homme occidental ou occidentalisé. Il semble lié à notre mode de vie actuel et non à un transformisme quelconque ou à une adaptation génétique improbable.

L’étude de l’absence ou du surnombre de certaines dents laisse apparaître qu’il s’agit d’anomalies accidentelles et que la formule dentaire chez l’Homo Sapiens, y compris tous les hommes fossiles, est des plus stables. Là comme ailleurs, l’argument avancé par les évolutionnistes et les transformistes selon les théories de Darwin ou de Lamarck ne résiste pas à un examen approfondi. Les faits sont têtus, et on ne pourra pas indéfiniment leur faire dire le contraire de leur sens premier.

1P. Achermann, Traitement de l’agénésie de l’incisive latérale supérieure, p.6. L’agénésie, selon les auteurs, touche de 3 à 12% de la population.

2 Drs Bordais P. Gineste P. Granat J. Marchand J. Les dents incluses, Encyclopédie Médico-chirurgicale : Stomatologie – 10-1980 – 22032 G10, p.10

3 J.P. Flecher, Evolution de la denture permanente des Hominidés, Encyclopédie Médico-Chirurgicale : Stomatologie 22003 S10 – 10-1980, p.12.

4 Pierre Fauchard, Le Chirurgien-dentiste ou traité des dents, 1766, tome II, p.176.

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