De la disposition mécanique des os du corps humain

Par William Paley

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Regard sur la création :

Car, depuis la création du monde, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu quand on Le considère dans ses ouvrages.” (Romains, 1 : 20)

De la disposition mécanique des os du corps humain1

Résumé : Les mouvements du corps nous sont si familiers que nous ne réfléchissons guère à toute l’ingéniosité mécanique cachée sous notre peau. Dans sa célèbre Théologie naturelle, écrite il y a 2 siècles, William Paley fut un des premiers à faire une étude systématique de l’ordre et de l’intelligence visibles dans la nature, pour en reconnaître et louer l’Auteur.
Dans ce passage, c’est l’articulation des vertèbres que Paley analyse avec sagacité pour nous en faire admirer la merveilleuse composition. La colonne vertébrale est à la fois flexible (dans toutes les directions) et résistante à la compression ; elle se déforme, mais tout en protégeant la si délicate moelle épinière, etc… Comment se refuser à voir ici la preuve tangible d’un exploit technique qui ne doit rien au hasard ?

Je défie un ouvrier quelconque d’imaginer une construction plus ingénieuse, et dans laquelle le but soit mieux rempli, que celle des vertèbres du col de l’homme.

Il fallait obtenir deux choses, savoir : un mouvement facile de flexion en avant et en arrière ; et un mouvement circulaire horizontal, d’environ cent vingt degrés. Deux inventions distinctes ont été employées pour cela.

La tête repose immédiatement sur la dernière des vertèbres, et est unie avec elle par une articulation qui fait que la tête se baisse et se relève jusqu’au point où le permettent les ligaments.

Le mouvement circulaire se fait par le moyen d’un mécanisme qui met la tête en rapports, non pas avec la première, mais avec la seconde vertèbre du col. Cette seconde vertèbre a ce que les anatomistes appellent une apophyse, c’est-à-dire une saillie assez semblable en forme et en volume à une dent. Cette dent entre dans une cavité de la première vertèbre, et sert de pivot aux mouvements de cette première vertèbre, laquelle tourne circulairement avec la tête. Les deux genres de mouvement sont parfaits, et ne se nuisent en aucune manière. Nous voyons une invention toute semblable dans la monture des télescopes : pour le mouvement vertical, il y a une charnière : pour le mouvement horizontal, il y a un axe, ou pivot, sur lequel le télescope et la charnière tournent ensemble. Il faudrait être  de mauvaise foi, ou hors de son bon sens, pour admettre l’invention dans un des cas, et la nier dans l’autre, Ajoutons encore une observation qui est à notre portée, et qui nous explique par quelle raison l’intelligence qui a inventé l’articulation de la tête sur les vertèbres cervicales n’a pas voulu que la première vertèbre pût se mouvoir en avant et en arrière comme la tête, tandis que cette première vertèbre se meut à droite et à gauche : c’est que le mouvement en avant et en arrière n’aurait pas pu se faire sans que la moelle épinière fut comprimée par l’apophyse de la seconde vertèbre qui sert de pivot aux mouvements circulaires.

Une autre invention mécanique assez semblable à la précédente quant à son but, mais différente quant aux moyens, s’observe dans l’avant-bras. Pour l’usage parfait de l’avant-bras, il fallait deux genres de mouvements : savoir, le mouvement oscillatoire ou réciproque qui se fait en pliant, et étendant le bras, et le mouvement rotatoire, qui se fait en tournant la paume de la main alternativement dessus et dessous. Voici comment cela s’opère. L’avant-bras a deux os placés à côté l’un de l’autre, mais qui ne se touchent qu’à leurs extrémités. L’un de ces os, nommé le cubitus, s’articule avec l’os du bras, ou l’humérus, et ne peut se mouvoir que dans le même plan ; l’autre, nommé le radius, ne s’articule qu’avec le poignet. Toutes les fois que nous tournons la paume de main en dessus, le radius roule sur le cubitus au moyen d’une rainure ou cavité de l’un des os, qui répond à une saillie de l’autre.

Si les deux os de l’avant-bras avaient été articulés avec l’humérus, ou que tous deux avaient été articulés avec le poignet, ce mouvement rotatoire n’aurait pas pu se faire : il fallait, pour cela, que l’un des os fût libre à une de ses extrémités, et l’autre à l’autre. De cette manière, les deux mouvements différents peuvent s’exécuter en même temps : le grand os de l’avant-bras peut opérer le mouvement oscillatoire sur l’articulation du coude, au même instant que le petit os de l’avant-bras, lequel porte la main, tourne autour du cubitus. Dans le voisinage du coude, c’est une tubérosité du radius qui répond à une cavité du cubitus ; et auprès du poignet, c’est le contraire, c’est-à-dire, qu’un tubercule du cubitus répond à une cavité du radius.

S’il n’y avait eu qu’un os dans l’avant-bras, et que l’articulation du coude eût été dans le genre de l’articulation de l’os du bras avec l’épaule, c’est-à-dire, une tête sphérique se mouvant dans une cavité, le résultat de plier le bras et de tourner la main, tout à-la-fois, aurait pu être obtenu, mais il est incomparablement plus parfait, d’après l’arrangement existant : chacun peut s’en convaincre par l’aisance et la vitesse avec lesquelles il peut mouvoir la main circulairement, tout en fléchissant et étendant le bras ; tandis que le mouvement de rotation du bras autour de l’épaule, est comparativement lent et pénible.

L’épine du dos, ou la colonne vertébrale, est une chaîne d’articulation, d’une construction très extraordinaire. Il fallait que le même instrument exécutât diverses fonctions très différentes ; et en quelque sorte, contradictoires. Il fallait que cette colonne fût solide, et cependant flexible, pour pouvoir se prêter à tous les mouvements que nous faisons en nous courbant en avant, en arrière ou de côté. Il fallait enfin que la colonne vertébrale contînt, et protégeât la moelle épinière, c’est-à-dire, qu’elle servît de conduit au plus important des fluides animaux, celui dont dépendent  les mouvements volontaires, et qui part du cerveau pour se répandre dans toutes les parties du corps : il fallait que cette colonne osseuse garantît efficacement de toute pression accidentelle, une substance extrêmement délicate, et tellement essentielle aux fonctions vitales, que la moindre atteinte qu’elle éprouve est suivie de la paralysie ou de la mort.

La colonne vertébrale n’était pas seulement destinée à donner protection au tronc principal de la substance médullaire procédant du cerveau : il fallait encore que cette colonne donnât passage à des conduits latéraux dans toute sa longueur pour la distribution des nerfs à toutes les parties du corps. Il fallait que cette colonne vertébrale fournît une suite de points d’appui pour l’attache des muscles qui s’étendent sur le tronc humain ; et enfin, qu’elle servît de base pour l’insertion des côtes.

Commandez à un habile mécanicien une machine qui doive remplir ces divers objets, et laissez-le exercer ses facultés inventives, sans lui donner connaissance de la construction de la colonne dorsale. Qu’il compare ensuite ce qu’il aura inventé, avec l’ouvrage de la nature, et il demeurera confondu d’admiration sur la sagesse qui y a été employée. Vingt quatre os spongieux sont superposés les uns aux autres, et se touchent par les bases élargies. Cette largeur des bases assure la solidité de la colonne ; la porosité des os lui donne sa légèreté; leur nombre, qui multiplie les articulations, rend cette colonne singulièrement flexible ; et, ce qui est remarquable, sa flexibilité varie dans sa longueur, selon le besoin, c’est-à-dire, que le bas des reins est plus souple que la partie voisine des épaules, et que les vertèbres du col sont les plus flexibles de toutes. Chacun de ces vingt quatre os est percé par le centre, pour fournir passage à la substance médullaire, en sorte que lorsqu’ils sont réunis, ils forment un canal ininterrompu.    Mais comment empêcher que, dans les diverses flexions du corps, les vertèbres ne se croisent et n’occasionnent ainsi sur la moelle épinière une pression funeste ? L’habile et sage ouvrier de cette belle construction a placé entre chaque vertèbre et les vertèbres voisines, une substance cartilagineuse éminemment élastique. Ces cartilages se pressent du côté où l’épine fléchit, et se renflent du côté opposé, de manière qu’il n’en résulte aucune ouverture. La flexion, quoique considérable sur la totalité de la colonne, est à peine sensible d’un os à l’autre. D’ailleurs, comme la flexion en avant devait être plus fréquente que la flexion en arrière, les cartilages ont plus d’épaisseur de ce côté-là, en sorte que les bases des vertèbres sont plus parallèles entre elles lorsque le corps est plié en avant que dans la position verticale.

Comme il fallait que la distribution des nerfs pût se faire dans toute la longueur de l’épine, chaque vertèbre porte deux rainures au bord supérieur, et deux autres au bord inférieur. Ces rainures, symétriquement espacées, se correspondent d’une vertèbre à l’autre, de manière que quand les vertèbres sont réunies, deux rainures forment un trou, lequel donne passage à un nerf. Ces nerfs sortent par paires, et se subdivisent en un grand nombre de ramifications dans toutes les parties du corps.

Il fallait enfin que les muscles et les côtes trouvassent dans l’épine du dos un point d’appui solide auquel s’attacher. Les vertèbres ont reçu une forme propre à remplir ces deux objets. Leur face antérieure, qui répond à la capacité de la poitrine, de l’estomac, et du ventre, est unie, parce que les aspérités auraient pu blesser les viscères ; mais en arrière, et sur les côtés les vertèbres sont hérissées d’apophyses prolongées. C’est à ces apophyses que s’attachent les muscles nécessaires aux mouvements du tronc. Ces attaches sont faites avec un art qui remplit à la fois deux objets essentiels : car, en même temps que les muscles sont assujettis aux os, les tendons de ces mêmes muscles servent à consolider la structure de la colonne, et à retenir fortement chaque vertèbre  à sa place.

Sans une dernière précaution pour assurer la force d’une si longue charnière, les luxations auraient été à craindre. Cette précaution prise par l’ouvrier a été de faire articuler ensemble ces diverses apophyses. Ilrésulte des croisements artistement disposés, entre une projection et l’autre, qu’aucune des vertèbres ne peut se tourner ni se déplacer. Un coup très violent peut rompre la colonne dorsale, mais jamais la luxer. Dans la partie de l’épine à laquelle les côtes sont attachées, la précaution pour fortifier la colonne a été poussée plus loin encore : chaque côte s’attache à deux vertèbres et au cartilage qui les sépare. Enfin, dans le but de prévenir l’effet qu’une force extérieure aurait pu avoir pour désunir les vertèbres par une extension violente dans le sens longitudinal, la colonne a été doublée et fortifiée d’une membrane épaisse qui règne dans toute la longueur de l’épine.

Chez la plupart des quadrupèdes, la construction de la  colonne vertébrale est analogue à ce que nous observons dans l’homme ; mais dans la famille des serpents, il existe, à cet égard, une variété très-remarquable. Le serpent ayant essentiellement besoin de souplesse, il fallait que le nombre des articulations fût plus considérable : en conséquence, la colonne dorsale du serpent est composée de cent cinquante vertèbres, qui ont entre elles une articulation différente de la nôtre extrêmement curieuse à observer. On ne peut rien imaginer de plus parfait, et de plus analogue au but, que cette chaîne de cent cinquante anneaux. La chaîne qui se roule tour-à-tour sur le barillet et la fusée d’une montre est un ouvrage imparfait et grossier auprès de ce chef-d’œuvre de mécanique.

Toutes les fois que nos poumons se dilatent par l’inspiration de l’air, et se contractent par l’expiration, la poitrine augmente et diminue de capacité. Cela a lieu par l’effet d’une invention mécanique dans la construction et la disposition des os qui la cernent.

Les côtes, au lieu d’être articulées à  angle droit avec l’épine, le sont dans une direction un peu descendante. Il en résulte que tout ce qui tend à les rapprocher de l’angle droit, augmente la capacité de la poitrine et fait avancer le sternum : c’est ce qui arrive à chaque inspiration. Si les côtes avaient été articulées à angle droit avec l’épine, ou qu’étant implantées obliquement à l’épine, elles avaient été soudées à la colonne dorsale, la capacité de la poitrine n’aurait pas pu s’augmenter, comme cela était nécessaire. En même temps que les côtes s’élèvent, le diaphragme s’abaisse ; et il en résulte un accroissement de capacité de quarante-deux pouces cubes, laquelle se remplit immédiatement par de l’air.

Dans une inspiration forcée, il entre jusqu’à cent pouces cubes d’air de plus que dans l’état d’abaissement des côtes. Le thorax est un véritable soufflet d’une construction extrêmement ingénieuse.

La rotule est un os dont la forme et les fonctions ne ressemblent à celles d’aucun autre os du corps humain. Il a une forme un peu lenticulaire; il est de la grosseur d’un écu de six francs, et recouvert d’un cartilage.

Les forts tendons qui s’attachent d’une part au fémur et de l’autre au tibia, et dont l’emploi est de porter la jambe en avant, traversent cet os : la rotule en fait pour ainsi dire partie. Elle protège l’articulation qu’elle recouvre, et empêche en même temps que les tendons ne puissent être exposés aux chocs des corps extérieurs, comme ils l’auraient été sur la saillie du genou. Elle donne encore à l’action des tendons des muscles releveurs une plus grande facilité mécanique, parce que la rotule porte en avant la direction de leur force. Mais la circonstance la plus remarquable dans l`existence de la rotule, c’est qu’elle est, pour ainsi dire, de convenance plutôt que de nécessité. Elle est isolée. Elle ne s’articule avec aucun os. Elle est molle et à peine visible dans l’enfance. Son ossification se forme peu à peu, et par un procédé dont il est impossible de se faire une idée ou de se rendre compte par sa structure ou son exercice.

Presque tous les os du corps humain ont des articulations entre eux. Or la manière dont ils s’articulent offre des variétés qui tendent toujours également à démontrer l’invention et la sagesse du grand Mécanicien qui a construit cette machine. Donnons-en quelques exemples.

L’os de la cuisse s’articule à charnière avec la jambe ; parce que celle-ci ne doit s’étendre et se fléchir que dans le même plan. Mais l’os de la cuisse s’articule à la hanche d’une tout autre manière. Le fémur se termine par une tête, laquelle entre et tourne librement dans une cavité de l’os de la hanche. Il en résulte que la cuisse est susceptible de mouvements soit de rotation, soit dans toutes les directions nécessaires. Si la tête du fémur s’était trouvée en bas, et que sa charnière fût en haut ; c’est-à-dire, que les deux genres d’articulations eussent été appliqués de la manière opposée à celle qui existe, la direction de la cuisse aurait été fixée en avant une fois pour toutes, et la faculté rotatoire de la jambe aurait été complètement inutile. Le but d’utilité a donc été pris en considération par l’Ouvrier intelligent qui a mis la tête du fémur en haut, et la rainure en bas.

Pour consolider les articulations, il existe une membrane forte et épaisse qui part de l’os qui reçoit et entoure l’os reçu, en s’insérant dans sa substance un peu au-delà du renflement de cet os.

Cette membrane emprisonne la jointure, et en assure la solidité en mettant les saillies dans les cavités correspondantes. On observe – outre cette membrane – dans les articulations très importantes, et où une forte extension aurait pu occasionner une dislocation, l’on remarque, dis-je, un ligament vigoureux, court, et flexible, dont l’insertion se fait d’un côté dans la tête de l’os, et de l’autre dans le fond de la cavité. On aurait peine à concevoir quelle force peut être appliquée à ce ligament, avant de pouvoir le distendre ou le rompre ; cependant il est si flexible qu’il ne met aucun empêchement aux mouvements de l’articulation.

Dans les articulations à charnières, les ligaments qui entourent, et retiennent en sa place, le renflement de l’extrémité de l’os, sont toujours plus forts dans les côtés que sur les parties antérieures et postérieures; afin que les os ne puissent pas glisser hors de leur engrenage. A l’articulation du genou, vu son importance, la variété et la force des mouvements auxquels elle est destinée, on observe en plus de la précaution ordinaire, deux ligaments très forts, lesquels sont croisés de manière à ce que l’articulation ne puisse pas se disloquer, sans que les ligaments se déchirent.

Une précaution dont le but est le même, mais dont le moyen est différent, s’observe à l’articulation du cou-de-pied. Les os de la jambe ont deux apophyses, ou prolongements qui servent à emboîter l’os du tarse qui s’articule avec eux. Le but est évident dans la forme de ces deux os : il n’y a aucun doute que ces cornes ou saillies qui les terminent n’aient été destinées à l’os qui s’y joint, et à prévenir les dislocations.

L’articulation du bras avec l’épaule est du même genre que celle de la cuisse avec la  hanche, et sa solidité est également assurée par un ligament qui s’attache au fond de la cavité. Mais celle-ci a beaucoup moins de profondeur, parce qu’il fallait que les mouvements du bras pussent avoir plus d’étendue, de promptitude, et de liberté, que ceux de la cuisse. Le bord de la coupe qui reçoit la tête de l’os du bras, est garni d’une membrane forte et souple qui  augmente la capacité du calice, en même temps qu’elle laisse à tous les mouvements du bras la plus grande liberté.

Les extrémités des os, dans les articulations, ont été façonnées, non seulement de manière à prévenir autant qu’il est possible, les luxations, et à faciliter tous les mouvements nécessaires, mais encore à protéger les nerfs, les tendons et les vaisseaux dans leur passage aux articulations. Il est évident que ces fils ou ces conduits qui partent du tronc et se subdivisent jusqu’aux extrémités, ont à passer sur les articulations. Il est évident, encore, qu’ils y sont exposés à de brusques changements de direction, à des compressions, ou à des déchirements par l’action des corps extérieurs. Mais ils ont été protégés avec un soin tout particulier, dans leur passage au travers des articulations, et cela par la figure même des  os. Ainsi nous voyons que les nerfs de l’avant-bras, passent l’articulation du coude, par un chemin couvert formé entre deux protubérances de l’os. Le fémur est sillonné, dans son extrémité inférieure, d’une cannelure profonde dans laquelle les gros vaisseaux et les nerfs de la jambe passent  en sûreté. Dans l’articulation de l’épaule, on remarque au bord de la cavité qui reçoit l’os du bras, une petite rainure recouverte de la membrane. Les vaisseaux sanguins du bras se glissent par cette ouverture, au lieu de passer sur le tranchant de la coupe. Qui est-ce qui a pourvu avec tant de soin et de sagesse à la sûreté de ces vaisseaux et de ces nerfs ?

Toutes les extrémités des os, l’intérieur des cavités et des charnières sont doublées de cartilages mols et élastiques, qui prêtent au degré convenable et assurent le jeu doux des articulations sans que les os puissent s’user. On a essayé d’affaiblir l’évidence du dessein dans cette disposition des cartilages, en prétendant que le cartilage n’est que l’os ramolli par le frottement continuel, ou maintenu dans une consistance qui était son état primitif, et dont le frottement l’empêche de sortir ; qu’enfin cet effet est nécessaire et non préordonné dans un certain but. Le lecteur pourra apprécier la force de l’objection contre le dessein de cette disposition de l’Ouvrier.

Le jeu de toutes les articulations est singulièrement facilité par un mucilage plus émollient et plus glissant que l’huile même.

Des glandes fixées auprès de toutes les jointures sont chargées de séparer du sang ce liniment nécessaire; et les canaux sécrétoires, contenus dans des filets déliés, sont suspendus comme une frange dans la cavité de l’articulation. On a inventé dernièrement un mécanisme dont il résulte une infiltration continuelle d’huile dans une boîte qui contient un engrenage. Cela  ressemble à l’invention qui fait filtrer continuellement la synovie dans les articulations; mais il y a cette différence essentielle que la synovie se crée à mesure du besoin, pour faciliter le mouvement des jointures.

Nous ne réfléchissons point assez combien il est surprenant que les articulations ne s’usent pas. Où est la machine de construction humaine qui pourrait soutenir dans ses engrenages, un mouvement presque continuel de soixante années, sans rien perdre ? Le poli des cartilages qui frotte l’un sur l’autre, la filtration continuellement renouvelée de la synovie, ne suffisent pas pour expliquer cette durée: elle dépend essentiellement de l’assimilation, c’est-à-dire, de cette étonnante propriété des constitutions animales qui fait que les substances des corps, quelles qu’elles soient se réparent, se restaurent, et se renouvellent sans cesse.


1 Extrait de  Théologie naturelle ou preuves de l’existence et des attributs de la divinité tirées des apparences de la nature (1802), traduction par Charles Pictet, Genève, an 12 (1804).

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