Partager la publication "Eclipse ?… ou réveil des consciences ?"
Par Dominique Tassot
Résumé : A quelques jours de l’éclipse totale du 11 août 1999, cette livraison du Cep ne pouvait manquer d’évoquer et de commenter un événement aussi considérable. Car, de tout temps, les hommes ont vécu l’éclipse du soleil comme un entr’acte dans la vie quotidienne, comme un signal mystérieux venu de plus haut, une voix surgissant d’ailleurs pour rappeler la force du fil cosmique reliant toutes les créatures – mais de l’intérieur – par ce lien vertical qui rend le Créateur présent au plus intime de chaque être.
Déjà l’identité du diamètre apparent des deux « grands luminaires » (Gen 1 : 14-18), vus de la Terre, donne la signature de l’artiste, le clin d’oeil amoureux envers l’humanité : image et interlocutrice de Dieu. Car cette étincelle de conscience au coeur de l’univers immense en devient comme la prunelle divine, le « point sensible » chargé de donner son plein sens à la Création en faisant remonter vers son Auteur la gloire qui lui est due.
Or si la lune se trouvait placée un peu plus loin ou plus près de la terre, cette symétrie entre l’astre du jour et l’astre de la nuit disparaîtrait. L’un semblerait l’emporter sur l’autre et nos intelligences manqueraient d’une voie d’accès majeure à la structure profondément duelle de l’univers.
Le grand danger demeure toujours de voir contradiction là où les op-posés1 s’équilibrent et se complètent. Distinguer… mais pour unir dans une vision plus haute, tel fut toujours le réflexe de la raison en quête de vérité. La lumière lunaire ne peut contredire celle du soleil, puisqu’elle la réfléchit vers nous, mais plus douce, plus fraîche, mise à la portée – pourrait-on dire – de nos fragiles rétines. Pourrions-nous comprendre le rôle médiateur de Marie, si le couple des deux luminaires n’était pas établi devant nos yeux pour en forger l’image vivante ?
Comme l’écrit si justement Jean-Marie Berthoud2 :
« Le monde empirique, dont nos sens nous donnent un témoignage si clair, nous présente des réalités tangibles qui peuvent être lues comme les signes d’une réalité plus haute, d’une réalité d’ordre spirituel, une réalité divine. Il en est ainsi du mariage, des formes historiques du pouvoir, du rapport entre les bergers et les moutons, de la vigne, du pain et du vin, d’une construction humaine (la maison construite sur le sable ou sur le roc), d’un champ, d’une moisson ou d’une famine, de la peste, des sauterelles, du désert, d’une plaine fertile, des montagnes, des cèdres, etc. »
Des physiciens ont récemment développé un « principe anthropique » : tout se passe comme si la Création avait été conçue en vue de l’homme ; toute modification, même mineure, de l’une ou l’autre des 10 grandes constantes régissant le monde inerte (g, (, e, c, etc…) rendrait impossible l’apparition de la vie sur terre. Prolongeant cette démarche, on pourrait et on doit dire : toute modification, même mineure, des réalités champêtres ou sociales qui forment les images de la Bible, rendrait impossible notre émergence à la vie surnaturelle. Une société de science-fiction où les bébés-éprouvettes passeraient directement de la couveuse à l’usine, sans rien connaître des réalités familiales, est impossible. Non qu’elle soit inconcevable : tel est même le but lointain du socialisme, et les romanciers l’ont pressenti dès l’origine3 ; mais Dieu ne saurait le permettre. Car la toute-puissance divine souffre une exception : Dieu ne pourrait faire que l’Ecriture ne s’accomplît point. L’accomplissement de l’Ecriture sainte est une nécessité rectrice de la Création, plus forte encore que la nécessité des lois physiques, puisque Dieu suspend leurs cours comme Il le veut alors qu’Il ne saurait enfreindre une seule promesse ou une seule annonce de la Révélation sans se contredire ou sans nous induire en erreur. Il faut donc que l’Ecriture reste intelligible, à travers tous les temps et tous les pays.
Il faut ainsi que les images matérielles véhiculant le sens spirituel de la Parole adressée aux hommes, conservent leur force, leur précision, leur adéquation et tout leur pouvoir évocateur.
Aussi quand la question du nom de notre association fut posée : (Centre d’Etudes et de Prospective sur la Science), le choix s’est porté sur l’idée d’une science unitaire, générale, composée de parties, mais cohérente : de la cohérence d’un Dieu dont les approches ne sont multiples qu’en apparence, répondant simplement aux troncatures et aux finitudes qui limitent l’intelligence humaine. Sur 91 emplois du mot science (Da’at) dans la Bible hébraïque, tous sont au singulier.
Ce que nous baptisons histoire, psychologie, philologie ou chimie, ne sont qu’autant de chemins vers l’unique vraie science, utile au salut comme à la vie quotidienne.
Certes la rédaction répartit les articles en rubriques définies, car toute harmonie résulte d’un accord entre des notes distinctes, mais la mélodie (qui porte le sens et l’émotion) reste une, cheminant simplement de bosquet en bosquet à travers le jardin des pensées. L’un voudra pénétrer au coeur d’un massif dont les fruits le nourrissent, l’autre le contournera pour s’engager dans le suivant… Aux premiers jours Dieu avait fixé à chaque espèce animale « l’herbe verte » dont elle se nourrirait (Gen 1 : 29-30) : tel est le fondement de l’écologie, dirait Jean de Pontcharra4 , le lien complexe permettant l’équilibre des deux règnes, – l’animal et le végétal – et, au sein de chaque règne, la coexistence originellement paisible entre espèces complémentaires. En tête de chaque article, le résumé permet ainsi à chacun de pressentir, selon ses goûts, s’il y trouvera matière à butiner ou s’il peut sans plus attendre passer à l’article suivant. On ne s’étonnera donc pas de trouver, surtout dans la rubrique « Science », des articles spécialisés auxquels nous n’avons nulle prétention d’intéresser tous les lecteurs. Chaque spécialiste voudrait que les découvertes importantes qu’il a faites soient connues du monde entier !… Mais ainsi ne va pas la nature de nos intelligences, n’imaginant le tout de la connaissance qu’à travers quelques parties plus accessibles.
Certes un article de Jean Boucher sur l’agriculture biologique peut concerner un assez large public : au delà du paysan, chacun a mission de bien choisir ce qu’il met dans son assiette, et l’actualité (avec les farines de viande et la dioxine) s’est chargée de le rappeler.
Mais l’article d’Eric Ballaux sur les marées demandera un petit effort à ceux qui le liront, effort largement récompensé quand on en mesure toute l’importance. Depuis Galilée et Newton, nombreux furent les astronomes qui tentèrent l’interprétation du phénomène, usant de tout l’appareil mathématique disponible et, aujourd’hui, de l’ordinateur.
Or l’hypothèse simple émise par Eric Ballaux (un centre de rotation du système Terre-Lune distinct du centre de gravité commun) permet, semble-t-il, de calculer avec précision la force de marée à toute heure et en tout lieu, avec les connaissances scientifiques d’un bachelier. On comprend dès lors les difficultés qu’il rencontre à faire admettre sa théorie auprès des astronomes de métier.
Leibniz remarquait déjà que des progrès scientifiques décisifs proviennent d’amateurs éclairés qui sortent plus facilement des sentiers battus. Pensons à Wegener avec son idée d’une dérive des continents. Or Wegener n’était pas géographe, mais météorologiste, si bien que sa thèse connut 50 ans de purgatoire.
L’Imitation de Jésus-Christ nous exhorte à « considérer ce que l’on nous dit, sans chercher qui le dit » (L I, ch 5, §1). Les coutumes qui règlent les publications savantes procèdent à l’inverse. C’est pourquoi il nous revient de publier à l’occasion un article novateur dans un domaine scientifique : la vérité est une, et toute contribution à l’établissement d’une vérité partielle favorise aussi une vision du monde plus exacte, plus proche des intentions du Créateur, donc à même de nous rapprocher de Lui, de nous élever par une dialectique ascendante vers les vérités sublimes qui seules pourront abreuver notre soif de connaissance.
La société contemporaine impose doctrinairement le faux sur quelques points essentiels (la finalité, l’origine de la vie, la nature spirituelle de l’homme, etc.) afin de faire oublier l’omniprésence du Créateur et l’état de dépendance ou l’homme se trouve à cet égard, non pour sa perte mais pour un bien supérieur. La rubrique « Regard sur la Création » se présente ainsi comme l’antidote à une science toute matérialiste, pour nous établir dans un juste rapport avec les choses et avec leur Auteur : émerveillement ; étude ; reconnaissance.
Emerveillement devant l’ingéniosité infinie du Créateur ; étude attentive des faits en relativisant la portée des théories humaines ; reconnaissance pour tant de grâces dont l’acceptation nous comble. Sans ce triptyque salvateur, la science devient « ruine de l’âme », selon ces paroles du prophète : « Malheur à qui conteste avec celui qui l’a formé, vase parmi les vases de terre ! L’argile dira-t-elle à celui qui la façonne : « Que fais-tu ? » Ton oeuvre dira-t-elle : « Il n’a pas de mains ? » (…) Je fais reculer les sages et change leur science en folie… (…)
Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, vous tous habitants de la Terre, car je suis Dieu, et il n’y en a point d’autre. » (Isaïe 44 : 9 et 25 ; 45 : 22)