Foi et sciences de la nature

Par Roland Gérard

, , ,

Résumé : Le ministre de l’Education nationale, en France, écrit dans un livre à fort tirage, sans doute présent dans nombre de bibliothèques scolaires, que les textes sacrés pris dans leur sens littéral sont incompatibles avec la science actuelle. L’auteur fait ici justice de cette affirmation sommaire.

        Le christianisme est une religion « révélée ». L’autorité des textes de l’Ancien comme du Nouveau Testament est donc telle qu’ils doivent déterminer la réflexion des fidèles jusqu’à les conduire à des certitudes. Sans convictions, pas de salut.

        Néanmoins, il faut au croyant connaître la teneur fondamentale du message biblique. Pour nos pères, la question ne se posait pas, il était reconnu que les textes délivraient une Vérité concernant tant la foi et les mœurs que l’histoire du monde réel, et en particulier de l’humanité.

        Aujourd’hui, en ce siècle finissant, nous assistons à une multiplication de la connaissance scientifique, laquelle comprend l’analyse historique des événements. L’homme de science établit donc des lois et cherche à expliciter les faits qui s’y rapportent. En conséquence, pour lui, l’approche du monde réel ne peut se soustraire à l’obligation de décrire les causes ayant produit un événement, ou d’apporter des preuves observables.

        Il apparaît ici un risque concernant l’interprétation des textes sacrés. Certains, se contentant d’une lecture sommaire du récit biblique, se permettent de le considérer comme inapte à décrire la réalité, et lui dénient toute contribution à l’élaboration de la connaissance. A ce titre indicatif mentionnons le livre de Claude Allègre1 , l’auteur étant Ministre de l’Education Nationale en exercice.

         On y lit entre autres : « Les textes sacrés, quels qu’ils soient, sont incompatibles avec les connaissances scientifiques actuelles si on leur attache une signification littérale« .

        Quelle doit être la réaction d’un fidèle ? Faut-il composer, dans un esprit de tolérance, quitte à se résigner à limiter la portée du texte biblique aux questions de foi et de mœurs ? Ou faut-il lutter pied à pied, et montrer aux scientifiques qu’une lecture sereine des textes sacrés peut et même doit conduire à une compréhension plus fine de la nature ; et ceci dans l’ensemble des domaines susceptibles d’analyse objective, que ce soit la physique, l’astronomie, la biologie, la psychologie ou la sociologie ?

        Pour décider d’une attitude, reportons-nous à l’Evangile, et relisons dans Jean chapitre 3 l’entretien avec Nicodème. Jésus s’adressant à ce chef des juifs, docteur en Israël, lui dit : « Si vous ne croyez pas quand je vous dis les choses de la Terre, comment croirez vous quand je vous dirai les choses du Ciel ? ».

        Que faut-il entendre par « choses de la Terre » ? La suite du texte nous l’indique, puisque peu après il est fait référence à Moïse, le principal auteur de la Genèse laquelle, nous le savons, évoque la création du monde et les débuts de l’humanité. Et pourquoi ce grand prophète apparaît-il aux disciples le jour de la Transfiguration, sinon pour confirmer son autorité, suprême dans le judaïsme ? Mais Jésus ne se contente pas d’évoquer cette grande figure de la révélation biblique. Il s’implique lui-même? N’annonce-t-il pas dans Mathieu 24 (v 37-39) : « Tels furent les jours de Noé, telle sera la Venue du Fils de l’homme. Car de même qu’en ces jours d’avant le déluge les gens mangeaient et buvaient, prenaient femme ou mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche, et qu’ils ne surent rien jusqu’à ce que vint le déluge, qui les enleva tous, ainsi en sera-t-il de la venue du Fils de l’homme« . Quel fidèle pourrait prétendre que le déluge n’est ici qu’une image, dès lors que Le Christ en fait mention historiquement ?

        Les « choses de la Terre » sont donc tous les faits d’ordre physique, biologique, psychologique ou sociologique évoqués dans la Bible. Relisons encore : « Si vous ne croyez pas quand je vous dis les choses de la Terre, comment croirez-vous quand je vous dirai les choses du Ciel ? »

        Cette phrase est riche d’enseignement et nous implique fortement. Elle indique en premier lieu que les « choses de la Terre » et les « choses du Ciel » sont indissociables, et qu’il n’est pas question d’occulter l’approche du monde perceptible pour ne s’intéresser qu’au Royaume des cieux. La foi est un assentiment de l’intelligence : le mot « croire » a une portée cognitive et nous pouvons dire que le Christ établit une hiérarchie dans le savoir qu’il nous apporte en plaçant les questions de théologie au-dessus des questions de sciences de la nature, ces dernières étant un passage obligé pour accéder à l’intelligence des choses divines.

        Donc, si nous voulons perpétuer le message biblique, et en particulier le communiquer aux générations à venir, il faut commencer par défendre l’authenticité littérale2 du texte sacré, même et surtout lorsqu’il traite d’histoire naturelle. Une tâche essentielle est de réfuter les critiques publiques de la Bible. Il faut lutter pied à pied contre les sceptiques, et puisqu’il veulent des preuves, les leur apporter.

        Au début du siècle, a sévi le conflit entre les polygénistes et ceux qui considéraient Adam et Eve comme ancêtres biologiques de l’humanité. Le progrès de la connaissance, surtout dans le domaine génétique a permis de découvrir que tous les hommes sont issus d’un couple unique. Claude Allègre lui-même admet que sur ce point le récit biblique est confirmé.

        Peut-être la prochaine victoire  sera-t-elle de montrer que le Déluge a bel et bien eu lieu aux temps des premiers hommes. Sans doute saura-t-on expliquer ce qui a provoqué la chute d’une telle masse d’eau. Il faudra aussi retrouver l’immense plaine où des millions d’hommes ont péri noyés, et comprendre encore comment avec les moyens « rudimentaires » de son époque, Noé su construire une embarcation de grande dimension où il a vécu plus de sept mois en compagnie de sa famille et de toutes sortes d’animaux.     Autant d’axes de recherche fructueuse et passionnante : nous avons aujourd’hui toutes les données pour aborder cette question.

        C’est donc un devoir pour les chrétiens de s’investir dans la recherche scientifique : ce que Dieu nous suggère par le truchement de la Création ne peut contredire les paroles de Sa Révélation.


1 Claude Allègre, Dieu face à la science, Paris, Fayard, 1997.

2 Ndlr. Le sens « littéral » est proprement le sens voulu par l’auteur, le sens qu’il a en tête et qui lui fait choisir les mots, donc les lettres du texte. Ce n’est pas toujours le sens matériel, comme les critiques font semblant de le croire. Lorsque le psalmiste écrit que Judas est un « lion » il est clair que le sens littéral de « lion » est un sens imagé, désignant les vertus de force et de courage qui sont associées à cet animal. De même quand il est question de la « main » de Dieu (toujours au singulier d’ailleurs), il est clair qu’il s’agit d’une tournure de langage signifiant le pouvoir que Dieu exerce.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Retour en haut