Les versets colériques du Coran

Par Théophile Desailles

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Résumé : Depuis le 11 septembre 2001, les ventes du Coran (en traductions) ont bondi. Mais ceux qui entendent ainsi connaître l’Islam sont vite déroutés par les répétitions, le désordre et le faible contenu informatif qui caractérisent ce texte, comparé à la Bible. En rédigeant un « Petit Guide du Coran », Laurent Lagartempe a choisi une approche transversale en identifiant les thèmes qui se répètent de sourate en sourate, donc ceux qui agissent sur l’esprit des mahométans. On découvre alors qu’une masse considérable de versets (650 sur un total de 6235) sont des versets « colériques », appelant à insulter, exécrer, réduire ou trucider les « Kafirun », les mécréants qui refusent de croire (bédoins, païens, juifs et chrétiens). Cet exemple montre l’intérêt d’une telle approche pour entrer dans la psychologie de ceux qui soumettent leur esprit au Coran.

Le désir courant chez beaucoup de nos contemporains cultivés, de connaître vraiment ce que sont les musulmans et leurs divers degrés d’Islamisme, se heurte à plusieurs difficultés dont il faut commencer par prendre la mesure pour mieux en surmonter l’obstacle. Inutile d’insister sur l’énorme pression désinformatrice, dont la permanente stratégie consiste à gommer systématiquement tout ce qui est à inscrire au débit de l’Islam historique ou contemporain, en chargeant l’Occident chrétien de turpitudes multiples dont serait accablé le monde musulman.

La vérité sur l’Islam figure bien quelque part dans le flot de tout ce qui se dit et s’écrit, mais elle y est si submergée de mensonges et de faux-semblants qu’il est difficile d’y voir vraiment clair, même pour les esprits les plus avertis.  Or il existe un moyen simple et à la portée de tout un chacun, d’avoir accès direct à cette connaissance souhaitée, en évitant de se perdre dans le flot des informations médiatiques dont l’effet  est de nous désinformer plutôt que de nous informer.

Ce moyen consiste à s’adresser directement au Coran, livre si fondamental et si vénéré des musulmans que de lui découlent, non seulement leur attitude religieuse, mais aussi leur philosophie de la vie, leur éthique, leurs mœurs et leur droit civil et pénal. Au point que connaître le Coran c’est connaître l’Islam.

Cette idée de chercher la vérité en allant directement au « fondamental » de l’Islam n’est pas originale. Une traduction du Coran figure dans la bibliothèque privée de beaucoup de nos contemporains cultivés. L’emballement des ventes de traductions du Coran après le 11 septembre, correspond à cette pertinente réaction du public. Il y eut même à propos de ce succès de librairie, une très intéressante réaction musulmane : une autorité bien connue, s’adressant au public français dans un article de la grande presse parisienne, s’est inquiété de ce regain d’intérêt, tentant de dissuader le public de s’intéresser d’aussi près au texte lui-même du livre « sacré », arguant  du fait qu’il est hors de portée pour l’esprit occidental (sic) et qu’il est sage pour un non musulman de s’en tenir à ce qu’en disent les augures. Venant du clan qui précisément ne cherche qu’à donner le change, cette démarche confirme involontairement que le Coran lui-même donne la clé d’accès à tout ce que l’on s’ingénie à vouloir nous laisser ignorer. Il y a là un aveu indirect de la part des augures qu’en vérité l’Islam c’est l’islamisme et que l’islamisme c’est le Coran. Reportons donc toute notre attention sur le Coran.

Mais alors si toute vérité islamique est dans le Coran et si le Coran figure dans la bibliothèque de tout homme à la page, pourquoi le brouillard de désinformation n’arrive-t-il pas à se dissiper ?..  Tout simplement parce que les rares lecteurs venus à bout du livre entier n’arrivent pas à en saisir le sens,  et que la plupart renoncent après quelques courageuses tentatives. Un lecteur ordinaire ne peut en effet atteindre à la moitié de la sourate II sans que le livre ne lui tombe des mains. Il a tout de suite l’impression d’un discours hermétique tant il paraît désordonné, paroxystique, à la limite délirant ; et quelques tests exploratoires plus avant dans le texte, ont vite fait de le persuader que, s’il y a un message tant soit peu clair à percevoir dans le livre, il est de toute façon hors de sa portée.

Manifestement le Coran est un livre obscur, mais d’un type d’obscurité qui lui est propre et dont il est possible de s’affranchir lorsqu’on a bien compris de quel ordre est la difficulté à surmonter.  Nous ne sommes pas ici en présence d’un de ces textes orientaux prolifiques et nébuleux, genre Maharabhata, où se mêlent inextricablement, la poésie, la mystique, l’épopée…

Le Coran n’a rien à voir non plus avec l’un ou l’autre de ces textes gnostiques, prétentieux et chimériques, dont sont garnis les rayons des librairies ésotériques. Son texte tient en un peu plus de trois cent pages et ne se compose que de 6235 courts versets (au lieu des 200.000 vers de Maharabhata). Il n’y a donc aucune raison de ne pas arriver à en venir à bout, d’autant que rien dans les sujets traités n’est de l’ordre de l’abstraction intellectuelle ou spirituelle, au contraire tout y est extrêmement concret.  

Or la difficulté qu’oppose le livre tient en une phrase : par sa composition ou plutôt sa non-composition, le livre s’identifie à un puzzle désassemblé. Les 6235 versets s’étalent  dans l’ouvrage comme les pièces d’un puzzle, éparses sur une table en attente de recomposition de l’image globale sous-jacente à l’état désordonné. Il suffit de recenser les pièces et de les regrouper par classes d’affinité pour faire émerger le vrai visage du Coran et percevoir en toute clarté ce qu’il dit vraiment. On découvre alors ceci : autant l’étal désordonné des pièces paraît incohérent, autant l’image obtenue après assemblage est cohérente, d’une cohérence  aussi forte que celle que nous percevons dans la mentalité  musulmane ; ce qui n’est pas fait pour surprendre puisque justement c’est le Coran qui commande et détermine ce que sont les musulmans.

L’examen attentif de la seule sourate II suffit à démontrer ce caractère foncièrement désordonné et répétitif du Coran. On peut distinguer dans la suite des 280 versets de cette sourate, 23 séquences de discours se succédant sans transition ni logique :

Sourate II – « La Vache » : diatribes 1 – 20 ; apologie 21 – 26  ; diatribes 27 – 29 ; Torah 30 – 39 ;  juifs 40 – 48 ; Torah 49 – 73 ; juifs 74 -86 ; christianisme 87 – 91 ;  juifs 92 – 104 ; musulmans entre juifs et chrétiens 105 – 162 ; apologie 162 -164 ; diatribes 165 – 171 ; sharia 172 – 189 ; djihad 190 -195 ; sharia 196 – 200 ; diatribes 201 – 215 ; djihad 216 – 218 ; sharia 219 – 242 ; Torah  243 -252 ; apologie 254 – 260 ; christianisme 261 – 281 ; sharia 282 – 286.

Comme on peut le constater, ces  23 séquences de discours se récapitulent en une dizaine de thèmes répétés au moins deux fois dans le courant de la sourate. L’approche analytique étendue à la suite du texte montre que les sourates suivantes présentent elles-aussi ce caractère déstructuré, et qu’on y retrouve ces mêmes thèmes traités de la même façon en séquences désordonnées se succédant sans transition. Ayant établi ce constat,  la marche à suivre pour recomposer le puzzle est simple (mais laborieuse) : arrêter une liste limitée de thèmes principaux, repérer dans le livre les séquences  de chaque sourate se rapportant respectivement à chacun des thèmes et construire le tableau de cette répartition croisée. Cette analyse logique qui aboutit à récapituler tout ce qui est dit dans le livre entier sur chacun des thèmes retenus, permet de  travailler ensuite commodément sur chaque thème pour faire émerger ce qu’en dit vraiment le Coran. On s’aperçoit alors que l’ensemble du texte consacré à chaque thème dans tout le livre est lui-même chargé de répétitions, au point qu’un condensé de la moitié ou du tiers suffirait à l’exprimer complètement.

Ces répétitions ne manquent toutefois pas d’intérêt. A priori encombrantes et fastidieuses, elles ont pour inconvénient de lasser le lecteur et de le laisser perplexe, mais elles sont finalement ce qui permet d’aboutir à ce que l’on recherche, à savoir une perception claire et complète du message Coranique,  car dans ce cas précis du Coran, répétition vaut validation. En ce qui concerne par exemple le thème consacré à Moïse, les répétitions auxquelles il donne lieu font ressortir, par référence au récit biblique, ce que le Coran en retient, en omet ou en modifie ; elles soulignent  la forme particulière et le caractère de la version qu’il en produit, et finalement le sens qu’il lui donne dans le cadre du message global qu’il proclame.

Entre autres omissions significatives, il apparaît clairement que l’on  ne trouve trace dans les séquences se rapportant à Moïse ni de la Pâque, ni des approches ou de l’arrivée en Terre Promise, qui pour les Israélites sont les moments clé de leur religiosité, les actes fondateurs de l’Alliance, de la Promesse et de l’Election dont « Le Livre » (c’est-à-dire ici la Bible) les dit bénéficiaires. Les mythes fondateurs sont ce qui fait encore défaut à la nouvelle religion, ce dont elle aspire à faire l’emprunt aux religions du Livre, sans encore l’affirmer trop ouvertement, d’où le silence observé sur ces prérogatives impressionnantes des grands anciens. Plus étonnant encore, le silence presque complet sur les Dix Commandements, message divin absolument fondamental pour les chrétiens comme pour les juifs, qui ne semble pas avoir beaucoup retenu l’attention des musulmans.

Les séquences du Coran empruntées à l’Exode sont parfois assorties d’ajouts intéressants à analyser. Ainsi de l’importance donnée à un violent affrontement entre Abraham et son père lors de son départ de Chaldée, épisode absent de l’Exode et probablement emprunté aux écrits juifs. Le père menace le fils de le lapider s’il continue à vouloir le faire renoncer à son paganisme, et Abraham brise les idoles avant de partir.L’insistance donnée, dans le « Recueil », à cet épisode ajouté, s’inscrit dans la stratégie de persuasion des premiers « imam » consistant à mettre en scène un « croyant  sincère » affronté à sa famille ou à son « peuple rebelle », déformation systématique du caractère de tous les  patriarches  cités dans le Coran dans une version intransigeante et colérique qui n’est pas celle qui émane du texte de l’Exode. Le profil biblique d’Abraham est celui d’un chef nomade puissant, habile à gérer ses troupeaux et à protéger son clan, plus que celui d’un prédicateur ardent, en butte à l’hostilité de son entourage. Il fait preuve de générosité plus que d’intransigeance lorsqu’il plaide l’indulgence de Dieu en faveur de Sodome, de ruse plus que d’emportements. Le Coran en fait un personnage emporté, incompris de son peuple et furieux de l’être.

On s’aperçoit finalement que, sauf exception, tout récit emprunté à des écrits antérieurs à l’Islam (et le Coran n’est composé que de tels emprunts) appartient au  style colérique qui imprègne en réalité l’ouvrage entier. Le nombre des versets colériques repérables est au bas mot de 550 pour l’ensemble du livre, auxquels s’ajoutent une centaine d’autres versets moins outranciers, mais plutôt désobligeants pour ceux auxquels ils s’adressent.

Ces quelque 650 versets plus ou moins colériques conduisent au ratio global de 10% des 6235 versets du livre et de 1,8 en moyenne par page de texte (350 pages). Une telle fréquence confère au livre son caractère très particulier d’ouvrage d’intense et violente propagande. La seule sourate II en comporte plus de 40 : Ils sont dignes des pires insultes : ils sont comme des singes que l’on rejette (65) ; comme des bêtes (171), stupides (13), aveugles (18), à humilier (61), sans recours (270). Voués à la malédiction de Dieu (88 ; 159 ; 161), à la colère de Dieu (61), à la haine de Dieu (98), à la colère du Ciel (59). Chassez-les, combattez-les, tuez-les (191 ; 194 ; 244), Appliquez-leur la loi du talion (178 ; 179). Et l’inépuisable faconde islamique en matière d’insulte et de haine à l’égard de tout ce qui n’est pas musulman, se donne cours de façon absolument débridée dans tout le reste du livre :

Qu’ils meurent de rage (III 119), soient taillés en pièces (III 127), détruits (III 141) ;  jetez l’effroi dans leur cœur (III 151), combattez les clients de Satan (IV 76), saisissez-les, tuez-les où que vous les trouviez (IV 89-91), leur salaire sera d’être tués ou crucifiés ou d’avoir une main et le pied opposé coupés (V 33), coupez la main du voleur ou de la voleuse (V 38) ;  âme pour âme, oeil pour oeil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent, le talion pour les blessures (V 45).

Ces aimables apostrophes sont, dans le texte,  souvent ciblées spécifiquement sur l’une ou l’autre des  différentes catégories de non musulmans auxquels s’adresse le Coran : bédouins, païens, juifs, chrétiens… En réalité il n’y a pas à en faire le détail, car ces diverses catégories n’en font qu’une aux regards de l’Islam : tous appartiennent à l’uniforme et universelle catégorie des kafirun, dont Denise Masson donne la définition suivante :

« Il s’agit non seulement de l’attitude négative de ceux qui n’ont pas la foi, mais d’une incroyance voulue, coupable, une ingratitude à l’égard de Dieu… un refus de croire, qui constitue le péché inexpiable en cette vie et dans l’autre ; le péché qui entraîne forcément la damnation. Al kâfirûn  sont donc, à la fois… les incroyants, les infidèles, les impies, les renégats, coupables des plus  grands crimes»

Ce mot kafir est  fondamental dans le discours coranique, puisqu’il sert à distinguer on ne peut plus nettement les musulmans des non-musulmans, et que le couple de contraires qu’il détermine s’identifie à ces autres couples de contraires d’esprit manichéen : bien-mal, fidèle-infidèle, aimé-réprouvé de Dieu, sauvé-damné… Or il se trouve que les traducteurs en atténuent l’ostracisme en le traduisant par « incrédule » ou « incroyant », plus rarement par « mécréant », ce qui est encore bien faible eu égard à la définition qu’en donne Denise Masson.  « Maudit » ou, selon l’usage plus courant du vulgaire, « chien de païen » seraient des traductions plus conformes au sens du texte dans sa version arabe originelle. D’une façon générale le ton du livre est si paroxystique que chacun s’emploie de diverses façons à en atténuer la violence : glissements de sens par un subtil choix entre des mots ou des expressions synonymiques, enrobage de versets par des ajouts bienveillants…

C’est pourquoi la première partie de l’ouvrage de Laurent Lagartempe « Petit Guide du Coran »1, intitulée « Itinéraire des mots », passe en revue quelques-uns de ces procédés d’altération du sens par la manipulation pseudo-synonymique. L’effet d’altération joue d’ailleurs dans les deux sens : atténuation de sens lorsqu’il s’agit d’occulter la violence, amplification de sens  lorsqu’il s’agit par exemple d’aller complaisamment au devant de la légende mahométane.

Cette deuxième façon d’altérer le sens vrai du texte original s’exerce constamment à propos de mots essentiels comme « prophète », « Coran »… et bien entendu Mahomet, qui est complètement absent du Coran, mais qui figure abusivement comme intitulé de la sourate XLVII (les intitulés de sourate sont des ajouts décalés de plusieurs siècles par rapport au texte premier) et dont on ne trouve trace qu’à cinq reprises sous la forme hmd qui n’est ni un substantif ni un générique, mais un simple qualificatif emprunté à l’hébreux.

L’ouvrage comporte trois autres parties :

Itinéraire des thèmes : Présentation et commentaires du tableau de répartition des 6235 versets par sourates et par thèmes ; analyse et commentaires détaillés de chacun de ces thèmes.

Itinéraire des valeurs : Cette partie reprend d’une façon synthétique les éléments d’interprétation révélés par les approches analytiques de la partie précédente. L’auteur ne prétend pas à l’originalité en ce domaine plus fondamental et plus subjectif de la discussion sur les valeurs. Sa constante référence est  celle de « Judaïsme, christianisme et Islam » du regretté Père Antoine Moussali, dont il avait reçu l’autorisation et les encouragements.

Itinéraire des origines : Cette partie récapitule les apports les plus récents en matière d’histoire et de critique historique sur les origines religieuses et guerrières de l’Islam. Le Coran lui-même contient des éléments utiles à la compréhension de ces origines, que son obscurité de présentation dissimule, et que l’analyse par thèmes de la deuxième partie permet de percevoir. Les recherches se poursuivent, mais le scénario des origines commence à émerger de façon assez précise dans l’esprit des spécialistes. Laurent Lagartempe en donne une version éclairante en fin d’ouvrage.


1 Laurent Lagartempe, Petit Guide du Coran, Ed. de Paris, 2003, 25€ + port 5,33€)

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