A la recherche du dinosaure du Congo

Par William J. Gibbons

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A la recherche du dinosaure du Congo1

Résumé : Si les dinosaures étaient jadis bien connus des Anglo-Saxons (cf. Le Cep n°20 et 21), il n’est pas étonnant que des spécimens aient survécu dans les régions les plus reculées de la Terre. Les vastes marécages de l’Afrique Centrale restent en partie inexplorés. Des Congolais et des Pygmées évoquent avec terreur l’existence du Mokele-mbembe, monstre aquatique capable de renverser les pirogues et d’en tuer les équipages. William Gibbons rend ici compte des quatre expéditions qui l’ont amené au cœur de l’Afrique entre 1985 et 2002.

« Il y a toujours du nouveau en Afrique ». (Hérodote, 5ème siècle av.J.C.)

Une perspective sans doute des plus excitantes pour la science est que des dinosaures  puissent encore vivre dans les jungles lointaines du globe. L’Evolution et son exigence de longues périodes pour ses métamorphoses serait bien en peine d’accepter un dinosaure vivant. C’est pourtant l’histoire du Mokele-mbembe, une créature qui, selon quelques savants, pourrait bien être un dinosaure sauropode survivant. La seule région, aujourd’hui encore propice aux dinosaures, est celle des marécages vastes et inexplorés de l’Afrique équatoriale. Beaucoup des premiers rapports sur la flore et la faune de l’Afrique de l’Ouest et du Centre viennent des missionnaires et des explorateurs. En 1776, dans son Histoire du Loango, Kakonga et autres royaumes d’Afrique, l’Abbé Liévain Bonaventure Proyart mentionna un groupe de missionnaires français qui avaient trouvé dans la jungle les traces d’un énorme animal inconnu. Dans la traduction* de Pinkerton, publiée en 1914, on lit :

« Il doit être monstrueux, les marques de ses griffes sont visibles sur le sol laissant une trace d’environ 90 centimètres ».

En examinant la forme et la disposition des empreintes, ils conclurent qu’il ne courait pas, bien que les empreintes fussent séparées de 2 mètres 10 à 2 mètres 40 l’une de l’autre.

Des empreintes de cette taille ne pouvaient avoir été faites que par un animal de la dimension d’un éléphant, mais les éléphants n’ont pas de pieds griffus. Quel monstre cela pouvait-il être ?  En 1913, le gouvernement allemand décida de prospecter le Cameroun, alors sa colonie , et choisit le capitaine-baron von Stein zu Lausnitz pour diriger l’expédition. Von Stein fit le fascinant rapport d’une créature “très redoutée par les nègres de certaines parties du territoire arrosé par le Congo, l’Oubangui inférieur et les rivières Sangha et Ikelemba.” Ils appelaient l’animal Mokele-mbembe.

“L’animal serait de couleur brun-gris…sa taille proche de celle d’un éléphant. Il a un long cou très flexible. Certains parlent d’une longue queue musclée semblable à celle d’un alligator.

Les pirogues qui s’en approchent sont condamnées; les animaux attaquent aussitôt les embarcations et tuent les équipages mais sans dévorer les corps. On dit que cette créature habite dans les cavernes creusées par les rivières dans l’argile des coudes serrés de ses rives. Elle escalade les rives même en plein jour à la recherche de nourriture; son régime est entièrement végétarien “.

On entendit très peu parler du Mokele-mbembe jusqu’en 1976 lorsque l’herpétologiste James Powell, du Texas, voyagea au Gabon pour étudier les crocodiles de la forêt tropicale. Powell recueillit des histoires du peuple Fang sur un énorme monstre de la rivière, appelé N’yamala, et un sorcier local du nom de Michael Obang désigna dans un livre sur les dinosaures l’image d’un diplodocus comme étant le sosie du N’yamala qu’il vit jaillir d’une mare dans la jungle en 1946. Powell communiqua plus tard cette information au Dr. Roy P. Mackal, un naturaliste de l’Université de Chicago, Vice-président de la Société Internationale de Cryptozoologie. En 1979, Mackal et Powell se rendirent dans la République Démocratique du Congo pour enquêter sur le Mokele-mbembe dont Mackal pensait que le domaine d’activité se trouvait centré sur la région du Likouala, vaste zone de marécages saisonnièrement inondés laissée en blanc sur la plupart des cartes. Dans la ville septentrionale de Impfondo, sur la rivière Oubangui, Mackal et Powell rencontrèrent le révérend Eugène Thomas, de l’Ohio, un missionnaire en service au Congo depuis 1955.

Thomas avait entendu beaucoup d’histoires sur le Mokele-mbembe et il envoya chercher des témoins  de première main qui avaient vu le monstre. Au début Mackal avait peine à croire qu’il était sur la trace d’un dinosaure vivant. Pourtant chaque témoin était absolument catégorique pour dire que les images de l’apatosaurus et du diplodocus du livre de Mackal sur les dinosaures étaient les sosies du Mokele-mbembe. Selon Mackal :

« Les témoins décrivaient des animaux ayant de 4,50 à 9 mètres de long, comprenant surtout une tête, un cou et une queue.

La tête ressemblait clairement à celle d’un serpent, la queue était longue et fine et le corps était à peu près de la taille d’un éléphant ou du moins d’un hippopotame. Les membres sont courts et les pattes-arrière armées de trois griffes ».

Les animaux sont de couleur brun-rougeâtre avec  une crête plissée allant du sommet de la tête au bas du cou.

Tous les témoins s’accordent à dire que les Mokele-mbembe vivent dans les rivières, les ruisseaux et les lacs marécageux, qu’ils sont rares et dangereux. Le temps fit défaut pour Mackal et Powell qui rentrèrent aux Etats-Unis troublés par ces récits. En 1981 Mackal retourna au Congo avec une équipe plus importante et cette fois se dirigea vers le sud sur la rivière Likouala-aux-Herbes. Il essaya d’atteindre le lointain lac Tele, petite pièce d’eau peu profonde, située au coeur des marécages où au moins un Mokele-mbembe avait été transpercé à mort par les pygmées Bagombe en 1960. Malheureusement, les étroites voies d’eau conduisant au lac à partir de la rivière inexplorée Bai étaient encombrées d’arbres abattus, rendant le passage impossible aux lourdes pirogues. Il y eut un moment d’excitation lorsque l’expédition aborda un coude de la rivière juste au sud de la ville d’Epena. Une énorme créature avait soudain plongé près de l’autre rive, provoquant une vague de cinquante centimètres qui secoua la pirogue de Mackal.

Les crocodiles ne font pas un tel sillage et les hippopotames qui le font ne sont pas présents dans cette région car ils ont tous été chassés par les Mokele-mbembe, selon les Pygmées.

En 1981 également, Herman Regusters, un ingénieur de Pasadena, en Californie, conduisit sa propre expédition au Congo et parvint à atteindre le lac Tele.

Pendant leur exploration du lac,  Regusters et sa femme Kia observèrent un long cou gracile se terminant en tête de serpent qui émergea de l’eau à 9 mètres  environ de leur radeau gonflable. La créature fixa les explorateurs stupéfaits pendant quelques secondes de son regard froid de reptile avant de glisser silencieusement sous l’onde. Vers la fin de leur expédition les Regusters entendirent le hurlement déchirant d’un énorme animal s’enfonçant  dans le marécage, une nuit, près de leur campement. En 1983, le biologiste congolais Marcellin Agnagna conduisit sa propre expédition au lac Tele. Après cinq jours d’exploration des marécages entourant le lac, Agnagna et ses collègues repérèrent un gros animal se déplaçant dans l’eau. Il avait une petite tête comme celle d’un lézard, un long cou et un large dos. Agnagna voulut filmer l’animal avec sa camera Super-8, mais dans sa hâte il oublia de passer de l’objectif macro au télé-objectif. Une fois de plus la preuve filmée allait manquer au monde.     

Ma(qui parle ?) première expédition au Congo eut lieu de novembre 1985 à mai 1986, retardée à Brazzaville pendant plusieurs semaines par les lenteurs de la bureaucratie. Le pasteur Thomas eut la bonté d’utiliser ses relations dans les diverses administrations pour nous aider à démarrer. Finalement nous atteignîmes le lac Tele après cinq jours éprouvants dans une forêt dense où nous avons observé des gorilles, des chimpanzés, de gros pythons, des crocodiles et des tortues mais pas de grands monstres. Nous découvrîmes aussi que la peur du Mokele-mbembe était considérable chez les paysans congolais, ce qui rendait parfois très difficile de réunir l’information. Nos guides chassaient chaque jour et ils tuèrent une fois un singe que nous fûmes incapables d’identifier. Ses restes (la peau et la tête) furent conservés dans du formaldéhyde et présentés plus tard au British Museum d’Histoire Naturelle à Londres. Le singe fut ensuite classifié comme une nouvelle sous-espèce de Cerocebus galeritus ou singe cérocèbe sans crête.

Une seconde expédition fut lancée en novembre 1992 et servit aussi pour la livraison en urgence de fournitures médicales à la mission d’Impfondo où les missionnaires géraient une clinique gratuite. A cette occasion, nous nous dirigeâmes vers le nord sur la rivière inexplorée Bai et poursuivîmes vers le nord-ouest à travers d’épais marécages où nous trouvâmes deux petits lacs qui n’étaient même pas mentionnés sur les cartes.

Une fois encore nos guides avaient peur de cette région et nous dûmes abréger notre exploration des marécages. Bien que beaucoup des habitants de la région de Likouala sachent exactement où nous pouvions observer et filmer un spécimen de Mokele-mbembe , ils croyaient que de parler ouvertement de cet animal à des blancs étrangers est mortel. Seules la peur et la superstition  nous empêchèrent de faire une découverte majeure.

En 1994 la guerre civile éclata au Congo interdisant une troisième expédition. Je commençai alors à chercher un autre endroit en Afrique centrale pour continuer ces recherches et décidai de regarder de nouveau le Cameroun. Le sud du pays (limitrophe du Congo) à peine exploré, est encore riche en forêts luxuriantes, marécages et larges rivières profondes, exactement comme l’a décrit le baron von Stein en 1913.

En novembre 2000 je me rendis au Cameroun avec Dave Woetzel de Concord (New Hampshire). Nous fîmes équipe avec Pierre Sima, un camerounais qui chassait régulièrement dans la jungle avec les pygmées Baka.  Après l’achat de fournitures supplémentaires, nous nous dirigeâmes vers le sud par les pires routes imaginables. Nous passâmes le reste de notre temps  à avancer péniblement à mi-corps dans l’eau des marécages, allant d’un village de pygmées à un autre. Nos efforts furent récompensés par des récits de témoins oculaires sur l’activité du Mokele-mbembe entre 1986 et avril 2000. Bien que les Baka appellent ces animaux La’Kila-bembe, ils les décrivent exactement comme les Pygmées Kelle du Congo et confirment que des monstres habitent encore les rivières, marécages et ruisseaux du Sud-Cameroun.

Les pygmées disent aussi que le monstre a des protubérances tout au long de son cou, de son dos et de sa queue.

Ce trait physique des dinosaures sauropodes était inconnu des paléontologues avant 1991. Des informations furent aussi recueillies sur d’autres étranges animaux habitant , semble-t-il, la forêt et les marécages, dont un grand quadrupède armé d’une épaisse touffe sur le cou et de quatre cornes sur la tête. Nos témoins choisirent sans hésiter une image du triceratops comme étant le sosie de cet animal capable, disent-ils, de  tuer et d’éventrer des éléphants.

A notre surprise, à la différence des Pygmées du Congo, les Baka du Cameroun n’attachent pas de croyances surnaturelles ou mythiques aux animaux mystérieux du Sud-Cameroun et ils furent heureux de répondre à nos questions en donnant beaucoup d’informations à leur sujet. Comme test nous avons montré aux Pygmées des images d’autres animaux,  tels que l’ours d’Amérique du Nord, qu’ils ne reconnurent pas, donnant ainsi une preuve de précision et de véracité de leur récits. Enchantés de nos progrès, nous retournâmes à la maison stimulés par la certitude que nous avions bien avancé dans notre recherche du Mokele-mbembe.

En février 2002, je retournai au Cameroun accompagné de quatre chrétiens. Beaucoup de temps précieux fut perdu en difficultés pour trouver un moyen de transport adéquat. Cependant nous parvînmes à atteindre la région visée.

De nouveau à l’aide de notre ami Pierre Sima, nous avons interrogé de nouveaux témoins oculaires et rassemblé encore davantage d’information sur le Mokele-mbembe et autres animaux mystérieux de la région. Cependant c’était la saison sèche avec le niveau des rivières très bas et avec très peu de temps pour la recherche sur le terrain. Nous devrions revenir pendant la saison humide, la meilleure période pour observer le Mokele-mbembe de l’avis de presque tous les témoins.

Le lecteur me pardonnera le manque de précision sur le lieu exact de mon champ d’investigation car je crois fermement que nous sommes à un cheveu de localiser et de filmer un spécimen de Mokele-mbembe. Si Dieu le veut, je retournerai bientôt au Cameroun et ferai une fois encore équipe avec Pierre Sima. Peut-être qu’au cours de cette cinquième expédition, je filmerai enfin un spécimen du Mokele-mbembe, le dernier fossile vivant !


1 Repris de Impact n°349 (juillet 2002). I.C.R.  Aimablement traduit par Claude Eon.

*en anglais NdT

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