II. L’absence de signification chronologique des “datations absolues”, prouvée par la géologie et la paléontologie.

Par Marie-Claire van Oosterwyck-Gastuch

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              Si la profusion de données réunies au cours des nombreuses missions interdisciplinaires en Afrique, et plus spécifiquement en Afrique Orientale, n’ont absolument pas prouvé le “processus d’émergence” tant attendu des évolutionnistes, elles ont en revanche fourni d’impressionnantes preuves d’un grand cataclysme accompagné d’une inondation gigantesque ayant recouvert la terre entière en un temps guère éloigné du nôtre.

         Curieusement les faits expérimentaux, au lieu d’être logiquement interprétés comme rendant témoignage à un tel cataclysme, l’ont été en référence aux processus lents et uniformes de la théorie “tranquille” de Lyell qui fonde la géologie, en dépit de son évidente absurdité dans le cas présent. Les paléontologistes continuèrent d’opérer leurs “reconstitutions phylétiques” à partir de restes appartenant à des espèces différentes mais qui, affirmaient-ils, avaient évolué très lentement sous l’influence de “pressions de sélection” provoquées par des changements de climat au cours des derniers millions d’années. Et ces fossiles étaient toujours datés par isotope : c’était même la preuve de leur évolution progressive, disaient les paléontologistes, sans vouloir écouter les géochronologistes qui,  comme nous allons le voir, interprétaient leurs données de façon toute différente.

          Or, il est impossible de comprendre les erreurs commises par les paléontologistes dans l’interprétation des âges radiométriques, si l’on se désintéresse du contexte géologique et stratigraphique très particulier des “Rift valleys” où ces restes ont été découverts et si l’on ne possède pas quelques notions de minéralogie et de critallographie.

          Avant d’aborder ces sujets, je vais brièvement relater les acquis des missions interdisciplinaires envoyées en Afrique de l’Est et dans la région du lac Victoria, et montrer qu’il est impossible de les interpréter dans le cadre de l’Evolution du vivant.

  1. Problèmes posés par les datations isotopiques.

         Holmes (comme ses contemporains géologues), avait en effet bâti son “échelle des temps phanérozoïques” sur les idées confuses de son temps sur la formation des roches  et des minéraux silicatés.

          On croyait à l’époque qu’ils résultaient de “réactions  acide-base”, l”acide silicique” réagissant avec des “bases” telles que Na20, Mg0, etc. L’impossibilité de cristalliser la plupart des dérivés silicatés à température ordinaire – on n’obtenait que des gels – signifiait, pensait-on, que la cristallisation n’avait pu se réaliser que très lentement, sur des millions d’années, puisque ces minéraux cristallisaient par chauffage. Il fallait donc franchir une importante barrière énergétique, compensée à la température ordinaire par des durées très longues, affirmaient les experts qui ignoraient alors l’existence d’autres facteurs qui permettent cette synthèse en des temps souvent très courts (cf. van Oosterwyck-Gastuche, 1964, 1974 a et b, etc).

          A l’époque de Holmes, les meilleurs exemples de “vieilles roches” étaient les granites. Leurs composants, qu’on était incapables de cristalliser à haute température et encore moins à basse température, (quartz, feldspaths,micas) requéraient par conséquent des périodes extrêmement longues pour se former. Le granite – d’après les vues de Lyell reprises, on l’a vu d’Arduino – composait avec les gneiss la très ancienne croûte “archéenne” ou “précambrienne” dont la haute antiquité avait été confirmée par les premières datations radioactives de Holmes par U/Pb suivies par celles du précambrien d’Afrique par Holmes et Cahen (1957) par U/Pb et Rb/Sr. Cela n’empêcha pas que survinssent de nouveaux problèmes : des changements impressionnants dans les contenus isotopiques reliés à de mystérieux “événements” (ainsi, des “provinces” pouvaient soudainement rajeunir d’un milliard d’années), mais les données étaient très incohérentes. Ainsi, les sept cycles orogéniques mis en évidence pour l’Afrique par ces auteurs en 1957, et qui s’étendaient de 3200 à 620 millions d’années, n’avaient jamais été retrouvés ailleurs (Furon, 1960). Plus tard, Cahen et al. (1984) n’admirent plus que deux de ces “événements”, mais tout aussi mystérieux, on est bien forcé de le reconnaître.

          Autre point troublant : les contenus isotopiques des feldspaths et des micas variaient pour les mêmes granites et donnaient des âges différents et différents de ceux de la roche entière, âges dépendant encore de la granulométrie. De surcroît, pour une même roche, les résultats différaient selon la méthode (U/Pb, Rb/Sr, U/Th et même K/Ar). De plus il devint évident que les changements de température et l’arrivée de solutions influençaient les taux isotopiques. On expliqua les âges aberrants par l’altération des minéraux dont ils dérivaient et l’on prit grand soin de ne dater que des minéraux frais. Mais, même ainsi, les dates restaient chaotiques. On distingua entre “bons” et “mauvais” matériaux, les “bons”, délivrant les “bons” âges (“best values”), étant les structures les plus compactes : micas (biotites, phengites, muscovites) ou les feldspaths. Mais les données restèrent tout aussi incohérentes… La solution -d’une simplicité enfantine- avait déjà été trouvée par Holmes, on le sait : le tri des données en fonction de l’échelle de Lyell, elle-même obtenue à partir du tri des fossiles afin de prouver l’Evolution…

          Il est donc clair que “l’Echelle phanérozoïque” d’Holmes ne pouvait que corroborer “l’Echelle stratigraphique” de Lyell et les longues durées de l’Evolution… Mais les géochronologistes ayant compris que les taux isotopiques variaient pour des raisons étrangères au temps (nous les énumérerons plus loin), marquaient des réserves. Avec la découvertes de la méthode K/Ar, ils pensèrent avoir enfin mis au point une “horloge” fiable.

          Cette “horloge” dose l’Argon présent dans la lave (ou dans les minéraux constitutifs) qui provient uniquement -assurait-on à l’époque- de la désintégration du Potassium 40. Elle mesure par conséquent le temps écoulé depuis que la lave s’est répandue sur le sol. Alors, l’excès d’Argon qu’elle contenait s’est dégagé et s’est équilibré avec celui de l’atmosphère, marquant ainsi le “temps zéro” de “l’horloge”.

          Les mesures d’âge sur laves par K/Ar vont être largement exploitées pour dater les fossiles qu’elles recouvrent en se référant implicitement aux événements très lents de la “théorie tranquille” qui ont produit les sédiments dits “lacustres” ou “fluviatiles” entrecoupés de coulées de lave que l’on trouve sur des centaines de mètres d’épaisseur dans les Rifts Africains2

          Les données K/Ar ont non seulement servi à dater nos “ancêtres” dans les “reconstitutions phylétiques” que l’on connaît et qui ont soi-disant prouvé le “processus d’émergence”. Elles ont encore servi à déterminer l’époque des inversions magnétiques (Gauss, Matuyama, etc.) qui servent de références chronologiques à d’autres “évenements bien datés”, la durée des paléoclimats déterminés par le “thermomètre 018” par exemple.

          Or si la méthode K/Ar n’est pas fiable, c’est tout l’édifice des datations par isotope qui s’écroule.

          Tel est bien le cas, et je vais le montrer. Mais au début, les scientifiques ne s’en aperçurent pas. Et quand il s’en rendirent compte (je parle ici des géochronologistes) ils ne le dirent pas, du moins ouvertement, Et les paléontologistes ne voulurent pas comprendre ce qu’ils tentaient de leur dire.

  1. Datation des “ancêtres” de l’Homme découverts dans le Rift Oriental Africain

          Tout commença avec la découverte par Louis Basset Leakey de l’Australopithèque et des “choppers” à Olduvai, dont l’apparition remontait à 1,75 M.a. , selon une des premières datations K/Ar sur lave, celle  du “Bed 1″(Leakey et al, 1961).

          Dans leur manuel de référence “Potassium-Argon dating” (1979), Dalrymple et Lanphere montraient, par des exemples peu convaincants, comment ils avaient étalonné leur “horloge” et citaient avant tout la datation-modèle, celle du “Bed 1”. La date de 1,75 M.a. devait -affirmaient-ils- être préférée à d’autres données assez différentes, obtenues sur la même lave, en vertu de la chronologie établie par Holmes pour son “échelle phanérozoïque”. Leakey avait en effet découvert à Olduvai l’être que le monde scientifique attendait : le premier Singe bipède et tailleur de pierres. Il était donc l’ancêtre de l’Homme et le fossile devait par conséquent dater de 1,75 M.a. Et, en vertu des lois de l’Evolution, on le placera à la base du Pleistocène

          Ce n’est donc pas la date K/Ar qui a décidé de la chronologie, mais le fossile caractéristique et, in fine l’Evolution du Vivant qu’on dira avoir été démontrée par cette découverte, sans voir qu’on a vicié le raisonnement scientifique, et présenté les premisses en guise de conclusion.

          Et…les âges radiométriques ont, une fois de plus, été triés en fonction des critères subjectifs et spéculatifs qu’on connaît. On ne nous l’avait pas dit…

          Les dates K/Ar sont influencées par les solutions et les changements de température, reconnaissent encore Dalrymple et Lanphere. Celles-ci “remettent, du moins partiellement, l’horloge à zéro”. Ils insistent sur un “careful choice” des échantillons, qui doivent être inaltérés, évidemment.

          Mais même ainsi les “meilleurs minéraux” délivrent des âges étranges, c’est pourquoi il faut se référer à d’autres chronologies et de préférence, à celle de l’Evolution. Les paléontologistes se sentirent rassurés : l’âge “fossiles caractéristique” ayant été garanti par les plus grands spécialistes, les datations vont se multiplier, après avoir bien sûr été triées dans le sens “scientifically correct”.

          J’ai déjà parlé de la découverte embarrassante mais vite oubliée… de Richard Leakey en 1973, le “Skull 1470” (KNM 1470). Il avait trouvé dans les mêmes couches les restes de nombreux animaux, dont des Australopithèques.

          En 1978, Johanson découvre “Lucy” et la première “famille humaine” dans une région aujourd’hui désertique d’Ethiopie, l’Afar, dans les gorges de la rivière Awash, au voisinage d’un ancien lac, le paléo-lac Hadar. Le pays était autrefois arboré, riche en animaux divers et … habité par l’Homme. Mais l’attention des paléontologistes sera focalisée sur “Lucy”, squelette de femelle Australopithèque le plus complet trouvé jusqu’alors, daté -sur lave- de 3 M.a. Bien que sa mâchoire en V  et ses longs bras l’aient classée parmi les Singes, et qu’elle soit ” far from being of the genus Homo” (loin d’appartenir au genre Homo), sa petite taille (1m20) et sa constitution délicate lui conféraient les qualités rêvées pour une évolution ultérieure vers l’état humain. On verra en elle l'”Eve africaine”, la mère de l’humanité moderne.

          Lucy se tenait-elle debout ? On va discuter sans fin de la bipèdie des Australopithèques. Johanson pensait alors qu’elle ne pouvait se tenir debout que pendant un temps très court. Coppens, interrogé par les journalistes d’Historama (1991), faisait remarquer qu’elle devait se tenir debout, puisqu’elle taillait des pierres : c’est donc qu’elle avait libéré ses mains…

          La découverte de restes humains par Johanson, au même endroit, dans les mêmes couches datées de 3 M.a., sera occultée. Sa date trop ancienne dérangeait la théoire de l’Evolution, aussi ces êtres encombrants disparaîtront-ils et seront désignés désormais par “la famille” sans plus, ou par le numéro du site, en les considérant comme de simples “hominidés” puisqu’ils taillaient vraisemblablement des pierres (tout comme leur “ancêtre” Lucy…) Notons que Johanson n’avait pas découvert de trace d’industrie lithique au paléo-lac Hadar…

          En 1979, Mary Leakey (la veuve de Louis Leakey) découvre à Laetoli, non loin d’Olduvai, des empreintes de pieds humains dans une lave datée de 3,8 M.a.. ! Bien qu’elle ait également trouvé au même endroit des restes humains, ainsi que ceux de nombreux animaux (dont l’Australopithèque…), Mary Leakey ne va pas hésiter à attribuer les traces à ce dernier. Il marchait donc debout (il faut souligner qu’on n’avait pas encore découvert ses extrémités…). En présentant cet être étrange à tête de Singe et pieds humains, elle faisait remarquer avec émotion : “Ils semblaient si humains, si modernes pour avoir été découverts dans un tuf si ancien“. En effet, c’est surprenant. Surtout si l’on croit vraiment en la signification chronologique des “datations”…

          Chavaillon et al (1977) vont briser le tabou, mais pas pour longtemps. Ils ont découvert également dans les gorges de l’Awash à Melka Kounture (Ethiopie), des restes humains datés sur la lave de 1,5 M.a. accompagnés des “choppers” caractéristiques de l’industrie olduwaïenne. “Il est inutile de souligner l’intérêt de cette découverte“, signaleront-ils avant de la jeter aux oubliettes. Pourquoi l’homme ne serait-il pas l’auteur  de la fameuse industrie après tout ?… Tout mais pas ça ! On n’en dira rien.

          J’ai déjà cité en partie les conclusions des scientifiques réunis lors du congrès “Earliest man…”(1976) dont Coppens était un des éditeurs. Howell et Isaac s’étaient dits incapables d’identifier l’artisan de l’industrie lithique, on l’a vu.

          Ils ajoutaient encore :

          “Aussi, tant que nous n’aurons pas retrouvé plusieurs Hominidés leurs outils en mains, notre réponse restera largement subjective et spéculative“.

          Car ces Hominidés là, ils les avaient retrouvés : des hommes utilisaient encore ces outils, en Afrique et ailleurs. Mais ce n’était pas les “bons Hominidés” Ils vont donc préférer au témoignage des faits leurs réponses subjectives et spéculatives de toujours.

          C’est pourquoi Coppens affirmera sans complexes aux journalistes d’Historama qu’il lui semblait que c’était “Lucy” et ses congénères qui avaient taillé les “choppers” :    “La phase préhumaine, c’est celle de Lucy… Ces gens étaient debout, mais pas debout comme nous le sommes parce qu’ils avaient gardé l’aptitude de grimper aux arbres… Il me semble que ce sont les préhominiens qui sont les tailleurs de pierre, les premiers artisans…” (Coppens, 1991). Mais rien n’est moins sûr. Il fait encore remarquer : “J’avais toujours appris, avec mes vieux patrons, que l’Homo habilis était celui qui faisait l’oldowayen, ensuite que l’erectus faisait l’acheuléen, et ensuite que l’Homo sapiens était celui des outillages sur éclats. Or, en fouillant en Ethiopie, j’ai trouvé des erectus qui en étaient encore à l’oldowayen et d’autres à l’acheuléen… puis j’ai trouvé des sapiens avec des éclats et puis avec des lames c’est-à-dire des éclats plus petits à bords parallèles” (ibid.). Coppens à son tour reconnaît qu’il n’existe aucune preuve du dogme officiel : perfectionnement du type physique parallèle à celui de l’industrie… Et on se demande quel fut le rôle des “gens” de Lucy dans tout ce mic-mac ? Johanson (1996) va nous donner la réponse : l’industrie lithique ne serait apparue que 500.000 ans après la disparition des Australopithèques. Peut-on encore parler de science dans le cas présent ?

          On va trouver en Afrique, parmi une profusion de restes animaux et végétaux, des restes humains. Et une profusion de pierres taillées. Les ossements, les crânes, les industries lithiques seront datées sur lave et seuls les “bons âges” – ceux qui corroborent l’Evolution- seront retenus. Les autres disparaîtront. En fait, il existe des laves actuelles qui sont datées de millions d’années par K/Ar, de dizaines de milliers d’années par U/Th et qui recouvrent des ossements datés par C14 d’âges très récents (cf. Van Oosterwyck-Gastuche, 1994 c et d).

          Et tous : Leakey, Coppens, Johanson et bien d’autres encore, ont écrit des livres les glorifiants, eux et leurs découvertes. Où l’on découvre des reconstitutions phylétiques (toutes différentes) dérivées de fossiles caractéristiques (différente), mais très bien datés évidemment c’est même là le point essentiel. Ils parut encore des monographies très sérieuses (mais restées inconnues du public, j’en ai cité ici quelques unes). Parurent encore et surtout des reportages, des films et même des romans. Le monde entier sut qu’il descendait de “Lucy” et de ses congénères au teint gris d’Afrique de l’Est. On fit paraître des “arbres généalogiques” où les “Hominidés” se transformaient peu à peu, au cours des millions d’années, en Homo Sapiens-Sapiens (notre espèce) en passant par les stades intermédiaires d’Homo habilis et d’Homo erectus, aux noms éloquants. On décida qu’ils étaient les auteurs des industries lithiques (pauvre Robustus !).

          Ces reconstitutions sont largement des oeuvres d’imagination, mieux vaudrait le reconnaître. C’est pourquoi elle diffèrent les unes des autres et sont toujours âprement discutées. Aux journalistes d’Historama qui lui faisaient remarquer que la généalogie des ancêtres de l’Homme était devenue encore plus compliquée que celle des Habsbourg, Coppens répondait : “L’essentiel est dans le mouvement de transformation et d’adaptation… il y a un peu de complication dans le détail, mais celà ne change rien au grand schéma“. Car l’essentiel, est évidemment l’âge radiométrique du fossile, qui lui donne sa place dans  l’Evolution. Il est surpenant de voir avec quelle confiance naïve les paléontologistes se fient aux âges radiométriques (triés par les géochronologistes…) pour déterminer l’âge de leur fossiles. Un dernier témoignage, celui de Johanson (1996). Après des années troublées, l’Ethiopie rouvrait ses frontières aux étrangers. Johanson put enfin retourner sur le site où il avait découvert “Lucy” et sa “famille humaine” et nous rapporte, dans “Face to face to Lucy’s family” (Face à face avec la famille de Lucy), ses nouvelles découvertes.

          Il a trouvé d’autres restes d’Australopithèques : de femelles, mais aussi de mâles, et a pu enfin reconstituer leurs squelettes en entier. Il a aussi retrouvé 13 “Hominidés” du type de la “famille” (ex-humaine) et a pu faire dater ces restes de façon extrêmement précise par une nouvelle technique mise au point par Derek York à Toronto. Celle-ci consiste à mesurer l’Argon dégagé par un monocristal de feldspath isolé de la lave qui surmonte le fossile. Il a pu ainsi,  obtenir des âges K/Ar extrêmement précis, à plus ou moins 10.000 ans près3 , qui ont permis de dater le mâle de 3 M.a., la femelle de 3,18 M.a. et la “famille” de 3,2 à 3,4 M.a. Il fait encore remarquer que les mesures d’âges publiéen 1978 (qui tournaient autour de 3 M.a.) n’étaient que des évaluations…

          Déception : le mâle était puissant, massif, presque deux fois plus lourd et plus grand que la femelle et… tout à fait simiesque (pauvre Lucy !). Mais, dit Johanson, la femelle qu’il venait de découvrir et qui avait vécu 180.000 ans avant lui (foi de Derek York), n’était donc pas sa contemporaine, ils n’avaient pu s’unir (nous voilà soulagés !). Il rapelle que Meave Leakey (la femme de Richard, les Australopithèques sont leur affaire de famille) avait récemment découvert une variété plus ancienne (4,1 M.a.) et encore plus simiesque d’Australopithèque (l’anamensis) à Kanapoi, près du lac Turkana, ce qui confortait l’hypothèse de l’évolution progressive de cet animal exceptionnel.

          Johanson va-t-il enfin reconnaître que les Australopithèques, y compris les Afarensis, ne sont que des Singes ? Pas du tout ! Certes -dit-il- ils montaient aux arbres, mais ils étaient bipèdes. Il ajoute que ce point fait toujours l’objet de discussions, mais que les traces découvertes par Mary Leakey à Laetoli l’ont prouvé… Il reconnaît qu’il y a de nombreux scientifiques tels Randal Susman et d’autres encore qui, après avoir examiné leurs extrémités (finalement retrouvées par Johanson) y ont reconnu la courbure caractéristique des os des quadrumanes (l’horreur !)… Johanson cite l’observation sans y attacher d’importance. Il affirme encore que les Australopithèques ne sont pas les auteurs de l’industrie lithique : elle n’est apparue que 500.000 ans plus tard… (pauvre Holmes !). Où se trouve à présent la limite du pléistocene ?… Mieux vaut ne pas y penser.

          Qu’on n’aille surtout pas attribuer l’industrie aux “Hominidés” de “la famille” : ils sont trop anciens et n’ont d’ailleurs  pu évoluer, ayant été détruits lors d’une catastrophe, (les pauvres…!) Johanson, en soulignant la stratigraphie particulière de l’Afar où les couches fossilifères sont -comme partout dans les Rifts- entrecoupées de laves ou de cendrées, affirme que ce sont les conditions cataclysmiques exceptionnelles qui ont d’une part éliminé la “famille” (embarrassante), mais ont d’autre part aidé l’évolution de “Lucy” (pauvre Lyell !). C’est pourquoi Johanson conclut avec autorité : “L’Afarensis est bien l’unique espèce d’Hominidés de l’Hadar (et “la famille” ? Elle a eu la bonne idée de disparaître…) et le meilleur candidat au titre d’ancêtre commun de tous les Hominidés, y compris de notre espèce“.

          En effet. C.q.f.d. Mais toutes ces constructions reposent sur les critères spéculatifs et subjectifs qu’on sait et sur la valeur absolue des datations par isotopes.

(Suite et fin dans le prochain numéro)

Bibliographie (suite)

  • Holmes A (1965). Principles of physical geology Thomas Nelson ed., Londres, 1288 pp.
  • Cahen L., Snelling N.J., Delhal J., Vail J.R., Bonhomme M.and Ledent D. (1984). The geochronology and evolution of Africa, Clarendon Press, 496 pp.
  • Chavaillon J. Chavaillon N.Coppens Y et Semet B (1977) Présence d’Hominidés dans le site Oldowayen de Gombore à Melka Kunturé, Ethiopie. C.R. Acad. Sc. Paris. 285 série D, 961-963.
  • Coppens Y (1991). Le bilan des plus récentes recherches. Comment l’Homme est devenu Homme. Un dossier établi par G. Mouchard et G. Guicheteau. Historama enquête, 35-45.
  • Dalrymphe G.B. and Lanphere M.A. (1979). Potassium-Argon Dating. Principles, techniques and application to geochronology. Ed. Freeman and Cy. San Francisco, 257 pp.
  • Dalrymple G.B. and Moore J.G. (1968). Ar 40 excess in ubmarine pillow basalts from Kilauwea volcano, Hawaii. Sci. n°161, 1132-1135.
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  • Pickford M. (1985). L’écologie des premiers grands Singes. La Recherche n°163, 188-198.
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  • Van Oosterwyck-Gastuche M.-C. (1974 a). “La synthèse des argiles à pression et température ordinaire“. Leçon publique donnée          à l’occasion de la présentation de sa thèse d’agrégation de l’enseignement supérieur, 111 p. Bruxelles.
  • Van Oosterwyck-Gastuche M.-C. (1994 a). Une découverte russe : les Dinosaures ont vécu à l’époque actuelle. Science et Foi n°31,          17-18.
  • Van Oosterwyck-Gastuche M.-C. (1994 b). Les dinausores ont-ils vraiment 200 millions d’années ? Science et Foi n° 32,15-17.
  • Van Oosterwyck-Gastuche M.-C. (1974 b). Il est inexactde considérer que la transformation des roches en minéraux secondaires exige des temps considérables et des températures élevées (cf. notamment Harker, 1938 ; Jenny, 1941)- 1ère thèse annexe-Agrégation de l’Enseignement Supérieur, mini-édition.
  • Van Oosterwyck-Gastuche M.-C. Le radiocarbone face au Linceul de Turin.

2 On lira dans d’autres rapports que ces dépôts ont été produits par des événements cataclysmiques reliées à l’ouverture des rifts, lors d’une grande innondation, et à la remontée de l’asthénosphère.  A propos du Proconsul, l'”ancêtre” que nous avons pris comme exemple, Pickford (1985) fait remarquer que la stratigraphie des environs du lac Victoria a été mal interprétée, les sédiments “lacustres” étant en réalité des cendres volcaniques (le lac Victoria n’existant pas lorsque celles-ci s’étaient déposées), provoquant l’extinction des Grands Singes, dont le Proconsul, qui n’avait aucune des qualités qu’on lui avait reconnues sur des restes fragmentaires et qui n’était qu’un simple Singe après tout(pauvre Proconsul !)

3 C’est du moins ce que lui aura certifié Derek York. Mais Johanson ne sait pas que d’autres minéraux de la même lave, ou d’autres granulométries, auraient certainement donné des âges différents, et différents de ceux de la lave entière.

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