Partager la publication "La splendide épopée de Bubulle et Bertha"
Par François Thouvenin
Résumé(Projet de sketch informel commandé par Sylvain Pottens, spécialiste de paléontologie humaine mondialement réputé, afin d’illustrer et d’exalter encore un peu plus les Lois excellentes de l’Évolution dans les établissements scolaires, mettant ainsi les jeunes esprits à l’abri des superstitions créationnistes)
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Dis, Onc’ Fernand, c’est quoi, l’Évolution ?
C’est tout simple, Jérémy, je vais t’expliquer. Regarde bien tes mains et tes pieds ; tu les vois, n’est-ce pas ?
Oui.
Eh bien, un jour, il y a très, très, TRÈS longtemps, figure-toi que c’étaient des nageoires.
??????????…
Eh oui ! Il y a des millions et des millions d’années (au moins), un petit poisson – appelons-le Bubulle – en a eu marre de rester tout le temps dans la mer à manger des crevettes, et il a voulu aller voir ce qu’il y avait d’autre à manger sur la terre ferme. Seulement, ses nageoires ne savaient pas marcher, alors, c’est devenu des pattes.
Ouaaaa, trop coool !!… Comme ça, d’un seul coup ? Comme chez Harry Potter ?
Non, bien sûr, héhé ! Bubulle n’a pu avancer que de quelques centimètres sur la plage, parce que ses nageoires n’étaient pas assez fortes pour le porter. En plus, il ne pouvait pas respirer tout le temps à l’air libre comme nous, parce qu’il n’avait pas de poumons, seulement des branchies pour respirer sous l’eau. Alors, le pauvre a dû très vite retourner dans la mer pour manger des crevettes sans appétit et jouer sans entrain avec ses petits camarades, qui ont commencé par se moquer de lui sous prétexte qu’il crânait et qu’il s’était planté.
Ouaaaa, trop nuuuuls, les meeeecs !!… Et alors ? Qu’est-ce qui s’est passé ensuite ?
Bonne question ! Eh bien, comme Bubulle était un petit gars obstiné, il a quand même réussi à intéresser quelques copains à son idée, et ils ont été de plus en plus nombreux ensuite à essayer de faire mieux que lui. Et à mesure que passaient les millions et les millions d’années (au moins), les très, très, TRÈS lointains descendants de Bubulle et de ses copains-copines progressaient insensiblement, millier de générations après millier de générations, grâce à leurs exercices de musculation : d’abord un mètre sur la plage, puis deux, puis trois, etc. Et leurs branchies – pas folles – s’entraînaient à fonctionner de plus en plus comme des poumons. Parce qu’ils avaient de plus en plus envie de jouer ensemble sur le sable et de changer de régime alimentaire. Tu te rends compte de leur patience ?
Ah ouais !… Et après ?
Je te la fais courte : au bout d’autres millions et millions d’années (au moins), les nageoires de certains poissons étaient devenues assez fortes pour leur permettre de ramper un peu sur la plage, mais pas assez loin ni assez longtemps pour pouvoir y jouer tous ensemble et trouver à manger autre chose que des crevettes… Quant à leurs branchies, elles n’avaient pas encore complètement réussi à se transformer en poumons. Et puis, tiens-toi bien : UN BEAU JOUR, PAR HASARD (au bout d’autres millions et millions d’années, au moins), un très, très, TRÈS lointain descendant des descendants de Bubulle est né avec des pattes au lieu de nageoires, et des poumons au lieu de branchies !… C’est ddiiiiingue, hein ?… Alors, imité ensuite par tous ses descendants, il a définitivement quitté la mer, et même la plage, pour aller brouter les feuilles des arbres dans la forêt. On ne sait pas très bien pourquoi et comment se sont produites ces transformations (on les appelle mutations favorables), mais ça ne fait rien. L’essentiel – et ce qu’on sait en toute certitude –, c’est que ça s’est produit de cette manière. Il faut le croire, parce que de grands savants ne cessent de le répéter et qu’ils ne peuvent donc ni se tromper, ni nous tromper. Et voilà comment les descendants des descendants de Bubulle sont devenus des animaux terrestres !
Ouaaaa, ça déchiiiire !!…
Et attends : il y a encore plus fort. Tu connais les baleines ?
Oui, j’en ai vu à la télé !
Tu as donc remarqué qu’elles ont des nageoires ?
Euh…oui…
Eh bien, un jour, il y a très, très, TRÈS longtemps, ces nageoires étaient des pattes…
Ouaaaa, c’est géant !!……
Tu l’as dit ! Voici comment les choses se sont passées. Il y a très, très, TRÈS longtemps, une espèce de grosse bête – appelons-la Bertha – en a eu marre de rester tout le temps sur la terre ferme à brouter les feuilles des arbres dans la forêt, et elle a voulu aller voir ce qu’il y avait d’autre à manger dans la mer. Seulement, ses pattes ne savaient pas nager, alors, c’est devenu des nageoires, et la grosse bête qui marchait, c’est devenu une grosse bête qui nage…Mais ça a pris beaucoup, beaucoup, BEAUCOUP de temps, bien sûr.
Ouaaaa, trop toooop !!… J’ai compris : c’est comme les poissons, alors, mais à l’envers ?
Exactement ! Sauf que la baleine a gardé ses poumons, quitte à devoir remonter à la surface de temps en temps pour refaire le plein d’air. Quelle sagesse et quelle patience infinies il a fallu à notre Mère Nature pour trouver enfin la bonne solution aux problèmes de la grosse Bertha comme à ceux du petit Bubulle !… Et c’est la SCIENCE qui nous a appris tout ça ! Tu te rends compte comme c’est beau ?
Ouèèèè !! Trop morteeeel !! (……………………) Mais dis, Onc’ Fernand, l’aut’ jour, à la télé, y z’ont montré des drôles de poissons avec des gros yeux tout ronds, qui marchent par terre sur leurs deux nageoires, presque des pattes ! Même qu’y montent aux arbres, j’les ai vus ! Et y respirent presque aussi bien sur terre que dans l’eau. Alors, comment ça s’fait qu’ceux-là, y sont jamais dev’nus des animaux qui vivent seulement à terre ?…
(………..) Euh… Oui, je connais ça, bien sûr, ce sont les périophtalmes[1]… Mais c’est un mauvais exemple, donc à oublier. Ces êtres-là, tu vois, ce sont en fait des fossiles vivants, des velléitaires qui se sont arrêtés en chemin, coincés entre deux milieux… des inadaptés sociaux, en quelque sorte… des espèces de marginaux passéistes, complètement indifférents au Sens de l’Histoire, qui sont restés à la traîne parce qu’ils n’ont rien compris aux Lois d’airain de l’Évolution. Tu sais, il y a des idiots chez les poissons aussi, même encore plus bêtes que ceux qui n’ont jamais éprouvé le besoin de quitter l’eau, c’est tout dire !… Mais cet épiphénomène ne change rien aux Vérités Définitivement Révélées de l’Infaillible Religi…Science darwinienne.
Ah bon ?… C’est super, alors !… (???????……) Et les poissons, d’où est-ce qu’ils viennent, eux ?
Ah, ça, c’est encore toute une histoire, Jérémy, et je te la raconterai la prochaine fois qu’on se verra.
D’accord, Onc’ Fernand !
Par François Thouvenin
orthopaléontologue diplômé
L’I.G.I.O.E.S. (Inspection Générale de l’Impartialité et de l’Orthodoxie des Enseignements Scientifiques) recommande vivement l’adoption de ce sketch informel à des fins didactiques, depuis l’école maternelle jusqu’au mastère en sciences naturelles.
[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Periophthalmus