Le Professeur Henri Mo’Hderaï Baruk médecin hébreu (17 av 5657 — 1er tamouz 5759)

Par Alain Pin’has Desaint

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Le Professeur Henri Mo’Hderaï Baruk médecin hébreu (17 av 5657 — 1er tamouz 5759)1
Alain Pin’has Desaint2

Résumé : Les articles précédents ont signalé comment le Pr. Henri Baruk avait accompagné les derniers moments du Dr Berczeller. Cette brève note biographique fera connaître ce grand psychiatre (mort il y a un an et dont les « Mémoires » sont disponibles aux éditions Téqui). Baruk fit longtemps barrage au freudisme dans les milieux psychiatriques. Surtout il montra la valeur scientifique de la Bible et l’importance diagnostique et thérapeutique des grands concepts de l’anthropologie biblique.

Henri Baruk grandit à Sainte-Gemmes-sur-Loire (où son père, médecin-chef de l’hôpital psychiatrique, avait obtenu des autorités le remplacement de l’internement policier par l’internement volontaire en Haute-Loire. Son fils fera généraliser cette mesure à toute la France). Formation classique et musicale, excellent pianiste.

En 1917, il fut affecté comme médecin-auxiliaire au l2eme Régiment d’Infanterie. Lorsqu’une batterie allemande eut fauché tous les officiers, il commanda l’assaut la batterie fut prise… Croix de Guerre, trois citations.
Au début de sa carrière médicale, il fut confronté à un choix crucial : poursuivre avec le Pr. Claude, médecin-chef de Sainte-Anne, titulaire de la chaire de neuropsychiatrie et dont il était le dauphin, ou se mettre à l’école de Babinski à la Salpétrière. Ce dernier, grand savant, avait montré le rôle de la volonté et de son inhibition dans certaines psychopathologies : ce qui infirmait la conception organodynamique exclusive des localisations cérébrales de Charcot. Baruk, par conviction, préféra travailler avec Babinski. Henri Claude, disciple de Charcot, prit son élève en haine au point que Baruk, chef de clinique à Sainte-Anne, devait l’éviter.

Dès lors il précisa dans ses travaux expérimentaux sa conception de la “personnalité profonde qui sent, qui vibre et qui souffre”, et tenta de pénétrer les processus physiques de la volonté (recherche déjà considérée comme essentielle par Spinoza3), à contre courant de ce qui deviendra l’idolâtrie du cerveau, réduit à être qu’un centre moteur d’exécution de la volonté de la personne, du conducteur. Selon H. Baruk, il existe une dualité de causes aux troubles du comportement : les unes sont organiques et localisées au cerveau ; les autres sont diffuses et d’origines multiples
toxiques, affectives, etc… Il s’éleva contre les pronostics d’incurabilité, destructeurs, préférant l’effort patient en vue de la guérison. Contre la soi-disant étiologie organique de la schizophrénie selon Kraeplin, qui la calquait sur la paralysie générale (arachnitis chronique de Bayle), dans le but de pronostics fatals, H. Baruk démontra que la cause est d’ordre moral, sans lésions organiques. (Les nazis classeront les malades en curables et incurables, dont les schizophrènes). Il combatit Freud comme faux prophète4, car il avait libéré le YeTser HaRa (mauvais penchant) sans le YeTser HaToV (bon penchant), et a restauré le culte d’Astarté et le culte grec de l’instinct. La doctrine de Freud atteignit profondément l’occident chrétien et facilita la propagation du nazisme. Ne déclara-t-il pas aux magistrats viennois que les témoignages étaient sans valeur ? que l’important étaient l’inconscient et les désirs refoulés ? De plus, la psychanalyse freudienne développa une véritable culture des névroses, des explorations introspectives et de l’accusation systématique des parents, au lieu de faire appel aux forces propres du moi pour surmonter les difficultés personnelles.

Quant aux psychoses, selon Baruk et à l’inverse de Freud, Baruk affirme que ce ne sont pas des destructions de fonctions et qu’elles sont éminemment curables.

Freud, après un séjour à la Salpétrière chez Charcot, avait suivi à Nancy l’enseignement de Bernheim (qui s’était méfié de lui, dit Baruk).

La fermeture de la Maison Nationale de Charenton avait été votée en 1920. L’atmosphère de l’établissement continuant de se dégrader malgré le sursis accordé, le gouvernement envisagea sa fermeture définitive. En 1931, Baruk accepta d’en être le dernier médecin-chef avant fermeture. Il y supprima les moyens de contention à nouveau pratiqués. En trois années d’une lutte héroïque, il rétablit la paix dans le célèbre hôpital d’aliénés qui fut dirigé par Royer-Collard, Bayle, Esquirol (élève de Pinel), Parchappe, et qui redevient une référence mondiale. Comment ? Par des enquêtes approfondies et l’examen critique des témoignages comme le recommande la Torah. Peu à peu le personnel comprit cette méthode. Mauvais traitements, accusations et faux témoignages compliqués de fatalisme et de culpabilité engendrant le mécanisme du bouc émissaire, cessèrent… Cependant cette vérification permanente lui valut un furieux coup de pierre frontal au cri de “mort aux juifs !” par un infirmier paranoïaque de Charenton qui plus tard le dénonça aux nazis, mais finit lynché par la population à la Libération.

Il fut très actif au centre de la résistance juive rue Amelot. Puis il s’engagea dans plusieurs oeuvres juives et de médecine hébraïque en France, en Israël et dans le monde. Il fut vice-président, puis président d’honneur, de la synagogue rue Buffault.

Dans le cadre de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes à la Sorbonne, il fonda le laboratoire de psychopharmacologie (qui fut financé par la Fondation Rockefeller) où il mettra en évidence le rôle des toxines se répandant par le sang et troublant la personnalité. Il expérimente aussi à Amsterdam avec de Jong (bulbocapnine puis scopochloralose et colibacille intestinal). Ses conclusions biologiques et thérapeutiques furent reprises et vérifiées mondialement, prouvant ainsi expérimentalement l’affirmation de la Torah: “l’âme de la chair qui fait sa vie est son sang”(Gen 9,4-5).

“L ‘expertise qu‘il fit de la chlorpromazine (neurotrope de Delay et Deniker) sur toute la série des vertébrés, est un modèle expérimental qui fait date dans l’histoire des sciences” (Dr L. Bauer).
Lauréat à l’agrégation de neuropsychiatrie en 1946, il fut élu par ses pairs professeur “sans chaire” à la Faculté de Médecine de Paris, celle de neuropsychiatrie ayant pour titulaire Lévy-Valensi puis J.Delay successeur de H. Claude.

Son expérience de Charenton lui inspira le test Tsedek2, appliqué dans le monde entier, mettant en évidence l’universalité de la notion de justice. Il en induit que ce sentiment irréductible de justice et d’injustice est le propre de l’humanité qui seule a institué des tribunaux. Il développa l’étude du TseDeQ biblique en tant que science de la paix inaugurée par l’alliance des patriarches avec HaSheM3. Dès lors il apprit à fond l’hébreu et l’araméen, langues de la Bible et du Talmud qui à ses yeux sont des traités de sciences humaines, Da‘aT en hébreu signifiant connaissance et non religion, science inspirée aux patriarches, expérimentée puis révélée BaMiDBaR, “dans le désert” du Sinaï4. Il pratique la thérapie basée sur la confiance qu’il nomma “chitamnie”. Lorsqu’on lui demandait comment il parvenait à de tels résultats, il répondait “en étudiant l’hébreu”.
Il écrivit en dix-huit mois, son Traité de Psychiatrie (commandé par les Editions Masson, 1959, 1670 p., avec bibliographie encyclopédique).

Il créa le Centre de Psychiatrie Sociale et la Société Moreau de Tours (Annales Moreau de Tours, 5 Vol., P.U.F.).

Il était président de la Revue d’Histoire de la Médecine Hébraïque qu’avait fondé le Dr I. Simon, et patronna le Pr Laignel-Lavastine. En 1963, Masson inventoriait 557 publications du Pr H. Baruk.
En 1977, une double épreuve survint : sa femme fut atteinte d’hémiplégie et d’aphasie. Pendant dix ans et demi, il la soigna avec amour, renonçant à tous les voyages et conférences qui lui étaient demandés dans le monde : “L’homme doit porter sa femme”. Outre leur affection encore augmentée, sa vie professionnelle s’intensifia. Les patients des plus petits aux plus grands de ce monde, et les consultations sur beaucoup de sujets, affluaient du matin au soir. Il intervenait ou répondait systématiquement à tous les courriers qu’il recevait. Il écrivit plusieurs ouvrages et plongea toujours davantage dans les textes bibliques. En 1987, Mme Shushana Baruk née Sorano, lui fut brusquement enlevée. Cette suprême épreuve lui fit réaliser personnellement l’existence, déjà perçue dans la personnalité profonde, de la NeShaMa5, l’âme divine en nous, qui ne meurt pas à la différence du NePheSh, âme biologique. Il continua son action sans relâche, identifiant complètement science et foi. A 101 ans passés, une fracture du fémur l’immobilisa chez lui. Malgré les soins attentifs de M. Fialho, cette inactivité forcée l’affaiblit considérablement en quelques mois. Son esprit écartait toute considération accessoire, allant directement au IkaR, à l’essentiel, l’amour de la vie qui nous est donnée, l’amour du prochain. Sans souffrance, il fut emporté dans un baiser de D. dont il fut le serviteur courageux et inspiré. Que son enseignement et son œuvre nous ressourcent.
(Soukot6 5760)


115 août 1897- 15juin 1999

2 Alain Desaint, connu des lecteurs du Cep par son article ‘Regard biblique sur l’alimentation’ (Le Cep n°6) doit à H. Baruk sa découverte des profondeurs salvifiques du texte sacré. Il fut son collaborateur, notamment pour l’édition du “Message des Patriarches hébreux” (Paris, Colbo, 1990).

3 Baruch d’Espinoza (1632-1677), philosophe issu d’une famille de Marranes portugais. Excommunié par les autorités juives dès 1656 ; un des grands penseurs du naturalisme moderne.

4 Isaac Doryon, Freud et le monothéïsme hébreu. “L’homme Moïse”, Jérusalem 1971. Préface et traduction de l’hébreu par H. Baruk et M. Weisengrum, éd. Zikarone, Paris 1972.

2 Le test “Tsedek”, le jugement moral et la délinquance. H. Baruk et M. Bachet,. P.U.F., Paris 1950.

3 Ndlr. HaSheM: Le “Nom”, l’une des manières de désigner Dieu sans le nommer, en hébreu rabbinique. C’est ainsi que les Septante ont traduit le tétragramme YHWH par “le Seigneur” (o kυpioσ, en grec, de là le “kyrié” liturgique), tandis que la version éditée par le rabbinat français (Bible dite de Zadoc-Kahn) traduit souvent par “l’Eternel”. Saint Jérôme avait suivi l’exemple des Septante et l’on est en droit de se demander si les raisonnements pseudo scientifiques dont on justifie le moderne “Yahvé” sont véritablement inspirés d’en-haut (cf.Jean-Marie Mathieu, Le nom de Gloire, éd. Désiris, 1992).

4 Ndlr. « BaMiDBar », premier mot et donc titre du livre de l’Exode en hébreu.

5 Des hommes comme nous. Mémoires d’un neuropsychiatre, p. 37O, éd. Téqui, 1990 (lère éd. chez Robert Laffont, Paris 1976).

6 Ndlr. Fête des Tabernacle de l’an du monde 5760. Il existe en effet un écart de 240 ans entre le calendrier hébreu moderne ou le calendrier maçonnique et le calendrier de la Vulgate qui fait naître le messie après 4000 ans.

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