Partager la publication "Sur les expériences de Lenski"
Par Demongeot Arthur1
Résumé : Depuis 30 ans, à l’université du Michigan, le Pr Richard Lenski conduit une série continue d’expériences « d’évolution en acte ». Il cherche à transformer des lignées de colibacilles, ces bactéries se repoduisant en moins d’une heure. À l’échelle humaine, ce serait donc des millions d’années d’évolution qu’il aurait simulées ! Résultat : une lignée est désormais capable d’assimiler le citrate de son milieu de culture. Mais ce n’est nullement une fonction nouvelle, comme le proclament à l’envi les sectateurs de l’évolutionnisme. On verra, ici, qu’il s‘agit en réalité d’une régression, d’une perte de fonctionnalité, comme lorsqu’un interrupteur reste « collé » en position de passage du courant.
Contrairement à ce qui est suggéré par le prêt-à-penser scientifiquement correct, la polémique évolutionnisme2 / création3 n’est pas une controverse opposant science et pseudoscience, progrès et obscurantisme ou connaissance et croyance, mais un débat scientifique portant sur la définition précise de ce qu’est l’évolution.
Est-elle, comme le postulent les darwinistes, un processus créateur capable d’engendrer de nouveaux organes, de nouveaux processus cellulaires, de nouveaux réseaux de gènes interconnectés et de transformer substantiellement les organismes ? Peut-elle produire de l’information codante originale, de la complexité ? Est-elle dotée de pouvoirs transformateurs, complexificateurs, organisateurs et créateurs ?
Ou bien est-elle, comme le postulent les antiévolutionnistes, un processus agissant sur les accidents et non sur les formes, impliquant le simple passage de la puissance à l’acte de potentialités génomiques propres à chaque « espèce » ?
L’évolution, c’est-à-dire le couple hasard / sélection peut-elle créer une information génétique originale ou se contente-elle de légèrement modifier, altérer, déplacer, dupliquer, échanger, ou encore détruire une information génétique préexistante ?
Les évolutionnistes affirment qu’indéniablement, l’évolution peut produire de l’information génétique originale (apparition de gènes de novo, transformation substantielle de gènes préexistants, etc.), mais sur quoi cette certitude repose-t-elle ? À vrai dire, sur pas grand-chose, mis à part leur croyance selon laquelle l’évolution allant depuis les molécules jusqu’aux organismes actuels serait un fait.
Leurs contradicteurs, quant à eux, estiment que l’évolution n’est pas dotée de telles facultés, qu’elle n’est pas créatrice et qu’en définitive, l’apparition d’une information génétique et sa modification sont deux questions distinctes. La première implique l’intervention d’une intelligence ordonnatrice, nécessite un acte créateur spécifique, tandis que la seconde peut effectivement s’expliquer via l’action des causes secondes. Ainsi, l’être ne s’explique pas par le devenir ; l’apparition de l’information génétique ne s’explique pas par sa modification. De plus, l’évolution est majoritairement régressive, les mutations n’ont aucun mal à casser des choses complexes – ce qui peut à l’occasion procurer un avantage sélectif –, mais, en revanche, imaginer que des mutations puissent construire graduellement des choses entièrement nouvelles, des processus cellulaires complexes, hautement régulés et interdépendants, via un processus aveugle et inintelligent de type darwinien, relève de l’utopie et s’avère être contredit par toutes nos observations empiriques et nos expérimentations.
L’expérience de Lenski permet de jeter un éclairage très intéressant sur cette discussion. Tentative la plus audacieuse jamais initiée pour tenter de prouver la véracité de la théorie de Darwin, elle est utilisée à la fois par les évolutionnistes et par leurs contradicteurs pour justifier leurs hypothèses. Voyons cela en détail.
Une équipe de recherche dirigée par le Pr Lenski étudie les changements génétiques chez une population de bactéries Escherichia coli (E. coli) depuis 1988, soit une trentaine d’années.
Les bactéries ont la capacité de se multiplier ou de muter extrêmement rapidement, et constituent par conséquent un excellent modèle pour étudier l’évolution (leur évolution est bien plus rapide que celle des organismes multicellulaires complexes). Cette population a passé le cap des 50 000 générations en 2010 et en est rendue à ce jour – en 2019 – à environ 70 000 générations. Afin de mieux nous figurer ce que représentent ces chiffres, notons qu’approximativement 100 générations d’hommes nous séparent de la naissance du Christ. Ainsi, à l’échelle humaine, ces 70 000 générations représenteraient environ 1,5 millions d’années, ce qui est gigantesque.
Mais contrairement à ce qu’espéraient les darwiniens, ces dizaines de milliers de générations n’ont abouti à aucune transformation évolutive spectaculaire. Bien que les génomes aient énormément varié au cours de ces 30 années, les bactéries E. coli sont restées des bactéries E. coli. Les scientifiques ont relevé des variations de taille, d’épaisseur de membrane ou de vitesse de division, mais aucun changement majeur n’a pu être détecté.
Toutefois, une « nouvelle » capacité est apparue chez certaines bactéries au bout de 30 000 générations, faisant ainsi dire aux darwinistes que cette expérience aurait validé leur théorie et « battu en brèche la thèse de la complexité irréductible4 ». Tout cela est en réalité faux et il suffit d’examiner en détail les résultats de cette expérience pour le démontrer.
En milieu aérobie (milieu contenant de l’oxygène), les bactéries E. coli sont ordinairement incapables de « consommer » le citrate (acide citrique), et si du citrate est présent dans leur milieu nutritif, elles ne l’absorberont pas, ne l’importeront pas au sein de leur organisme. Toutefois, et bien que ce citrate ne puisse pénétrer à l’intérieur de ces bactéries en milieu aérobie, elles le fabriquent et l’utilisent car c’est l’un des intermédiaires du fameux cycle de Krebs via lequel elles produisent de l’énergie en présence d’oxygène. Le citrate est donc déjà présent dans la cellule qui le métabolise, bien qu’elle ne puisse l’extraire à partir de l’environnement.
Il est produit à partir d’oxalocacétate et d’acétyol-CoA, puis est utilisé et transformé en D-isocitrate, lui-même transformé en α-kétoglutarate, et ainsi de suite…
En milieu anaérobie (absence d’oxygène), les choses sont différentes. Ici, le citrate contenu dans le milieu nutritif peut être prélevé puis est consommé via le processus de fermentation. Un transporteur membranaire (protéine) permettant l’entrée du citrate dans la cellule est exprimé (fabriqué) spécifiquement à cette fin en milieu anaérobie, mais celui-ci n’est pas exprimé lorsque la bactérie est en présence d’oxygène. Ainsi, le citrate peut être métabolisé par la bactérie en absence comme en présence d’oxygène, mais ne peut pénétrer à l’intérieur de la cellule que dans le premier cas.
L’équipe de Lenski observa que certaines bactéries avaient L’équipe de Lenski observa que certaines bactéries avaient acquis la capacité de consommer le citrate présent dans le milieu de culture en milieu aérobie, ce qui habituellement n’est pas possible. Puis, en analysant les génomes, elle mit en évidence une mutation ayant entraîné l’expression continuelle du transporteur du citrate. Autrement dit, cette protéine, qui normalement n’est exprimée qu’en milieu anaérobie, se retrouva exprimée en milieu aérobie et en milieu anaérobie. Le citrate pouvait ainsi pénétrer dans la bactérie en présence d’oxygène – ce qui était jusqu’alors impossible (mais inutile) – puis être catalysé via le cycle de Krebs puisque, comme nous l’avons vu, cette molécule est un intermédiaire dans ce cycle. D’autres petites mutations permirent d’ajuster le cycle de Krebs afin de l’adapter à la quantité de citrate désormais disponible dans la bactérie. Ces modifications sont mineures : variation de l’expression d’une protéine (DctA) et variation de l’activité d’une enzyme (citrate synthase).
Contrairement à ce que l’on peut envisager de prime abord, la mutation ayant entraîné la présence permanente du transporteur (en milieu anaérobie et en milieu aérobie) n’a en réalité produit aucune nouvelle information, mais a simplement aboli la régulation de l’expression de cette protéine.
Le gène codant pour le transporteur du citrate était auparavant placé sous le contrôle d’un promoteur5 actif en absence d’oxygène et inactif en sa présence. La mutation identifiée par Lenski et son équipe, plaça ce gène sous le contrôle d’un autre promoteur qui, contrairement au précédent, est actif en présence comme en absence d’oxygène. Le gène s’est ainsi retrouvé continuellement exprimé. En définitive, la mutation n’a donc pas créé de nouvelles séquences génomiques actives mais simplement réagencé des séquences préexistantes, ce qui correspond tout à fait aux hypothèses et aux prédictions antiévolutionnistes. En revanche, cela ne saurait valider la prédiction évolutionniste majeure selon laquelle l’évolution serait capable de produire de l’information génétique originale. Ici, rien de tel n’a été observé et, en vérité, cela n’a jamais été observé nulle part.
En résumé, les bactéries, qui n’étaient capables de métaboliser le citrate qu’en milieu anaérobie, sont devenues capables de le faire en milieu aérobie, et ceci est dû à la perte de la régulation d’un transporteur membranaire. Comme à l’accoutumée, il s’agit d’une évolution régressive, d’une perte de complexité, ce qui ne saurait justifier la thèse d’une évolution créatrice, complexificatrice et transformatrice.
Prenons l’image d’un interrupteur permettant normalement d’éteindre ou d’allumer la lumière dans une pièce. Imaginons qu’une anomalie entraîne l’activation perpétuelle de cet interrupteur et le rende ainsi incapable d’éteindre la lumière. Aura-t-on assisté à une augmentation de la complexité de ce dispositif ? Aura-t-il évolué positivement ou bien aura-t-il perdu sa fonction ?
Laquelle des deux situations sera la plus complexe : une porte s’ouvrant et se fermant en fonction de la teneur en oxygène présent dans l’air, ou une porte continuellement ouverte ? Une protéine dont l’expression varie en fonction de la concentration ambiante en oxygène ou bien une protéine constamment exprimée ?
Finalement, l’acquisition de cette « nouvelle capacité » n’est qu’un simple interrupteur on / off n’impliquant aucune hausse de complexité, ce qui concorde parfaitement avec la thèse d’une Conception du vivant, mais ne saurait valider les hypothèses évolutionnistes et encore moins « battre en brèche la thèse de la complexité irréductible ».
Cette expérience impressionne, car elle a été réalisée sur de très nombreuses années. Le « nouveau » caractère est apparu au bout de la 30 000e génération, soit environ une dizaine d’années.
Notons toutefois que d’autres équipes de recherche ont par la suite observé cette même capacité apparaître en quelques jours seulement, dans des conditions de sélection plus « stringentes »6, ce qui tend à démontrer que le hasard n’a rien à voir avec cela, mais que cette évolution est préprogrammée et ciblée afin de permettre aux bactéries de s’adapter rapidement.
Les bactéries sont indispensables et jouent un rôle essentiel dans le maintien de l’ordre de la vie sur Terre. Notre corps en contient plus qu’il ne comporte de cellules : c’est ce qu’on appelle le « microbiote ». Ces bactéries sont impliquées dans d’innombrables processus biologiques et la plupart des espèces – animales ou végétales –֪ ne pourraient survivre sans elles. Il est par conséquent crucial qu’elles puissent s’adapter rapidement aux aléas du milieu et sont, à cette fin, dotées d’un fabuleux potentiel d’adaptabilité leur permettant d’exercer leurs fonctions en toutes circonstances.
Si les bactéries disparaissaient, suite aux variations du milieu et étaient incapables de s’adapter, la vie se serait éteinte depuis fort longtemps.
En résumé, l’expérience de Lenski, présentée dans tous les manuels de biologie comme un flamboyant exemple de la puissance prédictive et explicative de la théorie de l’évolution, exemple dans lequel une capacité originale apparaîtrait, est en réalité un nouvel exemple d’évolution régressive. Cette « nouvelle capacité » ne résulte en définitive que de la disparition d’un interrupteur on / off, via une mutation permettant l’expression continuelle d’un transporteur membranaire qui n’était auparavant exprimé que dans certaines conditions.
Cette expérience montre en outre que, contrairement à ce que prétendent les promoteurs de l’évolutionnisme, les darwino-sceptiques ne nient nullement les données factuelles présentées par les scientifiques. Ils en donnent simplement une interprétation différente, une interprétation bien plus proche de la réalité que celle de nos grands prêtres du scientisme institutionnel, qui présentent toute évolution comme une preuve en faveur de leurs croyances, sans réaliser que, bien souvent, ce qu’ils présentent démontre l’inverse de ce qu’ils prétendent.
Pour que l’évolutionnisme puisse devenir scientifiquement crédible, il faudrait montrer que l’évolution est capable de produire de la complexité, de l’information génétique codante originale. Or cela ne sera jamais observé, car l’apparition d’une information codante et sa modification sont deux problématiques distinctes. La source des errements darwiniens est idéologique : l’évolutionnisme, avant d’être une théorie scientifique, est avant tout une philosophie consistant à faire primer le devenir sur l’être. Tant que ces scientifiques chercheront à justifier l’apparition de l’information génétique par sa modification, ils n’auront pas accès aux réponses et resteront enfermés dans leur monde imaginaire au sein duquel des erreurs de copie peuvent, en se cumulant au fil du temps, écrire de nouveaux livres.
Les causes secondes ne rendent pas compte de l’apparition initiale d’une information génétique ; elles peuvent simplement expliquer sa modification. L’expérience de Lenski en constitue un parfait exemple.
1 Docteur en biologie.
2 L’évolutionnisme est l’hypothèse d’une transformation continue, strictement naturaliste, mue par le hasard et la sélection, allant depuis les premières formes de vie apparues jusqu’aux organismes actuels.
3 Par création nous entendons l’idée selon laquelle un Créateur, une intelligence ordonnatrice, serait intervenu, d’une façon ou d’une autre, dans les processus d’apparition des diverses formes de vie peuplant notre globe.
4 C’est en tout cas ce qu’affirme Wikipedia, l’encyclopédie « libre » dans cet article : https://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Lenski #Exp%C3%A9riencede_Lenski
5 Un promoteur est une séquence génomique située à proximité d’un gène, indispensable à l’expression de ce dernier. Il peut être actif dans certaines conditions (le gène sera alors exprimé et la protéine sera produite) et inactif dans d’autres (le gène sera alors inactif et la protéine ne sera pas fabriquée) ; ou alors être continuellement actif.
6 « Rapid Evolution of Citrate Utilization by Escherichia coli by Direct Selection Requires citT and dctA. » Journal of bacteriology, 2016. En se plaçant dans des conditions environnementales plus sélectives, cette équipe a observé la même capacité émerger 46 fois en un nombre de générations allant de 12 à 100 (nous sommes donc loin des 30 000). Contrairement à ce que suggéraient le lobby darwinien et le sensationnalisme journalistique à sa botte, cet article précise bien qu’aucune nouvelle information n’est apparue afin qu’émerge cette capacité : « No new genetic information (novel gene function) evolved. » Il semblerait donc que cette adaptation – qui refait toujours surface lorsqu’elle est nécessaire – soit un bel exemple de programmation génétique permettant au vivant de s’adapter efficacement aux conditions imposées par l’environnement. Lorsque le même trait apparaît 46 fois de façon indépendante en un nombre très restreint de générations, il faut bien se rendre à l’évidence : le hasard n’y est pour rien.