Les deux témoins

Par Yves Germain

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Résumé : L’Apocalypse évoque deux témoins qui prophétisent face à l’Antéchrist. Outre cette lecture littérale, en se fondant aussi sur le droit mosaïque selon lequel il faut deux témoins pour attester d’un fait en justice, Y. Germain propose d’appliquer ce passage aux juifs et aux chrétiens confrontés ensemble au paganisme. L’évolution présente des sociétés et de leurs lois apporte un poids nouveau à cette perspective.

« Je donnerai à mes deux témoins de prophétiser revêtus de sacs, pendant 1260 jours ( 1260 jours = 42 mois = 3 ans et demi).  Ceux-ci sont les deux oliviers et les deux chandeliers qui sont dressés en présence du Seigneur de la Terre »  (Ap 11, 3-4)

Les deux chandeliers :

Nous n’aborderons pas le sens profond des deux témoins, mais saint Jean les appelle « les deux chandeliers », c’est-à-dire ceux qui apportent la lumière, la Révélation. Il n’y a que les Juifs et les Chrétiens qui l’ont reçue. Ils sont donc les deux témoins qui « reprennent vie », après avoir été « cadavres » durant « trois jours et demi » (cf. Ap 11,9). Ce mot « cadavre » de l’hébreu, évoque pour nous « le païen » ; et les « trois jours et demi » représentent le temps de la « sécheresse », donc le temps du paganisme, car l’eau (la parole) manque :

« Elie pria instamment qu’il ne tombât point de pluie,  et la pluie ne tomba pas sur la terre pendant trois ans et six mois » (Jc 5,17)

Nous remarquerons que les deux témoins qui reprennent vie « montèrent au ciel dans une nuée » et qu’ils réussirent dans leur témoignage, car :

« Les autres, saisis d’effroi, rendirent gloire au Dieu du ciel » (Ap 11,13)

Dans cette action commune, nous voyons aussi la « restauration d’Israël » dans sa « royauté ». En effet quand les disciples posent la question au Christ :

« Seigneur, est-ce en ce temps que vous allez rétablir la royauté en Israël ? » (Ac 1,6),

le Christ ne répond pas : « Il n’en est pas question ». Il dit :

« Ce n’est pas à vous de connaître les temps ni les moments que le Père a fixés… Mais lorsque l’Esprit Saint descendra sur vous… vous serez mes témoins… jusqu’à l’extrémité de la terre » (Ac I, 7-8)

Ce qui indique, face à des Juifs :

que le rétablissement d’Israël aura lieu un jour…

qu’il se fera avec l’Eglise (mes témoins)…

et qu’il concernera le monde entier…

Il devient donc bien difficile de refuser aux juifs une participation à la conversion du monde,après la leur.

Dans le même sens saint Jérôme écrit : « Si c’est à cause du délit des juifs que la santé passa aux païens, ce sera à cause de l’incrédulité des païens que les juifs la recouvreront. »

Il apparaît donc bien que les juifs ne peuvent être les « derniers » entrés dans l’Eglise. C’est probablement un déchaînement du paganisme parvenu à son comble qui sera à l’origine de leur retour.

Saint Paul écrit en ce sens, d’après la Vulgate :

« Une partie des juifs est tombée dans l’aveuglement… donec plenitudo gentium intraret » (Ro 17,25)

C’est-à-dire, mot à mot : « jusqu’à ce que la plénitude des païens soit entrée », ou encore « jusqu’à ce que la plénitude du paganisme comparaisse ».

Cette traduction n’a plus besoin des deux mots ajoutés par certains : « dans l’Eglise » ; elle évoque un « jugement » et nous pouvons la relier à la pensée de saint Luc.

Il faut avoir une certaine logique ; si la plénitude des Juifs est leur « conversion », la plénitude des païens doit nous montrer le comble du paganisme. Ce mot n’a d’ailleurs jamais le sens de « tous » dans l’Ecriture.

Il apparaît là encore que les Juifs seront « éclairés » au moment où le paganisme atteindra sa « plénitude ». Dans l’évangile de saint Luc on retrouvera la pensée de saint Paul et celle de saint Jérôme. Jérusalem désignant Israël et surtout l’Eglise, il écrit :

« Jérusalem sera foulée aux pieds par les païens jusqu’à ce que le temps des païens (le paganisme) soit accompli » (Lc 21-24)

Plus exactement : « que le temps des païens arrive à sa plénitude » (Vulgate)

Ce qui indique :

que le temps des païens aura son apogée et une fin,

et qu’alors Israël et l’Eglise ne seront plus « foulées aux pieds », c’est-à-dire méprisés…et persécutés.

Une interprétation littérale de ce passage mène à l’impasse. Il est en effet écrit auparavant :

« Ils tomberont au fil de l’épée et seront amenés captifs dans toutes les nations » (Lc 21-24)

Il est d’abord bien difficile de voir ceux qui sont tombés « au fil de l’épée », emmenés ensuite « captifs », car dans la Vulgate il y a un « et ». De plus la phrase est inapplicable aux Juifs qui, bien que souvent persécutés, n’ont jamais été « captifs  dans toutes les nations ».

La Vulgate (saint Jérôme) nous dit qu’ils « tomberont par la bouche de l’épée ». De plus, si nous savons que l’épée est aussi un symbole de la parole, dont saint Paul usera (cf Eph 6,7 et Hé 4,12), nous comprenons qu’il s’agit alors des pécheurs dans le monde, des « morts », qui valent à l’Eglise de Sardes de durs reproches :

« Tu as la réputation d’être vivant, mais tu es mort » (Ap 3,1)

Depuis le 14ème siècle, en Occident, le bilan des chrétiens s’affaiblit. Ces chrétiens-là sont « tombés » et « captifs » dans « toutes les nations ». Cela d’autant plus qu’au verset suivant nous apprenons que les « nations seront dans la consternation… » (Lc 21,25). Nul doute qu’alors le paganisme arrivera à sa plénitude. C’est le temps de « l’épreuve sur le monde entier. » (Eglise de Philadelphie) (Ap 3,10)

Les deux oliviers :

L’olivier n’apparaît dans le Nouveau Testament qu’à deux reprises.

Dans l’Apocalypse, saint Jean le relie aux deux témoins (Cf « Ceux-ci sont les deux oliviers et les deux chandeliers… » 11,4)

 La deuxième fois, nous le trouvons dans l’épître aux Romains (11, 17-24). Saint Paul indique clairement que « l’olivier sauvage » (les chrétiens) a été greffé sur « l’olivier franc » (les juifs) et qu’ainsi nous participions « de la même sève et du suc qui sont de la racine de l’olivier ».

Grâce à une autre image les Pères de l’Eglise montreront souvent que finalement, la « pierre d’angle » (le Christ ) réunira les deux peuples (païens et juifs). Ce même thème se retrouve encore dans certains vitraux où le Christ apparaît entre le soleil et la lune, symboles respectifs des païens et des juifs.

C’est enfin l’âne (les païens) et le bœuf (les juifs) que nous plaçons dans toutes nos crèches, bien que nous en ayons perdu le sens. L’exégèse juive explique longuement que le bœuf figure les Hébreux, car il ne se mêle pas comme l’âne à l’étranger (le cheval), pour donner le mulet (étranger = idolâtrie).

Pourquoi « deux » ?

Les juifs ont reçu « l’arche du témoignage » (Ex 25,16). Les chrétiens sont aussi « témoins ». Mais les deux Testaments affirment que le témoignage ne prend tout son sens, toute sa valeur, que lorsqu’il est accompli à deux. Le Christ rappelle ce point capital de Deut 17,6 et 19,5 :

« Il est écrit… que le témoignage de deux hommes est vrai… » (Jn 8-17)

Les apôtres sont envoyés « deux à deux » (Mc 6,7 cf Lc 10,1).

Citons encore :

« Où deux ou trois sont rassemblés en mon Nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18-20)

Matthieu précise que ce que nous demanderons « à deux », nous l’obtiendrons (Cf Mt 18,19). C’est donc de nous deux, juifs et chrétiens, que dépend le sort du monde pour accéder à ce qui est vrai : la PAROLE DE DIEU.

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