Le Néanderthalien, de la ménagerie à l’imagerie

Par le Dr Pierre-Florent Hautvilliers

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Les dessous de le préhistoire

Résumé : Après l’avoir évoqué dans différents numéros du Cep, l’auteur revient encore sur l’homme de Néandertal suite à l’exposition proposée en 2000 par le Musée national de Préhistoire des Eyzies de Tayac (Dordogne). Il apporte plusieurs précisions intéressantes sur les raisons qui ont poussé les préhistoriens à réhabiliter et à réhumaniser cet Homo neandertalensis.

Nous avons signalé dans le numéro 11 du Cep cette exposition sur l’homme de Néandertal, qui visait à le réhabiliter, et dans sa représentation, et dans sa civilisation.

Bien que toujours considéré comme distinct du Cro-Magnon, l’ancêtre de l’homme moderne, l’homme de Néandertal commence à être reconnu comme un « homme » à part entière, doté d’un aspect humain et possédant sa propre civilisation et ses rites funéraires. Il n’est donc plus cette espèce de brute sortant de l’animalité dont une imagerie grotesque nous abreuvait jusqu’à la nausée depuis un siècle, en particulier depuis les années 1950.

Dans un premier temps, on pourrait croire à un élan de sincérité de la part des organisateurs de cette exposition (dont le titre exact est : « Néandertal vu par Cro-Magnon) qui entre maintenant dans sa deuxième année, avec pour objectif de faire passer l’information (de la réhabilitation humaine de l’homme de Néandertal) le plus largement auprès du public et des touristes, en sortant l’exposition du musée et en la rendant gratuite.

Cependant, pas de publicité ; on reste discret : il faut passer devant le « local d’information sur les sites préhistoriques » de la région pour apercevoir l’affiche qui vous invite à visiter l’exposition située dans une salle annexe.

Voici le texte de cette affiche :

« L’évolution de l’imagerie de l’homme de Néandertal du XIXème siècle à nos jours« .

Le Néandertalien est certainement un des hominidés dont l’image a le plus évolué.

Il a été considéré :

– comme Homme-singe ou Homme-sauvage,

– comme le premier homme fossile presque identique aux hommes modernes,

– enfin comme premier homme fossile bien distinct de l’homme moderne.

Mais c’est essentiellement l’imagerie réductrice d’un être primitif et brutal qui reste la plus fréquente dans l’esprit  du public. La communauté scientifique a donc un travail important de diffusion des connaissances actuelles. »

En fait, en parcourant l’exposition, munis de la feuille explicative, on constate que cette exposition n’est guère motivée par le soucis de démentir les erreurs d’interprétation des restes humains néandertaliens, mais par la nécessité de remanier, dans le cadre évolutionniste (sans alternative possible) , la lignée humaine mise à mal par la découverte, dans les années 1970, d’hominidés datés de 3 millions d’années.

Or, la paléontologie humaine n’est toujours pas en mesure de trouver des intermédiaires entre l’homme et le singe sur toute une période de 500.000 ans. Devant ce vide, le Néandertalien permet seul d’assurer un pont évolutif entre l’Homo-erectus et le Cro-Magnon. Mais à deux conditions : reculer son origine dans le temps, et l’humaniser pour en faire l’intermédiaire cherché, au lieu du point de départ qu’il avait été.En repoussant l’apparition du Néandertalien de –150.000 à – 600.000 ans on résout aussi le problème posé par l’analyse génétique (cf. Le Cep n°6) le Néandertalien n’ayant pas évolué sur cette période.

Quant à l’aspect de notre Néandertalien, les paléontologistes tiennent le raisonnement suivant : puisque l’on a trouvé des « Homo erectus » contemporains des australopithèques, lesquels sont datés officiellement autour de 3 millions d’années, l’homme de Néandertal – qui est beaucoup plus jeune – est forcément bien plus humain que ce qui était affirmé depuis longtemps  ! Il ne peut plus être cet sorte d’homme-singe que se plaisait à présenter le professeur Boule au début du XXème siècle.

En fait, on assiste à un reclassement de l’homme de Néandertal (de sa place supposée d’une ascendance simiesque rapprochée, qu’il cède à un Homo erectus africain), avec nécessité d’un « lifting », d’une modernisation de sa silhouette et de son visage ! On le redresse, on allonge un peu ses jambes, son profil devient plus humain. Il perd définitivement son allure d’homme-singe, pour devenir un « homo-cousin » pour nous. Curieusement, aucune découverte, aucun nouvel ossement, aucun nouveau montage d’articulation des membres inférieurs du Néandertal, ne justifie de remettre en cause l’allure simiesque imposée depuis un siècle… seulement une analyse génétique nous le classe maintenant comme un « cousin » qui se serait éteint il y a quelques 35.000 ans.1

Il ne s’agit pas de reconnaître une erreur de conception de la paléontologie humaine, encore moins d’un « mea culpa », mais d’une nouvelle stratégie, d’une adaptation tactique. Cela prouve bien l’omniprésence d’une l’idéologie sous-jacente qui dicte l’interprétation scientifique.

Si donc l’homme de Néandertal s’humanise, c’est pour pouvoir mieux faire accepter une évolution de l’homme à partir de l’Australopithèque ! Curieux tour de passe-passe qui consiste à donner à l’Homo erectus ce que l’on a pris au Néandertal ! Autrement dit, un bobard en remplace un autre !

Sous cette soudaine apparence de sincérité, se cache un aveu indirect : tout le corps scientifique avait trompé son monde depuis près d’un siècle, au minimum2.

C’est vers les années 1970 qu’il se serait rendu compte de ses erreurs, à partir des découvertes des australopithèques (dont Lucy est le porte parole remarquable…), et c’est seulement maintenant, trente ans plus tard, que, timidement il essaie de rétablir partiellement la vérité, en déclarant que cela serait long et difficile à cause de l’image rétrograde qu’en possède le public3… Mais qui est à l’origine de cette imagerie grotesque ?.. Qui l’a vulgarisée avec complaisance depuis si longtemps ?.. Les paléontologues et les préhistoriens d’alors n’en sont-ils pas complices et responsables ?

L’autre aveu de cette hypocrisie se trouve dans le fait qu’on ne trouve pas un seul reproche, ni même une seule allusion aux travaux « orientés » par l’idéologie évolutionniste du Professeur Boule, de son école et de ses contemporains et sur les erreurs d’interprétations des paléontologistes humains avec leurs reconstitutions aberrantes accompagnées d’une image avilissante de l’homme de Néandertal4.

C’est en fait une fuite en avant qui présente l’évolutionnisme, quelle que soit la variante, comme étant la seule interprétation possible de la préhistoire, alors que sur le plan scientifique, cette théorie, -qui n’est qu’une théorie-, est battue en brèche par toutes les découvertes en science fondamentale. Le mur de l’évolutionnisme se lézarde, son écroulement s’annonce, et dure sera la chute.

Bien que d’une manière timide, l’Homme de Néandertal est enfin reconnu comme un « homme » à part entière ; il est vrai que les faits sont têtus et que l’on ne peut pas toujours les escamoter ou les contourner.

Mais, si cette exposition a le mérite d’être courageuse, on n’y remarque pas l’évidence de la sincérité, mais plutôt d’une certaine hypocrisie : pas de changement de stratégie, mais une adaptation tactique.


1 Ce qui n’est en rien prouvé. Lire à ce sujet dans le n°6 du Cep l’article : « L’analyse génétique de l’homme de Néandertal, ou la cure de jouvence« .

2 Il est vrai qu’avant les années 1950, il y avait en fait sous ce vernis scientifique de préhistoire, qui comporte des noms connus, un amateurisme affligeant que personne ne pouvait apercevoir ou contrôler tant le milieu était solidaire et fermé. Nous pourrions citer des témoignages de personnes ayant eu de hautes responsabilités dans le domaine de la préhistoire, il y a 20 à 30 ans, qui se sont insurgées contre des pratiques de fouilles sans aucune de rigueur ou qui ont voulu publier des monographies d’outillages préhistoriques avec une interprétation allant à l’encontre de ce qui était alors enseigné mais à laquelle on se range maintenant. Ces personnalités, par leur franc parler, avaient vu leur avenir professionnel fortement compromis.

3 Je pense ici au Linceul de Turin : une revue de vulgarisation. scientifique avait attaqué violemment et à plusieurs reprises l’authenticité de la relique après les analyses au C14 de 1988. Des échanges de courrier avec argumentation scientifique eurent lieu avec la rédaction… Ils aboutirent à un « courrier des lecteurs », mais le contenu de la lettre s’est vu « censuré » par un « remixage » dénaturant les propos. Il y a 3 ou 4 ans, le responsable du Centre International d’Etude sur le Linceul de Turin rencontra le directeur de cette même revue qui désirait faire un article sur le Linceul. Enfin convaincu par l’argumentation avancée sur les problèmes de la datations par le C14 et la forfaiture des laboratoires d’analyse, le directeur répondit : « On a tellement dit à nos lecteurs que le Linceul était un faux parce que les analyse au C14 sont absolument fiables, qu’on ne peut pas encore écrire d’un seul coup le contraire. Nous ne serions pas crédible !… Tout au plus peut-on faire un article mettant en doute qu’il soit un faux« . L’article parut sous le titre : « Le Linceul est-il un faux ? ».

4 Ce fut le cas du crâne de « l’homme de la Chapelle aux Saints » aux allures simiesques, reconstitué par Boule. Il y a une quinzaine d’années, le montage a été refait : à la grande surprise, ce crâne devenait totalement humain, ce qui fit écrire pudiquement, à l’époque, dans les revues spécialisées, que fatalement, lors d’une reconstitution, le paléontologue se laissait influencer par ses « clés d’interprétation »… ce qui serait donc toujours le cas aujourd’hui ?

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