Lettre à Georges Suffert

Par Guy Berthault

« Il a plu à Dieu qu’on ne pût faire aucun bien aux hommes qu’en les aimant. » (P. Le Prévost)

Résumé : Après avoir considéré la foi comme une survivance « vieillotte », certains journalistes se font à l’idée que la religion pourrait bien ne pas disparaître. Profitant de cette ouverture, Guy Berthault expose à G. Suffert comment l’athéisme contemporain, en particulier le marxisme, s’est fondé sur une science géologique erronée. Il conclut en signalant le Symposium Catholique International sur la Création, qui s’est tenu à Rome les 24 et 25 octobre et dont Le Cep rendra compte dès la parution des actes.

Le 15 novembre 2002

Fête de saint Albert-le-Grand

Patron de ceux qui se vouent aux sciences naturelles

Monsieur,

J’ai pris connaissance, dans le « Figaro Littéraire » d’hier, du dossier : « Le christianisme : renouveau ou déclin ? » et notamment, de votre excellent article : « La foi a-t-elle sa place dans l’imaginaire aujourd’hui ? » Vous écrivez, en particulier : « Après trois quarts de siècle de communisme, les russes retrouvent le chemin des églises. »

J’en ai été le témoin lors de mes fréquents séjours en Russie, ainsi en août 2001, quand je me suis trouvé au monastère des îles Solovski dans la mer Blanche (où fut le premier goulag), assistant à la messe célébrant la fête de la Transfiguration du Christ, le Patriarche Alexis II officiant, Vladimir Poutine se signant et baisant l’icône de la Transfiguration, à un mètre de moi, suivi par le commandant en chef de la flotte du nord, et du gouvernement d’Arkhangelsk, en présence de 600 fidèles.

Ou encore en septembre de cette année où, descendant la Volga, sur les pas d’Alexandre Dumas, je me suis arrêté dans les églises et monastères, remplis de fidèles, de Moscou à Astrakhan. J’ai vu à Volgograd, sur le mont Mamaïev, symbole de la bataille de Stalingrad, se construire au pied de la grande statue de la patrie la nouvelle cathédrale de tous les saints. Oui, la chute du communisme a été pour les russes, l’occasion de renouer avec la foi. Maintenant, en quoi le communisme était-il anti-religieux ?

Pas essentiellement dans sa doctrine économique exprimée dans « Das Kapital » de Karl Marx qui dénonça le capitalisme, sans reconnaître que, sans argent, on ne fait pas d’entreprise et que le capital, tout comme le travail, doit être rémunéré.

Il l’était essentiellement, dans le cadre du « socialisme scientifique » par sa référence à Darwin. Dans sa lettre à Lasalle du 16 janvier 1861, Karl Marx se fonde sur « l’Origine des Espèces » pour justifier le caractère « scientifique » de la lutte des classes : « Le  livre de Darwin est très important et me sert à fonder par les sciences naturelles la lutte des classes dans l’histoire. »

De son côté Engels, dans « Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie allemande » écrit : « Enfin, la démonstration d’ensemble faite pour la première fois par Darwin, selon laquelle tous les produits de la nature qui nous environnent actuellement, y compris les hommes, sont le produit d’un long processus de développement à partir d’un petit nombre de germes unicellulaires à l’origine, et que ces derniers sont, à leur tour, issus d’un protoplasme ou d’un corps albuminoïdal constitué par voie chronique.

Grâce à ces découvertes et aux progrès formidables de la science de la nature, nous sommes aujourd’hui en mesure de montrer dans les grandes lignes, non seulement l’enchaînement entre les phénomènes de la nature dans les différents domaines pris à part ; mais encore la connexion des différents domaines entre eux, et de présenter aussi un tableau d’ensemble de l’enchaînement de la nature sous une forme à peu près systématique au moyen de faits fournis par la science empirique de la nature elle-même. »

Ainsi, pour Engels, le matérialisme historique est la réalité qui élimine la philosophie de la nature, la métaphysique et la religion (« opium du peuple » comme l’écrivait Marx dans le  Manifeste Communiste ). En tant que chrétien, de surcroît dirigeant d’entreprise, j’ai analysé, à travers ses auteurs, le communisme et reconnu ses soi-disant fondements scientifiques chez Darwin.

Et comme Darwin voulait expliquer la succession des espèces dans l’échelle des temps géologiques, j’ai recherché les fondements stratigraphiques de cette échelle.

Cette démarche avec les travaux qui ont suivi sont résumés dans les trois publications suivantes :

1) Dans un article publié dans la revue scientifique « Fusion » en mai 2000.1

2) Puis cette année dans « Lithology and Mineral Ressources »,  de l’Institut de Géologie russe, Revue de l’Académie des Sciences Russe, et dans « Geology and Geodynamics », Revue de l’Institut de Séismologie chinois.

J’y remets en question les principes de datation stratigraphique auxquels on doit substituer l’analyse paléohydraulique visant à déterminer au mieux la genèse sédimentaire sous l’effet du courant, dans ses trois phases successives : érosion, transport, sédimentation.

Son application conduit à des temps très courts que n’ont plus rien à voir avec les durées géologiques issue des principes.

De fait, tout ce qui est déduit des principes : échelle des temps géologiques, darwinisme, matérialisme historique, est sans fondement.

Et il est symptomatique que ce soit dans les deux principaux pays du communisme : Russie et Chine, que ces conclusions aient été publiées officiellement.

Les erreurs scientifiques ont toujours été la source de conflits entre foi et science.

La première erreur a été formulée par les Grecs : la voûte céleste est une sphère qui supporte les étoiles. Elle a duré jusqu’à Galilée. Le centre de la soi-disant sphère était le « centre du monde », qui était soit le soleil selon Aristarque de Samos, et plus tard Copernic et Kepler, soit la terre, selon Aristote, Ptolémée, et l’Eglise.

C’est toute l’équivoque de cette erreur qui a créé le procès de Galilée et créé le conflit entre l’Eglise et les philosophes « astronomes » qui dès lors, n’eurent qu’un but ; montrer que l’Eglise avait tort. J’ai lu les « Principia Mathematica Philosophiae Naturalis ».

Il ne se réfèrent à aucun fait naturel, donc ne démontrent rien.

C’est pourquoi nous refaisons avec l’Observatoire Royal de Belgique, l’expérience de Cavendish sans préalable newtonien.

Il est clair que l’enseignement de sciences mal fondées porte atteinte à la crédibilité de la foi qui se fonde sur les Ecritures Saintes.

C’est un aspect majeur de la crise de la foi qui comme me le rappelait le Cardinal Ratzinger qui m’a reçu le 26 octobre dernier, résulte de l’abandon de la doctrine de la Création.

Ayant participé les 24  et 25 octobre au Symposium Catholique International sur la Création, dont « Il Tempo » a rendu compte dans l’article ci-joint, j’ai eu le privilège, en tant que conférencier, sur mes travaux, d’assister avec les organisateurs, à la messe privée du Pape, le 24 au matin, et de lui être ensuite présenté avec eux. Le Pape a béni le Symposium. Et j’ai pu lui remettre les deux publications russe et chinoise que j’ai, par ailleurs, adressées au Président de l’Académie Pontificale des Sciences, au Président de l’Académie des Sciences de Paris, M. Hubert Curien, que je connais, au rédacteur-en-chef du Bulletin de la Société Géologique de France, au Président de l’Association Internationale des Sédimentologues, aux responsables politiques et religieux de notre pays, pour information.

Croyez, Monsieur à l’expression de mes sentiments très distingués.


1 Ndlr. Pour les lecteur du Cep se reporter à l’article du Cep n°4 « Les principes de la datation géologiques en question »

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