Partager la publication "L’ingénierie du vivant"
Par: François Thouvenin
Résumé: La tête du pic noir est ingénieusement adaptée pour fonctionner comme un marteau piqueur. Le crâne est plus épais à la base du bec, mais il en est séparé par un cartilage osseux qui amortit le choc. Le petit cerveau est tenu étroitement par la boîte crânienne, de façon à limiter le ballotement à chaque percussion. La trajectoire de la tête est rectiligne, ce qui protège les connexions neuronales contre les dangers d’une rotation brusque (le « coup du lapin »), etc. Une semblable merveille d’ingénierie se cache dans le cœur de la baleine, capable de mettre en mouvement 4500 fois plus de sang que le nôtre malgré un tout petit nombre de pulsations (3 ou 4 par minute). On a découvert que des nano fibrilles transmettent l’impulsion électrique à travers une masse graisseuse non conductrice et les chercheurs veulent s’en inspirer pour libérer les cardiaques de leur délicat stimulateur. Il y a ainsi bien des idées que les ingénieurs vont chercher dans le « biomimétisme », l’étude des dispositifs si astucieux que recèlent toutes les créatures vivantes. Mais auront-ils une pensée pour l’Auteur de toutes ces merveilles ?
L’oiseau-mitrailleuse:
Et si, à l’instar de beaucoup de réalisations humaines, le marteau-piqueur devait son origine à l’infinie ingéniosité du Créateur ? Il n’est pas interdit, en effet, d’imaginer que le spectacle d’un oiseau tambourinant sur un tronc d’arbre pour se repaître d’insectes arboricoles ait pu donner un jour des idées à quelqu’un. Les oiseaux se livrant à cette activité sont les pics (de la famille des picidés, riche de 225 espèces). Les cinq plus communs dans nos régions sont – par ordre de taille croissante – le pic épeichette, le pic mar, le pic épeiche, le pivert et le pic noir. On s’intéressera ici au pic noir (qui est aussi grand qu’une corneille) et à sa morphologie très particulière, sachant que – fonction oblige – celle des autres pics présente des caractéristiques analogues[1].
Supposition absurde : des tortionnaires bizarrement cruels vous affublent d’un masque muni d’un bec dur et vous contraignent à tambouriner avec ce dernier sur un tronc d’arbre, le plus fort et le plus rapidement possible. Vous n’allez pas tenir longtemps à ce régime : ce sera bien le diable si vous parvenez à donner – pas très fort – deux ou trois coups par seconde, et encore cela ne pourra-t-il guère durer, parce que vous allez vite ressentir de violentes courbatures au cou et aux épaules, mais surtout une migraine effroyable. Or, le pic noir, lui, s’acquitte de cette tâche infatigablement, à une cadence infernale et avec une totale efficacité, bref, « comme qui rigole »[2]. Et le bougre n’a pas grand mérite à cela, car il est doté d’un mécanisme antichocs ultra-perfectionné. Des études anatomiques et des films à haute vitesse ont permis d’identifier les dispositifs suivants :
Bien que spongieux, l’os crânien est dense et épais, surtout à l’arrière de la tête (qui subit le contrecoup) et à la base du crâne, derrière le bec.
Des butées situées aux bons endroits empêchent certains os pointus de venir perforer la boîte crânienne, tandis que d’autres pièces du meccano coulissent très légèrement entre elles, de façon à absorber les chocs sans se briser.
Le cerveau est étroitement enserré dans la boîte crânienne, où il y a très peu d’espace et de fluide entre la matière grise et l’os, d’où l’absence de tout risque de ballottement.
Le crâne et le bec sont séparés par un cartilage-tampon qui amortit le choc, mais sans excès, pour ne pas priver le bec de son pouvoir perforant.
La musculature du pic noir est conçue comme un système de freinage hydraulique chargé de répartir et d’amortir les chocs autour du crâne, tout en rigidifiant le cou lors de chaque percussion contre l’écorce, grâce à quoi le mouvement de la tête est remarquablement faible après l’impact.
Il est possible aussi que le muscle de la langue, qui fait le tour du crâne par l’arrière (en partant du dessous du bec et en rejoignant la narine droite), joue un rôle dans la répartition et l’amortissement des vibrations.
Quand le pic est en action, sa tête suit une trajectoire presque rectiligne, ce qui lui évite des mouvements de rotation potentiellement dangereux pour le cerveau et les connections neuronales (cf. le syndrome des « bébés secoués » et le « coup du lapin »).
À chacun selon ses besoins. Contrairement à vous ou moi, qui n’aurions aucune chance de nous alimenter aussi efficacement et impunément que lui (même si la curieuse envie nous en prenait), le pic noir a été idéalement outillé à cette fin… De même que l’inventeur du marteau-piqueur était intellectuellement équipé pour tirer (du moins peut-on l’imaginer) une leçon des performances de cet oiseau. Or, n’en déplaise à la superstition transformiste, les performances en question ne doivent rien à la multiplication, même durant des millions d’années, d’innombrables et hypothétiques « mutations favorables » (expression oxymorique), elles-mêmes tributaires d’une chaîne ininterrompue de « hasards nécessaires » non moins improbables par définition, surtout si l’on songe aux inconvénients immanquables et rédhibitoires qu’une éventuelle « évolution » aurait eus pour les « maillons manquants », dont nul n’a d’ailleurs jamais trouvé la moindre trace crédible.
Un cœur gros comme ça:
Aussi curieux que cela puisse paraître, il est possible que l’on doive un jour à la baleine à bosse la mise au point d’un dispositif remplaçant avantageusement les régulateurs cardiaques (ou pacemakers). Pourquoi ? Parce que Jorge Reynolds, directeur du programme de recherches sur les baleines en Colombie[3], étudie ce cétacé afin d’élucider le fonctionnement de son cœur. L’organe en question, qui pèse près d’une tonne, réussit à débiter et à envoyer l’équivalent de six baignoires de sang oxygéné dans un système circulatoire 4.500 fois plus grand que le nôtre. Reynolds cherche à comprendre comment une telle chose est possible à un rythme aussi lent (à peine trois ou quatre pulsations par minute) et de quelle manière s’effectue la stimulation électrique, alors que le cœur de la baleine est entouré d’une masse de graisse qui le protège du froid. Grâce à des échocardiographies, ainsi qu’à des autopsies pratiquées sur des baleines mortes, on a découvert l’existence de nano-fibrilles qui permettent aux signaux électriques de stimuler les battements du cœur, même à travers une masse de graisse non conductrice. En s’inspirant de cela, on devrait pouvoir, à terme, libérer les cardiaques de leurs pacemakers, qui sont des appareils coûteux, délicats et malcommodes : il s’agirait de mettre en place un nano-câblage inspiré de celui de la baleine et contournant le muscle cardiaque déficient pour imprimer un rythme optimal au cœur du patient.
Création et biomimétisme:
Elles sont innombrables, les idées fructueuses que l’on peut ainsi tirer de la Création, appelée « Nature » par ceux qui en sont restés à la génération spontanée. L’homme – cet éternel ingrat – commence du reste à les exploiter de façon judicieuse en pratiquant le biomimétisme, c’est-à-dire en s’inspirant systématiquement de l’Intelligence Créatrice.
Les exemples de cette nouvelle démarche surabondent : la carapace d’un scarabée vivant dans le désert de Namibie est à l’origine de tentes captatrices d’eau ; les panneaux solaires imitent la structure de l’œil de la mouche ; on a copié la peau des requins pour réaliser des combinaisons de natation performantes (et même si performantes qu’elles sont désormais interdites en compétition !) ; grâce à l’étude du plumage des rapaces nocturnes, les Japonais ont réussi à réduire le bruit aérodynamique de leurs trains à grande vitesse, et en observant la technique de plongeon du martin-pêcheur, ils ont pu résoudre le problème de l’entrée de ces trains dans les tunnels ; etc. etc. etc. La matière est inépuisable[4]. Il reste à déterminer si les ingénieurs qui prennent ainsi pour modèles les « merveilles de la Nature » ont l’humilité d’y voir surtout la main de Dieu, formatés qu’ils sont par l’évolutionnisme athée.
[1] Les caractéristiques physiques du pic noir ici décrites sont tirées du numéro 83 de La Hulotte (« le journal le plus lu dans les terriers »), ainsi que d’une remarquable intervention figurant dans le courrier des lecteurs du site Internet de ce périodique vraiment épatant : http://www.lahulotte.fr/.
[2] Que l’on songe au cri d’appel du pivert (mâle et femelle), qui ressemble à un rire strident et qui a inspiré l’irrésistible personnage de dessin animé Woody Woodpecker.
[3] http://www.theotherlookofcolombia.com/Jreynolds.html
[4] http://www.harunyahya.fr/livres/science/biomimetisme/biomimetisme_07.php