Quelques réflexions utiles concernant l’Islam

Par Alsadi Majorana

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Résumé : La formule « rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » exprime une distinction entre le spirituel et le temporel qui caractérise vraiment la société chrétienne, c’est-à-dire l’état d’une société humaine transfigurée par la venue du Rédempteur. Cet événement a constitué la charnière de l’Histoire, car il répare la brisure opérée en l’homme par le Péché originel. En niant le Péché originel, l’Islam est tout naturellement retombé dans la négation de cette distinction : il absorbe le temporel dans le spirituel.  Le communisme représente l’autre face de cette même hérésie : son matérialisme dissout le spirituel dans le temporel. Ce sont donc deux totalitarismes issus du même Père, niant l’un et l’autre la liberté (et donc la grandeur) de l’homme.

Il faut toujours y revenir : il n’y a pas de théocratie dans le christianisme. C’est un fait dont on doit bien tenir compte.

Ce point différencie le christianisme des autres religions du monde. Ce point fait partie, dès le début, du patrimoine essentiel de notre Foi, de notre Credo, de notre Église. C’est le fameux « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».

Bien sûr, ce n’est pas un truisme, et pas davantage une manière élégante et quelque peu déconcertante de se tirer d’un mauvais pas, d’une situation épineuse ! Par cette formule à la fois simple et étonnante, le Christ nous reporte à l’origine du monde, au cœur de la Création, et au centre de la Révélation. Il promulgue, il affirme, il révèle une loi de la Création déchue, une loi en rapport avec le « commencement » de l’homme.

Un « commencement » qui est parfait et puis se dégrade, et non un « commencement » en évolution par perfectionnements progressifs.

Voilà pourquoi il n’est pas bon qu’il y ait unicité entre le gouvernement temporel et le gouvernement spirituel des hommes : parce qu’au début de l’Histoire il y a eu brisure en l’homme, et par suite, dans toute la Création.

Tant qu’il n’y avait pas eu l’Incarnation du Christ, tant que la Vérité n’était point apparue sur la Terre, tant que dura le temps de l’attente du Salut, la « théocratie » fut – à ce qu’il me semble – le mode ordinaire de gouvernement, profane ou sacré. Ou tout était unifié par en bas; c’est le socialisme, caractéristique permanente d’innombrables sociétés et Empires du paganisme, voyez le livre passionnant d’Igor Chafarevitch, Le Phénomène socialiste, Paris, Le Seuil, 1977. Ou bien tout était unifié « par en-haut », et ce fut le petit Israël (cf. Deutéronome 7,7), avec ses juges, et à un moindre degré, avec ses rois.

Mais avec le Christ, arrive aussi le principe de la rénovation de l’homme, un principe surnaturel. Il y avait eu jusque là le « vieil homme », la descendance innombrable de l’Adam déchu ; il était certes capable de quelque amélioration morale, la nostalgie et le souvenir du Paradis perdu le poursuivaient, comme en témoignent les traditions antiques, même très mêlées d’erreurs, telle celle du « serpent-arc-en-ciel » dans certaines contrées reculées, en Afrique par exemple. Mais le secret de la vraie connaissance de Dieu se perdait inexorablement.

Il y a désormais la descendance du nouvel Adam, l’Église de Dieu. La formule évangélique, « Rendez à César…. », exprime en termes d’une simplicité désarmante, cette Loi de la création déchue et rachetée. Loi nouvelle, en tant que sur la terre, la Vérité est désormais présente en Personne.

Telle est la différence avec l’Islam, qui ne connaît point « l’homme nouveau », qui ignore complètement le mystère de la Chute, qui ne connaît fatalement aucune distinction entre Création et Salut, qui tout en prétendant le contraire, rend nécessaire la Création, ce qui est un point commun avec l’ancien paganisme, bien que ce « point commun » soit revêtu d’autres mots.

La distinction entre Dieu et « César » exprime la séparation entre deux « générations », par le fait du Péché originel : génération naturelle, selon la chair, et génération selon l’Esprit, par la Foi et le baptême.

Comme le Péché originel est une Vérité révélée, la distinction entre Dieu et « César » exprime la Loi de la Création après le Péché, dans la lumière de la Rédemption.

Elle est aussi une vérité révélée, devenue le patrimoine commun de l’humanité civilisée, une de ces lumières magnifiques de la Révélation sur notre monde. Mais en fait, elle contient et « réfracte » tout le mystère originel de la Création. Quel est le rapport entre Dieu et « César », entre spirituel et temporel ? Quel doit-il être ? Il est,  il doit être le même que celui qui existe entre l’homme nouveau et le vieil homme, pour employer les mots de saint Paul. Il reflète la relation qui existe entre le créé et l’œuvre de la Rédemption. Il exprime la sacralité originelle du créé, et la brisure, le désordre, introduits par la Chute originelle.

C’est un rapport qui, pour ainsi dire, doit tendre à l’harmonie. Mais entendons-nous tout de suite sur ce mot d’ « harmonie ». Il ne s’agit pas d’une harmonie qui, en mélangeant le bien et le mal, accorderait l’Église sur le monde, pour la promotion du monde, ce qui en définitive ruinerait l’Église et l’inciterait à abandonner sa Mission qui concerne le salut de chaque homme. Il ne s’agit pas d’une « harmonie » qui ferait du pape le président des États-Unis du monde, si je puis dire.

Le créé, l’ensemble de la création, pour autant qu’il est rénové par le Christ qui est Lui-même l’Origine et comme la « Note fondamentale », ou la « Pierre angulaire » du Temple de la Création, cet ensemble de la création, donc, rentre en harmonie avec le Christ. Dans ce contexte, je me permets de le noter comme entre parenthèses, on comprend pourquoi l’Écriture, à propos du monde visible et de sa splendeur, parle de « cosmos » (Genèse, chap.2, au verset 1), c’est-à-dire, « ornement », temple magnifique, du moins quand il était dans sa beauté première, pour accueillir Celui dont le Corps est un Temple (Jn 2, 19-21).

Comment exprimer ce que je veux dire ? Eh bien, en quelque sorte, le Christ est la « racine » de la Création en sa pureté première ; il en est le « modèle », et la Mesure.

En ce sens, en s’harmonisant avec le Christ, l’homme, qui est le couronnement de la Création, pourra recouvrer son innocence, imparfaitement certes, puisque la rénovation qu’apporte le Christ se fait dans le monde ancien du péché.

Cieux nouveaux et Terre nouvelle sont pour après le Jugement, après la fin, après l’accomplissement de l’Histoire.

Le « Monde nouveau » n’est pas pour le temps de l’Histoire ; notre Espérance n’est pas de créer des institutions parfaites, qu’elles soient imaginées comme « monarchiques » ou « démocratiques ». Notre Espérance, c’est la Vie éternelle et la Vision de Dieu. Pas de « Paradis terrestre » dans le futur historique, pour le chrétien ; pas de « millénarisme », pas d’ « Ère nouvelle » au sens strict, pas d’époque paradisiaque, pas de « Règne de l’Esprit » au sens de tant de sectes.

Mais par contre, il ne faut jamais oublier que temporel et spirituel ont la même origine, l’unique Dieu Créateur, et c’est pourquoi ils peuvent rentrer en harmonie. On pourrait dire une infinité de choses sur cette parole du Seigneur : « Rendez à César… » Mais j’ai bon espoir d’avoir dit l’essentiel, du moins relativement à ce qui nous occupe, et fait l’objet de notre examen : l’Islam.

Avec l’expérience de toute une vie, je crois en effet, sinon à peu près vain, du moins bien dangereux, d’examiner l’Islam en dehors du christianisme. D’autant plus qu’en un sens très vrai, l’Islam se réfère secrètement au christianisme, et pour ainsi dire cherche à le réfuter. Saint Jean Damascène l’avait déjà parfaitement compris, qui appelait l’islam « la centième hérésie ».

Précisément, l’Islam refuse la distinction temporel-spirituel1. On comprend mieux peut-être, après ce que je viens de dire, à quel point cette distinction fameuse correspond intimement à la Doctrine du Christ. On comprend aussi pourquoi, très logique avec lui-même, l’Islam nie le Péché originel et remplace la notion de « péché » par celle d’ « erreur ». On comprend mieux désormais pourquoi l’Islam a une constante tendance interne à annihiler la volonté, en la soumettant à la nécessité, à la fatalité, au fatalisme.

Car là où il n’y a possibilité que d’erreur, il n’y a point de péché. Eh oui, la balle de tennis, l’électron, la lune, suivent leur loi ; ils n’ont pas de liberté, leur trajectoire est « fatale », parfaitement prévisible – en théorie du moins.

Mais cela a une autre  conséquence, aussi inéluctable : dans l’Islam, pour supprimer l’erreur, il n’y a guère d’autre moyen que de supprimer, purement et simplement, le porteur de l’erreur.

Dans le christianisme, il n’en va pas ainsi ; le porteur de l’erreur peut toujours se convertir, et c’est ce qui explique l’incroyable patience des saints pour la conversion de tous !

Le péché exprime, quoiqu’« en creux », dans les ténèbres, la liberté. C’est Maurice Clavel qui disait : « Laissez-moi mon petit péché ! », en ce sens : laissez-moi me reconnaître pécheur, donc libre, capable de retourner vers le bien, capable de revenir à Dieu, capable enfin d’être pardonné ! Je dirais –ne vous scandalisez pas – que la grandeur de l’homme est telle qu’il peut même pécher… L’électron, lui, ne pèche pas. Le fatalisme islamique est cohérent avec tout l’ensemble de la doctrine du Coran et des traditions coraniques ; il est cohérent aussi avec le djihad, et avec la conversion à la pointe du cimeterre. Il est cependant contradictoire : si tout est « fatal », ‘écrit d’avance’, pourquoi s’ingénier à influer sur les faits et les hommes ?

Voilà donc quelques réflexions écrites à la hâte, m’appuyant sur ce que je sais de l’Islam,  à travers mon expérience personnelle, et également à travers ce qui arrive aujourd’hui. Les quelques  réflexions déjà faites sur ce point, les observations que j’ai synthétisées sont dans la même ligne. Elles permettent de voir que derrière le danger de l’Islam, il y a un péril infiniment plus grand, qui se sert de l’Islam comme d’un habile camouflage : le totalitarisme à inflexion « libérale » ou « communiste », peu importe. C’est pourquoi, plus d’une fois, j’ai averti et mis en garde mes amis musulmans contre la diabolique manipulation dont ils sont les sujets et les victimes.

Il y a dans l’Islam une structure interne qui, en un sens, ne dépend pas beaucoup des particularités de la doctrine donnée dans le Coran et versée dans les âmes comme une sorte de boisson enivrante.

Dans toutes les religions, sauf dans la religion catholique, on retrouve cette « non-distinction » entre temporel et spirituel. L’Islam absorbe tout dans la religion, et la religion devient aussi la loi civile.

La « laïcité », religion d’État de l’État républicain, et spécialement la Franc-maçonnerie qui se profile discrètement derrière lui, veulent réduire tout à cette « religion » laïque, à cette idéologie officielle des « Droits de l’Homme ».

Religion « officielle » dont il faut bien voir à quel point elle dépend d’une métaphysique secrète d’obédience évolutionniste…donc matérialiste. Le communisme, issu –comme on l’ignore trop souvent- d’une mystique infernale, veut éliminer la religion, toute religion, et fatalement, tout comme la « laïcité » maçonnique, il absorbe le spirituel dans le temporel.

Mais qu’on absorbe le temporel dans le spirituel, ou le spirituel dans le temporel,  on arrive au totalitarisme, qu’il soit « démocratique », « théocratique », ou autre…

On saisit mieux pourquoi ceux qui absorbent le temporel dans le spirituel, ou ceux qui absorbent le spirituel dans le temporel, penchent tout naturellement (eh oui !) vers une tolérance fausse qui ruine la Vérité.

Quelles que soient leurs religions d’origine, ils ressentiront une mystérieuse parenté, ou une complicité secrète, ou une complaisance plus ou moins consciente vis-à-vis de l’Islam, de la Maçonnerie, du communisme. Facilement, entre eux, il y aura collusion ; ils seront souvent évolutionnistes, et s’ils sont catholiques, ils pousseront à la négation du Péché originel.

Conclusion – Quel spirituel ?

Le spirituel, détaché du surnaturel de l’Église, s’étiole pour sombrer vite dans un matérialisme pratique, même camouflé. Aujourd’hui la domination et les forces matérielles se développent démesurément, tandis qu’elles se coupent chaque jour davantage de l’Esprit du Christ. L’homme moderne chante la gloire de la matière. Mais parce qu’il s’est égaré loin de la Vérité, il a oublié que la mort est née du Péché, et que c’est la matière précisément qui est le vecteur de cette mort. L’homme, sous le sortilège du Tentateur, chante misérablement son malheur…


1 Ndlr. « En réalité, la distinction du temporel et du spirituel est variable (en islam) selon les époques mais le mélange demeure. Muhammad, le fondateur historique, ‘le bel exemple’ (Sourate 33, 21) n’a-t-il pas été tout à la fois chef religieux, politique et militaire? » (P. François Jourdan, eudiste, in: Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans).

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