Évolution : l’Église entre diplomatie et théologie

Par Dominique Tassot

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Résumé : La méthode expérimentale appliquée par Guy Berthault aux phénomènes de sédimentation continue de progresser parmi les géologues russes, et il n’est plus besoin d’être devin pour dire que les chronologies longues de la terre sont en crise, et, avec elles, par ricochet, la théorie évolutionniste qui les présuppose. C’est pourtant le moment que choisit l’Église catholique pour manger son chapeau, renier les quelques critiques de l’évolutionnisme que le cardinal Schönborn avait commises dans le New York Times le 7 juillet 2005, et lancer une vaste offensive diplomatique envers la « communauté scientifique » pour proclamer une fois de plus que l’Église n’a rien contre « la » science et s’accorde d’avance avec toute les théories qui se  laisseront réinterpréter dans une perspective théiste. En témoigne la réunion de l’Académie Pontificale des Sciences prévue du 30 octobre au 3 novembre sur le thème de l’Évolution (où ne parleront que des évolutionnistes), et surtout le Symposium inter-universitaire qui se tiendra à l’Université Grégorienne de Rome en mars 2009 pour célébrer le 150ème anniversaires de L’Origine des Espèces  de Darwin : même l’Intelligent Design y est présenté comme un « extrémisme » suspect de sous-entendus idéologiques !..On pourrait donc s’attendre, dans la foulée, à une déclaration doctrinale officialisant le ralliement du catholicisme à l’évolutionnisme. Heureusement cet ultime reniement s’avère impossible : les théologiens sont tenus par leur méthode de définir ce dont ils parlent ; et il est impossible de définir avec précision la seule Évolution qui soit pertinente pour la théologie – le transformisme entre une espèce animale et l’espèce humaine – sans reculer devant l’énormité et l’irrationalité du saut.

On se souvient de la salubre déclaration du patriarche de Moscou, Alexis II lors d’une conférence sur l’éducation, au Kremlin le 29 janvier 2007 : « Si les gens choisissent de croire qu’ils descendent du singe, très bien, mais sans qu’ils imposent leur opinion aux autres !1 ». Cette réaction témoigne d’une liberté de ton chez les intellectuels russes, qui n’est peut-être qu’un juste retour des mérites acquis par l’intelligentsia sous le lourd et long carcan soviétique.

On le constate aussi bien dans divers domaines du savoir, notamment avec la percée de datations contestataires en sédimentologie et en géologie. C’est ainsi que le Vice-président du CEP, Guy Berthault, interviendra de nouveau en Russie cet automne, dans la foulée du 33ème Congrès international de géologie, en août à Oslo, où, avec l’équipe d’Alexandre Lalomov, il doit rendre compte des récents travaux effectués sur les formations sédimentaires de la région de Kazan.

Pour mesurer le chemin parcouru en quelques années, il suffit de citer la conclusion de l’article publié par A. Lalomov2 dans la revue de l’Académie des Sciences de Russie, Lithology and Mineral Resource (vol.42, n°3, 2007), sur la sédimentation des grès du Cambrien-Ordovicien de Crimée : « la durée du dépôt de la formation étudiée n’aurait pas excédé 3000 ans, soit 0,01 % des 25 millions d’années donnés par l’échelle stratigraphique. »

D’une science qualitative, dotée d’une simple chronologie relative, la géologie devient ainsi science quantitative, avec la possibilité de calculer les temps de dépôt des différents bancs sédimentaires. On pourrait objecter que ces temps nécessaires au transport et au dépôt des sédiments ne sont pas des âges, et que de longues périodes calmes peuvent séparer les épisodes sédimentaires. Mais c’est précisément en additionnant les temps de dépôts supposés des différents étages de la colonne stratigraphique que s’est élaborée l’actuelle « chronologie » géologique, laquelle a d’ailleurs servi à étalonner les datations obtenues par la radio-activité. Le Pr Gohau écrit dans son Histoire de la Géologie : « Ce qui mesure le temps, ce sont les durées de sédimentation, sur lesquelles tout le monde est plus ou moins d’accord, et non celles des orogenèses et des « révolutions » biologiques puisque les catastrophistes les placent entre les phases sédimentaires tandis que les uniformitariens les mettent pendant ces épisodes » (p. 192)

Au moment donc où les datations qui forment le soubassement de l’évolutionnisme sont remises en cause, au moment où les arguments biologiques pour l’apparition graduelle d’organes fonctionnels nouveaux sont battus en brèche au sein même de l’Université par les tenants de l’Intelligent Design3, au moment où le Cardinal Schönborn  dit de l’Évolution à Castel Gandolfo le 3    septembre 2006 : « qu’il n’existe pas aujourd’hui de théorie scientifique contre laquelle il y ait autant d’objections sérieuses et qui, pourtant, est défendue par beaucoup comme si elle était sacro-sainte », on serait enclin à penser que l’Église catholique va enfin se libérer de décennies de compromission avec le mythe moderne et mandater ses théologiens pour statuer sur la question.

Or c’est l’exact contraire qui se déroule sous nos yeux. Lorsque Pie XII avait entr’ouvert la porte en 1950, dans Humani generis, il avait du moins pris soin de condamner le polygénisme (ce que la génétique a amplement confirmé depuis) et de rappeler la création directe de l’âme par Dieu (ce qui écartait le matérialisme, et donc le darwinisme)4.

L’Évolution était présentée comme une « hypothèse », mais respectable et digne d’étude, et le Zeitgeist, le tyrannique esprit du temps, n’en réclamait alors pas plus.

L’étape suivante fut franchie par Jean-Paul II dans sa « Lettre à l’Académie Pontificale des Sciences » du 22 octobre 1996. L’Évolution devenait « plus qu’une hypothèse » (formule surprenante, les concepts de la philosophie n’étant guère susceptibles de « plus » et de « moins »)5.

La lettre évoquait une « convergence non recherchée entre différentes disciplines » et ne conservait qu’une seule réserve : qu’on acceptât un strapontin pour Dieu dans le train de l’Evolution.

Comme Rodrigue s’écriant : « J’étais leur chef, il fallait bien que je les suive ! », le deus ex machina missionné pour dire qu’il y a un sens à cette Évolution  reposant pourtant sur des mécanismes aléatoires, aura bien du mal à se reconnaître dans le Créateur directif et tout puissant de la Genèse.

Du moins – même si la presse internationale, le lendemain, titrait « l’Église reconnaît Darwin » – on pouvait lire ce texte comme réticent à l’égard du matérialisme darwinien et cautionnant plutôt un « évolutionnisme théiste » : l’Évolution est un fait historique ; elle est régie par des causes secondes, celles-là mêmes que les scientifiques étudient ; mais à un niveau supérieur, un Dieu discret donne un sens au spectacle et un coup de pouce à un hasard trop manifestement insuffisant pour expliquer cette merveille d’ingénierie que constitue le moindre des êtres vivants.

On le voit, la lettre de Jean-Paul II représentait un excellent compromis. On donnait à la « communauté scientifique » satisfaction sur le point essentiel : la reconnaissance du « fait » de l’Évolution. Mais on signalait au passage l’existence de plusieurs théories de l’Évolution, ce qui dispensait d’avoir à préciser de quelle « Évolution » on parlait, flou bien commode lorsqu’on se propose d’affirmer sans se compromettre. Enfin on réaffirmait verbalement le grand principe justifiant la survie de la religion même dans une société matérialiste : la présence lointaine d’un Dieu donneur de sens, bien utile pour calmer les angoisses métaphysiques résiduelles des derniers sentimentaux, mais n’imposant aucune contrainte à la vision scientifique du monde.

Un véritable « sauveur » donc, comblant les vides psychologiques dans un monde qui pourrait sembler absurde, mais n’exigeant rien en retour.

On ne sera pas surpris d’apprendre que le rédacteur principal de cette lettre aurait été un jésuite, proche collaborateur du cardinal Poupard au Conseil Pontifical pour la Culture.

Cette belle opération diplomatique fut menacée le 7 juillet 2005 avec l’article donné par le cardinal Schönborn, archevêque de Vienne, dans le New York Times. Le bref écrit pouvait en effet passer pour une provocation, puisqu’il affirmait, et sans circonlocutions :

1 – Que le darwinisme était faux (au nom des certitudes de la philosophie qui l’emportent sur celles de la science) ;

2 – Que la lettre de Jean-Paul II à l’Académie Pontificale des Sciences n’était qu’un texte « vague et peu important » ;

3 – Qu’on pouvait lire une finalité prédéterminée dans la nature (Le titre Finding Design in Nature – « Découvrir un dessein dans la Nature » – fut interprété comme une caution apportée au courant de l’Intelligent Design).

Aucune de ces trois affirmations ne pouvait laisser indifférent et les protestations fusèrent dès les jours suivants, en particulier de la part de scientifiques « catholiques », mais aussi athées.

À la même époque, 70 académies des sciences (fédérées dans une  association internationale) cosignèrent une déclaration en faveur de l’Évolution. Mais la cardinal Ratzinger, devenu pape en 2005, avait assisté en 1983 en Allemagne à un séminaire de deux jours sur la macroévolution, à l’issue duquel il déclara à l’organisatrice, le Dr von Stockhausen : « Ce fut une des expériences les plus importantes de ma vie. Maintenant je sais que l’évolution est impossible !6 » Et dans le dernier ouvrage publié avant son élection, Foi, Vérité, Tolérance, il consacrait trois pages à la question, citant au passage deux spécialistes de Harvard, Eörs Szathmary et John-Maynard Smith : « Il n’existe aucun fondement théorique pour croire que les lignées évolutives deviennent plus complexes avec le temps, ni aucune donnée empirique pour établir que ceci se produit7»

Avec à la tête de l’Église deux théologiens conscients des problèmes de l’Évolution et connaissant par ailleurs personnellement des scientifiques antiévolutionnistes ou acquis à l’Intelligent Design, on aurait pu espérer qu’une bataille fût livrée, à tout le moins pour remettre à leur place ces savants qui prétendent trancher avec autorité des questions générales sortant manifestement de leur domaine de compétence.

Le Ratzinger Schülerkreis de septembre 2006 allait en offrir l’occasion rêvée.

Chaque année, en effet, une quarantaine de théologiens qui ont fait leur thèse sous la direction de Joseph Ratzinger se réunissent pour étudier un sujet deux jours durant. En 2005 le thème avait été l’Islam.

En 2006 ce devait être « Évolution et Création » et le cardinal Schönborn, chargé de préparer les séances, avait sollicité un antiévolutionniste américain connu, généticien et paléontologiste, le Dr Richard von Sternberg, pour préparer un argumentaire scientifique à l’intention des participants.

Mais de bataille il n’y eut point ; pas même de vrai débat. L’étude de R. von Sternberg ne fut pas remise aux participants et le seul scientifique invité à Castel Gandolfo pour le Ratzinger Schhülerkreis de 2006 fut un biochimiste darwinien agnostique, le Pr Peter Shuster, président de l’Académie des Sciences de Vienne8.

Puis le 24 juillet 2007, devant 400 prêtres italiens des diocèses de Belluro-Feltre et de Trévise, Benoît XVI, après avoir rappelé l’importance de la création divine de chacun d’entre nous « (sans laquelle) la vie n’est plus rien d’autre qu’un simple morceau d’évolution. Elle n’a plus de sens en soi », ajoutait : « L’opposition (entre créationnistes et évolutionnistes) est absurde, notamment parce qu’il existe de nombreuses preuves scientifiques en faveur d’une évolution qui apparaît comme une réalité que nous devons voir. » Puis, de conclure : « Nous sommes pensés et voulus. Il y a donc une idée qui nous précède, un sens qui nous précède et que nous devons découvrir, suivre et donner en définitive à notre vie. »

Quand on sait que le point faible, reconnu par les évolutionnistes eux-mêmes, est justement l’absence de preuves flagrantes, on peut se demander ce qui a motivé l’affirmation péremptoire de Benoît XVI ; et l’hypothèse qui vient à l’esprit est de se référer à la communication du Pr Schüster à Castel Gandolfo. Il y évoque les expériences de Richard  Lenski sur les bactéries. 40 000 générations successives ont pu être soumises à divers essais de mutations, en étudiant les effets sur le génome et les traits morphologiques de ces bactéries, notamment l’épaisseur de la membrane cellulaire.

Mais la véritable conclusion à tirer de ces expériences nous semble plutôt la suivante : si au terme de 40 000 générations soumises à toutes sortes de substances, rayonnements et conditions mutagènes, on n’a pas même obtenu un être pluricellulaire, c’est bien l’impossibilité d’une évolution progressive qui vient d’être démontrée ! Imaginons les durées nécessaires à 40 000 générations d’éléphants ! C’est ce que disait déjà le Pr Pierre-Paul Grassé à propos des expériences menées dans le monde entier durant cinquante ans sur la mouche drosophile, pour provoquer les mutations les plus étranges, le plus souvent létales (comme la mutation « antenna-podiæ » qui fait pousser les pieds à la place des antennes, et réciproquement) : puisqu’après tant d’efforts dirigés ce sont toujours des drosophiles, voilà bien la preuve que la barrière de l’espèce est le trait dominant de la Nature : elle y empêche le chaos (comme le dit souvent le Pr Pierre Rabischong) ; elle nous permet de décrire et de connaître le monde vivant.

Tout se passe donc comme si, une fois de plus, la question de fond était écartée pour ne retenir qu’un objectif prioritaire : faire la paix avec la « communauté scientifique », éviter tout risque d’une nouvelle « affaire Galilée », bien montrer que l’Église n’est pas  l’ennemie de la science… D’où une vaste opération de « relations publiques » dont deux des prochaines étapes sont désormais connues : une session de l’Académie Pontificale des Sciences sur l’Évolution du 30 octobre au 3 novembre prochains ; puis un Symposium pour célébrer le bicentenaire de la naissance de Darwin et le 150ème anniversaire de son livre L’Origine des Espèces, du 3 au 7 mars 2009, qui se tiendra à l’Université pontificale grégorienne (jésuite) de Rome en collaboration avec l’Université Notre-Dame (Indiana) et quatre autres universités sous le patronage du Conseil Pontifical pour la Culture. La session de l’Académie Pontificale fait intervenir principalement ses membres. Ne parleront donc, outre le cardinal Schönborn, que des évolutionnistes.

Quant au Symposium de 2009, il se présente d’emblée comme désireux de trouver une voie moyenne entre « un évolutionnisme métaphysique antireligieux et les conceptions fondamentalistes qui mettent en lumière un « créationnisme » mal interprété ou encore le mouvement appelé Intelligent Design »9. Le Pr Gennaro Auletta, directeur de la Faculté de Science et de Philosophie de l’Université grégorienne et principal organisateur du symposium, a déclaré à Edward Pentin, de Newsweek : « Nous espérons que ces journées montreront l’exemple de la vraie manière de tenir une discussion ouverte et sans sous-entendu. Nous voulons tout simplement dialoguer entre gens dont la mission est de comprendre toujours un peu mieux les choses.»10

Nul doute qu’en excluant d’office à l’aide d’une étiquette infamante ceux qui posent des questions de fond, le dialogue ne soit facilité ; mais cette démarche, s’il faut la considérer comme une position officielle, constitue aussi une reddition en rase campagne devant le Moloch de la pensée moderne.

Le Pr Pierre-Paul Grassé, s’adressant aux biologistes, avait déclaré : « Aujourd’hui, nous avons le devoir de détruire le mythe de l’évolution, phénomène simple, compris et expliqué, qui continue à se dérouler rapidement sous nos yeux. Il faut amener les biologistes à réfléchir sur la légèreté des interprétations et des extrapolations que les doctrinaires présentent ou imposent comme des vérités démontrées. La supercherie est parfois inconsciente, mais non toujours, car il en est qui, par sectarisme, ignorent volontairement le vrai et refusent de reconnaître les insuffisances et la fausseté de leur croyance.»11

En revanche, pour les responsables catholiques, ces faits ne compteraient pas : seul importerait l’impérieuse urgence diplomatique de faire taire, si cela était possible, toute suspicion de créationnisme, même refoulé. Devant une telle situation, on pourrait désespérer de voir un jour reconnue la nature  proprement mythique de cette théorie que le biologiste Jean Rostand qualifiait si justement de « conte de fée pour grandes personnes ».

On pourrait même craindre une déclaration incorporant officiellement l’évolutionnisme dans la théologie catholique, comme on l’a déjà fait dans l’enseignement du catéchisme.

Heureusement, un obstacle infranchissable se dresse, qui tient à la nature de la théologie : on ne peut statuer que sur un point préalablement défini. Comme tout le monde, les théologiens peuvent parler pour ne rien dire ;  mais  ils ne peuvent parler sur ‘rien’.

Les scientifiques savent, eux, évoquer l’Évolution en restant dans la confusion ; les phénomènes étudiés (adaptations ou mutations) relèvent de la microévolution, puis on les porte au crédit de la macroévolution. Mais le théologien qui veut se prononcer sur le sujet ne peut viser que la macroévolution, le saut transpécifique entre le singe (ou assimilé) et l’homme12. Le martyre de la drosophile irradiée qui perd ses ailes n’est pas un thème théologique, tout au plus une question bioéthique concernant la vivisection. Mais si l’on se met à définir la macroévolution, le simple énoncé suffit à manifester l’absence de tout ‘argument théorique’ comme de tout ‘constat empirique’ (pour reprendre les mots de Szathmary et Smith) et la plume recule devant le saut irrationnel.

Aujourd’hui, c’est donc la science qu’il faut démythiser, et les scientifiques sont mal placés pour entrevoir la tâche. Ne serait-ce pas alors aux théologiens, une fois dégrisés de leurs entrechats diplomatiques, qu’il reviendra de réaliser cette œuvre salutaire ? Il leur suffirait d’appliquer leur propre méthode, par ailleurs, assez facile à justifier aux yeux de la raison : celle qui impose de définir ce dont on traite.


1 Cf. Le Cep n° 42, janvier 2008, p.26.

2 Directeur du département des minerais marins à l’Académie des Sciences de Moscou, Alexandre Lalomov était intervenu au colloque du CEP à Angers, en 2005. L’enregistrement de sa conférence est toujours disponible (CD 0511, 8€ franco). Ce travail a fait l’objet d’une communication au congrès de l’Union européenne des Géosciences, à Vienne (Autriche), le 16 avril 2007. On en trouvera le texte sur le site sedimentology.fr

3 Cf. Claude Éon, Le Cep n° 35 et 37, 2006.

4 Rappelons la “petite phrase” si souvent citée (et tronquée) en la situant dans son contexte : « Questions de biologie et d’histoire« Hypothèse » n’est pas science – Il nous reste à dire quelques mots de questions qui se rapportent aux sciences positives, mais sont en rapport plus ou moins étroit avec les vérités de la foi. Plusieurs, en effet, réclament, avec insistance, que la religion catholique tienne le plus grand compte de ces disciplines. Ce qui, sans aucun doute, est chose louable lorsqu’il s’agit de faits véritablement établis, mais lorsqu’il s’agit plutôt d’hypothèses qui touchent à l’enseignement de l’Écriture ou de la Tradition, même si  elles ont quelque fondement scientifique, il faut les accueillir avec prudence. Si de telles hypothèses s’opposaient directement ou indirectement à la doctrine révélée par Dieu, elles seraient un postulat tout à fait inacceptable. – L’évolutionnisme – En conséquence, l’Église n’interdit pas que la doctrine de l’évolution, pour autant qu’elle recherche si le corps humain fut tiré d’une matière déjà existante et vivante –car la foi catholique nous oblige à maintenir l’immédiate création des âmes par Dieu – dans l’état actuel des sciences et de la théologie, soit l’objet de recherches et de discussions, de la part des savants de l’un et l’autre parti, de telle sorte que les raisons qui favorisent ou combattent l’une ou l’autre opinion soient examinées et jugées avec le sérieux nécessaire, modération et mesure ; à la condition toutefois, que tous soient prêts à se soumettre au jugement de l’Église, à qui le Christ a confié le mandat d’interpréter avec autorité les Écritures et de protéger la foi. Certains outrepassent cette liberté de discussion en faisant comme si on avait déjà établi, de façon absolument certaine, avec les indices que l’on a trouvés et ce que le raisonnement en a déduit, l’origine du corps humain à partir d’une matière déjà existante et vivante ; et cela, comme s’il n’y avait rien dans les sources de la révélation divine qui, en ce domaine, impose la plus grande modération et la plus grande prudence.
Le polygénisme – Quand il s’agit de l’autre hypothèse qu’on appelle le polygénisme, les fils de l’Église n’ont plus du tout pareille liberté. En effet les fidèles ne peuvent embrasser une doctrine dont les tenants soutiennent, ou bien qu’il y a eu sur terre, après Adam, de vrais hommes qui ne descendent pas de lui par génération naturelle comme du premier père de tous, ou bien qu’Adam désigne l’ensemble de ces multiples premiers pères. On ne voit, en effet, aucune façon d’accorder pareille doctrine avec ce qu’enseignent les sources de la vérité révélée et ce que proposent les Actes du magistère ecclésiastique sur le péché originel commis par Adam, et qui, répandu en tous par la génération, se trouve en chacun et lui appartient.
Si l’on veut bien lire attentivement tout ce passage (en y ajoutant ceux que commente de son côté Jean de Pamplona dans son article ci-après), on voit aussitôt que la concession faite à l’évolutionnisme se borne à admettre que cette « hypothèse » soit examinée dans un débat contradictoire entre partisans et opposants. Le moins qu’on puisse dire est que ce débat n’a toujours pas eu lieu, les partisans de l’hypothèse ayant bel et bien  « confisqué le micro ».

5 Cette formule fut considérée comme une suite à Humani generis. Mais aucune allusion n’y est faite à un débat entre spécialistes qui aurait permis de trancher l’alternative évoquée par Pie XII.

6 Témoignage personnel du Dr von Stockhausen auprès de Hugh Owen, directeur du Centre Maximilien Kolbe (U.S.A.)

7 The Major Evolutionnary Transitions, Nature n° 374, 227-32.

8 On lira plus loin la brève allocution prononcée par Benoît XVI aux participants du Ratzinger Schülerkreis.

9 Cf. www.evolution-rome2009.org

10 Times on line du 23 mai 2008.

11 L’évolution du vivant, Paris, Albin Michel, 1973, p.25.

12 Le dernier livre du P. Jaques Arnould s’intitule d’ailleurs Caïn a-t-il rencontré Néanderthal ? (mai 2008).

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