L’Europe sur le chemin de la dictature ?

Par Vladimir Boukovsky

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Il a plu à Dieu qu’on ne pût faire aucun bien aux hommes qu’en les aimant.” (P. Le Prévost)

L’Europe sur le chemin de la dictature ?1

Résumé : Vladimir Boukosky, célèbre dissident soviétique, est connu notamment par un petit ouvrage intitulé : « L’Union Soviétique survira-t-elle jusqu’en 1984 ? ». Emigré en Angleterre, il a gardé une lecture originale de la politique occidentale. Bien que son approche soit plus démocrate que chrétienne, ses impressions devant la mise en place du gouvernement européen sont assez originales pour stimuler la réflexion.

Ce que nous avons aujourd’hui sous la forme de l’Union européenne n’est que la moitié du plan. Mais cette moitié est déjà suffisamment horrible. En gros, elle est édifiée selon les principes directeurs de l’Union soviétique. Je peux vous dire exactement ce qui va arriver parce que, d’une certaine manière, j’ai déjà vécu dans votre avenir. Par exemple, je peux vous prédire que les résultats de l’expérience seront exactement le contraire de ce qu’ils proclament. Tout comme ce que nous avons eu en Union Soviétique. Aujourd’hui on nous dit que nous aurions besoin de l’Union Européenne pour éviter la guerre et garantir la paix, alors qu’actuellement en Europe personne ne menace la paix de quelque façon que ce soit.

Je peux vous prédire qu’en quelques années, la plupart des Etats européens divergeront. Les désaccords sont trop grands et les conflits ne sont pas loin.

On nous promet aujourd’hui que, grâce à l’Union européenne les peuples dépasseront leurs différences nationales et enterreront pour toujours les oppositions raciales, ethniques et nationales. C’est exactement le contraire qui va arriver.

En Union Soviétique, nous étions supposés être une heureuse famille de nations, et après 73 ans il y a eu plus de conflits ethniques que nulle part ailleurs sur la terre. On nous dit en ce moment que nos économies vont prospérer, que l’union renforcera économiquement les pays d’Europe et qu’ils feront ainsi concurrence à l’Amérique. Donc, que l’Europe unie serait bonne pour nos intérêts économiques. L’exact contraire va arriver. Non seulement nous deviendrons pauvres, incapables et hyper-réglementés, mais encore plus dépendants de l’Amérique.

Je connais bien ces stratèges ; je sais tellement bien ce qui va se passer que je pourrais devenir très riche, si je trouvais quelqu’un pour accepter un pari. Mais personne ne veut parier avec moi. Il y a peu, j’ai proposé un pari à un ami anglais. Je lui ai parié une grosse somme que, dans quelques années, nous aurions un impôt européen, un impôt spécial pour payer toutes ces structures dispendieuses. Il n’a pas voulu me suivre. S’il m’avait cru, je serai riche sous peu. D’autres amis anglais n’aiment pas ma comparaison. Ils disent que l’Union soviétique est impensable sans goulags, et qu’en Europe il n’y en a pas et qu’il n’y en aura pas. Mais là aussi je dois les contredire. Nous avons le début d’un goulag. Nous avons déjà le goulag intellectuel. Il y a déjà des gens qui sont méprisés, qui perdent leur emploi, qui ne peuvent plus s’exprimer publiquement, simplement parce qu’ils ne suivent pas la ligne officielle sur certains points comme la race, la femme, la sexualité ou n’importe quoi d’autre, oui, même la fumée ; je suis fumeur et je sais que je suis déjà dans un goulag.

Mais ce n’est pas fini. Il y aura un goulag. J’ai lu le projet du traité de Nice ; si vous ne l’avez pas encore lu, faites-le vite. On veut fonder une police européenne. Une police européenne ! On veut donc instituer un nouveau KGB.

Et cette police aura des compétences incroyables ! Des compétences qu’aucune police d’aucun pays européen ne possède pour l’instant. Tout d’abord elle aura l’immunité. Que c’est bien, une police-diplomate !

Elle peut venir chez moi et me tabasser et je ne peux pas la traîner devant les tribunaux. C’est merveilleux. Même le KGB n’avait pas autant de compétences.

Aucune procédure n’est fixée et tu pourrais être arrêté dans ton pays et ensuite transféré dans un autre. Sans aucune possibilité d’audition avant l’extradition. Donc si ces gens disent que tu es un criminel, aucun droit local ne te protégera plus.

Assez de mauvaises nouvelles, venons-en aux bonnes. Il s’agit d’une structure que je connais bien et donc je peux prévoir avec certitude qu’elle va s’effondrer. Cet effondrement provoquera des difficultés économiques. L’Union européenne laissera un héritage de discordances et d’hostilités. Les temps qui suivront son effondrement ne seront pas particulièrement agréables. Mais l’Union européenne s’effondrera.

Une autre bonne nouvelle est qu’elle est plus facile à combattre que l’ancienne Union soviétique. Ces gens sont faibles. Ils ne sont pas forts. Ils ne sont pas aussi dénués de scrupules que les dirigeants soviétiques. Ils ont moins d’expérience qu’eux. La plupart ne sont que des intellectuels qui aiment surtout parler de leur grand amour pour l’humanité.

Je peux même vous dire comment mener le combat. Il s’agit de ce que nous avons fait avec succès en Union soviétique. Il faut voir clairement que nous parlons d’élites corrompues. Nous ne parlons pas de tel ou tel parti ou de telle ou telle partie de la société. Non, nous parlons de la corruption des élites européennes. La seule réponse adéquate est un mouvement de masse de la base. Allez dans les universités et essayez de constituer de petites cellules dans chaque université, dans chaque école, semestre après semestre. La jeunesse doit émerger, nous avons besoin de mouvements de masses. Alors, ceux de Bruxelles seront faibles et ne répondront rien. Ils ne peuvent même pas entreprendre quelque chose contre la petite Autriche ; ils n’ont bricolé que des sanctions stupides qu’ils ont dû annuler moins de six mois plus tard. Cela montre que ces gens sont faibles, stupides et incapables. La plupart sont des bureaucrates qui s’effondreront vite si nous avons un vrai mouvement populaire pour combattre en première ligne. Quand nous avons commencé, au milieu des années soixante, notre mouvement contre l’Union soviétique et contre le communisme, aucun d’entre nous ne croyait qu’il vivrait assez longtemps pour assister à la fin du système.

Nous avions un ennemi très puissant : le KGB sans scrupules, qui à tout moment pouvait tuer chacun de nous. Cependant maintenant le score est en notre faveur ! Ils sont morts2 et nous vivons. Je suis convaincu que vous avez de bien meilleures chances de combattre ces restants de soviétisme en Europe que nous n’en avions eu, il y a quarante ans, quand nous combattions l’Union soviétique.


1 Extrait de Zeitfragen, nov. 2000, trad. Denis Helfer.

2 Ndlr. Nous laissons à l’auteur la responsabilité de cette affirmation, difficile à établir.

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