Partager la publication "Personne ici, hormis nous les terrestres"
Par Guillaume Gonzalez
Guillaume Gonzalez1
Résumé : Est-il probable que d’autres êtres corporels vivants et intelligents existent ailleurs dans l’univers ? Considérant toutes les conditions physiques et chimiques nécessaires (mais non suffisantes) à l’apparition et à l’entretien de la vie, l’auteur n’hésite pas à répondre : non !
Sommes-nous seuls dans l’univers ? Telle est la question la plus souvent posée aux astronomes. Toujours fascinés à l’idée d’extraterrestres intelligents, les gens se pressent pour voir des films tels que « les Hommes en Noir » et « Contact« , ou pour regarder avec fascination les images de Mars que nous envoie le satellite Pathfinder.
Ma réponse à cette question prend presque toujours mes interlocuteurs au dépourvu : « Très vraisemblablement, oui, nous sommes les seuls ». En effet, quand on observe les données astronomiques avec un esprit ouvert, on comprend à l’évidence pourquoi nous n’avons jamais trouvé aucune preuve d’intelligence extraterrestre.
La question ne s’était pas posée sérieusement aux astronomes avant les années 1960. En 1966, Carl Sagan2 et Joseph Shklovski estimèrent que la Voie Lactée comportait un millions de planètes habitables. Mais leur calculs ne reposait que sur deux contraintes : le type de l’étoile-parente, et sa distance à la planète. A mesure que notre connaissance de l’univers s’est accrue, les astronomes ont dû ajouter bien des contraintes à cette liste. Il est clair, aujourd’hui, que la première estimation avait été fantastiquement optimiste.
La première étape pour calculer la probabilité d’une intelligence extraterrestre consiste à déterminer les conditions biologiques nécessaire à la vie.
Etant donné que les lois de la physique et de la chimie sont universelles3, nous pouvons raisonnablement inférer les principales à partir des observations faites sur Terre. Les éléments de base nécessaires à la vie sont l’eau à l’état liquide, une source d’énergie stable à long terme et un certain nombre d’éléments chimiques : les bactéries ont besoin d’hydrogène, de carbone, d’azote, d’oxygène, de sodium, de magnésium, de phosphore, de soufre, de chlore, de potassium, de calcium, de manganèse, de fer, cobalt, cuivre, zinc et molybdène ; le corps humain requiert en outre dix autres éléments. Bien sûr, ces seuls ingrédients de base ne suffisent pas à garantir l’apparition de la vie : qui veut cuire un gâteau doit encore suivre soigneusement la recette.
Pour déterminer la probabilité d’une vie intelligente ailleurs dans la Voie Lactée, nous devons considérer conjointement les conditions nécessaires à l’apparition du vivant et aussi celles nécessaires à son entretien. Exemples du premier groupe : une source d’éléments lourds, requis pour composer une planète semblable à la terre avec les organismes qu’elle contient (ceci exclut d’emblée la plupart des étoiles « vieilles », qui se composent d’hydrogène et d’hélium) ; une source d’éléments radioactifs qui maintiendront la chaleur interne de la planète (ceci exclut les étoiles « récentes ») ; et une source d’eau liquide (qui peut provenir des comètes).
Ces contraintes limitent les lieux de la Voie Lactée où la vie aurait pu surgir. Les éléments lourds sont plus abondants dans les régions intérieures de la galaxie, et des planètes semblable à la terre n’auraient pas pu se former tôt dans l’histoire de la Voie Lactée car la concentration d’éléments lourds était trop faible. Il n’existe qu’une mince « fenêtre d’opportunité » -tant dans l’espace que dans le temps- pour que la vie ait pu apparaître dans la Voie Lactée.
Les conditions nécessaires au maintient de la vie diffèrent, de celles nécessaire à son apparition et, dans certain, cas semblent les contredire.
Citons : la présence d’une grande lune pour stabiliser l’axe de la planète dans ses oscillations et ralentir sa rotation ; l’absence de nova et de supernova à proximité ; une orbite circulaire dans le plan de la Voie Lactée ; et la présence d’une « géante gazeuse » -une planète telle que Jupiter- pour réguler le flux des comètes. Je pourrais ajouter à cette liste plus de deux douzaines d’autres contraintes astronomiques.
De récentes découvertes en astronomie affaiblissent fortement la cause de la vie extraterrestre, en montrant à quel point l’univers est dangereux. Les explosions de rayons gamma produisent finalement beaucoup plus de radiations qu’on ne le croyait. Avec le télescope spatial Hubble, les astronomes ont pu observer que la plupart des grandes galaxies abritent de massifs trous noirs à leur centres, lesquels émettent aussi de prodigieuses quantités de radiations nocives. Et le lien entre le cratère d’un météore près de Chicxulub, au Mexique, et la disparition des dinosaures, montrent combien la vie est vulnérable à la moindre catastrophe planétaire4.
Alors que penser de ces découvertes récentes dans notre propre système solaire – la présence de vie sur une roche provenant de mars, l’an dernier, et la preuve indirecte d’un océan sous la surface de la lune de Jupiter, Europa ? Les recherches complémentaires sur la roche martienne ont fortement amenuisé la thèse de la vie sur Mars. Et l’existence éventuelle d’eau sous la surface d’Europa est loin de garantir la présence de la vie. La leçon qu’il convient de retenir de ces images spectaculaires transmises par la dernière mission Mars, n’est pas que la vie pourrait y exister, mais que sur la planète pourtant la plus semblable à la Terre dans le système solaire, les conditions semblent trop rudes même pour une vie rudimentaire.
Au lieu de se demander : « Sommes-nous seuls ? » nous devrions plutôt nous dire : « Pourquoi sommes-nous ici ? »