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Par Michael J. Behe
Le flagelle bactérien1
Résumé : Depuis 1993 paraissent de nombreuses études sur le flagelle bactérien. Il faut en conclure que le flagelle tourne sur lui-même dans la membrane de la bactérie, comme le rotor d’un moteur électrique : sans lien assurant une continuité, même souple, avec la paroi cellulaire !… Il semble aussi que l’énergie électrique engendrant la rotation soit apportée par un flux d’acide. Mais on est loin d’expliquer comment ces ions acides sont sécrétés autour des 6 flagelles en fonction de la direction à prendre !
Nous autres humains tendons à avoir une opinion plutôt haute de nous-mêmes, et cette attitude peut colorer notre perception du monde biologique. En particulier notre attitude au sujet de ce qui est supérieur ou inférieur en biologie, de ce qui est organisme « avancé » ou ce qui est organisme « primitif », commence naturellement avec la présomption que nous-même sommes le pinacle de la nature. La présomption peut être défendue en citant la dominance humaine, et aussi avec des arguments philosophiques. Néanmoins d’autres organismes s’ils pouvaient parler, pourraient à bon droit prétendre à leur propre supériorité. Tel est le cas des bactéries que nous imaginons pourtant comme la forme de vie la plus grossière.
Quelques bactéries s’enorgueillissent d’un merveilleux système de natation, le flagelle, qui n’a pas d’équivalent dans les cellules plus complexes. En 1973 on découvrit que quelques bactéries nagent en faisant tourner leur flagelle. Ainsi le flagelle bactérien agit comme un propulseur rotatif – par opposition avec le « cilium » des autres bactéries, qui agit plutôt comme un aviron.
Le flagelle est un long filament semblable à un cheveu incorporé dans la membrane de la cellule. Le filament externe est constitué d’un type unique de protéine appelée « flagelline. »
Le filament de flagelline est la surface de la pagaie qui pousse le liquide lors de la nage. Au départ du filament de flagelline, près de la surface de la cellule, on observe un renflement dans l’épaisseur du flagelle. C’est ici que le filament est relié à la tige du rotor. Le matériau de fixation est appelé « protéine crochet. » Le filament d’un flagelle bactérien, à la différence d’un cilium, ne contient pas de protéine motrice ; s’il est brisé, le filament flotte, inerte, dans l’eau. C’est pourquoi le moteur qui fait tourner le filament propulseur doit être situé autre part. Des expériences ont montré qu’il est situé à la racine du flagelle, où le microscope électronique fait apercevoir quelques structures en anneaux. La nature rotative du flagelle a une conséquence claire et inévitable, comme le note tout manuel de biochimie.
La voici : le « moteur rotatif » bactérien doit avoir les mêmes éléments mécaniques que d’autres systèmes rotatifs : un rotor (élément tournant) et un stator (élément fixe).
Fig 1. Eléments du flagelle bactérien2
Le rotor a été identifié comme l’anneau M de la figure 1 et le stator comme l’anneau S.
La nature rotative d’un moteur de flagelle bactérien fut une découverte étonnante et inattendue. A la différence d’autres systèmes qui produisent un mouvement mécanique (les muscles par exemple), le moteur bactérien n’utilise pas directement l’énergie stockée dans une molécule « porteuse » telle que l’ATP. Pour déplacer le flagelle, il utilise en fait l’énergie produite par un flux d’acide à travers la membrane de la bactérie. Les contraintes pour un moteur fondé sur un tel principe sont tout à fait complexes et font l’objet d’une active recherche. Un grand nombre de modèles pour le moteur ont été suggérés; aucun d’entre eux n’est simple.
Fig. 2. Un des modèles proposés pour expliquer le fonctionnement électrique du moteur bactérien3
Un tel modèle n’est montré, à la figure 2, que pour donner au lecteur une idée de la complexité prévisible du moteur.
Le flagelle batérien utilise un mécanisme de pagaie. C’est pourquoi il doit rencontrer les mêmes exigences que d’autres organes nageants analogues. Parce que le flagelle bactérien est nécessairement composé d’au moins trois parties -une pagaie, un rotor et un moteur- il est irréductiblement complexe. L’idée d’une évolution graduelle du flagelle, soulève des obstacles gigantesques.
La littérature professionnelle sur le flagelle bactérien est à peu près aussi riche que la littérature sur le cilium, avec des milliers d’articles publiés sur le sujet depuis des années. Cela n’est pas surprenant : le flagelle est un système biophysique fascinant, et des bactéries flagellées sont importantes pour la médecine. Ici encore la littérature évolutionniste est totalement absente. Même si on nous dit que toute la biologie devrait être vue à travers la lentille de l’évolution, aucun savant n’a jamais publié le moindre scénario pour l’évolution graduelle de cette extraordinaire machine moléculaire.
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Note : Réaumur, inventeur du thermomètre et de la métallographie, mais aussi un des grands entomologistes du dix-huitième siècle, notait déjà devant la profusion étonnante de formes chez les insectes :
« Les insectes, que le vulgaire méprise, ne sont pas seulement admirables, ils sont plus admirables que le reste de la nature.«
(Réaumur, Mémoires pour servir à l’histoire des insectes, 6 tomes, Paris, Imprimerie royale, 1734-1742, t. III, p.XXIII).
1 Extrait de Darwin’s Black Box, The biochemical challenge to Evolution, The free Press, New York, 1996, pp.70-73. Aimablement traduit par Yves Nourissat.
Michael Behe enseigne la biochimie à l’Université Lehigh (Pennsylvanie). Son livre vient de lui apporter une grande célebrité aux Etats-Unis : en montrant l’évidence d’une finalité dans les être vivants, il met en cause le dogme central du matérialisme scientiste.
2 D’après Voet and Voet, Biochemistry, 2d edition, John Wiley and Sons, New York, 1995, p.1259.
3 Caplan S.R. and Kara-Ivanov M., The Bacterial Flagellar Motor, International Review of Cytology, n°147, 1993, p.138.