Enquête sur un massacre de la guerre de Vendée en 1793 (1ère partie)

Par:Dr Jean-Maurice Clercq

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HISTOIRE

« Si l’homme est libre de choisir ses idées, il n’est pas libre d’échapper aux conséquences des idées qu’il a choisies. » (Marcel François)

Résumé : Une information intéressante peut passer inaperçue par inattention, mais il arrive aussi qu’elle attire notre attention et nous intrigue. Dans ce cas, nous avons le choix de la classer sans suite, ou bien de chercher à l’approfondir. Il peut arriver alors que l’on se trouve engagé à tirer sur le fil d’une pelote dont le dévidage apporte son lot de surprises. C’est ainsi qu’un membre du CEP, intrigué par un entrefilet paru dans le quotidien régional Ouest-France, allait avoir l’occasion de mener une enquête historique quasi policière sur un événement dramatique qui avait été totalement occulté par les révolutionnaires : le massacre, dans une église de Vendée, de 400 personnes qui assistaient à la messe de minuit à la Noël 1793. Cette enquête, qui s’est étendue sur plusieurs années, a été menée en toute rigueur et a été validée. Compte tenu de la “sensibilité » du sujet, on comprendra que l’auteur ait enquêté en toute discrétion et que tout ceci soit resté confidentiel depuis plusieurs années. Maintenant arrive le temps de la divulgation au public : les lecteurs du CEP ont droit à la toute première mise sous presse.

Lors de la messe clandestine de la nuit de Noël 1793 dans l’église de Pouzauges (Vendée), une colonne de soldats révolutionnaires massacra tous les fidèles, au nombre de 400, sans laisser un seul survivant. Cet évènement horrible n’est malheureusement ni nouveau, ni isolé au cours de la guerre de Vendée, en particulier en 1794. L’information en survint grâce à la découverte d’une lettre écrite à son père par un officier ayant participé activement à ce massacre. Il lui relate cet évènement odieux en des termes et avec un enthousiasme tout révolutionnaire. Etonnant? Oui ! car cet événement, qui malheureusement ne présente nul caractère d’originalité mais témoigne plutôt d’une banalisation des crimes atroces commis à grande échelle durant les guerres de Vendée, avait entièrement disparu de la mémoire populaire locale.

L’allusion en quelques lignes à ce drame, dans les pages locales du quotidien régional Ouest France  de décembre 1991, est passée presque inaperçue. Habitant le bourg en question et n’ayant pas le temps de lire la presse quotidienne, l’information me serait restée inaperçue si un de mes amis, me sachant intéressé par l’histoire des Guerres de Vendée, n’avait eu la délicate attention de me découper l’article et de me le remettre.

Mais la lettre étonnante à laquelle l’article faisait allusion existait-elle ? Était-elle exacte ? Était-elle l’œuvre d’un affabulateur ou tout simplement un document faux?

Telle était la problématique qui se posait à moi. Intrigué, je[1] décidai de me renseigner. Quelques coups de fil me donnèrent rapidement un aperçu des difficultés qui m’attendaient si je persistais dans cette enquête.

Tout d’abord, cette lettre avait été découverte en 1980 par un érudit averti de Lyon, qui avait consulté des spécialistes des Guerres de Vendée pour avis d’authenticité. Tous ceux qui avaient pu l’avoir en mains étaient malheureusement décédés lors de la parution de l’article dans le journal. Il n’en restait plus qu’une photocopie. Et impossible de mettre la main sur l’original (fin de non recevoir des héritiers) comme sur les éléments d’expertise de l’époque qui avaient permis de conclure au caractère d’authenticité. Un des historiens contactés, m’avait conseillé : « Puisque vous êtes sur place, faites vous-même les recherches! »[2] Facile à dire !

La première partie de cette enquête allait me demander quatre années de recherches.

À défaut d’avoir pu compulser le document original, il me restait la possibilité de vérifier tous les éléments et les informations contenues dans la lettre: l’auteur, le texte (style et contenu), le cachet de la Poste, l’analyse graphologique, la vérification des éléments et des évènements militaires, etc.

Le document:

(Fac simile de la première page)

En voici le texte in extenso, orthographié selon le document:

Saint Maixant, 8 Nivôse, an II de la République (29 décembre 1793)

Mon très cher père

Le premier Moment où je me trouve Libre est enploijé a vous donner de Mes Nouvelles ; je voudrois pouvoir vous en donner de Mes camarades, Mais la chose est inpossible, je viens de les perdre touts dans une affaire, Le peut qui Me Reste échappé par le plus grand des hazards a la fureur des Brigands, est hors d’état de faire la guerre. C’est a L’affaire de Chemilier, ou Ces intrépides Volontaires Sont Morts, victimes de leurs Bravoures, C’est apprès avoir tirré Sur L’ennemij quarantes ou 50 Cartouches qu’ils avaient chacun dans leurs gibernes, que l’ennemij a put les approcher ; Mais assaili par le grand Nombre, et Ne pouvant Résister a une force Majeure, Car L’ennemij  étoint au Moins quinze cents Contre trois Cents, il a fallu Battre en Retraite. La Cavalerie Ne la point favorisé, Ce qui a été Cause que L’infanterie a été toute écrasée. Ce qu’il y a d’admirable, parmi Les volontaires de la Dromme, Ce que plusieurs Ce Sont Brulé la Servelle plutot que d’être pris prisonnier. Le ledemain ils Sont venu Nous attaquer au château de jalais, Mais Nous trouvant plus nombreus que La veille et une position avantageuse, Nous les avons Battu a plate Couture. Je Me Suis vengé dans cette affaire de la Mort de Mes Camarades, Car Me trouvant accompagné de 6 husards Nous les avons chargé dans un champ ou ils étoient au Nombre de Cents Cinquantes. Nos Sabres entroient dans leurs têtes infernalles, Comme dans du Beure.

Il Ne faut pas que je vous laisse ignorer Non plus, que La veille de la Noël, instruit par un espion qu’ils S’étoient retiré à Pousoges, au nombre de 400, pour y assister la Messe de Minuit, Nous Nous y Sommes Rendu Sur le champ, avec Cents Cavaliers de la Région du Nord, et 6 husards du 8 régiments ; En effet Nous les avons trouvé dans L’église. Ne Connaissant pourtant pas Bien Leurs nombres, Nous N’avons Consulté dans Ce Moment la que Nottre Courage et le Bien de Nottre patrie.

Nous y Sommes entré à cheval Laissant Néamoins des gardes à la porte. Nous Nous Sommes Servi au Comencement de Nos pistolets. Mais Ennuijé de tirer Nous avons Comencé de les Sabrer, dans L’instant : L’église a été Couverte de leur Morts, pas un N’est échapé a Nottre juste vengence ; on Na jamais vu Boucherie pareille. Nos chevaux avoient du Sang jusque au jaret. *

La Ville du Mans, et la grand Route, pendant L’espace de 14 Lieus est Couverte de leurs Morts. Je Vous annonce la guerre de la Vendée Comme finie Roche jaquelin un de leurs principaux chef Les a abandonné, et Ce cache la où il peut ; j’aije perdu dans Ces affaires la pour Milles et quelques Livres d’assignats, et pour Environ Sept à huits Cents Livres d’argents ; Heureux d’en avoir été quitte pour Cela. Ma jument est Morte.

Je vous joint ici la Liste de Mes Camarade…(partie illisible par l’usure du document) …dans la Vendée, du Moins de Ceux que vous po…. (idem)….Connoitre.

Je part au joourd’uij pour paris ; vous voudres Bien y adre…(idem)…Mes lettres poste Restante a Mon ancienne adresse, me d…(idem)…aussi l’adresse de Salard ;

Mes Compliments à toute la ,Maison, à Demard, à….(idem)…Vigni, à la Maison Salamon et tous Nos voisins.

Je Suis Mon Très Cher père, vottre Afectionné fils

Nogaret, Btse

Suit alors la liste de ceux qui ont été tués avec leur localité d’origine : Montélimar, Grignan, Dieu-le-Fit.

Dans le bas de la lettre, une autre main a écrit : Répondu le 22 Nivose à Paris, poste Restante

Un massacre précoce ?

Le caractère le plus ignominieux de cette lettre provient de ce que l’auteur se vante d’un massacre atroce durant le soulèvement vendéen alors que les répressions n’étaient ni ordonnées, ni organisées, ni engagées. La guerre de Vendée n’en était encore qu’au stade des combats.

L’extermination de la Vendée avait été décidée par décret du 1er août, confirmé par celui du 1er octobre, décrets qui étaient restés secrets, à tel point que le député de la Vendée Joseph Fayau, qui les ignorait, proposait encore, le 20 frimaire an II (7 novembre 1793), d’envoyer dans le pays qui était le sien « une armée incendiaire, en sorte que pendant un an, nul homme, nul animal, ne puisse subsister ». Le général Turreau entra alors en lice et mit sur pied, en décembre de la même année, en tant que général en chef de l’armée républicaine, un programme d’extermination de la Vendée qui fut approuvé par la Convention, à l’aide de « colonnes agissantes » vite surnommées « colonnes infernales ». Elles seront mises en œuvre le 20 janvier de l’année suivante et n’arriveront à Pouzauges que le 27 janvier, mettant le pays à feu et à sang. Cette lettre de Baptiste Nogaret faisait donc état d’un massacre « précoce » qui n’entre pas à cette date, dans le cadre classique que l’Histoire nous a tracé sur la guerre de Vendée. Ce qui explique peut-être pourquoi on aurait à l’époque cherché à cacher cet événement dont, s’il est authentique, on ne peut guère justifier autrement l’oubli.

Pouzauges ou Pousoge ?

L’auteur de la lettre a désigné la bourgade de Pouzauges avec une orthographe bien lisible qui ne peut prêter à confusion : « p.o.u.s.o.g.e. », ce qui est phonétiquement la même chose. Etant donné d’une part la fantaisie de son orthographe et d’autre part, la grande mobilité des troupes militaires en déplacement, ce qui ne permettait certainement pas de toujours bien mémoriser le nom et l’orthographe exacte des bourgades traversées sans avoir la carte sous les yeux. Il n’y a pas lieu de s’étonner de ce fait[3].

Mais, comme il se trouvera certainement des esprits critiques qui avanceront cette possibilité (erreur sur le choix de Pouzauges), nous avons tenu, au préalable, à lever toute ambiguïté qui plomberait la suite de notre enquête.

En premier lieu, il faut considérer la variabilité dans la manière d’écrire le nom de Pouzauges au cours des siècles : Puisauges, Posauges, Pouzauge (retrouvé sur des cartes départementales de 1815 et 1825)et enfin Pouzauges.

Dans la région il existe des « Bazauges, Bazouges ». Non seulement l’orthographe et la phonétique ne prêtent pas à confusion (impossibilité de confusion entre le « p » et le « b » dans la lettre) mais, de plus, ces bourgades  n’ont pas vécu d’événement dramatique à cette période et sont éloignées de la ville de Cholet, centre de ralliement de l’armée. Il existe aussi un « Bazouges », à 6 km de La Flèche (Sarthe), qui est devenu Bazouges-sur-le-Loir en 1894. Les Vendéens de la Virée de Galerne n’ont fait que passer à la Flèche, le 3 et 4 décembre 1793, en se rendant au Mans. La phonétique la plus proche retrouvée est « Posanges », bourgade de Côte-d’Or de 45 habitants en 2010, située à l’ouest de Dijon. Il n’y a donc pas lieu de contester ni d’invoquer une confusion de nom.

L’auteur du document, Baptiste Nogaret

La lettre identifiait son auteur, Baptiste Nogaret, qui écrivait à son père domicilié à Grignan dans le département de la Drôme. Une recherche aux archives de Grignan confirma l’existence d’une famille Nogaret. L’auteur de la lettre, pour l’état civil, se nommait : Jean, Baptiste, Louis, Dominique de Nogaret, né le 23 juin 1768, fils aîné de la famille. Il s’était marié avec Marie de Rivière, de la ville voisine de Pierrelatte, qui lui donna 3 enfants. Il décéda le 2 janvier 1807. Le destinataire de la lettre était son père Dominique, Capitaine de la 1 ère compagnie de Volontaires de la Drôme.

Un griffonnage au crayon graphite se trouvait porté sur l’envers de la lettre. Peut-être une annotation du ou d’un propriétaire de la lettre? Il était illisible. A force de travailler le contraste du document, quelques bribes de mots ont pu être déchiffrées. Il concernait l’identité de la femme de Nogaret et son lieu de naissance. Là encore, une recherche aux archives de Pierrelatte confirma l’existence de cette famille de petite noblesse qui pencha du côté révolutionnaire et celle du mariage de Nogaret.

Il ressortait de cette première recherche que ce Baptiste Nogaret n’était donc pas un personnage inventé : c’était un officier, engagé volontaire dans l’armée révolutionnaire, tout comme son père, Dominique[4].

La marque postale

La marque postale est l’ancêtre de notre cachet de la poste. Elle figure sur la lettre de Nogaret avec la mention : « 75 ST MAIXENT », mesurant 34 x 9 mm.

Saint-Maixent[5] se situe dans le département voisin des Deux-Sèvres. A l’époque des guerres de Vendée, elle servait de base arrière aux armées républicaines. La lettre avait donc été postée de Saint-Maixent, ce qui n’apporte pas d’élément contradictoire, mais se trouve en conformité avec l’histoire militaire de cette époque. Cependant, nous avons réussi à consulter deux spécialistes en marcophilie. Ils furent formels : les dimensions de la marque (34 x 9mm) et la forme des caractères des lettres correspondent exactement à celles qui avaient été utilisées précisément pour le courrier « en  port dû » entre 1792 et 1796 ; encré en noir de 1792 à 1796 et encré en rouge de 1792 à 1794. La photocopie étant en noir et blanc, il devenait impossible de mieux préciser sa date d’émission, mais de toute façon, l’année 1793 était bonne dans les deux cas.

L’examen du texte

Comme il se devait, le texte lui-même méritait d’être soumis à un examen minutieux. Pour ce faire, nous avons eu recours à un chartiste qui confirma sans difficulté que l’ensemble du texte, tant par la calligraphie, le style, la variabilité de l’orthographe, correspondait également à l’époque supposée pour la rédaction de la lettre, vers 1793.

L’analyse graphologique

Nous avons aussi pensé à l’utilité d’une analyse graphologique, car si faussaire il y avait, il ne posséderait certainement pas le profil psychologique du personnage qu’il avait inventé.

Nous avons donc sollicité les services d’un organisme d’analyse de graphologie de Cholet[6] spécialisé dans le recrutement du personnel auprès de sociétés commerciales et industrielles (donc appelé à une obligation de résultats conformes ou proches de la réalité), et dont la notoriété était reconnue. Cet organisme avait d’ailleurs déjà effectué des analyses graphologiques pour expertiser et authentifier des lettres anciennes attribuées d’une manière douteuse à des personnages historiques (comme Jules Verne et des personnalités des guerres de Vendée). Il a donc été commandé une analyse graphologique schématique sur le profil psychologique que l’on pouvait dégager sur l’auteur de la lettre et vérifier s’il était en accord avec contenu du texte. Autrement dit, l’auteur de la lettre était-il bien l’auteur des faits décrits ? Ou bien les avaient-ils inventés ?

Après les réserves d’usage dues au fait que le document était une photocopie (appréciation difficile « de la pression, la nature et la conduite du trait »), il ressortait de l’analyse graphologique un profil psychologique en conformité avec la personnalité requise pour l’auteur d’un tel massacre :

 « l’auteur de la lettre n’hésite pas à se mettre en avant car il a une haute idée de lui-même, son énergie ou son intérêt s’intensifie au cours de l’action…, tendances paranoïdes avec un pouvoir de conviction et d’entraînement…, vision unilatérale des choses…, amour propre mobilisateur…, acharnement pouvant déboucher sur une attention aux détails où l’odieux est susceptible de confiner au sadisme…, froideur mise dans la réalisation de certains actes le disputant assez facilement à une certaine forme de chaleur dans la narration de ces mêmes actes… ». L’écriture et le contenu de la lettre étaient donc en parfaite harmonie. L’auteur de la lettre avait le profil psychologique de l’engagé volontaire mettant son énergie au service de la Révolution et susceptible de perpétrer des massacres au nom de cette même idéologie.

Examens des éléments historiques contenus dans la lettre:

Arrivé à ce stade de l’enquête, il s’avérait que l’auteur de la lettre était certainement Nogaret. Si tel n’était pas le cas (faussaire), certains détails contenus dans sa lettre devaient être entachés d’erreurs. C’est ainsi que nous avons retenu dans le récit de sa lettre 13 éléments donnant prise à des vérifications approfondies qui se sont toutes avérées exactes :

1 plusieurs volontaires se sont fait sauter la cervelle

2 provision de munitions : 40 à 50 cartouches

3 défaite de Chemillé

4 attaque du château de Jallais le lendemain

5 perte de sa jument

6 défaite des Vendéens au Mans

7 « fuite » de La Rochejaquelein

8 massacre dans l’église de Pouzauges

9 massacre perpétré par 100 cavaliers de la Légion du Nord et 6 hussards du 8ème régiment

10 un espion

11 les brigands

12 « je pars pour Paris »

13 perte de 1000 livres d’assignats et de 7 à 800 livres d’argent.

14 Pour ne pas alourdir le texte par trop de détails, nous nous bornerons à faire ressortir les éléments importants de cette investigation :

1 Les cavaliers de la Légion du Nord réorganisée par le sanguinaire Saint-Just, réputés pour leur « efficacité » militaire et tout autant pour leur férocité, étaient bien présents dans des lieux proches de Pouzauges (Les Herbiers et Cholet) le 24 décembre, tout comme les hussards du 8ème régiment, à la réputation de grands pilleurs, qui étaient des soldats d’élite réputés et utilisés pour leurs compétences militaires, leur discipline et leur mobilité dans les actions difficiles.

     Ce sont ces troupes, sous le commandement du général Desmarres, qui avaient subit un échec à Jallais (après une défaite à Chemillé) infligée par les insurgés vendéens commandés par Pierre Cathelineau et que Nogaret, qui n’avait pas assisté à la bataille (elle s’était déroulée au pied du château), présente comme une victoire. Cette défaite qui força à se replier à pied sur Cholet l’adjudant-général Desmarres d’Estimauville de Beaumouchel ( de son vrai nom) avec ses troupes, lui coûta la vie : on le fusilla peu après pour « trahison » (il avait caché ses origines nobles).

            C’est à ce même personnage que l’on doit « l’invention » du courageux petit héros, le petit tambour Joseph Bara (immortalisé par le peintre David et d’autres artistes) qui était en fait le protégé du général Desmarres dans l’armée où il l’avait pris comme aide-palefrenier au 8ème régiment de Hussards depuis la mort de son père, François Bara. Le père de Joseph Bara ainsi que le père de l’adjudant général Desmarres avaient tous deux été au service du Prince de Condé, le premier comme garde-chasse et ancien palefrenier des écuries du Roi à Versailles, l’autre comme Gentilhomme d’Honneur et Capitaine des Chasses du Prince.

            Le soir de la défaite de Jallais, le petit Bara, alors âgé de 12 à 13 ans, fut tué. Selon la version officielle, ce fut en refusant de rendre les 2 chevaux qu’il avait conquis « avec fureur à deux vendéens qu’il avait terrassés » qu’il « fut massacré par les odieux brigands vendéens parce qu’il refusait de crier : Vive le Roi ». Selon d’autres versions, il aurait bien été tué pour se faire voler les chevaux dont il avait la garde, par des voleurs de chevaux qui pouvaient aussi être des soldats vendéens, à moins que ce ne soit tout simplement qu’il aurait trouvé la mort en essayant de voler des chevaux à des paysans pour en procurer à son général qui n’en avait plus. Desmarres enjoliva l’histoire du petit Bara afin que l’Etat puisse verser à sa mère, veuve, une pension. Robespierre, le 28 décembre 1793 se saisit de l’affaire à la tribune de la Convention et transforma le jeune Bara en petit tambour héroïque.
            Quant à la date exacte de la mort du petit Bara, elle se serait produite le 20 novembre 1793 selon Louis Brochet
[7], mais, selon les historiens actuels elle se situerait le 7 ou le 8 décembre[8]. Signalons aussi que le général Desmarres avait placé en novembre 300 hommes sur Pouzauges pour quelques jours afin de « pacifier » le canton. La bourgade de Pouzauges n’était donc pas inconnue pour une partie de ses troupes. Les détails donnés par Nogaret confirment donc qu’à ce moment, il était bien, fin novembre, dans la région et sous les ordres de l’Adjudant-général Desmarres.

2 Nous avons été intrigué par le fait que Nogaret transportait des sommes d’argent importantes et avait des facilités de déplacements à Paris, indépendantes des impératifs militaires. Nous en avions déduit que Nogaret semblait être officier d’intendance. Il fallait cependant le vérifier. Si cela était bien le cas, alors s’expliquait aussi son adresse parisienne. Trois références furent retrouvées aux Archives Nationales de Paris concernant ce personnage. Un déplacement à Paris permit de trouver (sur le seul document alors disponible) que le nom de Baptiste Nogaret se trouvait bien couché sur « la nouvelle liste des officiers d’intendance de l’armée » (1794) réduite de 900 à 500 en 1794[9].

3 Pouzauges

 Il existait deux Pouzauges à la Révolution.

Pouzauges-la-Ville (rebaptisée par la République Pouzauges-la-Montagne) était une petite cité administrative et artisanale construite sur une colline granitique (début de la chaîne armoricaine et l’un des points culminants de Vendée) au pied d’un château fort du XIème siècle, encore existant, avec au centre de la petite cité une vaste et belle église romano-gothique flamboyante, l’église Saint-Jacques (XII-XVème siècles). Elle était close par plusieurs ceintures de murailles (en fait de hauts murs de pierres).
     À ses pieds, au bas de la colline, s’étendait en croissant dans la vaste campagne Pouzauges-le-Vieux ou Vieux-Pouzauges (rebaptisée à la Révolution Pouzauges-la-Vallée) composé de villages, de fermes et de métairies. Son église romane, l’église Notre-Dame, du XIème siècle, entourée d’une dizaine de maisons, est distante de 1,5 km de celle de Pouzauges-la-Ville.

Pouzauges-la-Ville, cité de notables et de bourgeois au passé protestant, avait basculé en faveur de la Révolution en 1790, créant une garde municipale révolutionnaire active, à la différence de Pouzauges-le-Vieux, en dépit de son curé « révolutionnaire », Dominique Dillon, qui participa activement à la rédaction de la Constitution Civile du clergé comme député de la Constituante (il deviendra le premier président du Département) mais qui échouera à enthousiasmer les paysans aux idées nouvelles. Pouzauges-le-Vieux comportait un ensemble d’une dizaine de maisons proches de l’église au milieu d’une campagne peuplée et catholique. Il y avait donc en 1793 une opposition politique entre les agriculteurs du Vieux-Pouzauges et les notables républicains de Pouzauges-la-Ville. Les deux Pouzauges seront réunis en 1826.

4 Eglise de Pouzauges-la-Ville ou de Pouzauges-le-Vieux ?

Selon les normes actuelles admises, l’intérieur de l’église Saint-Jacques, en l’absence de mobilier (bancs pour l’assistance), peut contenir de nos jours sans problème plus de 1.200 personnes debout (à raison de deux personnes debout par m2) en décomptant l’espace liturgique (l’église a contenu jusqu’à 1000 places assises avec les tribunes aujourd’hui disparues). Tandis que l’église Notre-Dame comporte de 150 à 200 places assises, donc une exiguïté ne permettant pas l’évolution de chevaux. Il n’y a donc aucun doute possible sur l’église.

5 La possibilité de réaliser le massacre à cheval dans l’église.

Cela nécessitait de vérifier quelle église avait été concernée par le massacre : l’église Saint-Jacques de Pouzauges-la-Ville ou l’église Notre-Dame de Pouzauges-le-Vieux, Nogaret ayant pu faire une confusion des lieux. Cette possibilité n’est pas à négliger, car elle conditionne aussi la véracité du récit de l’évènement.

L’histoire locale nous révèle qu’en 1562, les huguenots investissent Pouzauges-la-Ville et profanent l’église Saint-Jacques en y entrant à cheval. Ils firent désaltérer leur monture dans les bénitiers. L’un deux se mit à caracoler dans le chœur et la voûte de la crypte s’effondra, engloutissant monture et cavalier sous un tas de pierre. En 1793, une seule entrée de plain-pied (qui existe toujours sans transformation) permettait de pénétrer à cheval. L’intérieur du bâtiment est suffisamment vaste pour permettre aux chevaux d’évoluer sans contrainte en l’absence de bancs.

Ainsi, une première phase décisive de l’enquête venait de se terminer : rien ne s’opposait à ce que la lettre soit authentique : Nogaret existait, il était certainement l’auteur de la lettre, les éléments qu’elle contenait étaient justes et le massacre décrit, si il avait bien eu lieu, ne pouvait s’être déroulé que dans l’église Saint-Jacques de Pouzauges-la-Ville.

Mais comment vérifier la réalité du massacre? Seule, une recherche démographique pouvait apporter une confirmation complémentaire et peut-être amener un début de réponse.

À LA RECHERCHE DE NOUVELLES CONFIRMATIONS PAR LA DEMOGRAPHIE

Cet axe de recherches découlait des résultats précédents : si les évènements décrits s’avéraient authentiques, un massacre de 400 personnes, dont la grande majorité devait être des habitants de Pouzauges-la-Ville, avait dû laisser un vide démographique dont on devait pouvoir retrouver les traces.

1. Recherches à partir des recensements

             Pouzauges-la-Ville (habitants)

1791               560 h

1796               143 h

1800-1801      236 h

1806               330 h

Dans un premier temps, nous avons pensé éliminer le recensement de 1796, parce que certains historiens émettaient quelques doutes sur la valeur générale de sa qualité, étant donné le contexte historique en Vendée, en argumentant que dans certaines communes tout le monde ne se déclarait pas. Cependant, la publication de 2007 effectuée par le très sérieux « Centre Vendéen de recherche Historique »[10], reconnaît l’année 1796 comme base sérieuse de travail. Il faut aussi tenir compte que dès l’apaisement des troubles, vers 1798, il y eu de très forts mouvements migratoires avec apport de population vers la Vendée militaire, comme le prouvent les registres, ceci compensant la baisse antérieure de la population.

– Pouzauges-la-Ville : recensement de 1791 : 560 habitants ; recensement de 1796 : 143 habitants, soit une baisse de 417 habitants ou 74%, et celui de 1801 : 236 habitants soit une baisse de 324 habitants ou 57,85% de la population.

– Pouzauges-le-Vieux : recensement de 1791 : 1128 habitants, recensement de 1796 : 559 habitants seulement[11], recensement de 1801 : 1026 habitants soit une baisse de 102 habitants ou de 9,04% de la population.

2. Estimation de la population à partir du nombre des naissances :

L’estimation d’une population peut aussi s’effectuer à partir du chiffre moyen des naissances, en utilisant le coefficient multiplicateur retenu pour cette période et cette région.

Il est de 27. Avec toutes les réserves que cela impose, car ce coefficient multiplicateur, qui varie selon l’époque et la région, est seulement un moyen d’évaluer une population, et non pas d’en déterminer le nombre exact.

Nous allons l’utiliser pour Pouzauges afin de vérifier si l’estimation obtenue est bien en corrélation avec ce que les recensements nous ont indiqué. Une difficulté se présente : le registre paroissial de Saint-Jacques, tenu jusqu’en 1792, était loin de contenir tous les actes de baptêmes : les protestants et les partisans acquis aux idées républicaines s’abstenaient, dans leur grande majorité, d’y figurer depuis 1789.

Le registre paroissial donne les indications suivantes : 1789 : 4 baptêmes, 1790 : registre manquant, 1791 : 6 baptêmes, 1792 : 5 baptêmes. Soit une moyenne annuelle de 5.

Par contre, pour l’année 1792, nous retrouvons 16 déclarations de naissance sur le registre municipal qui ne sont pas couchées sur le registre paroissial : les registres montraient bien le clivage de la population et en même temps la faiblesse de la communauté catholique de Pouzauges-la-Ville[12].

Ainsi, en 1792, il y eut au total 21 naissances à Pouzauges-la-Ville. Si l’on applique le coefficient multiplicateur, nous obtenons 21 x 27 = 567, ce qui est très proche du chiffre du recensement de 1791 qui donne 560 habitants.

Essayons d’appliquer ce même coefficient multiplicateur après 1793 pour le recensement de 1801. A compter de 1793, le registre paroissial est inexistant. Il ne reprendra qu’en 1801. Le registre municipal comprend alors toutes les déclarations de naissance dès 1793. De l’année 1793 à l’an IV (fin au 21-IX-1797), il n’y a plus de registre municipaux, ceux-ci reprennent à l’an V (à partir du 22-IX-1797). Nous avons ainsi : an V : 9 naissances ; an VI : 8 ; an VII : 12 ; an VIII : 6. Soit 35 naissances sur 4 ans, donnant une moyenne annuelle de 8,75. En appliquant le coefficient multiplicateur de 27 on obtient : 8,75 x 27 = 236,25, ce qui est exactement le chiffre du recensement de 1801 qui donna 236 habitants !

Par ailleurs, les actes de décès des registres municipal et paroissial confirment cette baisse de population: pour l’année 1792, 15 décès (10 sur le registre municipal et 5 sur le paroissial) ; 0 en l’an V ; 5 en l’an VI ; 3 en l’an VII ; 0 en l’an VIII (1800) ; 9 en l’an IX ; 5 en l’an X, soit une baisse significative.

Il restait une dernière comparaison à effectuer et qui ne contredit en rien les chiffres précédents: les registres municipaux nous indiquent qu’entre 1813 et 1823, il y eut 127 naissances et 74 décès soit une moyenne annuelles de12,7 naissances [13] et de 7,4 décès.

Tout ceci met en lumière une réduction importante et incontestable de la population de Pouzauges-la-Ville entre les recensements de 1791 et 1801, et qui s’est produite avant 1796.

3. Recherches à partir des courbes de croissance démographique

Enfin, une autre approche peut être utilisée : celle de la croissance démographique. D’après les recensements de 1806 à 1856, l’accroissement de la population des deux Pouzauges confondus (les deux communes ont été réunies en 1826) passe de 1460 à 2591 habitants, un accroissement de 1131 habitants, soit 77,46% sur 50 ans ou 1,154 % par an. La même recherche sur les paroisses voisines permet de constater que l’accroissement de Pouzauges est le double de la moyenne des autres communes du canton (38,06% sur 50 ans ou 0,647 % annuel), ce qui laisse peut-être deviner de forts mouvements de population, peut-être intra-communaux, auquel cas cela pourrait tempérer les chiffres.

Que se passe-t-il si nous gardons cet accroissement annuel de 1,154% durant les années 1806-1856, en l’appliquant à la période 1791-1801, comptée à partir de 1791 ?

Nous obtiendrons pour l’année 1801 un chiffre théorique de population voisin de ce qu’il aurait dû être si aucun événement n’était intervenu sur Pouzauges-la-Ville.

Le calcul donne : 560 h x 11,2158% (+1,154 % par an pendant 10 ans font + 12,158 %) = 628 habitants, soit 392 (628 – 236) habitants de plus que celui donné par le recensement de 1801.

De même, si l’on applique le même calcul, mais à rebours, de 1801 à 1791 avec le même facteur de croissance, sur la population de 236 habitants recensée en 1801, la population aurait dû être de 210 personnes en 1791, soit un chiffre inférieur de (560 – 210 =) 350 personnes à celui de ce recensement.

Pour approximative qu’elle soit, cette méthode a le mérite de converger sur une perte d’habitants importante à Pouzauges-la-Ville : un déficit significatif de l’ordre de 350 à 392 habitants, entre les chiffres fournis par les recensements de 1791 et 1801.

Nous avons aussi pondéré ces calculs en utilisant l’indice de croissance annuel de la moyenne du canton, 0,647%, pour tenir compte des mouvements de population d’ensemble à l’échelle du canton. Nous obtenons les chiffres suivants :

Pour l’année 1801 (de 1791 vers 1801) : 597 habitants au lieu des 236 du recensement, soit 361 habitants manquants.

Pour l’année 1791(de 1801 vers 1791) : 221 habitants au lieu de 560, soit un déficit de 339.

Ce qui donne un déficit de 339 à 361 habitants.

Ainsi, en se servant des indices de croissance démographiques, pour imparfaits et limités qu’ils soient, force est de constater que l’on se trouve en présence d’une perte de population, ne bénéficiant d’aucune explication locale, de l’ordre de 339 à 392 habitants entre 1791 et 1801.

Tout ceci semble bien confirmer la véracité des révélations de B. Nogaret. Mais la baisse de population est-elle uniquement imputable à ce massacre? N’y-a t-il pas d’autres évènements qui ont pu contribuer à cette baisse de population[14]? Ce massacre entre-il  en cohérence avec l’histoire locale ?

Tout cela restait encore à vérifier.

4. Recherche dans l’histoire locale des autres pertes de population, en dehors de l’hypothèse Nogaret

Il devenait donc nécessaire de consulter divers ouvrages sur l’histoire de Pouzauges et de ses environs durant la Guerre de Vendée[15] pour arriver à évaluer la perte de population de Pouzauges-la-Ville, toutes causes et toutes communautés confondues au cours de cette période. Pour compliquer la situation, Pouzauges était devenu un fief huguenot depuis 1562, puis révolutionnaire. Lors de la guerre de Vendée, il y eut les dénonciations envers les sympathisants royalistes, de nombreuses spoliations immobilières, des règlements de compte, puis, tout au cours du XIXème siècle, un exode massif des protestants, fortune faite sur le dos des royalistes et des catholiques, en particulier vers la Charente, et la Charente-Maritime (notamment vers La Rochelle, Rochefort, l’Île de Ré). Une liste de 120 personnes décédées en raison de la Guerre de Vendée sur les deux Pouzauges a ainsi pu être dressée, nous avons estimé que sur Pouzauges-la-Ville elle se montait à 94 personnes environ (exactement : entre 77 et112), toutes opinions confondues.

Le compte n’y est donc pas. L’authenticité du massacre de Noël 1793 devenait une hypothèse sérieuse.

Essayons maintenant de découvrir si les conditions étaient bien réunies pour rendre possible la réalisation du massacre.

Brève histoire de Pouzauges dans le contexte du soulèvement vendéen de 1793

Il existe relativement peu d’écrits sur l’histoire de Pouzauges, et c’est avec difficulté que nous avons tenté de reconstituer avec précision et minutie les évènements qui se sont déroulés à Pouzauges pendant la période révolutionnaire.

Eglise St-Jacques de Pouzauges-la-Ville, début XXème siècle

Depuis l’année 1562, les huguenots avaient pris possession du Bas-Poitou ; d’ailleurs, le futur Henri IV avait fait quelques séjours dans la région. Il y avait des fiefs protestants dans le pays dont Pouzauges-la-Ville faisait partie. Ils avaient en main le négoce et l’administration (médecins, juristes, homme de loi, notaires, etc.). La communauté catholique minoritaire était constituée d’une population modeste et sans grande influence sur la vie sociale, subissant parfois des brimades. L’église Saint-Jacques avait été vandalisée, en partie détruite et sa partie gothique servit un certain temps de temple avant d’être restituée par la loi. La communauté catholique émit souvent des plaintes contre la communauté protestante auprès des autorités royales. Cependant, lorsque l’on peut lire les chroniques protestantes de Pouzauges, on se rend compte que les protestants vivaient eux aussi sous les dures exigences des autorités royales, peut-être à la mesure de ce qu’ils imposaient par ailleurs à la communauté catholique de Pouzauges. L’histoire serait à réécrire en ce sens.

Lorsque, dans le sillage du Père de Montfort, une « mission » était prévue sur Pouzauges, si le prédicateur ne convenait pas aux élites protestantes, ceux-ci ne se gênaient pas pour lui faire rebrousser chemin manu militari. En conclusion, la situation entre les deux communautés était fort tendue, ponctuée de nombreux accrochages.

A la veille de la Révolution, l’élite de Pouzauges se composait de protestants, d’anticléricaux, d’antimonarchistes et de pro-républicains[16]. La communauté protestante, dans l’ensemble, était acquise aux idées nouvelles et révolutionnaires, surtout par opposition à la monarchie catholique, tandis qu’une certaine partie de la petite noblesse l’était par idéologie. Pouzauges-la-Ville eut son curé-jureur, l’abbé Roussereau, jusqu’en 1792, tout comme Pouzauges-le-Vieux, jusqu’en juillet 1793, avec Dominique Dillon qui deviendra une personnalité célèbre dans le milieu révolutionnaire de la Vendée. Le 30 août, après avoir pris une part active à Paris à l’Assemblée Constituante et à l’élaboration de la Constitution civile du clergé, il sera élu premier Président du Directoire du Département. Actif, il sollicita et encouragea la création d’une Garde nationale à Pouzauges-la-Ville, avec un effectif important, bien armée, encadrée par les élites révolutionnaires.

Au printemps 1793, la révolte grondait dans la population. En effet, on enrôlait les jeunes gens dans les armées révolutionnaires, alors qu’on leur enlevait les prêtres et que l’on fermait les églises. Cela se faisait par tirage au sort (dont étaient pratiquement exemptés les fils de révolutionnaires). Pour contenir le mécontentement paysan qui grandissait en particulier aux Herbiers, à 16 km au nord-ouest, la Garde Nationale de Pouzauges, renforcée par celle de La Chataigneraie (chef lieu du district, à 18 km au sud-est), ira renforcer celle des Herbiers, elle-même grossie de deux compagnies de soldats. C’est dire que l’affaire paraissait sérieuse.

Lorsque l’insurrection éclata aux Herbiers, le 13 mars 1793, les forces destinées à maintenir l’ordre se trouvèrent très vite bousculées par les insurgés, subirent une cuisante défaite, en laissant des morts sur le terrain. Ce fut aussi, pour la Garde nationale de Pouzauges, l’occasion d’une grande humiliation: dans sa hâte de « se replier », elle n’eut à subir aucune perte mais elle abandonna aux insurgés ses trois canons tout neufs, achetés l’année précédente sur les conseils de Dominique Dillon. Arrogante envers la population catholique pouzaugeaise qu’elle brimait, elle acquit alors une solide réputation de couardise qui ne s’est pas démentie par la suite.

Au mois de mai suivant, Charles Josse, maire de Pouzauges-la-Ville et secrétaire révolutionnaire du district de la Chataigneraie, homme de loi de profession, fut tué[17] près de la Chataigneraie dans un affrontement entre la Garde nationale de la Chataigneraie et des paysans insurgés. En juillet 1793, jugeant la place de Pouzauges un peu chaude car la population paysanne alentour était toujours trop agitée à leur goût, nos vaillants révolutionnaires, composés de Dominique Dillon et des patriotes du canton composant la Garde nationale de Pouzauges, accompagnés des principaux responsables républicains et des maires du canton, s’évacuent sur Niort (à 70 km au sud, près de Saint-Maixent d’où la lettre de Nogaret fut envoyée).

Le 19 août 1793, Henri de la Rochejaquelein passa à Pouzauges-la-Ville battre le rassemblement en vue de lever des troupes pour défendre la ville de Cholet, mais son appel ne sera pas entendu. En effet, la population catholique minoritaire eut peur des dénonciations dont pourraient être victimes leurs familles si l’un de leurs membres partait rejoindre la cause vendéenne. Cela aurait entraîné inévitablement des exécutions sommaires ou des emprisonnements à Fontenay-le-Comte (devenu Fontenay-le-Peuple) et des condamnations à la guillotine, tandis que les biens étaient saisis et vendus aux enchères. Pouzauges-la-Ville resta donc « calme ».

Après la défaite de Cholet, en octobre, deux pouzaugeais (un de la Ville et un du Vieux-Pouzauges) ayant participé et survécu à la « Virée de Galerne », seront faits prisonniers et fusillés à Nantes et deux autres (un marchand de tabac et un boucher) guillotinés à Fontenay.

Durant cette période, une petite centaine de paysans de Pouzauges-le-Vieux seront dénoncés, arrêtés et exécutés à Fontenay-le-Comte[18], comme membres du Comité royaliste, ou pour avoir pillé des maisons de patriotes, ou tout simplement pour avoir tenu des propos antirépublicains. Le temps des règlements de compte était arrivé avec la réinstallation de la Garde Nationale et des autorités municipales et administratives. Pouzauges-la-Ville ne sera pas épargnée non plus, mais avec un chiffre des victimes bien plus faible.

C’était aussi le temps des vexations de toute sorte opérées par les patriotes sur une population qui, somme toute, ne s’était jamais engagée dans son ensemble en faveur des insurgés, mais était opposée aux idées révolutionnaires. Un jour, environ 200 paysans issus de la campagne du nord canton, entraînés par un certain Louis Péault (garde chasse), décidèrent de donner une leçon à cette Garde nationale à la réputation fanfaronne et lâche en l’attaquant un jour de parade. Dès les premiers coups de feu échangés dans le faubourg, tous les membres de la Garde nationale s’enfuirent si rapidement que lorsque Louis Péault et ses hommes arrivèrent en centre ville, ils ne trouvèrent personne, hormis quelques armes, insignes et gibecières abandonnés par leurs propriétaires dans une fuite éperdue. A la suite de cet événement humiliant, la Garde nationale ne s’afficha plus dans les rue de la petite bourgade jusqu’au 8 novembre, date à laquelle 300 hommes des troupes du général Desmarres s’installèrent quelques semaines pour rétablir l’ordre à la grande satisfaction « des bons cytoïens qui sont encore en grand nombre…Tout le bocage est rentré dans le devoir » selon les propos de D. Dillon, de retour à Pouzauges pour deux jours à cette occasion.

Il y reviendra le 24 novembre pour présider l’assemblée primaire du canton composée de 93 personnes. A la même époque, des arrêtés du Directoire du département, signés par Dillon, ordonnent l’enlèvement des croix sur les clochers, la dépose des cloches et la suppression des signes extérieurs de culte comme les croix au bord des chemins ou sur les tombes. Ces arrêtés font écho à l’abolition du culte catholique par la Convention, signée le 10 novembre 1793.

Le 30 novembre, le district de La Chataigneraie nomme le juge de paix Louis Friot commissaire pour le canton de Pouzauges, chargé de saisir les biens et les maisons des personnes dénoncées comme rebelles. Son frère Joseph, notaire[19], se chargeait de la vente à bas prix des biens du condamné[20], bien sûr en faveur des patriotes. L’affaire allait bon train et de nombreuses fortunes ainsi que des patrimoines mobiliers importants se constituèrent ainsi[21] sur le dos de la communauté catholique.

Ceci n’était pas propre à Pouzauges. Mais il faut quand même noter que les deux frères Friot eurent droit de nos jours à une ruelle qui porte leur nom au motif (peut-être à vérifier) que Louis, maire, aurait empêché la destruction de l’église Saint-Jacques en 1799[22].

Dans les jours précédant Noël 1793, Charette était passé à Pouzauges, y restant 3 jours pour reposer ses hommes et essayer, en vain, de lever des volontaires afin d’aller tenter de libérer la rive gauche de la Loire pour permettre aux survivants de la Virée de Galerne de passer en sud Loire. Il n’aura pas plus de succès que la Rochejaquelein. L’armée républicaine était en alerte et patrouillait tout le bocage à sa recherche. En effet, le 8 décembre, les 1.500 hommes de Charrette étaient passés entre les mailles du filet des 7.000 soldats du général Haxo qui les avaient encerclés dans les marais bretons inondés de Bouin, au Nord-Ouest de la Vendée. Ils étaient réapparus soudainement à 90 km de là, le 11 décembre, dans le bocage, renforcés par les hommes de la bande de Joly. Ensemble, ils avaient attaqué par surprise un important camp républicain de la région, fort de 2.000 soldats, aux Quatre-Chemins-de-l’Oie (à 25 km de Pouzauges). Le combat sera sanglant et 500 soldats à peine réussiront à s’enfuir. De là, Charrette et ses troupes se rendirent aux Herbiers où il se fit élire Général en chef des troupes qui s’étaient reconstituées avec celles de Joly. Deux à trois jours plus tard, vers 23 heures, il faisait halte au Boupère (près de Pouzauges) pour reposer ses troupes. Mais au cours de la nuit, les Gardes nationales des environs, en particulier celles de Pouzauges et du Boupère, l’attaquèrent par surprise.

Combat âpre et meurtrier à l’arme blanche, qui mettra les agresseurs en fuite. Ce fut alors la grande débandade des Gardes nationales de la région du bocage vendéen, de Chantonnay à la Châtaigneraie, commentée ainsi par Dillon : « 40 hommes –sur 200 – ont fait feu, le reste s’est enfui sans se battre et s’est replié sur Pouzauges. Toute la garnison avec la municipalité a foutu le camp, celle de la Châtaigneraie –dont dépend Pouzauges – avec le district en a fait autant et cela sans avoir vu l’ennemi. Le 25 de ce mois au soir (15 décembre) nous avons vu arriver (à Fontenay-le-Comte, à 40 km au sud)) tout cet équipage bien crotté et bien mouillé ».

Le pays s’était trouvé ainsi soudainement vidé de ses patriotes et de ses Gardes nationales des lieues à la ronde ! Après ces combats, les hommes de Charrette s’arrêtèrent quelques jours à Pouzauges, vers le 16 décembre, pour refaire leurs forces et se ravitailler, sans oublier de « nettoyer » le pays des reliquats républicains armés qui pouvaient subsister. Entre temps, à Cholet (35 km au nord de Pouzauges), ville considérée comme peu sûre par l’armée républicaine, le Directoire de la ville s’installa et les arrestations commencèrent. Le 8 décembre, le Comité Révolutionnaire avait supplanté la Municipalité patriote. Des régiments de l’armée républicaine convergent vers Cholet. Dès le 15 décembre, les généraux Dufour et Guillaume sont chargés de rechercher Charrette et ses troupes dans la région des Herbiers. L’insaisissable Charrette quitta Pouzauges le 19 décembre en allant, dans le département voisin des Deux-Sèvres (situé à l’Est de la Vendée), libérer la bourgade de Cerizay puis rencontrer à Maulévrier, le 22 décembre, Henri de La Rochejaquelein et, faute d’entente, retournera vers le Marais Vendéen en repassant par la bourgade des Herbiers.

Dans cette succession d’évènements de l’année 1793, rien n’explique la perte de population constatée, mais l’on voit se mettre progressivement en place les éléments qui permettront de comprendre, voire de justifier, la lettre de Nogaret, au moins dans la tenue de la messe clandestine : la communauté catholique était privée d’office religieux depuis deux ans.

On conçoit que, profitant d’une telle opportunité, libérée des révolutionnaires, elle organise une messe clandestine dans l’église Saint-Jacques pour célébrer la fête de la Nativité toute proche au lieu de la faire dans les bois, la nuit[23].comme c’était déjà arrivé. C’était, en tout cas, dans la logique des évènements.

Mais revenons encore à l’insaisissable Charrette. Après une entrevue infructueuse avec Henri de La Rochejaquelein avec lequel il n’avait pas réussi à s’entendre sur une conduite stratégique destinée à libérer une partie de la rive gauche de la Loire pour permettre aux survivants de la Virée de Galerne de revenir dans leurs foyers, tout le bocage situé dans la région de Pouzauges-Les Herbiers-Cholet faisait l’objet d’un chassé-croisé incessant et nerveux de la part des armées républicaines à la recherche de l’insaisissable Charrette qui s’était permis de repasser aux Herbiers le 23 décembre pour rejoindre le marais, tandis que, dès le lendemain 24 décembre, la bourgade était alors réoccupée à nouveau, sur ordre du général Boucret, par l’armée républicaine venant de Cholet pour traquer Charette, commandée par le général Dufour et composée de différents régiments dont les débris du général Demarres avec Nogaret et ses fidèles hussards, tandis qu’à Pouzauges régnait un calme absolu.

L’hypothèse « Nogaret » devenait maintenant crédible ; à défaut d’être vérifiée, toutes les pièces étaient en place. ? D’un côté, une possible messe de Noël pour célébrer cette importante fête religieuse et à minuit par tradition et surtout par discrétion (les vitraux étaient murés) et une population catholique en attente d’office religieux car privée depuis deux ans.

De l’autre, la proximité relative de troupes républicaines aguerries cantonnées aux Herbiers, à 16 km de Pouzauges, et leur déplacement possible et rapide, l’évacuation de presque tous les partisans révolutionnaires et la possibilité d’un dénonciateur resté sur place.

Il reste enfin à noter le dernier évènement important de l’histoire de Pouzauges pour la période 1793-1794 qui nous intéresse parce qu’elle a perturbé en profondeur la vie sociale de Pouzauges, participant certainement pour une bonne part à « l’amnésie historique locale » qui s’est installée sur le pays: le passage des Colonnes infernales, un mois plus tard, du 27 au 29 janvier 1794, commandées par le général Lachenay avec le massacre de nombreux paysans surpris dans la campagne incendiée ainsi que la fusillade, qui eut lieu au Vieux-Château de Pouzauges-la-Ville[24], de 32 ou de 52 prisonniers (il y a eu une erreur de transcription dans les archives). Faisons ici remarquer tout de suite que l’historicité de ce massacre n’a jamais été contestée, bien que les dépouilles des fusillés n’aient jamais été retrouvées et que la plupart n’aient pas été identifiés. Ainsi, aucune liste complète des victimes[25], ni de lieu de recueillement. Pourtant, cette fusillade est restée en mémoire grâce au rapport de Charrier, chef de la Garde nationale de Pouzauges. Depuis 70 ans, une croix dans le parc du vieux château en commémore le souvenir, ainsi qu’un vitrail posé en 1944 dans l’église Saint-Jacques.

Précisons que, dans le projet de destruction de la Vendée mis en œuvre par Turreau dès le 21 janvier, 13 bourgades devaient être préservées de l’incendie pour servir de cantonnement militaire[26]. Pouzauges devint la quatorzième bourgade grâce à Dominique Dillon qui était intervenu dès le 25 janvier auprès de Turreau.
     Il lui demanda que
« la commune de Pouzauges qui s’est constamment montrée favorable à la Révolution soit exemptée de l’anathème qui paraît avoir été prononcé contre le département de la Vendée ». Le 27 janvier, Dillon se rend à Pouzauges en qualité de Président du Directoire du Département et, accompagné du chef de la garde nationale de Pouzauges, rencontre Lachenay, chef de la Colonne, lequel était secondé par Daché, commandant un bataillon du Puy-de-Dôme. Celui-ci lui confirme l’ordre général reçu pour les Colonnes : « fusiller indistinctement tout ce qui se serait trouvé à Pouzauges, patriotes ou autres ». En fait, l’intervention de Dillon sera efficace, puisque le général Grignon dont dépendait la Colonne de Lachenay écrira : « J’ai été hier à Pouzauges visiter ma colonne de gauche. J’ai recommandé de détruire tous les moulins à vent et à eau ; c’est le moyen d’ôter les subsistances à ceux qui peuvent nous échapper ». En dehors de quelques règlements de compte (2 royalistes pouzaugeais massacrés), tous les autres fusillés proviendront de la campagne environnante qui sera totalement dévastée pendant 2 jours. Ce qui permit à Mercier du Rocher de déclarer que les Colonnes révolutionnaires n’avaient incendié que quelques maisons sur la bourgade de Pouzauges. Ceci se confirme par l’examen de L’Inventaire de 1808 des maisons détruites de Vendée. Ces précisions semblent, cependant, entrer en contradiction avec l’affirmation traditionnelle, certainement exacte sur le chiffre mais pas sur l’origine[27], qui indique que seules 7 maisons auraient été épargnées. En fait, d’autres sources[28] nous apprennent que Pouzauges avait « brûlé » pendant plus d’un an.

Cette destruction était plus à mettre sur le dos des vengeances paysannes qui ont suivi à l’encontre de patriotes qui s’étaient honteusement enrichis en immobilier par des spoliations[29] faisant suites aux délations. La disposition autour de l’église des maisons qui n’ont pas été incendiées le confirme : les incendiaires n’avaient pas d’accès possible par les jardins protégés par de hauts murs et le cantonnement des militaires dans l’église interdisait tout mouvement sur la place que bordaient ces maisons.

Le 28 avril 1794, Charrette et Sapinaud mettent en déroute des éléments de l’armée républicaine entre Pouzauges et la bourgade voisine de Saint-Michel.

Lorsque Napoléon visita la Vendée en 1808, il fut stupéfait de l’état de désolation et de délabrement de son patrimoine immobilier, suite aux destructions opérées par les Colonnes infernales. Il décida de stimuler la reconstruction dans les départements concernés par la guerre de Vendée au moyen de « primes à la reconstruction » ne pouvant pas excéder 800 francs par habitat et les travaux devaient être terminés avant le premier janvier 1812. Un quota de dix milles maisons situées sur les quatre départements de la Vendée militaire fut indemnisé dont 1.166 maisons en 1810 et 1.245 en 1811, pour un total de 682.294 frs, pour le seul département de la Vendée. Le nombre de maisons à indemniser était réparti selon les cantons ; le choix des maisons et le montant des indemnisations se faisaient sur proposition de la municipalité qui était souvent constituée d’ex- révolutionnaires, car la population rurale refusait de participer aux élections municipales, favorisant ainsi l’élection de maires patriotes.

Un examen des registres d’indemnisations des maisons brûlées[30] apprend que sur Pouzauges[31], 20 maisons ont été indemnisées sur Pouzauges-le-Vieux contre 44 sur Pouzauges-la-Ville. Comme c’était la municipalité qui effectuait le choix, on ne sera donc pas surpris de découvrir que, par exemple, 4 familles se partageaient à elles seules 34% des indemnisations de Pouzauges-la-Ville, familles de révolutionnaires[32] que l’on retrouve pendant des décennies au conseil municipal, aussi bien comme maires que comme conseillers. Citons encore, puisque ce personnage a déjà été nommé, Louis Friot pour 4 maisons. Pour clore ce passage sur le patrimoine immobilier de Pouzauges, précisons que, peu de temps après le passage des Colonnes infernales, un groupe de « brigands » provenant de Saint-Paul-en-Pareds investit Pouzauges-la-Ville et se replia après avoir incendié des maisons de patriotes (ou repoussé ou mis en déroute, selon les sources… par la Garde nationale de Pouzauges).

Signalons enfin qu’une troupe de soldats républicains aurait découvert et fusillé quelques personnes qui s’étaient réfugiées ou cachées dans le bois de la Folie située près de Pouzauges. En 1795, Pouzauges deviendra le cantonnement des troupes du général Canclaux jusqu’en 1800.

L’examen des listes des exécutions très nombreuses par fusillades[33] aux carrières de Gigant à Nantes par Alfred Lallié[34] ne révèle aucun Pouzaugeais alors que l’on retrouve le nom de victimes des communes voisines (6 pour La Pommeraie-Sèvre, 5 pour La Flocellière, 6 pour Châteaumur).

Dans la liste des 199 exécutions à Fontenay-le-Comte, il ne se retrouve que 11 victimes de Pouzauges-le-Vieux et aucune de Pouzauges-la-Ville. Même constat dans les villes de Niort ou d’Angers ainsi que pour ceux qui décèderont dans les geôles.

À la lecture de tout ce qui précède, il ne se trouve donc aucun élément qui puisse expliquer cette baisse de population constatée par les recensements entre 1791 et 1801. Il ne s’était rien passé de grave à Pouzauges pouvant expliquer une perte importante de population en dehors de l’indication de la lettre de Nogaret qui présente maintenant tous les critères d’un caractère d’authenticité.

Le massacre de l’église Saint-Jacques devenait une possibilité contraignante ; il prenait enfin corps.

  

 Ici s’achève la première partie de notre enquête. Quatre années s’étaient écoulées à reconstituer avec précision l’histoire de Pouzauges, à fouiller des archives, en se déplaçant jusqu’à Paris, à recopier, déchiffrer… Quatre années de patience, de ténacité, de passion, entrecoupées parfois de périodes de découragement au gré des aléas des recherches ; quatre années soutenues par la prière, en refusant de juger, de prendre parti afin de rester serein et impartial et au cours desquelles je me suis toujours senti accompagné par la Providence sur ce dossier qui n’était pas le mien mais appartenait à l’histoire de l’Eglise souffrante.

Mais, en était-ce vraiment fini des recherches ? Devait-on enfin conclure le dossier ? Pourrait-on aller plus loin et passer des documents aux traces archéologiques ? Vous le saurez dans le prochain numéro du Cep


[1]Que l’on me pardonne d’user parfois de la première personne du singulier, mais il n’était guère possible de faire autrement sur cette enquête.

[2] Et l’archiviste diocésain, qui eut quand même l’amabilité de me donner quelques références d’archives utiles, me répondit, lorsque je lui disais qu’il s’agissait de martyrs de la foi : « Mais qu’est-ce qu’on va faire de tout cela ? Il y a déjà les prêtres des pontons de Rochefort ! »…encourageant n’est-ce pas ?

[3] N’a-t-il pas orthographié dans sa lettre le lieu de la défaite subie à Chemillé en « Chemilier » et Saint-Maixent en Saint Maixant ?

[4] Dominique et Baptiste Nogaret avaient-ils participé avec leurs amis révolutionnaires à la violation de la tombe de la marquise de Sévigné à Grignan ? On peut le penser. En effet, la marquise décéda dans le château de sa fille, Mme de Grignan, à l’âge de 70 ans, le 17 avril 1696. Sa sépulture fut violée par les révolutionnaires de Grignan, au prétexte de récupérer le plomb du cercueil. Le crâne fut scié en deux, le maçon conserva une mèche de cheveu, le notaire une côte (qui sera montée dans un médaillon), le juge de paix une dent (qui sera montée en bague), etc… !!! (Charlier Philippe, Médecins des morts, récits de paléopathologie, Fayard, 2006, pp. 319-320, et Riaud Xavier, Quand la dent mène l’enquête…, L’Harmattan, 2008, pp. 138-140.)

[5] Cette ville deviendra Saint-Maixent-l’Ecole en 1881, par l’implantation d’une école militaire d’Infanterie.

[6] Jeanneau & Lacassagne Graphologie, Conseil en Recrutement. Résultats de l’étude graphologique schématique en date du 31 août 1994.

[7] Louis Brochet, La Vendée à travers les âges, réédition de 1991, t. 2, p. 434-435.

[8] Historia de 1980 « Spécial Vendée et Chouans », cité dans Les Guerres de l’Ouest, 1983, p. 175.

[9] Archives nationales : Liste des Commissaires des Guerres de 1794 (AF II – 293 A, maquette 2442).

[10] Détruisez-La Vendée, sous la direction de Jacques Hussenet, 2007, Editions du CVRH.

[11] Compte tenu du contexte historique de Pouzauges-le-Vieux, très hostile aux idées révolutionnaires, il y a lieu d’émettre des doutes sur la qualité des chiffres du recensement de 1796.

[12] Ces chiffres sont à rapprocher de ceux des registres protestants d’un siècle auparavant incluant les deux Pouzauges : 1674 : 50 baptêmes, 1676 : 46, 1677 : 62, 1678 : 50, 1679 : 44 (source : Paul Romane Musculus, « L’Eglise réformée de Pouzauges, de l’Édit de Nantes à sa révocation», extrait du Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, janvier-février-mars 1979, page30.

[13] Si on affecte le coefficient multiplicateur de 27 à la moyenne de 12,7 pour les naissances, nous obtenons 342,90 habitants, confirmant ainsi les recensements qui nous indiquent une croissance de la population : de 330 habitants (en 1806) à 452 (en 1820).

[14] Ainsi, si nous prenons la bourgade de La Gaubretière : environ 1.200 morts pour une population de 1.800 habitants (Louis Delhommeau, archiviste diocésain, La paroisse de la Gaubretière, 1993, p. 39).

[15]Abbé Auguste Billaud, Clément Blandin, Louis Brochet Abbé Deniau, Dugast-Matiffeux, Alfred Lallié, Savary, archives personnelles de Jean Lagniaux, etc.

[16] Exception faite pour le sénéchal de Pouzauges, avocat de son état, qui après avoir été membre du Directoire Départemental, en 1790 et 1792, passera du côté insurgé, en 1793, et disparaîtra dans la « Virée de Galerne ».

[17]Dominique Dillon, alors âgé de 56 ans, en épousera  le 5 août 1798, la fille, Eulalie Josse, 17 ans, qu’il avait d’ailleurs baptisée à sa naissance. Il était très fier de celle qui était déjà sa maîtresse, « belle comme l’amour, fraiche comme Vénus… et qui n’était passée par les mains d’aucun autre homme ».

[18] Les registres révolutionnaires indiquent systématiquement 15 heures comme heure des décès par exécution de la sentence de mort par guillotine.

[19] Il sera agent de la Commune en l’an VI et VII de la République. Le père de Louis et de Joseph, Mathurin Friot, Sieur du Beugnon, procureur et notaire royal, avait épousé la protestante Marie-Anne Payneau. Le juge Louis Friot succéda au juge de paix Charles-Candide Boutillier du Retail, de La Flocellière, qui avait été emprisonné à Chinon, Bourges et Orléans, avant d’être exécuté sans jugement à Saumur le 18 frimaire, an II (8 décembre 1793). Sa femme a été condamnée à mort par le tribunal criminel du département de la Vienne, le 2 janvier 1794, à Poitiers. ,

[20]Une frénésie d’achat s’était emparée des patriotes. On y vendait des maisons, des propriétés, des métairies pour une bouchée de pain. Cela va sans dire que, en corollaire, la qualité des dénonciations ne devait pas être en reste surtout envers les propriétaires des biens convoités. Les ventes continuèrent jusqu’en l’an VII (1799). Affaires juteuses, d’autant plus que l’inflation était galopante, et que les achats n’étaient pas payées au comptant mais sur 5 à 7 ans et en livres d’assignats ! Rappelons que l’assignat avait déjà été dévalué de 67% depuis sa création de 1789 à 1791, de 34% de 1791 à 1794 pour arriver à 0,1% de sa valeur initiale en 1796 ! Un avoir de 3.000 livres d’assignats de 1790 ne valait plus que 100 francs de mandats en 1796, puis 1 franc d’argent en 1797. Les biens se vendaient entre 100 livres et 3.000 livres en 1793. Ainsi se créèrent de nouvelles et vastes fortunes qui justifièrent parfois l’achat d’un titre de noblesse, au cours du XIXème siècle, pour effacer une origine peu recommandable.

[21] On a vu ainsi une famille protestante notoire, chapelier et tanneur, devenir propriétaire d’un grand nombre de maisons et plus tard pouvoir acquérir une très grande partie des salines de l’île de Ré. Dominique Dillon n’en était pas de reste dans l’affaire : il avait acquis un certain nombre de maisons de maître et de métairies dans le canton et au delà. L’examen de « l‘inventaire de 1808 des maisons détruites de Vendée » ainsi que des « registres d’indemnisation de 1810 des maisons détruites de Vendée » montrent une concentration anormale de l’immobilier pouzaugeais entre les mains des personnes favorables à la Révolution.

[22] Information que nous n’avons pu vérifier. Les initiateurs de cet honneur rendu aux frères Friot se sont bien gardés de révéler cette partie peu honorable de leur passé.

[23] Ces célébrations clandestines avaient déjà été inaugurées sur Pouzauges par la communauté protestante dans ses jours sombres. Pour échapper aux arrestations, les insurgés vendéens avaient pour recours de se réfugier au plus profond des forêts, souvent avec leur famille, pour échapper aux arrestations, dans des campements de fortune qui à certains endroits sont devenus de véritables villages. Les patriotes les en chassaient en organisant des battues avec des meutes de chiens spécialement dressés à cet effet. Sur Pouzauges, les hommes de Charrette avaient surpris en pleine action et anéanti les «chasseurs patriotes» de Pouzauges.

[24] Ce château avait appartenu par mariage au Connétable Gilles de Rais. Ancien compagnon de Jeanne d’Arc, il s’était ensuite adonné à la débauche puis à la magie noire, provoquant l’enlèvement et le massacre de dizaines d’enfants dont le sang, pensait-il, aurait le pouvoir de transmuter le fer en or. Arrêté et jugé à Nantes, il fut condamné au bûcher, place du Bouffay.

[25]Nous n’avons trouvé que 2 victimes de Pouzauges-la-Ville.

[26] Toutes des fiefs protestants…

[27] Assertion ancienne véhiculée par la municipalité révolutionnaire, au XIX ème, puis transmise sans être vérifiée par le Revue du Bas-Poitou ( T. IX, p.429), et enfin reprise par l’abbé Billaud dans son Histoire religieuse de Pouzauges et par tous ceux qui écrivent sur l’histoire de Pouzauges sans vérifier leurs sources. C’est ainsi que des erreurs passent pour des vérités.

[28] En particulier Lemarchand dans Album vendéen, réédition de 1856, page 44 : « Pendant plusieurs mois, l’incendie ne cessa de fumer la ville. Les républicains brûlèrent d’abord les maisons des royalistes ; ceux-ci, par représailles, brûlent les maisons des républicains et le reste fut réduit en cendre par les hordes du boucher Grignon ». Le Dr Gallot écrit dans ses mémoires, qu’en mars 1794, D. Dillon avait eu juste le temps de se sauver de son ancien presbytère, qu’il avait acheté, avant que « tout le bourg, où il n’y avait que des patriotes, (ne) devinssent la proie des flammes ». Nous avons, de plus, une confirmation indirecte de la disparition de la communauté catholique.

[29]Dans les recherches sur la constitution du patrimoine immobilier que nous avons menées, nous avons vu des maisons vendues aux « copains » révolutionnaires pour 100 livres, soit le prix d’une livrée de garde national!

[30] Archives départementales de la Vendée.

[31]Le patrimoine immobilier des révolutionnaires de Pouzauges ne ses cantonnait pas seulement à Pouzauges mais débordait sur les bourgades environnantes et même plus loin.

[32] La Municipalité avait attribué aux révolutionnaires plus de 70% du montant des indemnisations et les plus fortes sommes par maison.

[33]Elles étaient effectuées par des enfants de 13 à 15 ans enrôlés en Allemagne.

[34] Alfred Lallié, La justice révolutionnaire à Nantes et en Loire inférieure, 1866

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